This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at |http : //books . google . corn/
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer r attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse ] ht tp : //books .google . corn
MÉMOIRES
DE
L'ACADÉMIE DE VAUCLUSE.
DEUXIÈME SÉRIE
TOME IV. — ANNÉE 1904.
AVIGNON
FRANÇOIS SEGUIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
//, rue Bouquerie. ti
«904
ACADEMIE DE VAUCLUSE
FONDÉE LE 20 JUILLET 1801.
Président d'honneur : M. Mordon.
BUREAU POUR U ANNÉE 1904.
Président , . . . . MM. de Vissac.
Vice-présidents { Joleaud.
( H. Paul.
Secrétaire général Labande.
' DE Terris.
Présidents de section ) , Pansier.
( R. Roux.
Secrétaire Ghatelet.
Trésorier Bonnecaze.
Bibliothécaire Dxdiée.
I. - MEMBRES D'HONNEUR.
MM.
L'Archevêque d'Avignon.
Le Général commandant la 3o* division militaire.
Le Préfet de Vaucluse.
Le Maire de la ville d'Avignon.
Fabre, ^y docteur es sciences, à Sérignan.
FuzET (Mgr), ^, archevêque de Rouen.
Guillaume, G. O. *, directeur de l'Académie de France, à Rome.
JuLLiAN, Camille, *, Q L, professeur à l'Université de Bordeaux.
Lasteyrie (Comte de), Robert, *, L, membre de l'Institut, à
Paris.
Mistral, Frédéric, O. *, à Maillane.
l32 MÉMOIRES
Le rôle de la documentation graphique est de venir en aide à la
description toujours insuffisante ; nous ne l'oublierons pas ; il ne
s'agit plus, en effet, de signaler des monuments, de copier plus
ou moins correctem*L*nt des inscriptions, il importe que les
constructions, les objets d'art, les documents épigraphiques
soient exactement reproduits, de façon à permettre l'exercice de
la critique lorsque les objets auront disparu.
Sans oublier ce qui a pu être publié ou écrit avant ces Études,
je ne me suis fié ni aux affirmations ni aux racontars ; j'ai tenu à
me rendre compte de visu de tout ce dont j'avais à parler ; ce
travail ne sera donc point autre chose que le résultat d'une fré-
quentation prolongée des lieux, des hommes et des choses. J'es-
time en effet que ce n'est que par une sorte de cohabitation avec
les textes et les monuments qu'il est possible de formuler des
conclusions solides et sérieuses ; les erreurs que j*ai pu com-
mettre n'entacheront donc pas ma bonne foi.
Je souhaite, en terminant, que dans les centres d'une certaine
importance historique, d'autres enquêtes de ce genre soient
entreprises ; ce n'est qu'après la publication de tous les monu-
ments, de tous les vestiges anciens, que l'on pourra dégager
définitivement les éléments de l'archéologie nationale. Le grand
essor donné par de Caumont à l'étude de nos édifices a abouti,
ces temps derniers, à la publication d*un ouvrage aussi impor-
tant que celui de M. Enlart ; son Manuel a été mon guide : je le
recommande à tous ceux qui veulent avoir un conseiller exact
dans leurs études archéologiques.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE i33
I.
Le Vallon de l'Aiguebrun.
BUOUX
Le Village et l'ancien Fort. — Saint-Symphorien.
SOURCES et bibliographie (I).
Archives communales de Buoux. — Des archives antérieures à 1790, des documents
révolutionnaires et même de ceux du XIX' siècle, antérieurs à i83o,il ne subsiste que
quelques papiers qui ont échappé, par hasard, à un acte de vandalisme relativement
récent : en 1848, le maire delà commune, ignorant et inconscient, fit un auto-da-fé de
tous les documents qu'il trouva à la mairie. « ces paperasses n'étant bonnes, dit-il.
qu'à engendrer la poussière •; deux registres de l'état-civil trouvèrent grâce, ainsi
que le cadastre et les états de sections ; parmi les rares liasses oubliées, se trouvent
trois comptes du trésorier communal, des circulaires imprimées, des quittances de
paiement des tailles (XVII* et XVIU" siècles).
Tout ce qui pouvait éclairer l'histoire de Buoux, comptes, délibérations, titres du
moyen âge, pièces relatives au Fort, tout est anéanti ; les registres d'état religieux
(baptêmes, mariages et décès) commencent au i*' janvier 1637 et vont jusqu'au
3o décembre 1792(2); la série CC ne comprend que deux terriers dressés, l'un en
i665 par deux notaires (in-fol. de 129 p., incomplet) et le second en 1718(3).
Archives de la ville d'Apt. — Directement intéressée au sort de l'ancien Fort de
Buoux, la ville d'Apt s'est trop préoccupée à toutes les époques de la défense de ce
point et de sa garnison, pour que les documents aptésiens n'en aient pas conservé de
fréquentes traces ; les délibérations depuis le XIV siècle jusqu'au milieu du XVII'.
les comptes trésoraires, les pièces relatives aux dépenses des guerres de religion ont
fourni la plus grande partie des renseignements sur l'histoire du Fort consignés dans
cette partie des Études,
Les Archives des Bouches-du-Rhône contiennent quelques documents intéressant
Buoux, surtout après le XV' siècle ; ils ont été employés.
L'Histoire de la ville d'Api de Rémerville, sans donner des renseignements précis
sur le rôle du fort de Buoux, n'était pas à négliger; nous avons pu nous rendre
compte par la comparaison de son récit avec les documents qu'il avait consultés, du
scrupule apporté par cet érudit à la rédaction de son œuvre.
(i) Nous ne mentionnerons pas, dans les bibliographies de ces études, les grlhids
ouvrages utilisés pour tout le territoire, par exemple : Papon (Histoire dt Provence] ;
Bouche, Id Gallia Christiatta, le Corpus inscriptionum latinarum, t. XII, etc.
(a) 3 vol. in-4» reliés, en assez bon état.
(3) L'inventaire des vestigia des archives de Buoux, par Achard, existe sur fiches
à la Bibliothèque d'Avignon, ms. n* i588.
Fi
1^0-^
ACADEMIE DE VAUCLUSE
FONDÉE LE 20 JUILLET 1801.
Président d'honneur : M. Mordon.
BUREAU POUR L'ANNÉE 1904.
Président , . . . . MM. de Vissac.
y<ce^résùUn>s j J-"-
Secrétaire général Labande.
' DE Terris.
Présidents de section ) , Pansier.
( R. Roux.
Secrétaire Chatelet.
Trésorier Bonnecaze.
Bibliothécaire Didiée.
I. — MEMBRES D'HONNEUR.
MM.
L'Archevêque d'Avignon.
Le Général commandant la 3o' division militaire.
Le Préfet de Vaucluse.
Le Maire de la ville d'Avignon.
Fabre, ^, docteur es sciences, à Sérignan.
FuzET (Mgr), *, archevêque de Rouen.
Guillaume, G. O. *, directeur de l'Académie de France, à Rome.
JuLLiAN, Camille, *, y L, professeur à l'Université de Bordeaux.
Lasteyrie (Comte de), Robert, *, L, membre de l'Institut, à
Paris.
Mistral, Frédéric, O. *, à Maillane.
IV LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
MEMBRES TITULAIRES AYANT PERPETUE LEUR COTISATION.
MM.
Chobaut, Alfred, <ij, docteur en médecine, bienfaiteur de l'Académie,
à Avignon (5 avril 1889).
Eysséric, Joseph, O, artiste peintre, à Carpentras (i*' mars 1895).
L'Epine (Marquis de), Raymond, à Avignon (i3 avril 1899).
Manteyer (de) Georges, archiviste paléographe, à Manosque
(7 janvier 1904).
Owens (Miss), Florence-Shakespeare, à Avignon (5 mars i9o3).
Pansier, Pierre, docteur en médecine, à Avignon (3 février 1898).
MEMBRES TITULAIRES (i).
MM.
Abric, Maurice, négociant, à Avignon (i883).
AcHARD, Félix, percepteur, à Avignon (1882).
Alphant, O. *, docteur en médecine, à Avignon (i*" juin 1895).
Amic, Joseph, avocat, â Avignon (6 mars 1902).
Annequin, Jehan, secrétaire de la Chambre des avoués, à Lyon
(9 octobre 1902).
Antiq, notaire, à Avignon (5 mai 1904).
Arbaud, Paul, bibliophile, à Aix-en-Provence (1884).
Arnaud, notaire, à Arles (1886).
Arnaud, notaire, à Barcelonnette (6 juin i885).
Arnaud df Fabre, docteur en médecine, à Avignon (i883).
Aubert, juge de paix, à Chénerailles (Creuse) (1892).
AuGROs, docteur en médecine, à Lyon (4 mars 1904).
Augûiot, docteur en médecine, à Lyon (i885).
Aurouze (Abbé), professeur, à Avignon (2 décembre 1897).
Avon, Emile, propriétaire, à Avignon (i 883).
Avon de Collongue (Baron d^), ministre plénipotentiaire de
France, à Collongue, près Cadenet (6 novembre 1902).
Azémar, docteur en médecine, à Avignon (2 décembre 1897).
(I) L'Académie, en réformant dernièrement ses statuts^ a décidée la suppression de
la catégorie des membres associés. L'astérisque indique les anciens associés, qui, par
le bénéfice du nouveau règlement, sont devenus titulaires.
DE LA SOCIETE V
Bayol, dessinateur à la chefferie du 7* génie, à Avignon (2 décem-
bre 1897).
Beaulieu (Db), Roger, notaire, à Avignon (5 mai 1904).
Bec, Fortuné, docteur en médecine, à Avignon (3 décembre igoS).
Belladen, Louis, négociant, à Avignon (2 décembre 1897).
Berger, Jean, pharmacien-chimiste, à Lyon (9 octobre 1902).
Biret, Noël, ((I, ferronnier d*art, à Avignon (1882).
Blanc, Alfred, professeur au Lycée d'Avignon (4 mars 1904).
Blanc, Léon, instituteur en retraite, à Serviers-Labaume (Gard)
(1891). ^
BocH, architecte, à Avignon (7 janvier 1904).
BoNNECAZE, agent d'assurances, à Avignon (16 avril 1896).
Bonnet, Julien, ancien conseiller de préfecture, à Avignon (1882).
Bonnet, Léon, ancien bâtonnier de Tordre des avocats, à Avignon
(i883).
Bonnet, Victor, docteur en médecine, à Oppède (6 février 1896).
Bourges, Gabriel, Q L, professeur de dessin à Avignon (1882).
Bourges, Michel, médecin de la marine, à Madagascar (i*' février
1900). .
Broelemann, Henry, banquier, à Paris (11 octobre 1900).
Bruguier-Roure, au Pont-Saint-Esprit (8 janvier 1887).
Brun, Pierre-, juge de paix, à Laghouat (Alger) (6 janvier 1897).
Brunel, Léon, à Avignon (2 avril 1887).
Camatte, notaire, à Avignon (16 janvier 1902).
Capeau, Edmond, publiciste, à Avignon (6 janvier 1898).
Capdevilla, Dominique, négociant, à Avignon (3 décembre I903j.
Carre, docteur en médecine, à Avignon (1882).
Cartoux, professeur de rhétorique au Lycée d'Avignon (17 octobre
1901).
Cassin, Paul, docteur en médecine, à Avignon (1882).
Caucanas, ingénieur du canal de Pierrelatte, à Orange (7 février
i885).
Chambon, a., juge au Tribunal de commerce d'Avignon (16 jan-
vier 1902).
• Chambre de commerce d'Avignon (1892).
Chassang (Abbé), professeur au Petit Séminaire d'Avignon
(i'" février 1895).
Chatelet, Casimir, employé à la Préfecture, à Avignon (9 no-
vembre 1899).
Chrestian, ancien maire, à Sault (1882).
Clavel lAbbé), aux Imberts (14 juin 1900).
yi LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
CouRjON (D'), directeur de rétablissement médical de Meyzieu
(Isère) (5 février igoS).
CussAC (Abbé), ancien vicaire général, au château de Mimande, à
Chaudenay (Saône-et-Loire) (i i novembre 1897;.
Darmet, Emmanuel, à Lyon (17 avril 1902).
Dauvergne, avoué, à Avignon (2 juin 1898).
David, Paul, ingénieur, au château du Joncquier, près Bagnols
(6 juin 1901).
Delacour, Théodore, à Paris (i883).
Delaly, Alfred, ingénieur à la C'*P.-L.-M., à Avignon (4 juillet
1891).
Deleuze, avocat, à Paris (1886).
Delmas, Jacques, H^ L, professeur hon. au Lycée de Marseille
(25 octobre 1899).
Delorme, sculpteur, àUzès (1886).
Destandau, pasteur de la religion réformée, à Mouriès (1892).
Deydier, Marc, notaire, à Cucuron (1890).
DiDiÉE, conducteur des Ponts-et-chaussées, à Avignon (17 octobre
1901).
Ducommun, André, électricien, à Avignon (7 juin 1895).
Ducos, O. *, ancien député de Vaucluse (1882).
DuLaurens (Baron), Guillaume, à Avignon (i3 avril 1899).
DuNAND, Paul, à Avignon (11 juin 1903).
Duprat, Eugène, professeur au Lycée d'Avignon (16 janvier 1902).
Durand (Abbé), chanoine honoraire, directeur au Petit Séminaire
de Beaucaire (4 janvier 1889).
Durbesson, docteur en médecine, à Avignon (4 juin 1896).
Épinat, *, Pierre, industriel, à Lyon (17 avril 1902).
EspÉRANDiEu, Emile, ejf, 1^ L, capitaine à Paris (6 septem-
bre 1895).
Fagniez, Charles, entomologiste, au château de la Bonde (16 jan-
vier 1902).
Faucher (De), Paul, à Bollène (1882).
Fauchier, notaire, à Orange (5 juillet 1890).
Faure, Jean-Louis, à Lyon (6 mars 1902).
FiCHAUX, O. *, lieut.-colonel d'artillerie territoriale, à Avignon
(1886).
Florence, Q L, professeur à la Faculté de médecine de Lyon
(il juin 1903).
Florent, ancien président du Tribunal de commerce, à Avignon
(11 novembre 1897).
DE LA SOCIETE VII
Francion, Louis, négociant, à Avignon (i6 janvier 1902).
Fructus (Abbé), curé de Grillon (7 mars 1901).
Frutière (Mgr), prélat de la maison de Sa Sainteté, à Nimes
(4 janvier iSgS).
Gap, Lucien, instituteur, à Suzette (1882).
• Garcin, JI, ancien greffier du Tribunal civil, à Apt (1884).
Gaudemaris (Marquis de), au château de Massillan, par Orange
(5 novembre igoS).
Genin, Joseph, *, officier principal d'administration en retraite,
à Avignon (i" décembre 1899).
Gérin-Ricard (Vicomte de), ||, à Marseille (1882).
Gilles, Joseph, à Avignon (5 mars igoS).
Gleizal, Albert, ingénieur civil, à Avignon (5 juillet iSgS).
Glénard, F., *, docteur en médecine, correspondant de l'Acadé-
mie de médecine, à Paris (11 juin igoS).
GoNDRAN, avocat, à Avignon (i3 avril 1899).
GouBET, Henri, avocat, à Avignon (i3 avril 1899).
Gouell, *, médecin en chef de Thôpital militaire d'Avignon
(3 mars 1898).
Grailly (Comte de) , inspecteur général du Crédit foncier, à Paris
(7 juin 1895).
Granet, Léonce, propriétaire, à Roquemaure (1882).
Grimaud (Abbé), |>, directeur de Tlnstitut des sourds-muets, à
Montfavet (2 juin 1890).
Grimaud (Abbé), Augustin, curé de Sorgues (10 janvier 1901).
Griolet, #, sous-intendant militaire, à Nice (9 septembre 1895).
Grivolas, Pierre, Q L, directeur de TÉcole des Beaux-Arts, à
Avignon (1882).
Guende (M"*), Blanche, à Cavaillon (4 juin 1887).
GuÉRiN, Joseph, propriétaire, à Marseille (2 juillet 1896).
GuiBERT, avoué, à Avignon (i883).
GuiGNARD DE BuTTEviLLE, à Chouzy (Loir-et-Cher) (i885).
• Honorât, Bastide, à Digne (1892).
HuGUET (Abbé), Joseph, à Saint-Chamond (Loire) (6 mars 1902).
Imbert de la Touche, docteur en médecine, à Lyon (8 janvier 1903).
JoLEAUD, *, OL, sous-intendant militaire, à Avignon (8 novembre
1900).
Jouve (M"'), Marie-Thérèse, à Cavaillon (6 mars 1902).
Kasler, tapissier, à Avignon (8 janvier i9o3).
Labande, L.-H., q L, conservateur de la Bibliothèque et du
Musée-Calvet, à Avignon (7 mars 1891).
Vni LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
La Boulie (Giraud de), Hippolyte, à Avignon (9 octobre 1902).
Laffont, docteur en médecine, à Llsle (17 octobre 1901).
Larché, 0, docteur en médecine, à Avignon (i883).
Lassalle, capitaine trésorier au 7* génie, à Avignon (2 juillet 1896).
Laval, Victorin, ^^ || L, médecin major en retraite, à Avignon
(1882).
Le Gras, notaire, à Avignon (2 juin 1898).
Levezou (Abbé), ciiré delà Barthelasse (11 novembre 1897).
Leydet, Victor, artiste peintre, à Avignon (6 juin 1901).
Limasset, docteur en droit, à Avignon (1882).
Maisonneuve, Georges, à la Bégude, près Rochefort (2 avril igoS).
Manivet, Paul, 9, juge de paix, à Bollène (i883).
Mariéton, Paul, chancelier du Félibrige, à Paris (1891).
Marmoiton, conseiller à. la Cour d'appel de Nancy (5 avril 1900).
Martin, architecte, à Avignon (5 juin 1902).
Martin, propriétaire, à Thouzon (Le Thor) (1886).
Maumet, Rémy, lépidoptériste, à Avignon (6 décembre 1900).
Meffre (Mgr), prélat de la maison de Sa Sainteté, à Rome
(29 avril 1893).
Méritan (Abbé), Jules, curé au Villars (3 février 1898).
Meunier (Mgr), évêque d'Évreux (8 juillet 1897).
Michel, Fernand (Antony Real fils), à Orange (4 janvier 1895).
Michel, Louis, lyj, O. *, directeur de la Société générale,
ancien président du Tribunal de commerce, à Avignon (16 no-
vembre 1898).
Michel-Béchet, docteur en médecine, à Avignon (7 juin 1895).
Mistral, notaire, à Sault (14 novembre 1901).
Mordon, F., ancien trésorier-payeur général, à Bourg-la-Reine
(Seine) (2 avril 1887).
MouRAL, *, chef du génie, à Toulon (3 mai 1900).
MouziN, Alexis, Q L, receveur municipal, à Avignon (1882).
Naquet, Gustave, ancien président du Tribunal de commerce, à
Avignon (2 juin 1898).
NouRRY, Marcel, à Avignon (7 décembre 1899).
Paillasson, egs, docteur en médecine, conseiller général du Rhône,
à Lyon (2 avril 1903).
Palun, Auguste, négociant, à Avignon (1882).
Pamard, O. ^, Q L, docteur en médecine, à Avignon (1882).
Parrocel, Pierre, Q L, docteur en droit, substitut du procureur
de la République, à Marseille (5 avril 1898).
Paul, Henri, O. *, préfet honoraire, à Avignon (16 juin 1901).
DE hh SOCIÉTÉ IX
Pellat. Edmond, O. *, inspecteur général honoraire au Ministère
de l'intérieur et ancien président de la Société géologique de
France, à la Tourette près Tarascon (2 juillet i8g6).
Penne, docteur en médecine, à Avignon (14 novembre igoO-
Pernod, Jules, négociant, à Avignon (1882).
Perret, Marius, homme de lettres, à Avignon (i3 février 1902).
Perrin, instituteur, à Avignon (5 janvier 1892).
PiCHENOT, rpédecin en chef de Tasile des aliénés à Montdev^rgues
(17 octobre 1901).
PouPART, à Avignon (3 décembre igoS).
Prat, directeur de rinstitut médical d'aérothermothérapie , à
Paris (2 avril igoS).
Privât (Général), O. «J, commandant 1^ Sg* brigade d'infanterie, à
Nimes (6 juin 1901).
Protton, Pierre, fabricant de meubles, à Avignon (i883).
Puthod, administrateur-directeur de la Société des tnineç de
Sainte-Paule et de Ternand (Rhône) {17 avril 1902).
PuYMALY, Henri, 0, au château Lafosse, à Cauderan (Gironde)
(4 décembre 1902).
QuEYTAN, Félix, chanoine titulaire, à Avignon (17 octobre 19P1).
Ranchier, pharmacien, à Carpentras(i7 octobre 1901).
Rastoul, Joseph, à Singapour (6 juin 1901).
Raynolt, anc. greffier du tribunal, à Avignon (i*' février 1900).
Reboulet, *, capitaine au 58' d'infanterie, à Avignon (4 décembre
1902).
Redon (Abbé), grand-vicaire du diocèse d'Avignon (4 juillet 1901).
Requis, docteur en médecine, à Villeneuve-lez-Avignon (1882).
Renaut, *, ^ I., professeur à la Faculté de médecinq de Lyqn
(ï I juin 1903).
• Rencurel, conseiller de préfecture, à Avignon (1882).
Requin (Abbé), 1^ I. , archiviste diocésain, à Avignon (7 février i885) .
Ripert, professeur de musique, à Avignon (2 décembre 1897).
RiPERT-MoNCLAR (Marquis de), 0.*,anc. ministre plénipotentiaire
de France, au château d'Allemagne (B.-Alpes) (6 novembre i9o3).
Roche, Gaston , docteur en médecine, à Sorgues{ 14 novembre 1902).
RocHETiN (M"*), à Arpaillargues (Gard) (1 1 novembre 1897).
Rouis, inspecteur-adjoint des forêts, à Carcassonne (5 avril 1895).
RoussET, Antonin, inspecteur des forêts en retraite, à l^'Isle
(3 mai 1900).
RouviÈRE, avoué, à Avignon (3i mars 1898),
Roux, notaire, à Cavaillon (1882),
VIII LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
La BouLiE (Giraiid de), Hippolyte, à Avignon (9 octobre 1902).
Laffont, docteur en médecine, à Llsle (17 octobre 1901).
Larché, <|, docteur en médecine, à Avignon (i883).
Lassalle, capitaine trésorier au 7* génie, à Avignon (2 juillet 1896).
Laval, Victorin, ^, ^ L, médecin major en retraite, à Avignon
(1882).
Le Gras, potaire, à Avignon (2 juin 1898).
Levezou (Abbé), curé de la Barthelasse (11 novembre 1897).
Leydet, Victor, artiste peintre, à Avignon (6 juin 1901).
Limasset, docteur en droit, à Avignon (1882).
Maisonneuve, Georges, à la Bégude, près Rochefort (2 avril igoS).
Manivet, Paul, 9, juge de paix, à Bollène (i883).
Mariéton, Paul, chancelier du Félibrige, à Paris (1891).
Marmoiton, conseiller à la Cour d'appel de Nancy (5 avril 1900).
Martin, architecte, à Avignon (5 juin 1902).
Martin, propriétaire, à Thouzon (Le Thor) (1886).
Maumet, Rémy, lépidoptériste, à Avignon (6 décembre 1900).
Meffre (Mgr), prélat de la maison de Sa Sainteté, à Rome
(29 avril 1893).
Méritan (Abbé), Jules, curé au Villars (3 février 1898).
Meunier (Mgr), évêque d'Évreux (8 juillet 1897).
Michel, Fernand (Antony Real fils), à Orange (4 janvier 1895).
Michel, Louis, lyj, O. ♦, directeur de la Société générale,
ancien président du Tribunal de commerce, à Avignon (16 no-
vembre 1898),
Michel-Béchet, docteur en médecine, à Avignon (7 juin 1895).
Mistral, notaire, à Sault (14 novembre 1901).
Mordon, F., ancien trésorier-payeur général, à Bourg-la-Reine
(Seine) (2 avril 1887).
MouRAL, *, chef du génie, à Toulon (3 mai 1900).
Mouzin, Alexis, Q L, receveur municipal, à Avignon (1882).
Naquet, Gustave, ancien président du Tribunal de commerce, à
Avignon (2 juin 1898).
NouRRY, Marcel, à Avignon (7 décembre 1899).
Paillasson, ^, docteur en médecine, conseiller général du Rhône,
à Lyon (2 avril 1903).
Palun, Auguste, négociant, à Avignon (1882).
Pamard, O. ^, ijk L, docteur en médecine, à Avignon (1882).
Parrocel, Pierre, Q L, docteur en droit, substitut du procureur
de la République, à Marseille (5 avril 1898).
Paul, Henri, O. *, préfet honoraire, à Avignon (16 juin 1901).
DE hK SOCIÉTÉ IX
Pellat, Edmond, O. *, inspecteur général honoraire au Ministère
de l'intérieur et ancien président de la Société géologique de
France, à la Tourette près Tarascon (2 juillet 1896).
Penne, docteur en médecine, à Avignon (14 novembre 1901).
Pernod, Jules, négociant, à Avignon (1882).
Perret, Marius, homme de lettres, à Avignon (i3 février 1902).
Perrjn, instituteur, à Avignon (5 janvier 1892).
PiCHENOT, ipédecin en chef de l'asile des aliénés à Montdev^rgues
(17 octobre igoi).
PouPART, à Avignon (3 décembre igoS).
Prat, directeur de l'Institut médical d'aérothermothér^pie , à
Paris (2 avril igoS).
Prhtat (Général), 0. *, commandant 1^ bot brigade d'infanterie, à
Nimes (6 juin 1901).
Protton, Pierre, fabricant de meubles, à Avignon (i883).
^PuTHpD, administrateur-directeur de la Société des mineç de
Sainte-Paule et de Ternand (Rhône) (17 avril 1902).
PuYMALY, Henri, 0, au château Lafosse, à Gauderan (Gironde)
{4 décembre 1902).
QuEYTAN, Félix, chanoine titulaire, à Avignpn (17 octobre 1901).
Ranchier, pharmacien, à Carpentras(i7 octobre 1901).
Rastoul, Joseph, à Singapour (6 juin 1901).
Raynolt, anc. greffier du tribunal, à Avignon (i" février 1900).
Reboulet, *, capitaine au 58* d'infanterie, à Avignon (4 décembre
1902).
Redon (Abbé), grand-vicaire du diocèse d'Avignon (4 juillet 1901),
Requis, docteur en médecine, à Villeneuve-lez-Avignon (1882).
Renaut, *, I., professeur à la Faculté de médecine de Lyon
(il juin 1903).
• Rencurel, conseiller de préfecture, à Avignon (1882).
Requin (Abbé), 1^1 1., archiviste diocésain, à Avignon (7février i885).
Ripert, professeur de musique, à Avignon (2 décembre 1897).
Ripert-Monclar (Marquis de), O.*, anc. ministre plénipotentiaire
de France, au château d'Allemagne (B.-Alpes) (6 novembre igo3).
Roche, Gaston , docteur en médecine, à Sorgues( 14 novembre 1902).
RocHETiN (M"*), à Arpaillargues (Gard) (11 novembre 1897).
Rouis, inspecteur-adjoint des forêts, à Carcassonne (5 avril 1895).
RoussET, Antonin, inspecteur des forêts en retraite, à L'Isle
(3 mai 1900).
RouviÈRE, avoué, à Avignon (3i mars 1898),
Roux, notaire, à Cavaillon (1882),
X MEMBRES TITULAIRES DE LA SOCIÉTÉ
Roux, Rémy, docteur en médecine, à Avignon (8 juillet 1897).
Sabatier, Antoine, (i> L, professeur agrégé à la Faculté de méde-
cine de Lyon (7 janvier 1904).
Sage (Abbé), curé de Mormoiron (9 novembre 1899).
Saint-Martin, Jean, avocat, à Avignon (6 septembre 1895).
Salles, Antoine, avocat à la Cour d'appel, président de la Société
littéraire, historique et archéologique de Lyon (5 mai 1904).
Sallustien (Frère), directeur des Écoles chrétiennes, àUzès(i886).
Saurel, Ferdinand, Q L, chanoine titulaire, à Montpellier (1884).
Sauve, Fernand. 0, archiviste-bibliothécaire, à Apt (1892).
Savinien (Frère), anc. inspecteur des Frères des Écoles chrétiennes,
à Rome (1886). .
Savournin , conseiller général du canton de Gordes , à L'Isle
(17 octobre 1901).
Seynes (De), Léonce, propriétaire, à Saint-Didier (1882).
Tallet, docteur en médecine, à L'Isle-sur-Sorgue (4 mars 1904).
Tardieu, *, docteur en médecine, à Arles (i3 octobre 1888).
Terris (De), ancien notaire, à Avignon (1882).
Thomas, Joseph, négociant, à Avignon (i883).
Thomas, René, pharmacien, à Lyon (9 juillet 1903).
Tourtet, Q, architecte départemental, à Avignon (2 février 1897).
Trouillet (Abbé), curé du Thor (3 mai 1900).
Valabrègue, Roger, avocat, à Avignon (i" mars 1890).
Valayer, Louis, propriétaire, à Avignon (1882).
Valentin, Q, architecte, à Avignon (1882).
Valla (Abbé), Q, curé-doyen de Villeneuve-lez-Avignon (7 dé-
cembre 1894).
Vallentin du Cheylard, Roger, Q, receveur des domaines, à
Montélimar (5 novembre 1887).
• Vayssières, ^ L, professeur à la Faculté des sciences et
conservateur du Muséum d^histoire naturelle, à Marseille (.1891)-
Vécat, Ernest-Frédéric, Qy jurisconsulte, adjoint au maire de
Lyon (9 octobre 1902).
VÉRAN, Auguste, L, architecte, à Arles (i883).
Verdet, Gabriel, *, à Avignon (i883).
Verdet, Marcel, à Avignon (1882).
Vernet, Lucien, Q L, sculpteur, à Avignon (6 juin i885).
ViLLARET (De), *, lieutenant-colonel attaché au XV' corps
d'armée, à Marseille (2 mars 1899).
ViNCENTi, docteur en médecine, à Avignon (14 novembre 1902).
ViONNET, Charles, y>, professeur à TÉcole des Beaux-Arts, à
Avignon (9 novembre 1899).
MEMBRES CORRESPONDANTS DE LA SOCIETE XI
VissAC (Baron de), Marc, directeur du Crédit foncier pour le
département de Vaucluse, à Avignon (i8 octobre iSgS).
VissAC (Baron de), Raoul, château de Montsauve, à Sauveterre
(Gard) (i5 novembre igoS).
Xavier de Fourvières (R. P.), prieur des Prémontrés, à Stor-
rington, duché de Sussex, Angleterre (!•' février iSgS).
Zacharewicz, <|, O. *, professeur û l'École départementale
d'agriculture de Vaucluse (6 juin 1901).
MEMBRES CORRESPONDANTS.
MM.
Allec, Ludovic, anc. directeur de la Revue historique de Pro-
vence, à Marseille.
André, Charles, *, O L, professeur à la Faculté des sciences et
directeur de-l'Observatoire de Lyon.
Barrier, docteur en médecine, à Meyzieu (Isère).
Barthélémy (De), Anatole, *, membre de l'Institut, à Paris.
Beauregard, *, professeur au Muséum, à Paris.
BoiSLiSLE (Dé), *, membre de l'Institut, à Paris.
Cazalis de Fondouce, géologue, à Montpellier.
CoMPAYRÉ, Gabriel, O. *, recteur de l'Université et de l'Académie
de Lyon.
Depéret, Charles, *, doyen de la Faculté des sciences de Lyon.
Devars, docteur en médecine, à Barcelonnette.
Duhamel, Q L, archiviste départemental de Vaucluse, à Avignon.
Gaudry, Albert, *, membre de l'Institut, à Paris.
GouRju, Antonin, sénateur du Rhône.
Guillaume (Abbé), archiviste des Hautes-Alpes.
Janet, Charles, ingénieur des manufactures, à Beauvais.
Lacroix, *, archiviste de la Drôme, à Valence.
Lecomte, adjoint du génie, à Commercy.
Leenhard, géologue, à Montpellier.
Lenthéric, *, ingénieur, à Nimes.
LiEUTAUD, Victor, à Volonne (Basses- Alpes).
LocARD, à Lyon.
Marchand, Henri, sous-directeur honoraire au Ministère de l'agri-
culture, à Paris.
Mas, député de l'Hérault.
MoRTiLLET (De), Adrien, 0, à Paris.
NicOT, pharmacien, à Paris.
XII
SOCIETES CORRESPONDANTES
Saint- Venant (De), inspecteur des forêts, à Nevers.
Testu, professeur à la Faculté de médecine de Lyon.
Villefosse (Héron de), *, conservateur au Musée du Louvre,
membre de Tlnstitut, à Paris.
Sociétés avec lesquelles l'Académie échange ses Mémoires.
Alpes (Basses-) — Société scientifique et littéraire des
Basses-Alpes, à Digne.
Alpes (Hautes-) .... — Société d*étude des Hautes-Alpes, à
Gap.
Alpes-Maritimes .... — Société des lettres, sciences et arts des
Alpes-Maritimes, à Nice.
Aude — Société des arts et sciences de Carcas-
sonne.
Bouches-du-Rhône ... — Académie des sciences, arts et belles-
lettres d'Aix.
Société d'études provençales, à Aix.
Société d'horticulture et de botanique
de Marseille.
Société de statistique de Marseille.
Calvados — Société française d'archéologie pour la
conservation des monuments histo-
riques, à Caen.
Charente — Société archéologique et historique de
la Charente, à Angoulême.
Charente-Inférieure . . — Revue de Saintonge et d'Aunis, à
Saintes.
Constantine — Société archéologique du département
de Constantine.
Corrèze — Société des lettres, sciences et arts de
la Corrèze, à Tulle.
Côte-d'Or — Académie des sciences, arts et belles-
lettres de Dijon.
— Commission départementale des anti-
quités de la Côte-d'Or, à Dijon.
Doubs — Académie des sciences, belles-lettres et
arts de Besançon.
Drame — Société départementale d'archéologie et
de statistique de la Drôme^àValence»
SOCIETES CORRESPONDANTES
xin
Drôme — Bulletin d^histoire ecclésiàstfque des
diocèses de Valence, Gap, Grenoble
et Viviers, à Romans.
Gard — Société scientifique et littéraire d'Alais.
Académie du Gard, à Nimes.
Comité de Tart chrétien, à Nimes.
Société d'étude des sciences naturelles,
à Nimes.
Garonne (Hanite-) ... — Académie des sciences, inscriptions et
belles-lettres de Toulouse.
Société archéologique du Midi de la
France, à Toulouse.
Gironde — Académie nationale des sciences, belles-
lettres et arts de Bordeauk.
Société archéologique de Bordeaux.
Hérault — Société archéologique, scientifique et
littéraire de Béziers.
Académïe des sciences et lettres de
Montpellier.
Société archéologique àé Montpellier.
Société languedocienne de géographie,
à Montpellier.
Société pour l'étude des langues roma-
ines, à Montpellier.
Isère — ACiadémlb delphinale, à Grenoble.
Sbcîété de statistique de Tlsère, à Gre-
noble.
Société des Amis des sciences natu-
relles de Vienne.
Loire — La Diana, ^ Montbrison.
Loiret — Société historique et archéologique de
rOrléafiais, à Orléans.
Lot-et-Garonne — Société 'd'agriculture, sciences et arts
d'Agen. ' "
Meurthe-et-Moselle. . . — Académie de Stanislas, à Nancy.
Société d'archéologie lorraine, à Nancy.
Nord — Comriiissîon historique du départe-
ment du Nord, à Lille.
Université de Lille.
Pas-de-Calais — Société des antiquaires de la Morinie,
à Saint-Omer.
xrv
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
Puy-de-Dôme — Société des Amis de TUniversité de
Clermont-Ferrand.
Pyrénées (Basses-) ... — Société des sciences, lettres et arts de
Pau.
Pyrénées-Orientales . . — Société agricole, scientifique et littéraire
desPyrénées-Orientales,àPerpignan.
Rhône — Académie des sciences, belles-lettres et
arts de Lyon.
Bulletin historique du diocèse de Lyon.
Société linnéenne de Lyon.
Société littéraire, historique et archéo-
logique de Lyon.
Université de Lyon.
Saône-et-Loire — Société éduenne des lettres, sciences et
arts, à Autun.
Société des sciences naturelles de Saône-
et-Loire, à Chalon-sur-Saône '
Savoie — Société savoisienne d'histoire et d'ar-
chéologie, à Chambéry.
Savoie (Haute-) .... — Société florimontane de la Haute-
Savoie, à Annecy.
Seine — Ministère de l'Instruction publique et
des Beaux-Arts : Archives du service
des monuments historiques. — Co-
mité des travaux historiques et
scientifiques.
Société nationale des antiquaires de
France.
Université de Paris.
Somme — Société des Antiquaires de Picardie, à
Amiens.
Tarn — Société des sciences, belles-lettres et
arts du Tarn, à Albi.
Tam-et-Garonne. ... — Société archéologique du Tarn-et-Ga-
ronne, à Montauban.
Var — Académie du Var, à Toulon.
Société d'études scientifiques etarchéo^
logiques de Draguignan.
Vienne (Haute-) .... — Société des Amis des sciences et arts
de Rochechouart.
SOCIETES CORRESPONDANTES XV
Alsace-Lorraine .... — Académie de Metz.
Société pour la conservation des monu-
ments historiques, à Strasbourg.
États-Unis d'Amérique. — American Muséum of natural history,
à New- York.
The Missouri botanical garden.
Lioyd library, à Cincinnati.
Italie - Accademia di conferenze storico-giuri-
diche di Roma.
Suède , . . . _ Université royale d'Upsal.
Kongl.vitterhets, historié och antiqui-
tets Akademien, à Stockholm (Acadé-
mie royale des belles-lettres, histoire
et antiquités).
Suisse — Société neuchâteloise de géographie,
à Neuchâtel.
Historiche und antiquarische Gesell-
schaft, à Bâle.
Installation du nouveau Bureau.
En sa séance du 7 janvier 1904, TAcadémie de Vauciuse,
conformément à ses statuts, a procédé à l'élection de ses membres
qui auront à faire partie du Bureau pour les années 1904 et igoS.
Ont été élus :
MM. M. DE VissAC, président ;
JOLEAIJU, ) . . . . ,
H.Paul, (^'''-^^''^^'^^"'
Labande, secrétaire général ;
J. DE Terris, \
D"^ Pansier, > présidents de section ;
D^ R. Roux, )
C. Chatelet, secrétaire;
BoxNECAZE, trésorier ;
Di DiÉE , bibliothéca ire-arch iviste .
L'installation du nouveau Bureau a eu lieu le 4 février suivant.
M. Gabriel Bourges, président sortant, en remettant ses pouvoirs
â son successeur, a prononcé l'allocution suivante :
Monsieur le Président,
Ce n'est pas avec de longs discours ou en des termes très
choisis que je saluerai votre élection à la présidence de l'Académie
de Vauciuse : les elïorts oratoires tant soit peu prolongés me
sont interdits, et s'il me prenait fantaisie de faire, en votre hon-
neur, une incursion dans l'art de bien dire, je montrerais bientôt
combien j'y réussis peu. Notre auditoire, malgré son extrême
bienveillance, ne manquerait pas de faire, entre mon allocution et
votre réponse, une comparaison qui ne serait pas à mon avantage.
Je vous dirai donc bien simplement que je suis enchanté de
1 . MEMOIRES
VOUS voir au fauteuil présideniiel et que je vous y trouve bien à
votre place. La presque unanimité des suflrages qui s'est réunie
sur votre nom prouve que je ne suis pas seul ici de cet avis.
Depuis une dizaine d'années vous êtes parmi nous ; vous arri-
viez de l'Auvergne. Ce n'est pas impunément qu'on habite cette
merveilleuse contrée ; vous en subissiez le charme comme tous
ceux que délectent les grandes scènes de la nature ou de l'histoire.
Cet exode, de quelque regret qu'il fût accompagné, n'était pas
un exil ; il me semble même qu'en venant parmi nous vous
retrouviez votre véritable patrie. Je m'explique : pour qui sait
lire vos travaux historiques sur l'Auvergne, en particulier pen-
dant la période révolutionnaire, pour qui sait écouter votre
inoubliable discours sur les Filles d'Avignon, votre tempérament
littéraire n'est pas une énigme longue à deviner. Vous êtes un
historien aussi consciencieux que peut l'exiger la conscience la
plus scrupuleuse. Vos idées, vos convictions ne doivent rien
qu'aux documents que vous réunissez abondants, que vous con-
trôlez avec une rare sagacité et une critique impeccable. Mais
une fois en règle avec votre conscience, rassuré contre toute
controverse, vous ne pouvez vous astreindre à faire de votre récit
une œuvre impersonnelle, froidement exacte, purement scientifi-
que. Il devient sous votre plume alerte, éloquente, émue, une
œuvre littéraire, je dirais volontiers une œuvre d'art. Quand on a
cette conception particulière de l'histoire on doit naître en Pro-
vence : à Aix comme Mignet ou à Marseille comme Thiers ; ou
bien, si l'on a omis cette formalité, car on n'a pas toujours le choix
du lieu de sa naissance, on prend le parti que vous avez pris : on
devient avignonais. Vous pourriez m'objecter qu'on n'est pas le
maître de sa destinée et que telles circonstances, dont vous donne-
riez les détails justificatifs, vous ont conduit parmi nous. Erreur,
Monsieur le Président, vaine apparence ! En venant en Vaucluse
vous avez obéi à une loi plus mystérieuse que celle qui précipite
les cours d'eau des hautes vallées dans les plaines basses, mais .
tout aussi inéluctable : vous êtes avignonais par prédestination.
Voilà pourquoi vous êtes aussi bien, mieux à votre place à la
tête de l'Académie de Vaucluse qu'à celle de l'Académie de Cler-
mont, quelle que soit du reste l'importance des deux assemblées.
La nôtre, après deux ans d'une présidence que je qualiiierai de
suffisante, avec les plus indulgents, avait droit à des compensa-
tions ; c'est de vous qu'elle les attend.
Je soupç^>nnc n^tre nouveau vice-président, M. Henri Paul, de
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE S
se dérober par une absence opportune à Téloge que je lui prépa-
rais. Il savait qu'un demi-siècle et plus de relations annicales
ininterrompues m'avait richement documenté pour cette besogne
et de quel cœur je m'y livrerais. Qu'il se rassure : je n'abuserai
pas plus de son absence que de sa présence pour l'accabler d'un
panégyrique qui ne serait ni dans son goût ni dans le mien. Mais
ne peut-on le louer d'une qualité qui apparaît à tout le monde,
dont il bénéficie sûrement sans qu on puisse affirmer qu'il en a
tout le mérite : son admirable conservation.
Ayant déjà parcouru une longue carrière administrative, il nous
quitta il y a quelque vingt-cinq ans. Il nous revint il y a peu de
mois, toujours vaillant d'esprit et de corps, plus jeune s'il est
possible. N'a-t-il pas conservé môme ses illusions, car c'en était
une de croire que ses concitoyens le laisseraient tranquillement
jouir d'un repos bien gagné, l'hiver au coin du feu, Tété à l'ombre
et au frais.. Aujourd'hui, suivant le courant, vous félevez à la
vice-présidence de votre Académie et il y restera à moins que
vous n'en fassiez, à terme échu, votre président.
Je suis mal à l'aise aujourd'hui pour donner à M. le vice-
président Jolcaud la part d'éloges qui lui revient. Si je le montre
dans cette journée mémorable où sa vaillance arracha au Rasteau
le secret de sa formation, je risque de déflorer la communication
qu'il nous a promise, je prive l'Académie d'une de ces confé-
rences dont l'intérêt, le charme communicatifs sont bien connus.
Car c'est la grande qualité de notre nouveau vice-président de
rendre attrayante cette science de la géologie, que d'aucuns sem-
blent s'attacher à rendre abstruse, réservée aux seuls initiés. Sous
sa parole elle redevient ce qu'elle doit être, une Genèse moderne
se dressant au vestibule des autres sciences, comme les Genèses
anciennes précédaient les histoires des religions.
Espérons que nous aurons le plaisir de l'accompagner dans de
futures excursions et que, grâce à lui. nous connaîtrons de mieux
en mieux notre département, ce qui sera une raison de l'aimer
davantage.
Messieurs, la tache de thuriféraire ne va pas sans quelque
monotonie. Le choix que vous avez fait des présidents de sectic^n
me fournira-t-il l'occasion de quelque malice pas trop acérée, de
quelque réserve dans l'optimisme dont je fais profcssir)n aujour-
d'hui > Hélas non ; le choix de MM. de Terris, D' Pansicr, 1)^ Remy
Roux me semble des plus heureux. Quelque esprit chagrin pré-
tcndra-t-il que deux médecins c'était trop peu, qu'il en fallait
4 MEMOIRES
trois?Certes nous n'avions que rembarras du choix: les disciples
d'Esculape sont nombreux dans notre Compagnie et leur mérite
s'est maintes fois affirmé dans des communications bien souvent
étrangères à la science médicale, ce qui prouve que leur compé-
tence connaît peu de limites. Mais il vous a paru qu'un notaire et
deux docteurs faisaient un groupe d'une gravité suffisante. Loin
de moi l'idée qu'ils pourraient assister notre assemblée en danger.
Dieu merci, notre jeune centenaire n'a nul besoin des bons
offices que les mourants attendent d'ordinaire des gens de leur
profession ; elle ne profitera que de leur zèle de savant, d'ama-
teur des arts, d'érudit qui sont les aspects sous lesquels je les
salue.
M. Didiée est un jeune, il pourra supporter sans fléchir les
fonctions de bibliothécaire. Quant à M. Chiitelct, ce sera un
véritable soulagement pour lui de n'être plus que secrétaire des
séances, après avoir cumulé pendant près de deux ans. 11 appor-
terai cette tache réduite les qualités d'ordre et d'exactitude dont
nous avons eu à le louer et dont nous le remercions.
Et maintenant, Messieurs, vous me permettrez de finir par un
apologue. On ma enseigné dans le temps que la première
dynastie des rois de France, les Mérovingiens, je crois, s'était
éteinte après avoir fourni des monarques assez obscurs qu'on a
flétris du nom de rois fainéants. Je ne veux pas retenir ce nom
trop peu parlementaire ; la délicatesse moderne s'accommode mal
d'un qualificatif aussi Mérovingien. 11 paraît cependant que sous
ces rois... constitutionnels les an"aires de l'État n'étaient pas
tout à fait à vau-l'eau. C'est qu'il y avait à côté d'eux un homme
doué de toutes les qualités dont ils étaient dépourvus : c'était le
maire du Palais.
Eh bien, mon cher successeur, je vous ferai une confidence ;
peut-être vous rassurera-t-elle contre l'idée qu'une charge exces-
sive vous attend. Mon prédécesseur, le D' Laval, ne me démentira
pas. Il a été un président... constitutionnel. J'ai suivi fidèlement
cette tradition et, si vous m'en croyez, vous ferez de même. Vous
avez à côté de vous un maire du Palais idéal. C'est notre secrétaire-
général et j'espère qu'il le restera longtemps, aussi longtemps
qu'il pourra suffire à la tâche souvent très lourde et en même
temps très délicate qu'il assume avec un zèle dont nous ne pou-
vons lui être trop reconnaissant. Après quoi, le plus tard qu'il
nous sera possible, nous en ferons un président. Cet honneur, il
ne l'aura pas volé !
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
En prenant place au fauteuil de la présidence, M. le baron de
Vissac, président de l'Académie, a répondu en ces termes à
l'allocution de M. Gabriel Bourges:
Mes chers collègues,
Le grand honneur que vous avez bien voulu me faire en m'ap-
pelant à la présidence me remplit tout à la fois d'orgueil et de
confusion.
D'orgueil, car on est toujours fier d'être l'élu d'une assemblée
d'élite, d'une réunion d'hommes aussi distingués par l'esprit qye
par le savoir.
Mais le chatouillement d'amour-propre provoqué par d'aussi
précieux suffrages se transforme bien vite, à la réflexion, en une
défiance de soi-même, en une appréhension légitime, en une de
ces craintes qui sont le commencement de la sagesse.
Il y a environ quinze ans, comme on le rappelait tout à l'heure,
la sympathie de collègues aussi bienveillants que vous me valut
la même faveur dans une autre enceinte académique. Eh bien,
chose extraordinaire ! j'ai dû constater que les trois lustres écoulés
depuis cette époque n'avaient rien rajeuni en moi, ni les aptitudes
physiques, ni les élans de la pensée, ni les ardeurs de l'action, ni
les facultés de travail et d'application. Ajouterai-je que deux
années de présidence de section parmi vous, suivies de deux
années de vice-présidence, — et vous savez combien sont absor-
bants et pénibles les labeurs imposés par ces diverses fonctions
— ont épuisé les restes de mon énergie.
De telle sorte que je croyais avoir payé ma dette, qu'il me sem-
blait avoir conquis des droits à la retraite, à un effacement qui
m'est de plus en plus cher, à cet oljutn cum dignitate dont le bon
Horace nous fait venir l'eau à la bouche.
Vous en avez jugé autrement : Que votre volonté soit faite.
Quand je scrute la pensée qui a dirigé votre vote, alors que le
choix eût pu se porter si aisément sur de plus dignes, je m'ima-
gine que c'est un prix d'assiduité que vous avez voulu décerner à
un collègue pour sa tidèle assistance à vos travaux depuis longues
années, chaque fois que le devoir professionnel lui en laissait le
loisir. Vous vous êtes dit que Ton ne recherche ainsi que ce que
Ton aime - trahii sua qiiemqiic voluptas— et qu'aimer une insti
tution est déjà un pronostic, un premier gage de dévouement.
6 MÉMOIRES
S'il en est ainsi, votre sentiment n'a pas fait fausse route.
J'éprouve, en effet, un profond attachement pour l'Académie de
Vaucluse ; ses travaux m'inspirent un vif intérêt ; je me plais et
je m'instruis à ses conférences, dont j'admire la variété, la fécon-
dité, le talent et le charme. J'apprécie par dessus tout les
agréables relations qu'elle me procure.
Les Académies de province, en dépit des railleries dont elles
sont l'objet, railleries dont nous sommes les premiers à sourire
lorsqu'elles sont spirituelles, ne stationnent plus de nos jours sur
le terrain facile et léger que nos pères appelaient les plaisirs de
l'esprit. Elles sont allées de Tavant, agrandissant leur champ
d'action, faisant des incursions hardies, mais fécondes, dans le
domaine des spécialités littéraires, scientifiques et artistiques,
jadis réservées aux seuls initiés de marque. Elles sont devenues
des ateliers où se préparent les matériaux de la grande refonte
historique qui s'impose. Observations, monographies, décou-
vertes même dues à leur initiative, viennent révéler des faits
ignorés, mettre en lumière des épisodes, des documents, des per-
sonnages jusqu'à présent restés dans l'ombre. Grâce à elles,
ranalyse succède à la synthèse, complétant par des détails précis,
par des circonstances locales, des concisions souvent trompeuses.
Que de doutes n'ont-elles pas déjà dissipé, que d'erreurs n'ont-
elies pas rectifié, que de mines n'ont-elles pas ouvert à l'exploi-
tation !
Parmi les sociétés de province, l'Académie de Vaucluse est
incontestablement une de celles dont la vitalité est le moins
contestable. Ses publications périodiques, de plus en plus sélec-
tionnées, provoquent les éloges de la critique et les subventions
du Ministère. Elle parait vouloir s'approprier la devise du grand
fleuve qui baigne nos rivages : Crescit eundo. Elle ne se confine
plus dans l'intimité de ses salles de réunion, derrière le mur de
la vie privée. Elle s'extériorise de temps à autre. On la voit tenir
ses assises sous les arcades d'un cloître ou d'un monastère, à
l'ombre des voûtes d'un antique sanctuaire, aux pieds des rem-
parts édentés d'une féodale forteresse, en face des merveilles de
la nature.
Pourquoi ne multiplierait-elle pas ses investigations archéolo-
giques et géologiques ? Pourquoi, dans des séances publi-
ques, ou au moins dans des séances ouvertes, ne se mettrait-elle
pas plus souvent en contact avec ce grand public, dont le goût
inné pour les choses de l'art semble être puisé dans l'air de notre
pays et développé au chaud soleil du midi ?
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE ^
Certes, en m'elTorçant de conserver intactes les belles traditions
dont vous m'avez confié la garde, je ne négligerai rien pour aider
à la prospérité croissante de notre chère société et à son expan-
sion intellectuelle de plus en plus intense.
Pour atteindre ce but, je ne saurais mieux faire que de suivre
les traces de mes devanciers, et notamment celles du sympathique
président qui nous est enlevé aujourd'hui par les rigueurs du
règlement.
On ne se sent guère à Taise pour louer une modestie présente,
et la gène est encore plus grande lorsqu'on vient d'être person-
nellement l'objet d'un portrait, que la présomption seule pourrait
faire considérer comme ressemblant.
Je sais bien qu'en fait de portraits, de dessin, de coloris et de
palette il ne faut pas passer derrière le maître. Son esprit conçoit,
sa main exécute, coneeption et exécution sont aussi finement
spirituelles Tune que l'autre. Que M. Bourges me permette
cependant le reproche d'avoir abusé un peu du privilège qu'a
t<^ut artiste de flatter son modèle.
Il me félicite de parler alors qu'au contraire il devrait me
plaindre, puisque je ne parle qu'cî raison de la difficulté que
j'éprouve à lire, difficulté qui me prive aujourd'hui du plaisir de
le remercier en périodes abondantes, déroulant leurs arabesques
et leurs métaphores à travers les astragales d'une phrase endi-
manchée, comme la circonstance le comporterait.
Il m'excusera donc de ne rappeler qu'en une modeste prose
verbale le tact exquis, l'aménité constante, la délicatesse de
doigté, la séduction de manières qu'il a déployés durant son
passage au fauteuil. C'est un don bien rare que de savoir asso-
cier, comme il l'a fait, le dilettantisme à la pondération, l'obser-
vation sagace, parfois légèrement railleuse, à la courtoisie la plus
parfaite, l'originalité personnelle ou mieux la personnalité origi-
nale à cet éclectisme de bon aloi qui admire le beau et le bien
partout où ils se trouvent et qui prévient ainsi tout froissement,
toute susceptibilité entre les éléments divers de Virritabile genus
dont se compose toujours une famille académique.
Comme vous le voyez. Messieurs, pour être belle la succession
n'en est pas moins lourde à recueillir.
Heureusement, votre prévoyance m'a adjoint deux collègues
d'un haut mérite, en compagnie desquels on peut sans crainte
affronter difficultés et obstacles, collègues que je me bornerai à
nommer, puisque le crayon de M. Bourges a déjà fixé leur physio-
nomie sur votre album de souvenirs :
8 MÉMOIRES
M. Henri Paul d'abord, l'administrateur éminent dont la com-
pétence s'est affinée aux plus hautes fonctions. Son concours est
pour nous une bonne fortune. Avignonais de cœur comme il Test
presque de fait, il était tout désigné pour la sauvegarde des insti-
tutions et des intérêts de sa ville natale. Ce n'est pas lui, on peut
en être convaincu, qui laissera effleurer d'une pensée sacrilège
aucun des fleurons de sa couronne.
M. l'intendant Joleaud ensuite, naturaliste dont la réputation
n'est plus à faire et dont le monde savant depuis longtemps
connaît le nom. Vous Tavez vu à l'œuvre au cours des excursions
géologiques dont il a bien voulu accepter la direction et vous
avez pu constater quelle perspicacité, quelle sûreté de coup
d'œil, quelle profondeur d'érudition il apporte dans l'auscultation
des mystères de la nature et dans la diagnose des phénomènes
terrestres, M. Joleaud est un folkloriste doublé d'un charmeur.
Avec de pareils auxiliaires, secondés par les spécialistes que
vous avez placés à la tête de chaque section, et que l'on vous a
présentés tout à l'heure, on peut avoir confiance en l'avenir, sur-
tout quand on songe qu'à votre bureau temporaire sont adaptés
des éléments plus stables, moins transitoires, depuis longtemps
façonnés au maniement de nos rouages intimes, je veux parler de
M. le secrétaire général et de M. le trésorier.
De M. Labande on vous a dit déjà beaucoup de bien ; on n'en
saurait jamais trop dire. L'étendue de ses connaissances égale
l'ardeur de son zèle. Il a le don d'ubiquité. Il voit et prévoit tout ;
il propose, il dispose, il prépare, il combine, sans jamais con-
naître la fatigue. M. Bourges, avec un grand bonheur d'expres-
. sion, vous l'a représenté substituant son activité féconde de
maire du palais à l'indolence des rois fainéants — ou constitu-
tionnels, c'est un peu la même chose — qui se succèdent à la
tête de notre petite république des lettres. Un de nos anciens
présidents l'a comparé au Dieu Lare de notre foyer. On l'a com-
paré encore à la Vestale entretenant parmi nous le feu sacré.
Décemment, je ne puis aller plus loin que Vestale. Mais, sans
remonter à Pépin le Bref ou encore à une plus haute antiquité, je
suis convaincu de traduire votre sentiment en disant, en termes
moins imagés, que M. Labande est la cheville ouvrière de notre
société, qui ne périclitera pas tant qu'il lui continuera son
dévouement.
Il sera aidé dans sa tache par le secrétaire des séances, M. Cha-
telet, à la complaisance et au savoir duquel on ne fait jamais
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 9
appel en vain. Il sera aidé encore parle nouveau bibliothécaire
archiviste, M. Didiée, dont j'aurais bien envie de trahir le poéti-
que incognito. Certain sonnet en ma possession me fait espérer
qu'il voudra bien, au grand agrément de nous tous, descendre
quelquefois de la tour d'ivoire où il se confine avec un soin trop
jaloux.
Quant à M. le trésorier, aux éloges qui lui ont été adressés et
qu'il mérite si bien, je n'ajouterai qu'un mot : il ne manque à
l'Académie de Vaucluse pour être riche que la possibilité de le
devenir. Seule, en effet, une déclaration d'utilité publique peut
lui permettre de recevoir par legs ou par donation. Or, — singu-
larité administrative ! — cette déclaration n'est généralement
accordée qu'aux sociétés qui ont déjà des rentes. Donc, par une
gestion magique, M. le trésorier, faites-nous des rentes, et vous
aurez bien mérité de l'Académie.
Et maintenant que j'ai salué tous les officiers du bord, il ne me
reste qu'à souhaiter bonne marche au navire, et à renouveler à
l'équipage l'expression de ma vive gratitude.
LA SÉPULTURE DE SILVANUS
A VACHÈRES.
La commune de Vachères (i), entre le Calavon à l'ouest et le
Largue à Test, se trouvait à Textrémité du diocèse d'Apt, dont la
circonscription correspond au territoire des Vulgientes. Au sud,
la commune limitrophe de Reillanne relevait d'Aix ; à l'est, celle
d'Aubenas relevait de Sisteron.
M. l'abbé Arnaud d'Agnel a déjà exploré le petit plateau, site
d'un ancien oppidum, qui domine tout le terroir de Vachères (2) ;
tout à côté, sur les bords d'un vieux chemin romain, fut trouvée
jadis une statue de grande taille, représentant un guerrier appuyé
sur son bouclier, qui figure maintenant au musée d'Avignon.
Il y a environ deux mois, un propriétaire cultivateur, M. Anto-
nin Benoit, qui possède le domaine de la Grange-du-Bois, sur les
pentes exposées à l'occident par lesquelles on descend du som-
met de Vachères vers le lit du Calavon, a eu l'occasion de ren-
contrer et de fouiller, sur ces mêmes pentes, des sépultures à
incinération romaines.
Elles se rencontrèrent, sur un versant inculte, immédiatement
au-dessus d'un ravin, ta environ 200 mètres au-dessus du petit plan
où se trouve l'habitation de la Chaume. Le site dépend du domaine
de ce nom et appartient à M. Benjamin Hugues, maire actuel de
Vachères.
La plupart des cultivateurs que le hasard met en présence de
tombes antiques songent à y trouver beaucoup d'or et ils traitent
sans ménagements tous les objets qui déçoivent leur premier
espoir. Mais, il est des exceptions : le propriétaire de la Grange-
du-Bois suffirait à s'en convaincre.
(1) Vachères (Basses-Alpes), arrondissement de Forcalquier, canton de Reillanne.
(2) L'abbé Arnaud d'Agnel et Ludovic Allée, Compte rendu de l'exploration d'une
station préhistorique découverte à Vachères { liasses- Alpes). Paris, imprimerie nat.
MDCCCCI, 16 pp. et 2 planches. (Extrait du Bulletin archéologique, 1901.)
12 MÉMOIRES
Averti que de petites pierres, en apparence insignifiantes,
valent davantage qu'un grain de blé, il a passé de longues jour-
nées à ramasser tous les silex qui couvrent la terre de certains
quartiers ; puis, il s'est mis à rechercher les sépultures dont il
pouvait soupçonner depuis longtemps l'emplacement. Seul, dans
ses fouilles qui ont été heureuses, il a minutieusement observé la
structure des tombes ; il a été attentif à ne rien briser. Son récit,
quand on l'amène à grouper les faits, permet donc de savoir
comment se présentait la tombe de Silvanus, de sa femme, de
leurs fils, Calventius et Birro.
Sur le talus à pente assez raide et à quatre « pans » de profon-
deur (i), se rencontrèrent, alignés du nord au sud, quatre grandes
urnes, en terre jaunâtre et à anses, placées debout, consolidées
par des « laves » (2), coiffées par des tuiles « sarrazines » en terre
rouge (3).
Pour les deux amphores placées aux extrémités, c'est-à-dire au
nord et au sud de l'ensemble, les souvenirs n'indiquent rien de
très particulier; dans celle du sud, toutefois, une urne de verre
bleuâtre se rencontra que la pioche brisa. Ce résultat fâcheux
démontrait la nécessité d'une circonspection plus grande : les
deux amphores du milieu furent donc abordées avec précaution.
Chacune d'elles contenait également une urne de même qualité,
en verre bleuâtre, couchée à plat, son orifice circulaire dirigée
vers le midi. Chaque urne était remplie de cendres et de terre.
A l'entrée de chacune de ces deux urnes couchées se trouvait
debout une petite fiole lacrymatoire en verre bleuâtre, inclinée
légèrement vers le nord, de manière à ce que la panse inférieure
de la fiole fût en dehors de furne et l'orifice supérieur en dedans.
Ces deux fioles étaient remplies de terre.
(i) Le pan. huitième partie de la canne, vaut environ o"25.
(2) Les « laves » dans cette région, comme les « lauses » dans les Hautes-Alpes,
sont les pierres qui, naturellement ou non, se présentent en dalles plates, plus ou
m oins grandes et plus ou moins épaisses.
(3) Les tuiles « sarrazines » sont, bien entendu, les grandes tuiles plates et à
rebord, de fabrication romaine ou romane.
Les débris des grandes amphores terminées en pointe et une partie des tuiles ont
été portés avec la pierre de l'inscription dont il sera question, chez le pro-
priétaire du terrain, à la maison de la Chaume. Les autres objets ont été
Ô portés â la Grange-du-Bois par l'auteur des fouilles. Sur Tune des tuiles,
du côté des rebords, une marque de fabrique tracée avec les doigts dans
le bas ; et, dans le haut, tracés à la pointe sèche en cursive, quelques
c aractères où l'on distingue F III, soit J[iglina] Iir (>).
DE l'académie de VAUCLUSE [3
L'une des deux urnes funéraires couchées est un peu plus
grande que l'autre. Elles n'ont pas d'anse : elles sont bombées
avec un orifice à rebord circulaire et plat, un fond aplati.
La plus petite mesure 19 centimètres de haut, rS centimètres de
diamètre à Torifice et 8 centimètres de diamètre au fond. Son
diamètre maximum à mi-hauteur est de lyS millimètres.
La plus grande mesure 22 centimètres de haut, i5 centimètres
de diamètre à rorifice, 10 au fond et 195 millimètres de diamètre
maximum à mi-hauteur.
La hauteur des fioles lacrymatoires est à peu prés égale au
diamètre de l'orifice des urnes.
A gauche de l'urne couchée, dans chacune des deux amphores,
une tasse de poterie samicnne. Dans l'une, elle est brisée depuis
l'antiquité; dans l'autre, elle est intacte. Celle-ci est penchée,
l'orifice vers le midi. Toutes deux sont identiques de forme et de
dessin. C'est une terre jaunâtre et fine recouverte d'un vernis
rouge. Elles sont décorées en relief d'une frise où alternent des
palmes et des feuilles d'un style assez souple. La hauteur de la
tasse intacte est de 60 millimètres, le diamètre de l'orifice en haut
est de 79 millimètres.
A droite de l'urne couchée, dans chacune des deux amphores,
une lampe de terre jaunâtre renversée. L'une d'elles est intacte,
l'autre brisée. Toutes deux paraissent être identiques de forme et
de décor : elles sont ornées d'oves.
Déplus, dans l'une des deux amphores, avec le mobilier pré-
cédent, un vase de terre jaunâtre en forme de pichet, à fond plat
d'un diamètre étroit, fortement bombé à mi-hauteur, avec goulot
court et muni d'une anse.
Dans l'autre amphore, en plus du mobilier précédent, un bra-
celet en fer, de diamètre assez grand, brisé et fortement oxydé ;
ce bracelet est accompagné d'une grosse aiguille ou passe-attache
en métal très peu oxydé, qu'il y aurait lieu d'examiner pour véri-
fier s'il ne serait pas en argent.
Tel est le mobilier des deux amphores. Par dessus et entre
elles deux, deux soucoupes de poterie du type d'Arezzo. L'une
d'elles a été trouvée ébréchée ; l'autre a été cassée par la pioche.
Celle qui est ébréchée mesure 3o millimètres de hauteur et 14 de
(I) Le rectangle extérieur de la moulure, au niveau du cadre en relief mesure
425— de large et 4io"" de haut. I^ rectangle intérieur de cette moulure, au niveau du
fond en retrait, mesure 400"" de large et 38o"" de haut en moyenne.
14 MÉMOIRES
diamètre au sommet. Elle porte au centre la marque rectangu-
laire, en relief : OF-PATRIC, avec les lettres T et R liées. L'autre
porte : OFSARRVT, avec les lettres R et V liées. Au revers, un
graffite tracé à la pointe sèche; VA', c'est-à-dire Va[le] ou Va[lete\.
Avec ces deux soucoupes, un plat en terre de pâte jaunâtre,
trouvé brisé, recouvert, semble-t-il, jadis d'un vernis rouge et me-
surant environ 17 centimètres de diamètre.
Également, au niveau supérieur des amphores, c'est-à-dire à
I mètre environ sous la surface actuelle du sol en pente, un bloc
de pierre en « safre >> de teinte jaunâtre. Ce bloc mesure 59 centi-
mètres de haut, sur Sy de large et Sg d'épaisseur. Équarri plus ou
moins grossièrement sur cinq de ses faces, la fouille le trouve
jeté à terre sur la sixième qui, plus soignée, porte une inscription.
Cette inscription, sur un fond légèrement en creux, dont la
différence de niveau avec le cadre est rachetée par une moulure
sommaire, porte le texte suivant :
CAlVEN/TiyS
ET-BIKKO-PATKl
ET-/V\ATKI'DE6V0
PECVLIO
SllVAMifl'
Les lettres ont environ 5o millimètres, les interlignes sont de
5 millimètres. Il n'y a pas de traces bien certaines de ponctuation,
sauf un point et une virgule entre MAÏRI et DE SVO. Il y faut
peut-être ajouter un point entre SILVANI et FI (i). Les O sont
(i) 11 existe un point assez léger, à mi-hauleur, dans le G de GALVENTl VS.
Ce point, à 40" de la moulure, soii dans le sons horizontal, soit dans le sens verti-
cal, a dû être inscrit par l'ouvrier, avant la gravure de l'inscription, pour marquer le
début de la première ligne à tracer.
DE l'académie de vaucluse i5
délibérément circulaires et mesurent 49 millimètres de diamètre.
Cela est tellement voulu, que manquant de place à la troisième
ligne pour achever le mot SVO, le lapicide n'a pas craint de faire
porter TO final à moitié sur la moulure plutôt que d'en restrein-
dre le diamètre horizontal.
Les T, les E, les F, les Lsont fort étroits; ils mesurent i5 milli-
mètres de large environ. Les barres des E et des F, au lieu d'être
horizontales, sont relevées, sauf dans l'E de la première ligné. Par
contre, la barre des L se penche en baissant au-dessous de la
ligne. La panse supérieure des R, des P, du B se restreint et s'ar-
rête au-dessus du milieu de la hauteur des lettres. De même, le
trait inférieur des F et des A. Les V, N et I sont réguliers. La
lettre M se compose du tracé d'un V entre deux barres penchées
au lieu d'être verticales.
Le lapicide paraît avoir voulu éviter de scinder un mot entre
deux lignes. Aux deux premières lignes il s'en est bien tiré ; à la
troisième la place lui a manqué. Aussi, aux trois dernières, il a
préféré laisser un vide à la fin des lignes plutôt que d'avoir à
scinder un mot ou que d'avoir à empiéter de nouveau sur la
moulure.
D'après les caractères paléographiques des E, F et L, l'inscrip-
tion ne peut guère être antérieure au second siècle de l'ère chré-
tienne ; en raison de la forme des O, elle ne peut guère être pos-
térieure au troisième (i).
Cette pierre fut élevée par Calventius et Birro sur la tombe de
leur père et de leur mère, de leurs biens personnels. Les deux
frères n'ont rien de plus pressé que de se nommer : ils oubliaient
de nommer leur père et leur mère à qui s'adressait ce témoi-
gnage da leur piété. Après coup, comme une ligne restait vide,
on a réparé l'oubli, en ce qui concerne le père : mais la place a
manqué pour la mère.
Calventius et Birro étaient des hommes libres, mais ils ne
devaient pas être cependant citoyens romains. Sans doute,
c'étaient de simples cultivateurs qui, au II* siècle, vivaient dans
un quartier de la Chaume (2).
(i) R. Gagnât, Cours d'épigraphie latine, 3* édition. Paris, 1898, pp. 14, 18. 19.
(a) J-e nom de Silvanus se rencontre assez fréquemment en Narbonnaise. On en
trouve douze exemples qui se répartissent entre Toulouse {Corpus inscription, latin.,
t. XII. n» 539a), Narbonne (IbiJ.. n" 4408, 4541. 5141, Saig), Substantion {Ibid., n'4ïi3),
Margucrittes {Jbid., n* 3oi2 , Arles (Jbid,, n« 810), Aix {Ibid., n' 534), Saint-Maximin
{làid,, n* 5749), le Buis {Ibid., n* iSgô) et Aoste dans Tlsêre (Jbid,, n* 2394). On connaît
l8 MÉMOIRES
« Le noble chevallier Jehan de Sainct-Miquel (î), cappitaine et
viguier del castel des Baux et de sa baronnie por la Regina»,
authentique de son nom le premier procès-verbal de la délibéra-
tion prise par les syndics et conseillers nouvellement établis, et
réunis en sa présence comme assehriblée délibérante en i45i.Le
registre étant en fort mauvais état de conservation, le nom de
« Boisseron » a disparu depuis 1887.
Le conseiller Jean Isnard nous donne la troisième à la date du
2 février 1454. « Ita est, Johannes Isnardi. »
Antoine Pascal, autre conseiller, approuve, en 1480 et en qua-
lité d'auditeur, les comptes du trésorier. « Ita est, Antonius Pas-
cali. »
La cinquième est du 10 février 1487, donnée par noble François
de La Bruyère, écuyer, échanson du roi et gouverneur du château
et de la baronnje des Baux de 1483 a 148H.
En 1488 et le 18 avril, le capitaine Armand Charbonnelle (2)
accuse réception de douze canes d'huile fournies annuellement
par le moulin de la ville. Sa signature est la sixième.
La septième et dernière est du 2 septembre 1492 et donnée par
Monet Peyre (3) : « Ita est, Monetus Pétri ». Ce personnage
approuve ainsi la cession à lui faite par la communauté, d'une
auberge située avec ses dépendances tout près des portes de la
ville, probablement la maison de Beaumanière, détruite par la
chute des rochers (4;.
D'un autre côté, le registre manuscrit des censives des sei-
gneurs de Manville donne à Monet Peyre un frère du nom de
Michel, qui fut curé aux Baux jusques au commencement du
XVl' siècle, ayant une maison sur la place de la ville qui fut pos-
(i) Jean de Saint-Michel, seigneur de Boisseron, petit village du canton de Lunel,
capitaine et gouverneur des Baux de 1426 à 1468, date de sa mort. Il fut enseveli ci
Beaucaire, probablement dans la môme église que Tanneguy du Ghâtel.
(2) Ce capitaine avait un fils nommé Charles, qui résidait aux Baux en i535.
(Notaire André Salomé.)
(3) Monet Peyre, fils de Brusson Peyre, avait épousé vers la fin du XV» siècle, noble
Silette Alaffier de Beaucaire, qui lui donna huit enfants; elle mourut aux Bauxen
i538, et fut inhumée dans l'église Saint-Vincent.
(4) L*an mil six cens cinquante trois et le dernier jour du mois de avril sur les cinq
heures du matin, la grande baulme de Baumaniere avec son bastiment et moulin
tomba où il y avait beaucoup de moyens de Monsieur Cabardet. Il tua sa fille (Barbel >
et servante, son cheval et beaucoup d'autre bétail. Ce feust ung grand spectacle.
Dieu nous en préserve.
SigTié : BouYER. notaire.
(Registre de 1577 du notaire Salomé./
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE I9
sédée plus tard par Anne de Montmorency. Et, comme nous le
verrons plus loin, trois de ses fils sur cinq savaient signer d'une
main dégagée; nous estimons que l'instruction était en honneur
dans cette famille et dans toutes celles qui ont fourni dans la
suite à fa communauté des syndics, des notaires et des magistrats
comme les Ricard, les Laugier, les Quenin et les Coye. Nous
pensons aussi qu*aux. noms des seigneurs lettrés déjà mention-
nés, il convient d'ajouter ceux des autres gouverneurs : les
Guilhem de Montmorency, les Raymond d'Agoult, sieurs de
Cipières, et le juge des Baux en 14S4, noble Honorât Picarel,
bachelier es lois.
Par qui l'enseignement a-t-il été donné ? Évidemment par des
professionnels laïques ou ecclésiastiques et au domicile des
élèves. Rien ne nous permet d'établir l'existence d'écoles publi-
ques. A remarquer aussi qu'aucune signature de femme de cette
époque n'est parvenue jusqu'à nous.
II.
Le r» du mois de mai 1549, '^ conseil général s'étant réuni pour
élire ses nouveaux consuls, désigna par la voix des sufTrages
Antoine Peyre, qui refusa cette charge parce qu'il était âgé de
plus de 60 ans. En vain on le menaça d'une amende portée de
2S à 5o et à 100 livres; rien n'y fit et il fallut la requête et les sup-
plications de tous les assistants au nombre de 62 pour vaincre sa
résistance. Or, ce nouveau magistrat savait signer ainsi que ses
frères, Jean, Petit-Jean, Jeannon et Michel (i), leur beau-frère
Richard Sordet, procureur juridictionnel ; Guillem Ricard (2),
noble Jean de la Vèze (3), Jean et Claude de Manville (4),
Richard Laugier et son fils Charles (S), le juge Cassole et son
substitut Vernet, Gauven Coye (6) et bien d'autres se trouvaient
(i) Fils de Monet Peyre, ils avaient trois sœurs, Louise. Catherine et GelTanele
qui épousa Richard Sordet au mois de juillet i528. (Notaire Andrée ^Salomé. )
(a) Personnage important, qui fut excommunié une dizaine de fols, de i533 à .i535.
(3) Ce lieutenant de capitaine gouvernait les Baux en l'absence de Claude de Man-
ville et continua après la mort de ce dernier jusque en 1554, époque où il fut rem-
placé par Pierre de Cotheron.
(4) Fils de Guilhem de Manville et de Marie d'Aymard, neveux du chevalier et
capitaine Claude. (Notaire Andrée Salomé, [525.)
(5) Son fils Honoré Laugier, filleul du capitaine Grille, fut anobli vers 1620, *^ous
Louis XIIL
(6) Né en i53y, il fut, lors des troubles de i562, détenu comme prolestant dans les
souterrains du chAteau, et rendu ensuite  la liberté par un échange contre un sei-
gneur prisonnier de Varméc catholique. (Notaire Louis Quenin.)
20 MEMOIRES
dans le même cas. De plus, dans l'espace de trois ou quatre mois
et chez le seul notaire Louis Quenin, nous avons relevé trente-cinq
signatures différentes données en iNb, dont quelques-unes par
des vieillards de 6c ) â 70 ans.
Cela établi, il est de toute évidence que la lumière intellectuelle
dont nous avons salué Taurore au siècle précédent, a continué
dans celui-ci sa marche ascendante et progressive.
La délibération consulaire du 3i août ]r>44nous place sur un
terrain plus solide encore et fournit des indications positives et
précieuses. Voici ce qui fut dit : « Plus a esté expausé par Mes-
sieurs les consuls comment est yenu ung magister et veult lever
escoUes, si on luy bailhe une maison etqueseroit luy bailherune
chambre a la maison de la ville et led. magister demande que n'h-
ait que ung magister et une escolle. Led. conseil décrète que
lescolle serabailhée audict magister et lesquelles dès a presant
luy bailhent et led. magister aura la chambre de la maison de la
ville dessus les Gregnons sive molin des Gregnons (1), et n'y aura
que une escolle et ung magister, donant la commission a Mes-
sieurs les consuls de servanter lesd. escolles. »
Nous sommes ici en présence d'un précepteur qui réclame un
titre et un secours officiel et ne voulant pas de concurrent.
En i5?2 et le 5 février ^notaire, Simon Salomé), Maurice de
Lacour, du lieu de Rillian, diocèse d'Aix, « recteur jadis des
écoles des Baux», passe contrat de mariage avec Jeanne Ché-
raud, fille â feu Jean, du lieu de Beaucaire. La donation de
?() écus qu'il fit à sa future en cas de prédécès semble indiquer
une certaine aisance. Parmi les assistants se trouvaient André
Imbert et Jean Olivier, « recteur moderne des escolles ». Toute-
fois, ce dernier ne le fut qu'à partir du 3o septembre suivant.
L'année d'après et le 12 mars, le conseil eut à s'occuper de
l'école. « Aultre part a esté par devant messieurs les consuls et
conseillers susdits expousé par maistre Jeap Olivier, recteur des
escolles des Baulx, comme a la dernière feste de la Saint-Micheu,
par décret du présent conseil, luy auroit esté délivré les escolles
et régiment des enfans du présent lieu des Baulx aulx conditions
plus amplement contenues au décret faict sur ce, et exercent son-
dit office le mieulx qu'il a pieu a Dieu, et de présent est venu ung
maistre Maurisse de la Cour, lequel a présent le vient empeschier
en sondit office, faisant aultre congrégation et escolles d enfans
II) Établi dans le roc à l'angle sud-ouest delà place Saint-Vincent. Dans le courant
de cette année-ci, le rocher et les ruines se sont effondrés.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 21
dudit Baulx, luy hostant par ses moiens les enfans qu'il avoit
ja depuis la dernière feste de la Saint-Micheu a son grand dom-
maige, pour ce qu'il se seroit entretenu a ces fins, a ceste cause
requiert estre faict commandement audict maistre Maurisse de
ne tenir telle congrégation suyvant l'appointement du présent
conseil. » Le conseil décrète que maître Olivier continuera ses^
fonctions jusquesà la Saint-Michel et que « inhibitions et deferises
seront faites au sieur Maurisse de la Cour, sur certaines et
grandes peines, de ne tenir escolles publiquement et faire amas
des enfans. »
En 1 554, la place de maître d'école est vacante. Nous lisons à
la date du i" avril : « Fut exposé après par messieurs les consuls
sire Petit Jehan Pierre (i), comme n'y a point aulcung maistre
d'escolles, et pour ce que Monseigneur le cappitaine viguier (2)
dict n'avoir ung honneste homme, bien seaige et bien cappaible,
pour régir et governier les enfans de la présente communauté,
offrant de le norrir durant le tems d'une année, au pache que n*y
aura point aultre congrégation d'enfans, synon celui que sera
créé, veu l'absance aujourd'hui d'escolles. » Le conseil, après
avoir entendu ladite exposition, « a créé et faict de nouveau pour
nomer recteur des escolles M* Anthoine. . . . a présent maistre des
enfans dud. sieur cappitaine viguier, absent, comme s'il etoit
présent, a régir les escolles et monstrer a tous les enfans de la
communauté et aultres que le requerront, tant au pauvre que au
riche pour une année, en exercent dans la présente maison
consulere aulx gaiges que seront accordés entre ledit sieur
maistre et les pères et mères des enfans, tant gramatis que aul-
tres, sauf que ledit sieur cappitaine le nourrira a ses despens
durant ung an, comme il a présentement promis de ce faire.,..
Que proclamations et crys publics seront faicts par tous les lieux
accoustumés des Baux, que aulcune personne de quelle qualitté
que ce soyt n ayent a fayre aulcune congrégation d'escolles et
amas d'enfans, ains laissent toutesfois toute liberté a ceulx qui
vcullent élever leurs enfans chez soy. » Mesure libérale et éton-
nante, même dans une époque si reculée, mais rendue nécessaire
par rinsuftisance du personnel officiel, car au lieu d'une école il
en aurait fallu cinq à six pour répondre aux droits de l'enfant.
Ayani à s'absenter au sujet de certaines affaires du conné-
i) Ce consul possédait le domaine de Servanes.
l'i Noble Pierre de Cotheron, capitaine viguier, i554-i55«j.
22 MÉMOIRES
table (i) et des siennes propres, le viguier Pierre de Cothéron
réunit le conseil, le 29 novembre i556, pour présenter son lieu-
tenant sire Petit-Jean Pierre et lui faire prêter serment, dont acte
fut ensuite remis aux consuls. Avant la fin de la séance, on
aborda la question d'enseignement, ainsi que suit : « A esté dict
par le consul come y a a présent ung maistre d'escoUe, lequel
desireroit faire son debvoir a tous les enfans qui voudront venir,
porveu que luy soyt bailhé la présente maison consulere et
neantmoings inhibitions et deffances estre faictes a M* Jacques
Charles, prestre, et a tous aultres de ne tenir cambrade, si n'est
qui voudroit pour les siens dans leurs maisons.» Le conseil décide
que « M* Jehan Clappier sera pourveu a régenter les escolles du
présent lieu pour une année, aulx gaiges et qualités acoustumés
et inhibitions estre faictes a tous prestres et aultres de ne faire
assenblee et cambrades si n'est pour ses enfans tant seulement,
sur certaines grandes peines. »
Au 3o mai i558, il n'y a point de régent « pour régir et gover-.
nier les enfans de la communauté ; seroit bon de en avoir ung,
nommant M* André Imbert, demeurant audict Baulx, seul sans
aultre faisant aulcune aultre assemblée. A esté commis auxd.
consulz de entendre si M* André Imbert veult accepter la charge
et en quelle qualité, et le relieront au premier conseil comme on
vouldra user. »
Pendant le règne tourmenté des derniers Valois et sous les
premières années de celui de Henri IV, la situation politique est
si troublée, que par contre coup l'enseignement en fut atteint.
Toutefois, malgré l'absence de documents officiels pendant une
trentaine d'années, la délibération consulaire du \t> janvier ibçp
et les signatures apposées aux actes notariés du commencement
du siècle qui suit nous autorisent à affirmer que Técole ne fut
point complètement fermée et que Télan donné était devenu
absolument irrésistible. A la date précitée, le conseil, présidé
par Charles Laugier, lieutenant du viguier Pierre de Verace,
« après avoir mandé vcoir led. M' pédagogue, nommé Jacques
Régnier, de Thollon, qu'il servira la ville une année por appren-
dre les pauvres enfans ; quant aux autres, le nourriront et paye-
ront ce qu'ilz seront d'acord pour huict cscus d'or sol, a»>oixante
(i) Anne de Montmorency, baron et deuxième engragisle des Baux à partir du mois
de mars iSaS. (D' Barthélémy, Inventaire chronologique et analytique des chartes de la
maison de Baux, p. 52i.)
DE l'académie de VAUCLUSE 23
soûls pièce, jaçoit qu'il en vouloit plus seize au poinct des
aultres par ci-devant ; mais ont esté résolu aud. huict escus. »
Ce nouveau régent avait donc eu des prédécesseurs, que nous
ne connaissons pas, aux gages de i6écus, qui leur furent aussi
accordés à une date inconnue.
III.
Au XVII* siècle, l'instruction de la jeunesse se fait dans l'école
officielle par des régents laïques et ecclésiastiques ; elle est aussi
donnée par des maîtres particuliers, que des chefs de farnille
catholiques et protestants appellent pour ce faire. *
Les registres des délibérations consulaires sont muets en ce
qui concerne le sujet que nous traitons, jusqu'en 1648. Toutefois,
cette lacune est comblée par les comptes des trésoriers, qui four-
nissent, avec le nom des professeurs, des renseignements uniques
et précieux, comme on le verra plus loin au chapitre V (i).
A la date du 25 octobre 1648, messire Barbarin, arrivé depuis
peu, demande la place de troisième prêtre et la régence des
écoles, malgré la présence de messire Barnéoud, qui avait été
chargé de cette fonction. Le conseil accorda la demande, aux
gages accoutumés et sous le bon plaisir de Mgr l'archevêque (2).
Mais, le 3i janvier 1G49, attendu que messire Barbarin ne peut
vaquer à la régence des écoles et qu'il y a différentes plaintes, il
fut révoqué par le conseil et remplacé par messire Allemand,
auquel on remit les clés de l'école.
Toutefois, ce changement ne se réalisa qu'un peu plus tard,
« proposant le dit sieur de Rispe (10 août) que messire Barnéoud,
quoiqu'il soit bon prêtre et de bon exemple, neantmoings parce*
qu'il est recteur d'une chapelle du sieur de Manville, pour
l'obligation qu'il a d'icellc les dimenches et bonnes festes, il s'en
va dire messe a Maussane, et par ce moyen il n'y en a que deux
a la place de trois, au préjudice du public, de sorte qu'il se pré-
sente ung prêtre, messire Paul Allemand, capable et appreuvé,
por faire la fonction de troisiesmc prêtre et tenir les escolles
soubs les gaiges acoustumés, demande d'y estre délibéré. » Tout
pouvoir fut donné au sieur de Rispe.
I ) Pièce justificative n' I.
(21 François II Adhémar de iMonteil de Grignan, archevêque d'Arles de 1643 a 1689.
C*e*it la première fois que rautorité ecclésiastique est appelée à intervenir.
24 MÉMOIRES
En i653 et le 3i août, le conseil augmenta les gages du régent.
Le consul Vincent, sieur de Servanes, dit : « Qu'on a coustume
de pourvoir à la jeunesse d'un précepteur pour l'éducation
d'icelle, pour raison de quoy on a destiné annuellement pour les
gaiges dudit précepteur 36 livres, et d'autant que ses gaiges ne
sont pas beaucoup considérables pour arrestcr un homme de
vertu dans un si petit lieu, s'en présente maintenant un très
propre pour l'éducation de la jeunesse, soit pour les bonnes let-
tres qu'il possède que pour avoir un très bon caractère, deman-
dant que le conseil aye a délibérer pour l'augmentation des
gaiges pour l'advenir a la somme de yS livres. » Le conseil décida
qu'il serait donné chaque année à un précepteur la somme de
60 livres et sans conséquence, aux formes et payes acoustumés,
à condition « qu'icelluy enseignera gratuitement et sans autre
salaire les pauvres enfans, tant orphelins que autres nécessiteux,
sauf ceux qui ont de comodittés, esquels il exigera ce qu'il jugera
raisonnable. »
Au mois d'août de l'année r654, le juge Cabassol refusa de
donner la clé de la maison de ville au régent, qui s'adressa au
consul Dumas, lequel fit ouvrir la porte de force, persuadé que
l'immeuble appartenant à la communauté, celle-ci devait en jouir
pleinement, excepté le jour d'audience de la justice. Le conseil
agréa la conduite du consul et donna ordre au valet de ville de
garder la clé, en le chargeant d'ouvrir la chambre pour l'instru-
ction de la jeunesse aux jours indiqués.
Le 27 juin i655, à Jean Durand, qui demandait le loyer de la
chambre aiTectée à l'école, le conseil répondit < que les Pénitents
blancs payeront ledit logement, attendu que c'est a cette condi-
tion que la communauté leur a cédé l'édifice proche de Teglise
affecté a cet usage, » Les ruines en subsistent encore, sous le
nom de chapelle des Pénitents et occupent la place de la maison
consulaire achetée le 21 mars i537 pour 3()0 florins à Pierre
Jacquet par les syndics Michel Manson et Nicolas Flandrin.
En i(.)62, messire Salvagny avait la direction de l'école aux
gages de fo livres, mais il s'acquittait si mal de ses fonctions que
plusieurs familles furent obligées de prendre des maîtres parti-
culiers; aussi les consuls Antoine Coye et Grimardier demandc-
rent-ils sa révocation. Messire Salvagny ayant été entendu, le
conseil lui renouvela sa confiance, mais ne put le maintenir
en charge. Au mois de mai, le sieur de Vinsargues le présenta,
DE l'aCADFCMIE DE VAUCLUSE 25
en efïet, comme entièrement indisposé de sa personne (i), ajou-
tant « qu'ils ont eu diverses plaintes de plusieurs habitans
comme étant incapable d'enseigner le latin et Farithmetique,
comme chacun le désire. Le conseil est d'avis qu'il sera destitué
et remplacé par maître Aubert, qui en fait le métier. » Ce dernier,
en 1675, eut ses gages portés de ù) a mo livres, payables par tri-
mestres, comme par le passé.
Le nouveau règlement de la communauté, établi le 29 mai 1679,
portait que les écoles seraient données au choix des consuls,
sous l'approbation du conseil, aux gages ordinaires et annuels de
3o écus payables par quartiers. Le régent choisi devait être un
homme probe, capable et catholique.
En 1689, ^" s'occupa de la création dune école de filles. Il est
dit dans la séance du i"' mai : « Messire Jean Matty, prêtre et
vicaire perpétuel de Teglise paroissiale Saint-Vincens de ceste
ville, auroict propprozé qu'il avoict un ordre de ses supérieurs,
d'aultre part qu'il y avoict les edicts de Sa Majesté qu'il estoit
nécessaire de pourvoir aux escolles de ceste ville ; a l'esgard des
tilles, qu'il estoit prohibé de se servir du maistre d'escoUe pour
lesdites filles, qu'en diminuant de ses gaiges et la ville y
adjoustant a ceste diminution, que reviendroict au proffîct d'une
fîlhe, qu'il oflroict de produire pour l'enseignement des petites
filles de ceste ville quelque somme pour survenir a son entretien
et gaiges... que M* Aubert, maistre d'escolle, seroict inhibé de
faire aulcune foncion pour l'enseignement desdites filhes. » A
l'unanimité, il fut décidé que a l'on s'informera comme on pro-
cède aux aultres villes et lieux de ceste province et des edicts
que messire Matty proppoze sans les exibcr... »
Au mois de mai iCx)!, messire Bonnet, vicaire de l'église Saint-
Jacques de Mouriès, fit remettre au consul Jacques Manson,
avocat, un billet de l'intendant Lebret, daté du 22 octobre précé-
dent, invitant le conseil à subventionner une personne propre à
instruire les enfants, surtout ceux des Nouveaux-Convertis, et de
l'établir à Mouriès. Le conseil répondit qu'il y avait impossibilité
absolue et qu'établir un maître d'école à Mouriès c'était s'exposer
à voir les habitants de Saint-Martin-de-(^astillon en demander un
troisième pour eux ; qu'il convenait de laisser l'état actuel des
aiTaires tel que; enfin que le premier consul était prié de faire de
très humbles remontrances à l'intendant pour revenir sur sa déci-
(i) Pièce justificative n* H.
26 MÉMOIRES
sion, dans le cas où il en aurait pris une en faveur de messire
Bonnet ou d'autres solliciteurs.
L'intendant n'insista pas, mais il eut recours ù un autre moyen
pour résoudre cette question à l'entière satisfaction du conseil
des Baux et de l'église. Par son ordonnance du 17 août lôgS, ce
magistrat obligea les Nouveaux-Convertis à envoyer régulière-
ment leurs enfants aux écoles, instructions et catéchismes, sous
peine d'une amende de cinq sols pour chaque délit et immédiate-
ment applicable. Les curés, vicaires et régents devaient dresser
un rapport bi-mensuel et le lui faire parvenir sans retard (i).
On comprendra toute l'immoralité et toute la cruauté de cette
mesure qui mettait tous les enfants protestants de Mouriès dans
l'obligation de fréquenter la seule école existante alors, celle des
Baux, éloignée de plus de onze kilomètres! à moins que les
vicaires de Mouriès et de Saint-Martin-de-Castillon ne fussent
chargés de leur instruction, ce qui était possible.
En 1697 et le 8 mars, Jacques Aubert, « professeur aux lettres »
de la ville des Baux, fut installé dans sa charge d'auditeur et
d'examinateur des comptes, par le viguier Charles de Por-
cellet.
Maîtres particuliers. — D après le notaire Jean David, Laurent
Bastidy, «clerc ecclesiasjiqueou escollier», originaire d'Aix, était
au service du sieur de Manville, dont il séduisit la chambrière,
Anne Espérance. Les preuves matérielles étant à un moment
donné devenues des plus évidentes, le séducteur fut incarcéré
dans la prison des Baux, le 3 septembre 162 1, par ordre du viguier,
quoique, sur la plainte de la victime, Pierre de Manville eût
résolu de châtier le coupable. De cette affaire criminelle s'éleva
un conflit entre ce seigneur et le viguier, dont l'ingérence inop-
portune et usurpatrice portait ombrage au premier.
Honoré Peyre, également notaire, nous a conservé le nom de
quelques autres professeurs de famille, savoir :
Jean Bonnet, de la ville d'Entrevaux, précepteur des enfants du
sieur de Molières, en \C1i\4 :
Jean Malet, de la ville de Castellane, régent des enfants de
Pierre Manson, résidant au Paradou et à la même date que
dessus ;
Louis Fal la vel, originaire de la ville de Gordes, où son père
Jean était maître d'école, régente au Destet les enfants de Simon
(i) Pièce justificative n* III.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 'TJ
Peyre, bourgeois. 11 appartenait à la Religion réformée et fit son
testament à la date du lo janvier 1670;
Antoine Pascaly, « escollier du lieu de Maiche, diocèse de Glan-
devès », figure, le 16 juillet 1674, comme témoin dans le testa-
ment de Anne Imbert, veuve de Jean Boussot, marchand de
Lourmarin, résidente à Mouriès. Cette testatrice était protes-
tante ;
André Arnaud, écolier du liçu de Serre en Dauphiné, fut un
des témoins du testament lait par Honoré Peyre à son mas du
Destet, le 26 septembre 1666.
IV.
Après avoir dirigé l'école des Baux pendant un demi-siècle,
Jacques Aubert mourut le 6 décembre 1712, âgé de 82 ans; on
rinhuma dans Téglise Saint-Vincent. Originaire de Quinson,
mais établi aux Baux en i663, en qualité de « professeur aux
lettres », ce personnage s'y maria en i683 avec une veuve,
Catherine Rangon, de laquelle il eut quatre fils. Les deux aînés
s'appelaient Antoine, le troisième Honoré qui fut notaire, le
quatrième Joseph-Ignace, successeur et continuateur de Tœuvre
de son père jusqu'en 1718.
Au mois de mars 1720, le sieur Chartroux, lieutenant en Pro-
vence de l'intendant Lebret, écrivait (i) aux consuls des Baux et
à ceux d'Eyguières, Sénas, Laroque d'Anthéron, Velaux, Mérin-
dol et Lourmarin, que les Nouveaux-Convertis ne devaient pas
s'attendre à voir rétablir l'exercice de leur culte et qu'il fallait
prévenir les pères, mères et curateurs d'envoyer les enfants aux
instructions données à leur intention dans les paroisses, et même
de les y faire conduire. C'était le prélude aux aflaires de 1724.
En 1720, le trésorier de la communauté se déchargea de la
somme de trente livres, qu'il déposait entre les mains du notaire
royal Sallomé, comme paiement des gages du maître d'école, le
sieur Roux, qui s'obstinait à les refuser.
Tout le monde connaît la déclaration royale donnée à Versailles
le 14 mai 1724, concernant la religion et l'établissement dans
toutes les paroisses des maîtres et maîtresses d'école, aux gages
de i5oet 100 livres, payables par tous les habitants là où il n'y
(I) Pièce justificative n' IV.
28 * MÉMOIRES
aurait pas d'autres fonds. 11 est dit à l'article VI : « Enjoignons à
tous les pères, mères, tuteurs et autres personnages qui sont
chargées de l'éducation des enfants, et nommément de ceux dont
les pères et mères ont fait profession de la religion prétendue
réformée ou sont nés de parents religionnaires, de les envoyer
^ux écoles et aux catéchismes jusqu'à l'âge de 14 ans, même
pour ceux qui sont au-dessus de cet âge jusqu'à l'âge de 20 ans,
aux instructions qui se font les dimanches et les fêtes... Enjoi-
gnons aux curés de veiller avec attention particulière sur l'in-
struction desdits enfants dans leur paroisse, même à l'égard de
ceux qui n'iront pas aux écoles... »
S'inspirant de cet article et se conformant à son contenu, le
curé de Mouriès, Baussan, s'occupa sans retard de créer une
double école dans sa vaste paroisse, dont la population augmen-
tait, tandis que celle des Baux était en diminution constante.
Aussi, en 1725. plusieurs habitants de Mouriès présentèrent-ils à
l'archevêque d'Arles, Jacques II de Forbin-Janson, une requête
demandant l'application de l'article VI de la déclaration précitée,
attendu que dans ladite paroisse il y avait un grand nombre de
Nouveaux-Convertis, dont les enfants avaient besoin d'être
instruits de la religion catholique. Le prélat, avisé et consulté,
répondit de la manière la plus favorable, ordonnant la création
d'une double école à Mouriès, sauf aux habitants de se pourvoir
par devant qui de droit pour taxer les gages du maître et de la
maîtresse, appelés à diriger ces nouvelles écoles. Saisi de cette
affaire, le conseil de la ville des Baux eut recours à un moyen
terme. Il consentit à créer une école de garçons et à subvention-
ner le maître, mais quant à celle des filles, il pria les impétrants
de ne pas insister, étant donné le très petit nombre de filles à
qui Ton apprenait à lire.
Ce demi-succès déplut au curé Baussan, qui insista à nouveau
et mit le conseil dans l'obligation de répondre favorablement
dans trois jours à la sommation qu'il leur fit faire par l'huissier
Vachier avec menaces de porter requête à l'intendant. Le conseil
de la ville des Baux craignant une surpriseetestimant avec raison
que la paroisse de Saint-Martin-de-Castillon pourrait lui adresser
une demande identique, dépêcha à Aix le sieur de Momblan pour
prendre avis d'avocat et saisir l'intendant de cette grave question,
en insistant surtout sur l'état précaire des finances. Ce magistrat,
sollicité des deux côtés, renvoya les parties sans rien imposer, et
l'école, fondée à Mouriès par Tautorité ecclésiastique, ne fut
point pour le moment subventionnée par la communauté.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 29
En 1727 et le r> juillet, le consul Darmure demanda au conseil
des Baux de salarier le maître d'école établi à Mouriès, à cause
de la présence de nombreuses familles de la religion prétendue
réformée et de chercher un moyen convenable pour éviter un
procès dont la poursuite serait très onéreuse, son sentiment étant
de rendre justice aux habitants dudit hameau en chargeant la
communauté des gages du régent. La majorité du conseil émit
ravis de maintenir les décisions précédentes.
C'est le 6 décembre 171k) que fut porté le coup décisif, celui qui
devait vaincre Tentêtement du conseil des Baux. Il est vrai que
celui-ci avait montré l'année d'avant quelques sentiments de
modération, en accordant la somme de six livres pour la con-
fection de quelques tables et de quelques bancs réclamés pour
l'école de Mouriès. Le sieur Quenin ayant fait remarquer que les
enfants de ce lieu étaient souvent sans éducation à cause de l'ex-
trême difficulté d'avoir un maître d'école auquel on pût donner
par cotisation des gages suffisants, et qu'il conviendrait que la
communauté donnât au régent de Mouriès autant qu'à celui des
Baux, soit i5o livres par année, le conseil à l'unanimité accorda
une subvention annuelle de cent livres et sur la requête des
conseillers habitant Saint-Martin-de-Castillon, fonda une double
école au Paradou et à Maussane avec un traitement de cinquante
livres à chacun des deux maîtres appelés à les diriger. Ainsi
furent créées en même temps et pour les mêmes motifs trois nou-
velles écoles dans le pays.
Cela accompli, le conseil songea à établir des maîtres, lesquels
devaient être examinés par les consuls qui s'assureraient que,
tant pour les mœurs que pour le savoir, les postulants étaient
aptes à remplir les fonctions de régents, qu'ils seraient ensuite
présentés par eux à l'acceptation et à l'approbation de l'archevê-
que et qu'une fois nommés, les maîtres d'écoles prendraient l'en-
gagement de ne demander aucune augmentation de salaire pour
quelque cause et prétexte que ce fût. Dans ces conditions, trois
nouveaux pédagogues furent nommés, savoir : Tardy à Mouriès,
Giraudau Paradou et Dufaur à Maussane.
L'année 1 740 n'était pas encore écoulée que déjà deux voisins
avaient entre eux la guerre. Le régent du Paradou ne faisait
aucune difficulté pour recevoir et attirer à son école des enfants
appartenant au hameau de Maussane. Sur la plainte du sieur
Dufaur et pour rétablir la bonne union et concorde, le conseil de
la communauté fixa au Touret qui existe entre les deux villages
28
MEMOIRES
aurait pas d'autres fonds. 11 est dit à l'article VI : « Enjoignons à
tous les pères, mères, tuteurs et autres personnages qui sont
chargées de l'éducation des enfants, et nommément de ceux dont
les pères et mères ont fait profession de la religion prétendue
réformée ou sont nés de parents religion naires, de les envoyer
^ux écoles et aux catéchismes jusqu'à l'âge de 14 ans, même
pour ceux qui sont au-dessus de cet âge jusqu'à Tâge de 20 ans,
aux instructions qui se font les dimanches et les fêtes... Enjoi-
gnons aux curés de veiller avec attention particulière sur l'in-
struction desdits enfants dans leur paroisse, môme à l'égard de
ceux qui n'iront pas aux écoles... »
S'inspirant de cet article et se conformant à son contenu, le
curé de Mouriès, Baussan, s'occupa sans retard de créer une
double école dans sa vaste paroisse, dont la population augmen-
tait, tandis que celle des Baux était en diminution constante.
Aussi, en 1725, plusieurs habitants de Mouriès présentèrent-ils à
l'archevêque d'Arles, Jacques II de Forbin-Janson, une requête
demandant l'application de l'article VI de la déclaration précitée,
attendu que dans ladite paroisse il y avait un grand nombre de
Nouveaux-Convertis, dont les enfants avaient besoin d'être
instruits de la religion catholique. Le prélat, avisé et consulté,
répondit de la manière la plus favorable, ordonnant la création
d'une double école à Mouriès, sauf aux habitants de se pourvoir
par devant qui de droit pour taxer les gages du maître et de la
maîtresse, appelés à diriger ces nouvelles écoles. Saisi de cette
affaire, le conseil de la ville des Baux eut recours à un moyen
terme. Il consentit à créer une école de garçons et à subvention-
ner le maître, mais quant à celle des filles, il pria les impétrants
de ne pas insister, étant donné le très petit nombre de filles à
qui Ton apprenait à lire.
Ce demi-succès déplut au curé Baussan, qui insista à nouveau
et mit le conseil dans l'obligation de répondre favorablement
dans trois jours à la sommation qu'il leur fit faire par l'huissier
Vachier avec menaces de porter requête à Tintendant. Le conseil
de la ville des Baux craignant une surpriseetestimant avec raison
que la paroisse de Saint-Martin-de-Castillon pourrait lui adresser
une demande identique, dépêcha à Aix le sieur de Momblan pour
prendre avis d'avocat et saisir l'intendant de cette grave question,
en insistant surtout sur l'état précaire des finances. Ce magistrat,
sollicité des deux côtés, renvoya les parties sans rien imposer, et
l'école, fondée à Mouriès par Tautorité ecclésiastique, ne fut
point pour le moment subventionnée par la communauté.
DE l'académie de VAUCLUSE 29
En 1727 et le ?> juillet, le consul Darmure demanda au conseil
des Baux de salarier le maître d'école établi à Mouriès, à cause
de la présence de nombreuses familles de la religion prétendue
réformée et de chercher un moyen convenable pour éviter un
procès dont la poursuite serait très onéreuse, son sentiment étant
de rendre justice aux habitants dudit hameau en chargeant la
communauté des gages du régent. La majorité du conseil émit
Tavis de maintenir les décisions précédentes.
C'est le 6 décembre 1789 que fut porté le coup décisif, celui qui
devait vaincre l'entêtement du conseil des Baux. Il est vrai que
celui-ci avait montré l'année d'avant quelques sentiments de
modération, en accordant la somme de six livres pour la con-
fection de quelques tables et de quelques bancs réclamés pour
l'école de Mouriès. Le sieur Quenin ayant fait remarquer que les
enfants de ce lieu étaient souvent sans éducation à cause de l'ex-
trême difficulté d'avoir un maître d'école auquel on pût donner
par cotisation des gages suffisants, et qu'il conviendrait que la
communauté donnât au régent de Mouriès autant qu'à celui des
Baux, soit i5o livres par année, le conseil à l'unanimité accorda
une subvention annuelle de cent livres et sur la requête des
conseillers habitant Saint-Martin-de-Castillon, fonda une double
école au Paradou et à Maussane avec un traitement de cinquante
livres à chacun des deux maîtres appelés à les diriger. Ainsi
furent créées en même temps et pour les mêmes motifs trois nou-
velles écoles dans le pays.
Cela accompli, le conseil songea à établir des maîtres, lesquels
devaient être examinés par les consuls qui s'assureraient que,
tant pour les mœurs que pour le savoir, les postulants étaient
aptes à remplir les fonctions de régents, qu'ils seraient ensuite
présentés par eux à l'acceptation et à l'approbation de Tarchevê-
que et qu'une fois nommés, les maîtres d'écoles prendraient l'en-
gagement de ne demander aucune augmentation de salaire pour
quelque cause et prétexte que ce fût. Dans ces conditions, trois
nouveaux pédagogues furent nommés, savoir : Tardy à Mouriès,
Giraudau Paradou et Dufaur à Maussane.
L'année 1 740 n'était pas encore écoulée que déjà deux voisins
avaient entre eux la guerre. Le régent du Paradou ne faisait
aucune difficulté pour recevoir et attirer à son école des enfants
appartenant au hameau de Maussane. Sur la plainte du sieur
Dufaur et pour rétablir la bonne union et concorde, le conseil de
la communauté fixa au Touret qui existe entre les deux villages
3o MÉMOIRES
une limite séparative que les deux magisters ne pouvaient fran-
chir pour le recrutement de leurs élèves, sans s'exposer à la perte
totale de leur traitement.
Afin d'assurer la présence d'un troisième prêtre aux Baux, le
consul Maillard proposa, le jôavril de Tannée suivante, de renvoyer
le régent, le sieur Pitola, et de donner son traitement avec la direc-
tion de Técole à messire Roux, dont il patronnait et recomman-
dait chaudement la candidature. Le conseil, ayant approuvé,
donna six mois à Pitola pour se pourvoir d'un autre poste. Un
mois après, ce régent, absolument disgracié, fut révoqué sur
la plainte plus ou moins fondée de plusieuils pères de famille et
le notaire Chamard lui notifia officiellement son malheur et la
suppression de ses honoraires.
En 17S8 et le 17 décembre, le sieur de Momblan obtint du
conseil que les gages des maîtres de Maussane et de Saint-
Martin-de-Gastillon fussent portés à cent livres.
Même année et le 3i décembre, le consul Grognard proposa
comme régent le sieur Diveux. a bon latiniste », à l'effet de rem-
placer Duclerc, qui venait de quitter les Baux pour enseigner au
Paradou. Le conseil agréa la proposition, le nouveau maître fut
accepté, sauf l'approbation archiépiscopale, aux gages ordirian-es ;
on lui accorda, deux ans après, sur sa demande, une table et
deux bancs pour l'école, et douze livres annuelles en sus de ses
gages pour la location d'une salle où désormais serait donné
l'enseignement. Nous lisons, en effet, à la date du 3 août 1760 :
« Plus a été proposé qu'il est de droit et d'usage que les com-
munautés fournissent aux maîtres d'école une salle pour leur
classe, ce qui avait même été ainsi pratiqué dans cette ville
depuis qu'il y a un maître d'école établi, ce qui pourtant, pour
certaines considérations, aurait été interrompu pendant quelques
années, le sieur Diveux en demandant aujourd'hui le rétablisse-
ment, leur avis était que cette demande paraissait légitime, mais
que la communauté ne pouvant lui fournir dans ce pays une
salle pour sa classe sans tomber dans une dépense extraordi-
naire, il lui sera donné douze livres annuellement, la courante
année comprise. »
Si les conseillers des Baux nous paraissent en ce moment si
bien disposés, c'est que l'intendant venait de leur faire sentir son
pouvoir, en rétablissant d'office, comme on le verra aux Pièces
justificatives (i), le traitement de Joseph Révcl, maître d'école à
(1) Pièce |u8tlficative n* V.
DE l'académie de vaucluse 3i
Mouriès, supprimé le 20 janvier précédent pour des raisons que
nous ne connaissons pas.
Le sieur Diveux fut remplacé aux Baux en 1767 par un nommé
Paris, lequel ayant l'approbation de Tarchevèque, Jean-Joseph de
Saint-Jean-de-Jumilhac, crut par ignorance ou par orgueil devoir
se passer de prévenir les consuls et d'avoir leur assentiment. Une
violente opposition se produisit à ce sujet au sein du conseil du
18 janvier et ses services ne furent agréés qu'à une majorité de
quatre voix et à la condition de présenter des excuses avec toutes
les formes requises à MM. les conseillers et à M. Coye, lequel
persistant dans son ressentiment, dit « qu'il méprisait pour sa
part lesdites excuses, attendu que le sieur Paris était venu dans
cette ville comme maître d'école sans l'attache de messieurs les
consuls de l'année précédente et qu'une semblable insulte rejail-
lissait sur tout le corps de la communauté» ; il invitait donc le
conseil à ne point accepter le candidat, afin d'éviter des précé-
dents fâcheux et de semblables inconvénients à l'avenir. A la fin
du mois d'août, Paris n'était plus aux Baux et l'opposition avait
fini par triompher de son courage. Le premier consul dit, en
effet, que maître Paris s'en était allé furtivement et qu'on avait
reconnu que depuis quelque temps il ne remplissait pas ses
devoirs avec exactitude; que, d'un autre côté, on avait reçu les
offres de service d'un nommé Jullien, habitant Nimes. Sur quoi,
M. Coye dit : « Que Paris n'avait décampé de cette façon indécente
que faute d'instruction de mœurs ; que la communauté l'avait
reçu maître d'école sur l'approbation de Monseigneur l'archevê-
que, nonobstant le sentiment des conseillers qui ne le voulaient
pas ; qu'à l'avenir et pour empêcher qu'un régent s'établisse sans
l'agrément des consuls, il fallait tout d'abord l'approbation de
ceux-ci pour pouvoir ouvrir écoles publiques et toucher les gages
accoutumés, et que cette condition serait désormais absolue. »
Jullien ne vint pas et le sieur de Saint-Roman proposa plus
tard un abbé, que le conseil accepta, mais en recommandant à
Sallomé et à Saint-Roman d'écrire au maître d'école pour le prier
de se rendre aux Baux afin de s'entendre ; d'apporter avec lui
un certificat de bonne vie et mœurs, délivré par le curé de Vendrait
qu'il habitait, qu'ensuite il lui serait remis un extrait de la pré-
sente délibération, pour être présenté au grand- vicaire, dont
l'appro '.nation lui était nécessaire : les consuls lui donneront après
cela la régence de l'école avec les émoluments attachés à ce
service.
32 MÉMOIRES
La ville des Baux dépensa pour ses maîtres d écoles la somme
de 462 livres en 1767 et pendant les années suivantes.
En 1771 et le 23 juin, sur la proposition du consul Laugeiret,
Joseph Granet eut la direction des écoles des Baux. Il s'était
muni préalablement de toutes les pièces nécessaires : approbation
des grands-vicaires, certificats et attestations diverses établissant
qu'il possédait toutes les qualités requises. L'année suivante, il
était secrétaire de la communauté.
Le h décembre 1772, un grand nombre d'habitants du Paradou
rédigèrent et présentèrent au conseil un mémoire dans lequel ils
se plaignirent que le nommé Chambeau s'était immiscé de lui-
même dans ladite paroisse pour y enseigner les enfants. Ils le
déclaraient incapable d'enseigner l'arithmétique et l'écriture et
proposaient de mettre à sa place un bon sujet qu'ils connais-
saient et qu'ils recommandaient au conseil. Celui-ci fut d'avis d'en
écrire aux grands-vicaires pour les prier d accueillir favorable-
ment la requête des suppliants et de leur donner le régent de leur
choix. Un mois après, le conseil fut de nouveau saisi de la même
question par une pétition en sens contraire, qui fut remise par
les soins du curé Alaureau ! On y vantait les capacités pédagogi-
ques du régent et le contenu en fut certifié conforme à la vérité.
Les consuls et conseil ers des Baux chargèrent les sieurs Olivier
et Aubert de faire une enquête, dont le résultat devait être exposé
à la prochaine séance pour y être examiné. La fin de cette alïaire
fut favorable à Chambeau, qui resta au Paradou pendant une
douzaine d'années encore.
En 1775 et le 24 novembre, Joseph Revel, natif de Frontignan,
époux de Simone Matavet et régent de l'école de Mouriès, mourut
dans ce village, âge de Cxj ans, et fut inhumé dans le cimetière
paroissial. Un an après, le maire et le consul exposèrent au conseil
a que la régence des écoles était vacante depuis assez longtemps
par le décès du sieur Revel et d'autant que cette paroisse est la
plus nombreuse du terroir, il convient de remplir cette place
pour que la jeunesse reçoive une éducation chrétienne et utile,
et après s'être donné bien de soins, se procure un bon sujet. Le
sieur Joseph Fugeiret, catholique, ap(jstolique et romain, homme
de bonne vie et m(eurs, très en état de donner une bonne éduca-
tion a la jeunesse, leur apparaît propre a remplir cette place, et à
cet elïet, ils rt)nt propose au conseil pour y délibérer, leur avis
étant de l'admettre et de lui accorder la somme de cent livres, que
la communauté est d'usage d'accorder au régent des écoles de
DE l'académie de vaucluse 33
ladite paroisse et de supplier Monseigneur Tillustrissime et révé-
rendissime archevêque d'Arles de lui accorder son approbation et
commission pour remplir ladite place, d'autant que ledit sieur
Fugeiret exerçait depuis cinq mois et au-delà la régence des
écoles de Mouriès de leur consentement et qu'ils avaient attendu
jusqu'à ce jour de le proposer pour être mieux à môme de con-
naître sa conduite et sa capacité, desquelles ils ont été très satis-
faits, de même que le public dudit Mouriès, au moyen de quoi
leur avis est de lui accorder les honoraires attachés auxdites
écoles pour les six derniers mois de cette année (i). » Le conseil
approuva.
L'école des Baux eut trois directeurs dans la seule année 1777,
savoir : Millie, Aymard et Martin. Nous ne possédons aucun
renseignement sur le premier; le deuxième était vicaire et dirigea
Técole aux gages accoutumés pendant toute la vacance du poste ;
quant au troisième, c'était un professionnel venant d'Arles et qui
fut prié de présenter ses certificats de bonne vie et moeurs et de
capacité pédagogique, le tout complété de l'approbation ecclé-
siastique. Devenu peu de temps après régent à Mouriès, il y
mourut le 3o septembre 1785, sans alliance ni famille. Il était âgé
d'environ 53 ans, et fils d'Antoine, ménager à Saint-Gilles, en
Languedoc. Il fut remplacé la même année par Jean-Pierre Gri-
maldier des Baux, auquel on imposa de faire la classe pendant
trois heures le matin et pendant trois heures le soir, excepté les
quatre mois d'hiver (i). Au mois de juin de l'année suivante, il
passa aux Baux, et le sieur Pierre Beauvais, de la ville de Crest en
Dauphiné, régent à Salon, prit sa place à Mouriès.
En 1780 et le 6 août, François-Pierre Pécoul fut chargé de
l'école des Baux, et en 1788. le sieur Guillaume Fouret prit la
direction de celle de Mouriès, à la condition de vendre son bil-
lard.
Le prêtre Aubert, qui dirigeait Técolede Maussane, mourut le
M) septembre 1787. Coye de Vaumalle, premier consul et maire,
demanda au conseil « de pourvoir à son remplacement par la
personne de Jean-Martin Harmelier, natif de la ville de Seynes
Haute-Provence), mais résidant aux Baux depuis plus de 20 ans.»
Ct personnage fut agréé, après avoir pris l'engagement préalable
de sj défaire de sa charge d'huissier.
(I) Pièce justificative n* VI.
i'j) Cette partie de l'année correspond à la cueillette et au grappillage des olives.
34 MÉMOIRES
Tout au commencement de ce XVIII* siècle, les maîtres appre-
naient l'écriture, grosse, moyenne et fine, en donnant eux-
mêmes comme modèles en tête de la page que Télève devait
remplir les simples lettres de Talphabet, puis des syllabes, des
mots entiers et enfin des exemples comme ceux-ci : « Vous êtes, le
plus diligent de tous les écoliers», « Claude Peyre est plus sage
que Louis Serre » (i).
V.
Nous consacrons ce chapitre à donner les noms du personnel
enseignant tant aux Baux qu'à Mouriès, à Maussane et au
Paradou, d'après Tordre chronologique et en commençant par
les Baux. La série de ces divers personnages a été établie diaprés
les opérations financières des trésoriers, les minutes des notaires
et les délibérations consulaires.
A. — Régents de l'école des Baux (2).
N. en 1544.
Imbert Andrieu. i5 juin 1847 (notaire Simon Salomé).
Olivier Jean et de Lacour Maurice. f552-i554.
Antoine... i554.
Clappier Jean et Charles Jacques, prêtre. iS56.
Imbert André de nouveau en i558.
Reynier Jacques, de Toulon. iSgS.
Doard Claude, « escollier ». 1604.
Siméon François. i6o5-i6o7 (3).
Jean François. iSmai 1607-15 mai 1608.
Barneoud Jean, i*" octobre 1608-1609(41.
Mouton Jean. i6i5.
Ricard Guis. 161 7.
(1) D'après des documents de 171 1, remis par nos soins aux archives du Comité des
travaux historiques.
(2) Les gages des régents ont beaucoup varié. Ils étaient de 16 livres en 1595, de
36 en i6<:)6, de 60 en i653, de 90 en 1675, de looen 1716, et enfin de iSo en 1725 jusque
en 1789. La communauté des Baux n'avait accordé tout d'abord que la maison com-
mune pour salle de classe.
{'à) Pièce justificative n" I.
(4) Il y a après 1610 une lacune de quelques années. Le registre du comptable
porte : « A celui qui enseignera après engagement pour trois ans. »
DE l'académie de vauclusb 35
Viard Jean. Février 1618.
Gérard Louis, natif de Mormoiron. i^"" octobre 1 6 19- r^ octobre 162 1 .
Benoît. 1622.
Renaud. 1622-1623, pendant 10 mois.
Richard. 1625. — Dupuis Jean. 1625-1626.
Pélissier Pierre reçoit 6 écus pour 6 mois. Octobre 1627.
Durand Henri. i628-i63o.
Ailiaud Balthazard, « escollier de Riez ». 1682 (i).
Pichaud. i633. — Il fut congédié par les consuls au bout de
dix mois.
De Manville Jean. i633-i634. — Il était le fils de Jacques, enfant
naturel de Claude II.
Fortolis Jacques. i638.
Daucon. 1639- 1640.
Barnéoud Laurent. 3* prêtre. 164 1- [645 et en 1648. — Il avait un
frère marchand à Tarascon.
Segond. 1646.
Salvagny Urbain, 3* prêtre. 1647, '657, 1659-1663(2).
Barbarin. 1648.
Allemand Paul 3' prêtre. 1649.
Aguillon 3* prêtre. A partir du 6 septembre i65o à i65i.
Magdeleine Gaspard. ï653.
Reynsud 3' prêtre, avec Urbain Salvagni. i655-i656.
Besson J. 1 658- 1659.
Aubert Jacques, natif de Quinson. 1663-1712.
Au bert Ignace-Joseph, né aux Baux le 3i juillet 1694 et fils du
précédent. 1712-1718.
Rosais. 1719.
Roux. 1720. — Nous pensons que Rosais et Roux sont un même
personnage (Rosais, Rousset, Roux).
Palureau, 3* prêtre. 1721.
Bonnet Antoine. 1722-1740.— Pitola. 1741. — Roux. 1741.
Blanchier Joseph, abbé. 1742-1744, 1746-1748.
Fortin. 1745.
Brousse Jean. 1749-1750.
(^arbonel. 1751. — Argoud. Six mois en 1751.
(I; Noiaire Jwouis Manson, 8 avril i632. (Archives de M' Gaston LaviUe, notaire à
Mouriùs.)
Ci Pièce iuslificative n- II. —Tous les prêtres qui avaient la direction de Pccole
ciaient aussi chargrés de sonner les cloches, d'entretenir et de blanchir le l^ngre de la
sacristie, moyennant une rétribution supplémentaire.
36 MÉMOIRES
Duclerc François. 1752-1760. — Il exerça ensuite au Paradou.
Diveux Jean-Baptiste. 1760-1767.— II avait épousé en 1759 Jeanne
Bonnet.
Paris. 1768.
Dubaï. 1769-1770.
Granet. 1 771-1774.
Amy ou Mille. 1775-1777.
Aymard 3* prêtre, 1777, quelques mois.
Martin Jean. 1778-1780. — Il avait dirigé Técole de Mouriès en
1778 pendant trois mois; il y revint de nouveau.
Pécoul François, chirurgien. 1 780-1 78G.
Grimaldier Jean-Pierre, natif des Baux. 1787-1788.
Marinier Etienne. 1789-1790. — Marié aux Baux en 1776 avec
Pétronille Moutonet ; il était le secrétaire de la communauté
en 1790.
Précepteurs particuliers (i).
Bastidy Laurent, à Manville(i). 1621.
Bonnet Jean, chez le sieur de Molières. 1664.
Malet Jean, chez Pierre Manson au Paradou. 1664.
Arnaud André, chez Honoré Peyre au Destet. 1666.
Fallavel Louis, chez Simon Peyre au Destet. 1670.
Pascaly Antoine, à Mouriès. 1674.
B. — Régents de V école de Mouriès (2).
Tardy. 1740- 1743.
Revel Joseph. 1744- 1775.
Fugeiret Joseph. 1775-1777.
Prat. 1778- 1779.
Martin Jean. 1780- 1785.
Grimaldier Jean-Pierre ; il était natif des Baux, où il passa sur sa
demande. 1785-1786.
Beauvais ou Bouvet Pierre. 1787. Originaire de Crest, il quitta
Salon pour diriger Técole de Mouriès.
Fouret Guillaume. 1788-1790. — Recommandé chaleureusement
par M; de Bonnecorse.
(1) D'après les minutes de Jean David et celles de Honoré Peyre, notaires aux Baux,
aux dates indiquées. (Archives de M* Gaston Laville, notaire à Mouriès.)
(i) Aux gages inconnus.
(2) Aux gages de 100 livres.
DE i/académie de VAUCLUSE 3/
C. — Régents de r école de Maussane (i).
Tacy. 1740.
Dufaur. 1 741 -1743.
Granouxet Compagnon. 1748, pendant quelques mois.
Duverné. 1745.
Poncet. 1746.
Argoux. 1761.
Aubert Pierre-Louis, prêtre. 1755-16 septembre 1787.
Harmelier Jean-Martin. A partir de décembre 1787.
D. — Régents de V école de Saint-Martin-de-Castillon,
autrement dit le Paradou,
Giroud Jean-Claude. 1740-1741, 1743-1746.
Pitola Antoine. 1742.
Compagnon, originaire probablement d'Arles. 1745.
Armand Nicolas, prêtre secondaire, natif d'Orange. 1747.
De Retz Jacques. 1748. Né aux Baux le 4 février 1724, fils de
Claude et de Jeanne de Salies et établi comme marchand au
Paradou.
Gras Charles. 1749-1754.
Brunet Antoine. 1754- 1759. — Sa femme s'appelait Anne Nègre.
Richaud Jean-André. 1759, 1763- 1767.
Duclerc Barthélémy. i'/iyO'\j62. — Natif de Péronne en Picardie,
il avait épousé Anne Pézenas, de Carpentras et mourut au'
Paradou le 3 mai 1762, âgé de 61 ans.
(^hambeau Antoine. 1 768-1 788. Naquit à Tarascon, en 1726, de
Joseph et de Firmine Chabert. S'étant établi au Paradou avec
son père et exerçant le métier de facturier, il épousa, le 20 août
1753, Trophimette Ramel. Plus tard il s'improvisa régent.
Hubac. 1789-1790.
Quand la création de l'école du Paradou fut décidée en 1740,
cinq habitants de ce lieu s associèrent pour l'établissement d'une
maison d'école avec le matériel nécessaire. Le maître devait
payer une annuité de neuf livres, réciter chaque samedi après la
messe les litanies de la Vierge et dire un De Profundis en faveur
(i) Aux gages de 5o livres jusque en 1 768 et de 100 livres à partir de cette date.
Même observation pour les régents du Paradou.
36 MÉMOIRES
Duclerc François. 1752- 1760. — 11 exerça ensuite au Paradou.
Diveux Jean-Baptiste. 1760-1767.— Il avait épousé en 1759 Jeanne
Bonnet.
Paris. 1768.
Dubaï. 1769-1770.
Granet. 1771-1774.
Amy ou Mille. 1775-1777.
Aymard 3* prêtre, 1777, quelques mois.
Martin Jean. 1778-1780. ~ Il avait dirigé l'école de Mouriès en
1778 pendant trois mois; il y revint de nouveau.
Pécoul François, chirurgien. 1780-1786.
Grimaldier Jean-Pierre, natif des Baux. 1 787-1 788.
Marinier Etienne. 1789-1790. — Marié aux Baux en 1776 avec
Pétronille Moutonet ; il était le secrétaire de la communauté
en 179").
Précepteurs particuliers (i).
Bastidy Laurent, à Manville(i). 1621.
Bonnet Jean, chez le sieur de Molières. 1664.
Malet Jean, chez Pierre Manson au Paradou. 1664.
Arnaud André, chez Honoré Peyre au Destet. i66^3.
Fallavel Louis, chez Simon Peyre au Destet. 1670.
Pascaly Antoine, à Mouriès. 1674.
B. — Régents de l'école de Mouriès (2).
Tardy. 1740- 1743.
Revel Joseph. 1744- 1775.
Fugeiret Joseph. 1 775- 1777.
Prat. 1778-1779.
Martin Jean. 1780-1785.
Grimaldier Jean-Pierre ; il était natif des Baux, où il passa sur sa
demande. 1785-1786.
Beauvais ou Bouvet Pierre. 1787. Originaire de Crest, il quitta
Salon pour diriger Técole de Mouriès.
Fouret Guillaume. 1788-1790. — Recommandé chaleureusement
par M.' de Bonnecorse.
(i) D*après les minutes de Jean David et celles de Honoré Peyre, notaires aux Baux,
aux dates indiquées. (Archives de M- Gaston Laville, notaire à Mouriès.)
(i) Aux gages inconnus.
(2) Aux gages de 100 livres.
DE l/ ACADEMIE DE VAUCLUSE 3/
C. — Régents de r école de Maussane (i).
Tacy. 1740.
Dufaur. 1741-1743.
Granouxet Compagnon. 1748, pendant quelques mois.
Duverné. 1745.
Poncet. 1746.
Argoux. i75r.
Aubert Pierre-Louis, prêtre. 1755-16 septembre 1787.
Harmelier Jean-Martin. A partir de décembre 1787.
D. — Régents de V école de Saint-Martin-de-Castillon,
autrement dit le Paradou.
Giroud Jean-Claude. 1740-1741, 1743-1746.
Pitola Antoine. 1742.
Compagnon, originaire probablement d'Arles. 1745.
Armand Nicolas, prêtre secondaire, natif d'Orange. 1747.
De Retz Jacques. 1748. Né aux Baux le 4 février 1724, fils de
Claude et de Jeanne de Salies et établi comme marchand au
Paradou.
Gras Charles. 1749-1754.
Brunet Antoine. 1754-1759. — Sa femme s'appelait Anne Nègre.
Richaud Jean-André. 1759, 1763-1767.
Duclerc Barthélémy. 17(^0-1762. — Natif de Péronne en Picardie,
il avait épousé Anne Pézenas, de Carpentras et mourut au'
Paradou le 3 mai 1762, âgé de 61 ans.
(]hambeau Antoine. 1768-1788. Naquit à Tarascon, en 1726, de
Joseph et de Firmine Chabert. S'étant établi au Paradou avec
son père et exerçant le métier de facturier, il épousa, le 20 août
1753, Trophimette Ramel. Plus tard il s'improvisa régent.
Hubac. 1789-1790.
Quand la création de l'école du Paradou fut décidée en 1740,
cinq habitants de ce lieu s'associèrent pour l'établissement d'une
maison d'école avec le matériel nécessaire. Le maître devait
payer une annuité de neuf livres, réciter chaque samedi après la
meSwSe les litanies de la Vierge et dire un De Profundis en faveur
(I) Aux gages de 5o livres jusque en 1758 et de 100 livres à partir de cette date.
Môme observation pour les régents du Paradou.
36 MÉMOIRES
Duclerc François. 1752- 1760. — Il exerça ensuite au Paradou.
Diveux Jean-Baptiste. 1760-1767.— Il avait épousé en 1759 Jeanne
Bonnet.
Paris. 1768.
Dubaï. 1769-1770.
Granet. 1771-1774.
Amy ou Mille. 1775-1777.
Aymard 3* prêtre, 1777, quelques mois.
Martin Jean. 1778-1780. — Il avait dirigé Técole de Mouriès en
1778 pendant trois mois; il y revint de nouveau.
Pêcoul François, chirurgien. 1780178(3.
Grimaldier Jean-Pierre, natif des Baux. 1787-1788.
Marinier Etienne. ï789-i79(.). — xMarié aux Baux en 1776 avec
Pétronille Moutonet ; il était le secrétaire de la communauté
en 1790.
Précepteurs particuliers (i).
Bastidy Laurent, à Manville(i). 1621.
Bonnet Jean, chez le sieur de Molières. 1664.
Malet Jean, chez Pierre Manson au Paradou. 1664.
Arnaud André, chez Honoré Peyre au Destet. i66^3.
Fallavel Louis, chez Simon Peyre au Destet. 1670.
Pascaly Antoine, à Mouriés. 1674.
B. — Régents de l'école de Mouriès (2).
Tardy. 1740- 1743.
Revel Joseph. 1744-1775.
Fugeiret Joseph. 1775-1777.
Prat. 1778- 1779.
Martin Jean. 1780- 1785.
Grimaldier Jean-Pierre ; il était natif des Baux, où il passa sur sa
demande. 1785-1786.
Beauvais ou Bouvet Pierre. 1787. Originaire de Crest, il quitta
Salon pour diriger Técole de Mouriès.
Fouret Guillaume. 1788-1790. — Recommandé chaleureusement
par M.' de Bonnecorse.
( I ) D'après les minutes de Jean David et celles de Honoré Peyre. notaires aux Baux,
aux dates indiquées. (Archives de M- Gaston Laville, notaire à Mouriès.)
(i) Aux gages inconnus.
{1) Aux gages de 100 livres.
DE l/ACADEMiE DE VAUCLUSE 3/
C. — Régents de V école de Maussane (r).
Tacy. 1740.
Dufaur. 1 741-1743.
Granouxet Compagnon. 1743, pendant quelques mois.
Duverné. 1745.
Poncet. 1746.
Argoux. 1751.
Aubert Pierre-Louis, prêtre. 1755-16 septembre 1787.
Harmelier Jean-Martin. A partir de décembre 1787.
D. — Régents de V école de Saint-Martin-de-Castillon,
autrement dit le Paradou,
Giroud Jean-Claude. 1740-1741, 1743-1746.
Pitola Antoine. 1742.
Compagnon, originaire probablement d'Arles. 1745.
Armand Nicolas, prêtre secondaire, natif d'Orange. 1747.
De Retz Jacques. 1748. Né aux Baux le 4 février 1724, fils de
Claude et de Jeanne de Salies et établi comme marchand au
Paradou.
Gras Charles. 1749-1754.
Brunet Antoine. 1754-1759. — Sa femme s'appelait Anne Nègre.
Richaud Jean-André. 1759, 1763-1767.
Duclerc Barthélémy. \']()0-\^()i, — Natif de Péronne en Picardie,
il avait épousé Anne Pézenas, de Carpentras et mourut au'
Paradou le 3 mai 1762, âgé de6r ans.
(^hambeau Antoine. 1768-1788. Naquit à Tarascon, en 1726, de
Joseph et de Firmine Chabert. S'étant établi au Paradou avec
son père et exerçant le métier de facturier, il épousa, le 20 août
1753, Trophimette Ramel. Plus tard il s'improvisa régent.
Hubac. 1789-1790.
Quand la création de l'école du Paradou fut décidée en 1740,
cinq habitants de ce lieu s'associèrent pour l'établissement d'une
maison d'école avec le matériel nécessaire. Le maître devait
payer une annuité de neuf livres, réciter chaque samedi après la
messe les litanies de la Vierge et dire un De Profundis en faveur
(I) Aux gages de 5o livres jusque en 1 758 et de joo livres à partir de cette date.
iMême observation pour les régents du Paradou.
38 MÉMOIRES
des associés, le tout approuvé par Tarchevêque qui se réservait
le droit de nommer ou de révoquer le titulaire (i). Comme on
devait donner à Timmeuble des proportions suffisantes pour
recevoir aussi les enfants de Maussane, on s'explique la rivalité
des deux régents dont nous avons parlé plus haut.
VI.
Il est à regretter qu'un travail de cette nature n'ait pas été rendu
plus complet et plus vivant. Toutefois, malgré ses lacunes, ce
qui vient d'être exposé et présenté, projette une lumière suffi-
sante pour faire connaître ces vaillants et modestes pionniers de
la civilisation, qui dans les circonstances et les conditions les
plus diverses, ont combattu obscurément mais non sans succès
contre l'ignorance. Et, maintenant, veut-on savoir ce que sont
devenus tant d'eflbrts et de sacrifices, au lendemain de la Ter-
reur où tout fut suspendu? Voici la fin d'un rapport qui servira
d'épilogue, dont la minute anonyme, mais officielle, se trouve
insérée dans les comptes de la communauté de Maussane à
l'année 1794.
« N** 7. — Demande. — Vous n'oublierez pas surtout de me
faire connaître les établissements créés pour l'instruction publi-
que et ce que vous croirez devoir être ajouté pour la perfec-
tionner.
« Répofwe. — Nous avons pris le i5 frimaire une délibération
pour fixer dans une commune du canton un instituteur qui s'est
présenté à la séance publique. Nous désirons qn'il s'en présente
un pour chaque commune, la médiocrité des fortunes des admi-
nistrés ne leur permet pas d'élever leurs idées jusques à la per-
fection d'une grande éducation : la lecture, l'écriture, l'arithmé-
tique, les éléments de la morale et des lois, voilà ce qui leur
convient.
« Observation, — Nous laissons aux villes populeuses et riches
le soin de vous présenter leurs idées sur le perfectionnement des
institutions. Le Comité d'instruction publique, composé d'hom-
mes parfaitement instruits, ne nous laisse rien à désirer dans ce
genre. Nous désirons seulement que la législation actuelle donne
(i) Paulet, Les Baux et Caslillon, Saint-Remy, p. 345 et 346.
OE l'académie de vaucluse 39
de l'activité à une mesure imaginée par l'Assemblée constituante
et trop longtemps retardée pour le malheur de la génération
actuelle. »
Tel est dans ses grands traits Thistorique de Tenseignemen
aux Baux avant 1789, d'après des documents originaux et abso-
luments inédits.
Destandau.
40 MÉMOIRES
PIÈCES justificativfs.
I.
Quittance des gages de Simèon, maitre d'école des Baux.
28 octobre 1606.
(Archives de Maussane, sac du trésorier, année i6o5, art. 42.)
Je soussigné, régent et mestre d'escole du lieu et commune des Baux, ay receu de
mestre Louis Manson, trésorier de ladite commune, la somme de neuf livres en
déduction et a bon compte des gaiges que me donne ladite commune et pour la
présente année comensée le premier octobre dernier mil cis cens et cinq, de laquelle
somme l'en quite. Et en foy de ce, pour sa décharge luy ay consedé la présente, en
présence de mestre Marc Anthoine Trabaud, ce vingthuitiesme octobre 1606.
Signé : SiMÉON.
IL
Mandat des consuls des Baux pour le payement du maitre d'école,
i663,
(Archives de la mairie de Maussane, sac du trésorier, année i663, art. 42.)
i663 et le 18 avril, ordre des consuls de Vinsargueset Baillol donné au sieur Peyre,
trésorier des Baux, de payer a messire Anthoine Salvagny, prestre, la somme de
dix huit livres, a quoi se trouvent pourtés les appointements de feu Salvagny, son
frère, en qualité de troisième prestre pour les écoles, orloges, cloches et blanchis-
saiges, le tout a i38 livres et pour le prorata du temps qu'il a servi despuis le i5 mars
de l'année 1662 jusques au 8 mai dernier qui ne fut plus aux gaiges de la ville. .
m.
Lettre de Vintendant Lebret transmettant les ordres du Roi pour
l'instruction des enfants des Nouveaux-Convertis. 17 août i6g3.
(Original papier aux Archives des Bouches-du-Rhône, C 2226.)
Le Roy voulant que les ordres qu*il a cy devant donnez pour obliger les nouveaux
catholiques d'envoyer régulièrement leurs enfants aux écoles, instructions et caté-
chismes qui se font dans leurs paroisses, continuent de ce exécuter avec la même
exactitude, et Sa Majesté voulant les y obliger, que les ecclésiastiques et maîtres
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE ' 4I
d'ccoles, chargez dans les paroisses de l'instruction des enfants des nouveaux catho-
liques, en tiennent un roUe exact, affin que Ihorsque quelques-uns manqueront d'y
venir aux jours marquez, ils en donnent aussitôt advis au juge, qui sans delay
condamnera les pères et mères a cinq sols d'amende pour chasque fois que chacun
de leurs enfants auront manquez de venir auxdites écoles et instructions, et que les
amendes soient distribuées sur le champ aux pauvres de la paroisse. Vous voyez
Monsieur, que pour pouvoir exécuter les intentions du Roy. qui vous sont ci-dessus
expliquées, il est nécessaire que vous obligiez les curez ou vicaires et maîtres d'école
de votre lieu de tenir un rolle exact de tous les enfants des nouveaux convertis dudit
lieu, de m'en envoyer un double et de les obliger a vous avertir régulièrement de
ceux qui manqueront de se trouver a leurs instructions et leçons aux jours marquez,
afiin que vous les condamniez invariablement a l'amende portée par cette lettre et
que vous les fassiez payer et distribuer sur le champ aux pauvres de votre lieu,
suivant les intentions de Sa Majesté, m'informant exactement de i5 en i5 jours de
ce que vous aurez fait en exécution des ordres cy-dessus, que le Roy veut absolu-
ment être suivi.
Je suis, Monsieur, et très sincèrement et entièrement à vous.
Le Bret.
A Aix, ce 17 août 1693.
Sur le repli : Ordre du Roy portant que les enfants des Nouveaux-Convertis aillent
aux offices et écoles.
IV.
Lettre de M. Chartroux, subdélégué à Lourmarin, touchant
les Nouveaux-Convertis,
(Archives de la mairie de Maussane, sac du trésorier, année 1720, art. 4a.)
Messieurs,
Il y a longtemps que les Nouveaux-Convertis devraient ôtrc desabusés de leurs
vaines espérances a être rétablis dans leur pretandu exercice, et comme il n'a esté
fondé que par des hommes ramplis de haine et de malice, il n'y a nulle apparence
au succès qu'ils s'en attendent. Dieu par sa miséricorde les appelle aujourd'hui a
revenir dans son église, qui est la seule véritable, par les soins religieux de son
Altesse Royalle Mgr le duc d'Orléans, dont je me trouve honoré de ses ordres, que
Mgr de Lebret, intendant en cette province, m'a adressé. Son intention est que ces
Messieurs envoyent régulièrement leurs enfans aux instructions qui se font dans les
paroisses de vos lieux. Vous prendrez la peine d'avertir les pères, mères, tuteurs et
curateurs qui en ont les soins, aussi bien que les maîtres de vos ecolles, de les y
faire aller, môme de les y conduire, pour éviter tout prétexte. Je fairai dans la suite
mes tournées dans vos lieux, pour prendre un état de la manière dont ils se compor-
tent. Je suis persuadé qu'ils se conformeront a cet ordre salutaire et que j'auray lieu
de vous marquer que je suis très sincèrement. Messieurs,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Chartroux.
A Lourmarin, ce 10 mars 1720.
A messieurs les consuls de la Roque. Velaux, Mouriès, les Baux, Eyguières, Mérindol
et Sénas.
42
MEMOIRES DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
V.
Lettre de riniendant de Provence, pour te payement des gages
du maître d'êcote de Mouriès. 25 avrit 1760.
(Archives de la mairie de Maussane, correspondance et lettres aux consuls
des Baux.)
A Monsieur Monsieur Manson, fabricien aux Baux.
Le sieur Joseph Revel, Monsieur, maître d'école au hameau de Mouriès, approuvé
par Mgr Tarchevéque d'Arles, se plaint du refus que font le consul des Baux de lui
faire payer ses honoraires. Il paroist que ce refus est fondé sur une délibération
prise le 20 janvier qui supprime les honoraires du maître d'école ; rtiais cette délibé-
ration est contraire aux dispositions de l'arrest du Conseil du 21 décembre lyiS, por-
tant vérification des dettes de cette communauté, lequel fixe des honoraires au maître
d'école. Ainsi mal à propos le conseil de la communauté a supprimé une dépense
qui a eu lieu depuis cet arrest. Les consuls n'ont pas le droit de nommer à la régence
des écoles sans l'approbation de Mgr l'archevêque d'Arles. Le sieur Revel est muni
de tous les pouvoirs nécessaires de la part de ce prélat pour les régenter, et il a été
rendu d'ailleurs de très bons témoignages de sa conduite. Je vous prie donc, Mon-
sieur, de faire sçavoir aux consuls qu'ils doivent sans difficulté faire payer au sieur
Revel les honoraires qui lui sont dus en qualité de maître d'école et jusqu'à ce qu'il
ait été remplacé par un autre approuvé par Mgr l'archevêque.
Je suis. Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
La Tour.
A Aix, le 25 avril 1760.
VI.
Dénombrement des Baux en 17 65.
(Archives de la mairie de Maussane.)
Les Baux
Habitants.
611
536
945
1.402
3.494 habitants.
Maisons.
i58
Saint-Martin-de-Castillon . .
Maussane
Mouriès
127
227
296
808 maisons
Bertrand du Guesclin
et les États pontificaux de France.
Passage des Routiers en Languedoc (i36S-!367).
Guerre de Provence (t3681.
I.
Depuis l'expédition d'Arnaud de Cervole en Provence (iSSy-
i358), surtout depuis la prise et Toccupation du Pont-Saint-Esprit
par la Grande Compagnie (i36oi 36 1), les habitants delà ville
d'Avignon et du comté Venaissin, harcelés constamment par
des troupes de brigands qui couraient et désolaient le pays, ne se
sentaient plus en sûreté. Ils avaient beau élever à la hâte des
remparts, renfermer les vivres de la campajgne dans leurs forte-
resses, ainsi qu'ils en recevaient Tordre, conclure des ligues avec
les gens du Dauphiné, de la Provence, de la Savoie et du comté
de Valentinois (i), il leur était difficile d'empêcher les routiers,
attirés par la perspective de capturer quelque riche seigneur ou
(i) Cette ligue, que le pape Urbain V songeait à former dès les premiers jours
d'octobre i363, fut définitivement constituée à la fin du mois suivant. Deux docu-
ments la concernant ont été publiés par M. L. Duhamel, sous le titre : Une Ligue
au XIV* siècle, dans le Bulletin historique et archéologique de Vaucluse, t. II (1880).
p. ioq; mais d'autres ont été indiqués ou édités par M. Maurice Prou, Étude sur les
relations politiques du pape Urbain V avec les rois de France (76* fascicule de la
Bibliothèque de VÉcole des hautes études)^ p. 3a et suiv., 104 (n* xx), 106 (n* xxii),
iio(n* xx\'ii|, etc.» et par le R. P. Henri Denifle, La Désolation des églises, mona-
stères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent Ans, t. II. p. 441 et 44a ; d'autres
enfin restent inédits dans le registre B 7 des Archives départementales de Vaucluse,
fol. 14 et suiv. Voir encore le Compte de Raoul de Louppy, gouverneur du Dauphiné,
publié par Ulysse Chevalier, p. i5, n* 57; p. 5i à 55. n»* m à 119. Le comté Venais-
sin et les provinces voisines avaient agi en somme cpmme les seigneurs, nobles et
communautés de Languedoc, qui à peu près à la même époque, avaient auss^
conclu une ligue semblable.
44 MEMOIRES
de rançonner les prélats se rendant à la cour pontificale, de
revenir s'établir dans le pays.
A l'automne de Tannée i365, leurs craintes redoublèrent quand
ils apprirent la nouvelle de la prochaine arrivée de Bertrand du
Guesclin, conduisant en Espagne toute une armée, dont ils pou-
vaient à bon droit redouter les excès. Elle se composait, en
effet, de ces soldats de fortune qui, après avoir été enrôlés par
le roi de Navarre Charles le Mauvais, par du Guesclin lui-même
combattant au nom de Charles V, par Charles de Blois et Jean de
Montfort se disputant le duché de Bretagne, s'étaient trouvés
sans emploi après les traités de Paris (6 mars i365) et de Gué-
rande (ri avril i365). A ces Bretons, Anglais, Normands, Gascons
ou Navarrais s'étaient encore jointes les compagnies d'aven-
ture, qui après avoir longtemps ravagé le centre de la France,
notamment le duché et le comté de Bourgogne, avaient consenti
à suivre le futur connétable dans son expédition au-delà des
monts.
A vrai dire, cette expédition n'était qu'un prétexte : le but
que Ton poursuivait était l'éloignement, souhaité définitif, de ces
compagnies, véritable fléau pour les contrées sur lesquelles elles
s'abattaient. Il faut lire dans les bulles pontificales et dans les
docum.ents contemporains la série des crimes dont elles se ren-
daient journellement coupables, les pillages, vols, incendies,
meurtres, viols, sacrilèges qu'elles commettaient sans vergogne,
les captures de forteresses qu'elles tentaient à chaque occasion
pour s'y cantonner et de là faire trembler toute une région
qu'elles obligeaient à se racheter, il faut lire tout cela, dis-je,
pour avoir une idée de l'état de désolation dans lequel notre
pauvre pays était tombé grâce à elles. Plusieurs fois déjà on
avait voulu s'en débarrasser. Après la prise du Pont-Saint-Esprit,
le pape Innocent VI avait été assez heureux pour en expédier une
partie en Italie avec le comte de Montferrat, en guerre avec les
Visconti milanais (i). L'année suivante, toute une armée, où se
trouvait la fleur de la chevalerie française, commandée par le
comte de Tancarville, Jacques de Bourbon, comte de la Marche,
et surtout l'archiprêtre Arnaud de Cervole, s'était mise à leur
poursuite; surprise elle-même, elle s'était fait battre à Brignais
'îj Je tîie permets de renvoyer à l'article intitulé L'Occupation du Pont Saint-Esprit
lk$ Grandes Compagnies (i36o-i36i), que j'ai publié dans la Revue historique de
fnce, 1901, p. 79 et 146.
DE l'académie de VAUCLUSE 4b
[6 avril i362) (i). Trois mois plus tard (22 juillet i362), quelques-
unes de ces mêmes compagnies avaient consenti, par un traité
conclu à Clermont, à suivre en Espagne Don Enrique de Trasta-
mare, révolté contre son frère Don Pèdre, roi de Castille (2) ;
elles s'étaient arrêtées devant les Pyrénées.
Après tous ces insuccès, le pape Urbain V était intervenu :
comme le 3i mars i363, il avait lui-même prêché une croisade
contre les Turcs et donné la croix aux rois de France, de Chypre
et de Danemark présents à Avignon (3), par sa bulle du 25 mai
suivant, il avait deman^dé aux capitaines et gens de compagnies
de partir pour la Terre Sainte (4) ; sur leur refus, il avait publié
contre eux les bulles les plus comminatoires et exhorté les
fidèles à se liguer pour les repousser ; non seulement il les avait
excommuniés, défendant à toute personne d'entretenir des rela-
tions avec ces maudits, mais encore il avait accordé des indul-
gences à ceux qui les combattraient (27 février et 27 mai 1364,
5 avril i365)(5;. Cependant, il avait eu l'espérance de voir ses
projets mis à exécution cette même année i365 et il avait obtenu
de l'empereur Charles IV, venu le 23 mai à Avignon, qu'il laisse-
rait les societates traverser l'Allemagne jusqu'à leur entrée dans
la Hongrie, où elles étaient réclamées pour repousser les Turcs.
L'Archiprêtre s'était mis à la tête de tous ceux qu'il avait pu
entraîner, mais la mauvaise organisation de son expédition, les
excès que ses troupes commirent et la terreur qu'elles inspirèrent
partout sur leur passage les empêchèrent d'aller plus loin que
Strasbourg (mai-juillet i36S) (6).
(i) Je ne puis citer ici toutes les sources; je me borne à renvoyer aux ouvrag-es
suivants: Chérest, L'Archiprétre, p. i66 et suiv.; G. Guiguc, Les Tard-Venus en Lyon-
nais, Foijz et Beaujolais, p. 69 et suiv. ; H. Denifle, La Désolation des églises..., t. II,
p. 407.
(2) E. Molinier, Étude sur la vie d'Arnoul d'Audrehem (t. VI, a* série des Mémoires
présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et telles- lettres, r** partie), p.
107 à 109.
(3) M. Prou, Étude..., p. 14 et 25.
I4) H. Denifle, t. II. p. 444.
(5) Idem, t. II, p. 445 à. 450.— L'Inventaire des Archives de Montpellier, publié parM. J.
Berthelé, signale encore au t. I, p. lyit n** 2261 et 2262, des bulles d'excommuni-
cation des 28 février i362 (v. st.) et i*' juin 1364 (2* année du pontificat d'Urbain V)
contre les routiers ravageant le Languedoc et ceux qui entretenaient des relations
avec eux. — Raoul de Louppy, le gouverneur du Dauphiné, porta dans ses comptes
les dépenses qu'il avait faites du 3i mars au 10 avril i365, pour aller à. Avignon
parler delà part du roi au pape, touchant c le fait des ennemis, gens de compaigne,
qui lors estoient ou royaume, affin de yceulx faire vuidier et chasser dlcellui par
sentences d'escommeniement, plainnes indulgences ou autrement.» {Loc. cit., p. 34,
n*76.)
(6) Sur cette expédition cf. Chérest, p. 3o4 et suiv.; H. Denifle. t. II, p. 478 et suiv.
44 MEMOIRES
de rançonner les prélats se rendant à la cour pontificale, de
revenir s'établir dans le pays.
A l'automne de Tannée i365, leurs craintes redoublèrent quand
ils apprirent la nouvelle de la prochaine arrivée de Bertrand du
Guesclin, conduisant en Espagne toute une armée, dont ils pou-
vaient à bon droit redouter les excès. Elle se composait, en
effet, de ces soldats de fortune qui, après avoir été enrôlés par
le roi de Navarre Charles le Mauvais, par du Guesclin lui-même
combattant au nom de Charles V, par Charles de Blois et Jean de
Montfort se disputant le duché de Bretagne, s'étaient trouvés
sans emploi après les traités de Paris (6 mars i365) et de Gué-
rande (ii avril i365). A ces Bretons, Anglais, Normands, Gascons
ou Navarrais s'étaient encore jointes les compagnies d'aven-
ture, qui après avoir longtemps ravagé le centre de la France,
notamment le duché et le comté de Bourgogne, avaient consenti
à suivre le futur connétable dans son expédition au-delà des
monts.
A vrai dire, cette expédition n'était qu'un prétexte : le but
que Ton poursuivait était Téloignement, souhaité définitif, de ces
compagnies, véritable fléau pour les contrées sur lesquelles elles
s'abattaient. Il faut lire dans les bulles pontificales et dans les
docum.ents contemporains la série des crimes dont elles se ren-
daient journellement coupables, les pillages, vols, incendies,
meurtres, viols, sacrilèges qu'elles commettaient sans vergogne,
les captures de forteresses qu'elles tentaient à chaque occasion
pour s'y cantonner et de là faire trembler toute une région
qu'elles obligeaient à se racheter, il faut lire tout cela, dis-je,
pour avoir une idée de l'état de désolation dans lequel notre
pauvre pays était tombé grâce à elles. Plusieurs fois déjà on
avait voulu s'en débarrasser. Après la prise du Pont-Saint-Esprit,
le pape Innocent VI avait été assez heureux pour en expédier une
partie en Italie avec le comte de Montferrat, en guerre avec les
Visconti milanais (i). L'année suivante, toute une armée, où se
trouvait la fleur de la chevalerie française, commandée par le
comte de Tancarville, Jacques de Bourbon, comte de la Marche,
et surtout l'archiprêtre Arnaud de Cervole, s'était mise à leur
poursuite; surprise elle-même, elle s'était fait battre à Brignais
(i) Je me permets de renvoyer à Tarticle intitulé L'Occupation du Pont Saint-Esprit
parles Grandes Compagnies (i36o-i36i), que j'ai publié dans la Revue historique de
Provence, 1901, p. 79 et 146.
DE l'académie de VAUGLUSE 46
(6 avril i362) (i). Trois mois plus tard (22 juillet i362), quelques-
unes de ces mêmes compagnies avaient consenti, par un traité
conclu à Clermont, à suivre en Espagne Don Enrique de Trasta-
mare, révolté contre son frère Don Pèdre, roi de Castille(2);
elles s'étaient arrêtées devant les Pyrénées.
Après tous ces insuccès, le pape Urbain V était intervenu :
comme le 3i mars i363, il avait lui-même prêché une croisade
contre les Turcs et donné la croix aux rois de France, de Chypre
et de Danemark présents à Avignon (3), par sa bulle du 25 mai
suivant, il avait deman^dé aux capitaines et gens de compagnies
de partir pour la Terre Sainte (4) ; sur leur refus, il avait publié
contre eux les bulles les plus comminatoires et exhorté les
fidèles à se liguer pour les repousser; non seulement il les avait
excommuniés, défendant à toute personne d'entretenir des rela-
tions avec ces maudits, mais encore il avait accordé des indul-
gences à ceux qui les combattraient (27 février et 27 mai 1364,
5 avril i365)(5i. Cependant, il avait eu l'espérance de voir ses
projets mis à exécution cette même année i365 et il avait obtenu
de l'empereur Charles IV, venu le 23 mai à Avignon, qu'il laisse-
rait les 50c/^/j/e5 traverser l'Allemagne jusqu'à leur entrée dans
la Hongrie, où elles étaient réclamées pour repousser les Turcs.
L'Archiprêtre s'était mis à la tête de tous ceux qu'il avait pu
entraîner, mais la mauvaise organisation de son expédition, les
excès que ses troupes commirent et la terreur qu'elles inspirèrent
partout sur leur passage les empêchèrent d'aller plus loin que
Strasbourg (mai-juillet i365) (6).
(i) Je ne puis citer ici toutes les sources; je me borne à renvoyer aux ouvrage^
suivants: Chérest, L'Archiprêtre, p. i66 et suiv.; G. Guigue, Les Tard-Venus en Lyon-
nais, Foi:z et Beaujolais, p. 69 et suiv. ; H. Denifle, La Désolation des églises..., t. II,
p. 407.
(2) E. Molinier, Étude sur la vie d'Amoul d'Audrehem (t. VI, a' série des Mémoires
présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, f* partie), p.
ro7 à 109.
(3) M. Prou, Étude..., p. 14 et 25.
Ul H. Denifle, t. II. p. 444.
(5) Ideni, t. II, ^. 4^ Èi^.— L'Inventaire des Archives de Montpellier, publié parM. J.
Berthelé, signale encore au t. I, p. 171, n** 2261 et 2262, des bulles d'excommuni-
cation des 28 février i362 (v. st.) et i"' juin 1364 (2* année du pontificat d'Urbain V)
contre les routiers ravageant le Languedoc et ceux qui entretenaient des relations
avec eux. — ■ Raoul de Louppy, le gouverneur du Dauphiné, porta dans ses comptes
les dépenses qu'il avsiit faites du 3i mars au 10 avril i365, pour aller k Avignon
parler delà part du roi au pape, touchant f le £ait des ennemis, gens de compaigne,
qui lors estoient ou royaume, affin de yceulx faire vuidier et chasser dScellui par
sentences d'escommeniement, plainnes indulgences ou autrement.» (Loc, cit., p. 34,
n-76.)
(6) Sur cette expédition cf. Chérest, p. 3o4 et suiv.; H. Denifle, t. II, p. 478 et suiv.
44 MEMOIRES
de rançonner les prélats se rendant à la cour pontificale, de
revenir s'établir dans le pays.
A l'automne de Tannée i365, leurs craintes redoublèrent quand
ils apprirent la nouvelle de la prochaine arrivée de Bertrand du
Guesclin, conduisant en Espagne toute une armée, dont ils pou-
vaient à bon droit redouter les excès. Elle se composait, en
effet, de ces soldats de fortune qui, après avoir été enrôlés par
le roi de Navarre Charles le Mauvais, par du Guesclin lui-même
combattant au nom de Charles V, par Charles de Blois et Jean de
Montfort se disputant le duché de Bretagne, s'étaient trouvés
sans emploi après les traités de Paris (6 mars i365) et de Gué-
rande (ii avril i365). A ces Bretons, Anglais, Normands, Gascons
ou Navarrais s'étaient encore jointes les compagnies d'aven-
ture, qui après avoir longtemps ravagé le centre de la France,
notamment le duché et le comté de Bourgogne, avaient consenti
à suivre le futur connétable dans son expédition au-delà des
monts.
A vrai dire, cette expédition n'était qu'un prétexte : le but
que Ton poursuivait était l'éloignement, souhaité définitif, de ces
compagnies, véritable fléau pour les contrées sur lesquelles elles
s'abattaient. Il faut lire dans les bulles pontificales et dans les
docum.ents contemporains la série des crimes dont elles se ren-
daient journellement coupables, les pillages, vols, incendies,
meurtres, viols, sacrilèges qu'elles commettaient sans vergogne,
les captures de forteresses qu'elles tentaient à chaque occasion
pour s'y cantonner et de là faire trembler toute une région
qu'elles obligeaient à se racheter, il faut lire tout cela, dis-je,
pour avoir une idée de l'état de désolation dans lequel notre
pauvre pays était tombé grâce à elles. Plusieurs fois déjà on
avait voulu s'en débarrasser. Après la prise du Pont-Saint-Esprit,
le pape Innocent VI avait été assez heureux pour en expédier une
partie en Italie avec le comte de Montferrat, en guerre avec les
Visconti milanais (i). I/année suivante, toute une armée, où se
trouvait la fleur de la chevalerie française, commandée par le
comte de Tancarville, Jacques de Bourbon, comte de la Marche,
et surtout l'archiprêtre Arnaud de Cervole, s'était mise à leur
poursuite; surprise elle-même, elle s'était fait battre à Brignais
(I) Je me permets de renvoyer à Tarticle intitulé L'Occupation du Pont Saint-Esprit
parles Grandes Compagnies (i36o-i36i), que j'ai publié dans la Revue historique de
Provence, 1901, p. 79 et 146.
DE l'académie de VAUCLUSE 46
i6 avril i362) (i). Trois mois plus tard (22 juillet i362), quelques-
unes de ces mêmes compagnies avaient consenti, par un traité
conclu à Clermont, à suivre en Espagne Don Enrique de Trasta-
mare, révolté contre son frère Don Pèdre, roi de Castille (2) ;
elles s'étaient arrêtées devant les Pyrénées.
Après tous ces insuccès, le pape Urbain V était intervenu :
comme le 3i mars i363, il avait lui-môme prêché une croisade
contre les Turcs et donné la croix aux rois de France, de Chypre
et de Danemark présents à Avignon (3), par sa bulle du 25 mai
suivant, il avait demandé aux capitaines et gens de compagnies
départir pour la Terre Sainte (4) ; sur leur refus, il avait publié
contre eux les bulles les plus comminatoires et exhorté les
fidèles à se liguer pour les repousser ; non seulement il les avait
excommuniés, défendant à toute personne d'entretenir des rela-
tions avec ces maudits, mais encore il avait accordé des indul-
gences à ceux qui les combattraient (27 février et 27 mai 1364,
5 avril i365) (5;. Cependant, il avait eu l'espérance de voir ses
projets mis à exécution cette même année i365 et il avait obtenu
de l'empereur Charles IV, venu le 23 mai à Avignon, qu'il laisse-
rait les 5ocîÉ?/a/e5 traverser l'Allemagne jusqu'à leur entrée dans
la Hongrie, où elles étaient réclamées pour repousser les Turcs.
L'Archiprétre s'était mis à la tête de tous ceux qu'il avait pu
entraîner, mais la mauvaise organisation de son expédition, les
excès que ses troupes commirent et la terreur qu'elles inspirèrent
partout sur leur passage les empêchèrent d'aller plus loin que
Strasbourg (mai-juillet i365) (6).
(i) Je ne puis citer ici toutes les sources; je me borne à renvoyer aux ouvrag-e^
suivants: Chérest, L'Archipréire, p. i66 et suiv.; G. Guig^ue, Les Tard^Venus en Lyon-
nais, For:z et Beaujolais, p. 69 et suiv. ; H. Denifle, La Désolation des églises..., t. II,
p. 407.
{2) E. Molinier, Étude sur la vie d'Amoul d'Audrehem (t. VI, a' série des Mémoires
présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, !•• partie), p.
107 à 109.
(3) M. Prou. Étude..., p. 24 et 25.
(4) H. Denifle. t. II. p. 444.
(5) Idem, t. II, p. ^ ^ ^.— L'Inventaire des Archives de Montpellier, publié parM. J.
Berthelé. signale encore au t. I, p. 171, n*' 2261 et 2262, des bulles d'excommuni-
cation des 28 février i362 (v. st.| et i»' juin i364 (2* année du pontificat d'Urbain V)
contre les routiers ravag'eant le Languedoc et ceux qui entretenaient des relations
avec eux. — Raoul de Louppy, le gouverneur du Dauphinô. porta dans ses comptes
les dépenses qu'il avait faites du 3i mars au 10 avril i365. pour aller à Avignon
parler delà part du roi au pape, touchant c le fait des ennemis, gens de compaigne.
qui lors estoient ou royaume, affin de yceulx faire vuidier et chasser d*icellui par
sentences d'escommeniemenl. plainnes indulgences ou autrement.! {Loc. cit., p. 34,
n-76.)
(6) Sur cette expédition cf. Chérest, p. 3q4 et suiv.; H. Denifle, t. Il, p. 478 et suiv.
46 MÉMOIRES
Pînaiement, c'était à Bertrand du Guesclin, comte de Longue-
ville, seigneur de la Roche-Tesson et son chambellan, que
Charles V s'était adressé pour mettre fin à une situation intolé-
rable. Par acte passé le 20 août i365, l'illustre capitaine s'était
engagé envers le roi, qui lui avançait 40,000 florins pour les pré-
paratifs de sa nouvelle campagne et le paiement de sa rançon (il
avait été fait prisonnier à Auray et sa rançon avait été fixée à
100,000 florins), à emmener le plus tôt possible hors de France les
routiers qui en désolaient les provinces (i). Le but de l'expédition
était TEspagne et à cela on voyait de nombreux avantages, outre
l'éloignement des bandes de brigands et de pillards : on ferait,
pour le compte d'Enrique de Trastamare, la guerre à Don Pèdre
de Castille, allié du prince de Galles et du roi d'Angleterre ; en le
détrônant, on mettrait à sa place un ami fidèle, on se yengerait
du félon, qui après avoir odieusement délaissé sa femme Blanche
de Bourbon, belle-sœur de Charles V, passait pour l'avoir fait
assassiner dans le château de Jerez. Le pape lui-même verrait là
une occasion de châtier un roi excommunié pour sa cruauté, sa
dureté envers son clergé et ses relations avec les Juifs ou les
Maures ; il reprendrait aussi en cette circonstance ses anciens
projets de croisade et au lieu de pousser les Compagnies contre
les Turcs en Palestine, il les emploierait à rejeter les Maures
hors de l'Espagne. D'ailleurs, Urbain V n'avait pas attendu l'en-
rôlement de du Guesclin pour donner au roi autre chose que son
appui moral dans son œuvre de pacification du royaume. Il lui
avait accordé le produit d'une décime biennale à lever en France
sur tous les revenus du clergé régulier et séculier, excepté sur
ceux des cardinaux et des Hospitaliers de Saint-Jean de Jéru-
salem, afin de permettre aux capitaines ayant traité avec les rou-
tiers (c'est évidemment une allusion à du Guesclin ou aux
premiers émissaires du roi), de les emmener hors de France
combattre soit les Turcs, soit d'autres infidèles ; dès le 19 juillet
(i) Charrière, Chronique de Bertrand du Guesclin par CMve/ter, dans les Documents
inédits sur l'histoire de France, t. II, p. :<y:^; cf. Luce, Froissart, t. VI, p. lxxx, note 3;
Maurice Prou, Étude..., p. 58; H. Denifle, t. II, p. 485. — Le texte de la promesse de
du Guesclin est intéressant à relever: « Nous avons promis et promettons audit roy,..
mettre et emmener hors de son royaume lesdites compaignes a noslre povoir, le plus
hastivement que nous pourrons, sans fraude ou mal engin, et aussi sanz les tenir ne
souffrir demourer ne faire arrest en aucunes parties dudit royaume, se n'est en fai-
sant leur chemin, et sanz ce que nous ou lesdittcs compaignes demandions ou puissions
demander audit roy... ne a ses subgiez ou bonnes villes, Jinance ou autre aide quelcon-
ques.... >
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 47
i365/ il donnait ses instructions en conséquence aux archevê-
ques et évêques intéressés (i).
L'entrevue, que selon le chroniqueur-romancier Cuvelier, aurait
eue à Chalon-sur-Saône Bertrand du Guesclîn avec les capitaines
d'aventure, Anglais, Bretons, Gascons et Navarrais, et le dis-
cours qu'il aurait alors prononcé pour entraîner ses futurs com-
pagnons, sont caractéristiques de Tétat d'esprit dans lequel
ceux-ci acceptaient de partir. Il leur aurait bien promis d'obtenir
du pape pour eux l'absolution de leurs crimes, mais il aurait
surtout fait miroiter à leurs yeux des avantages plus matériels,
la perspective d'une grosse solde et d'une liberté de pillage dans
un pays des plus fertiles :
A Dieu le veu, aurait-il dit, qui croire me voldra.
Tous riches vous ferai, guères nedemoura...
En Espagne porrons largement profiter,
Car li païs est bon pour vitaille mener,
Et si a de bons vins qui sont frians et clers... ,
Et se vous me volez ce fait ci accorder.
Je vous ferai du roi baillier et délivrer
Deux c. mile florins et devant vous compter...
Faisons a Dieu honneur et le deable laissons...
Je nous ferai tous riches, se mon conseil créons,
Et arons paradis aussi quant nous morrons. *
Tels étaient ceux dont les Avignonais et les Comtadins appre-
naient avec effroi l'arrivée dans les premiers jours de novembre
i365, et telles étaient leurs dispositions : faire un énorme butin et
piller avec impunité le plus largement possible. Il est vrai que des
troupes plus régulières, conduites par de notables seigneurs et
capitaines français ou anglais, tels que le comte de la Marche,
Jean l" de Bourbon ; Antoine, sire de Beaujeu ; le maréchal
Arnoul d'Audrehem, Hugh de Calverly, Mathieu de Gournay,
(I) M. Prou, Étude.,., p. ï33. - Cet auteur (p. 53) rapporte la bulle à Texpédition
d'Arnaud de Ccrvole ; le R. P. H. Denifle (t. II, p. 479) également, bien qu'il ait
remarque (note 4) que le pape a répété la môme chose dans une lettre adressée, le
24 novembre L.uivant, à l'archevêque de Lyon et ses suflPragrants. Mais Arnaud de
Cervole n'avait pas eu besoin de cela pour se mettre en campagne, puisqu'il était
parti avec ses routiers dans le courant du mois de mai. Le 19 juillet, le pape savait
encore que cette armée était arrivée devant Strasbourg le 5, peut-être même avait-il
appris que le passage du Rhin lui était refusé et qu'elle abandonnait son projet de
croisade. D'ailleurs, ce qui prouve bien que cette dîme était destinée à Du Guesclin,
c'est simplement le fait qu'elle lui fut payée.
(I) Chronique de Bertrand du Guesclîn, par Cuvelier, vers 722.'^-7a26. 7371-7273, 7^83-
7a85. 73o4,73a>73ai.
48 MÉMOIRES
Eustache d*Auberchicourt, accompagnaient aussi du Guesclin.
Mais de quel exemple devaient être pour elles Tavidité et la
cruauté qui distinguaient les routiers de Robert Briquet, de
Jean Creswey, de Naudon de Bageran, du Petit Meschin, de
Perrin de Savoie, de Bertucat d'Albret, de Bernard de la Salle (i)
et de tant d'autres !
Le rendez-vous de tous ceux qui devaient prendre part à l'expé-
dition avait été donné à Perpignan pour la fin de Tannée i365.
Dès le mois de septembre, des détachements d'avant-garde entre-
prenaient leur marche dans la direction du midi (2), mais du
Guesclin lui-même, dont le passage était signalé par le bailli
d'Auxois dans les derniers jours du même mois (3) ; ne se mit
guère en mouvement avec ses troupes que dans le courant d'oc-
tobre (4). Pendant qu'Arnaud de Cervole continuait à négocier
avec les chefs de routiers restés en Bourgogne pour les envoyer
derrière lui, il dirigea son armée sur la rive droite du Rhône et
vint établir son quartier général à Villeneuve, en face d'Avignon.
Son arrivée, ou du moins l'approche des socieiates qui l'accom-
pagnaient, était déjà signalée le 5 novembre par le recteur du
Comtat aux gens du pays [b]. A Carpentras, notamment, les syn-
dics de la ville recevaient l'ordre de mettre en état leurs rem-
parts et de restaurer les bretèches au-dessus de leurs murailles
ou d'en construire de nouvelles ; comme ils n'avaient pas d'ar-
gent, ils empruntaient 200 florins (6). Les archives de la capi-
tale du Comtat, assez complètes pour cette période, donnent une
idée suffisante de l'agitation dans laquelle la crainte des compa-
gnies mit la population. On peut donc considérer ce qui se passa
là comme un exemple de ce qui se fit dans tout le Venaissin à
cette époque.
Quelques jours avant l'annonce de cette grave nouvelle, le
(i) Pour tous ces noms, cf. Froissarl, Chroniques (éd. Luce), l. VI, p. i88 et suiv. ;
Ayala, Cronicas de los reyes de CasUllas, t. I, p 399 et suiv. ; Cuvelier. vers 7418 et
suiv. ; Le Prince noir, poème du héraut d'armes Chandos, publié par Francisque
Michel, vers 1668 et suiv.
(q) Histoire générale de Languedoc, t. IX, p. 777. note de M. A. Molinier.
(3) Chérest, p. 334.
(4) Il était encore à Auxerre le 10 octobre : E. Molinier. op. cit., p. 170; H. Dcnifle,
t. II. p. 485.
(5) Aux environs de Montpellier, les compagnies de bretons étaient signalées les
!•', 5 et i3 novembre. Le 5, c'était Robert Briquet, le capitaine de routiers bien connu,
qui prenait le fort de i Bel Esgan.où il resta jusqu'au 8 décembre. {Petit Thalamus,
édition de la Société archéologique de Montpellier, p. 369.)
(6) Arch. municipales de Carpentras, BB 6, fol. 4a, 43. ia5; BB 7, fol. 3v'.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 49
27 octobre,, les syndics avaient passé en revue tout le matériel
d'artillerie qui leur appartenait en propre, logé dans différentes
maisons ou dans des tournelles : ils avaient constaté la présence
dans leur arsenal de trois grandes arbalètes et de 46 autres plus
petites, de 25 canons de garrots, près de 25o « stralhons » ou traits
de garrots, ferrés ou non, empennés ou non, de 333 plommées ou
masses plombées, de 3,63o viretons ferrés, de 280 non ferrés,
d'un demi-quintal de plomb, de plusieurs pannes de fer, de
crocs, etc. (i). Dès le i3 novembre, ils se préoccupèrent d'aug-
menter cette artillerie, sur Tordre du trésorier du Comtat
(i) Arch. communales de Carpentras, BB 6, fol. 38 v*.
Voici cet inventaire des biens de la ville de Carpentras, que je crois devoir
donner ici ; la lecture en est assez difficile dans Torigrinal : il y aura donc dans ma
transcription des mots douteux. De plus, le scribe a dû employer des expressions
tout à fait locales pour désigner certains appareils et je ne suis pas arrivé à en
connaître la signification exacte. D'autres seront plus heureux que moi.
[Fol. 38 v.) c Primo, III magnas balistas de buxo de gazauca. Item, XLVI alias
balistas. Item, X baudrerios. Item, XIIII canonos garrotorum, minuta {sic) seponi (?).
Item, VIII* clavcs garrotorum. Item. CXVIII stralhonos garrotorum cum ferro.
Item, II stralhonos sine ferro. Item, V stralhonos sine ferro fractos. Item, XXXV plum-
batas cum hasta. Item, LXXIIII plumbatas sine hasta. Item, VlII'fundas (?) mas-
sieyas. Item, MIX verratonos ferratos. Item,CXXV verratonos sine ferro. Item, unam
crozilham. Item, unam cledam fusteam ad ingénia. Que omnia erant in hospicio mei
Bertrandi Pauli, notarii.
t Dicta die, in tornella régis : Item, unum cannonum garroti cum futa {sic). Item,
alium cannonum garroti sine fusta. Item, duas cavilhas fereas magnas. [Fol. 39.]
Item, unum anulum ferreum cum alio anulo concathenato. Item, CCXXV plumbatas
minutas garrotorum. Item, unum goffenum ferreum (?), ruptum ad opus.
c In tornella ante hospicium Melheni Veyrerii : Item, XXXVII stralhonos empenatos
et Inseratos garroto. Item, XX stralhonos garrotorum non pennatos. Item, XVI
stralhonos enferratos et pennatos de papiro. Item, I stralhonum sine ferro et pennis.
Item, XXXII stralhonos minutos ferro sine pennis. Item, XIII stralhonos fusteos sine
ferris et pennis. Item, II cavilhas ferreas. Item, VI medios anulos de ferro. Item, VIII
bendas ferreas pontls levatici. Item, unam platam ferri. Item, XXI pannas crocs.
Item, III goffonos. Item, duos versatorios pontis levaticii ferreos, minutos cavilhis.
Item, VII anulos ferreos. Item, unum serrum garroti fractum, minutum fusta.
Item, IX canonnos garrotorum minutum {sic) fusta. Item, VIII* pannas ferreas ad
opus cancelli {àis). Item, II magnas ferreas pannas. Item, VIII* claves garrotorum.
Item, I messetam plumbi. Item, II pecias fractas ferri parvas. Item, unam fundam (?)
massieyam.
€ In tornella mûri ante hospicium Rixendis Brunelle : Item, VII«XXIveratonoscum
ferro. Item, VI"IÏII veratonos sine ferro. Item, duas parvas caxas fusteas. Item,
XXV plumbatas. Item, VI tornos balistarum. Item, II tenditoria. Item, VIII pannas
ferreas magnas. Item, una {sic) ayssadam fractam. Item, III pecias fractas ferri
veteris.
[Fol. 39 V*.] t In tornella ante hospicium G. Symeonis : Item, XIX«^ veratonos
minutos ferris. Item,XIII tabulas. Item, II cabasses.
« Item, in hospicio universitatis : Item, veratonum sine ferro. Item, V veratonos
sine ferro. Item, I tascellum (?) de ferro. Item, médium quintale plumbi vcl circa.
Item, unam caxam fractam.»
?(> MKMÔIWES
et du juge-mage de Carpentras \i) ; ils remboursèrent iPerrot
Maynard, qui pour des réparations faites jadis, avait conservé en
gage trois canons de garrots ; ils achetèrent quatre nouvelles
arbalètes, dont trois en corne, à un italien Nicolas de Palhesio,
ils en firent réparer d'autres, se munirent d'accessoires, chevilles,
clefs, pour leurs garrots, etc. (2).
D'autre part, sur mandement de Pons Bermond, capitaine de
Carpentras, dont la ville avait eu à préparer le logement et celui
de ses gens (3;, on paya, le 12 novembre, 3 livres 10 sous aux
hommes, qui pendant deux jours avaient ramassé des pierres
pour les porter sur le sommet des remparts, où elles devaient
servir de projectiles (4^. Jour par jour, on suit encore le travail des
carriers, qui avec leurs chariots amenaient des pierres auprès
des fossés, et des manœuvres qui les montaient sur les bretè-
ches et sur les coursières des murailles.
Les remparts eux-mêmes étaient loin d'être achevés et de se
trouver en état de résister à une attaque habilement conduite. On
dut alors se livrer à un travail fébrile : établissement de planchers
dans les tours défensives des portes et réparation des anciens, con-
struction de bretèches en bois soit au-dessus des murs, soit plus
simplement au-dessus des fossés, fermeture des passages jusque-
là conservés dans Tenceinte, curage et agrandissement des fossés,
ferrage des portes, réfection des portails de Mazan et d'Orange,
réfection ou consolidation des ponts-levis, élévation rapide de
murs provisoires en pierre et en terre là où les nouveaux rem-
parts n'étaient pas encore bâtis, tout se faisait à la fois, pendant
que les entrepreneurs de nouvelles courtines ou de nouvelles
tours recevaient l'ordre de se hâter (5). Même, pour activer la
construction du portail de Monteux, les syndics se chargeaient
de l'achat des matériaux (6).
Ce ne fut pas tout : comme on se l'imagine, le capitaine Pons
Bermond et le juge-mage Rostang Artaud établirent des gardes
(i) Cet ordre fut donné le 9 novembre : Arch. de Carpentras, BB 6, fol. 4a v».
(2) Idem, BB 7, fol. 39 v : « Expense... in aptando et refficiendo ac emendo arthel-
hariam... » Les sommes dépensées à cet efifet se retrouvent encore à leur date dans le
compte journalier qui forme une partie du regristre BB6.
(3) Idem, BB 7. fol. 53 y : • Expense... facte pro lectis majoris capitanei et sue
gentis. •
(4) Idem, BB 7, fol. 84 : « Expense... facte in agrgregando et faciando portare lapides
pro deffensione et tuicione fossatorum, portalium et verdescarum. »
(5) Idem, BB 6. fol. 57 et suiv.
(6) Idem, BB 6, fol. 48 V.
DE L* ACADÉMIE DE VAUCLUSE 5l
sur les remparts et des sentinelles aux portes et en divers
endroits de la ville, sans préjudice des deux guetteurs, loués à
Tannée, qui se tenaient constamment sur le sommet du clocher
de Saint-Siffrein ; deux notaires furent chargés de les surveiller,
d*en passer la revue matin et soir et de faire leur rapport au
recteur (i). On envoya aussi des explorateurs ou espions pour
savoir ce que devenaient les hommes d'armes de du Guesclin,
s'ils franchissaient le Rhône et s'ils se montraient dans les envi-
rons : le i6 novembre, Raymond de Gigondas était ainsi expédié
en éclaireur ; le 28, c'était Pierre Astier, qui devait aller jusqu'à
Mornas, etc. {2).
Une chose que l'on ignore c'est quelles furent l'importance et la
composition de la garnison, qui sous les ordres de Pons Ber-
mond, se préparait à repousser l'ennemi. On sait cependant que
la solde de ces gens d'armes était payée par le trésorier du pape
ou du comté Venaissin (3) : nous n'avons malheureusement pas
les comptes relatifs à cette année.
En la cité d'Avignon, le pape ne se contenta pas de la garde
habituelle qu'il entretenait autour de son palais et aux portes
de la ville (4;. Il fit venir des renforts de Marseille : cent arbalé-
triers conduits par le damoiseau Pierre de Langres. Il ne lui en
coûta que 80 florins (5).
Par bonheur, on n'eut pas à employer la force contre les
Compagnies ; il est probable d'ailleurs que le recours à ce moyen
extrême n'aurait pas été à l'avantage de leurs adversaires. Mais
elles ne se montrèrent môme pas dans le comté Venaissin, ou si
(i) Arch. de Carpentras, BB 6, fol. 43, ordonnance du 16 novembre,
(a) Idem, BB 6, fol. 69 et 79; BB 7, fol. 54: cExpense... soluté exploratoribus qui
ibant explorare de mandato dominorum. »
(3) En i358-i359, la solde des soldats employés par le pape pour la défense du
Comtat fut payée par le trésorier pontifical (Arch. du Vatican. Collectorie, n* 262,
fol. 173); en 1375, les garnisons établies dans les châteaux et forteresses du comté
Venaissin furent payées au moyen d'une taille de 8,000 florins consentie par les
États du pays. (Arch. dép. de Vaucluse. C i3o, fol. 19.) On verra plus loin ce qui se
passa en i368.
(4) Nous n'avons pas les comptes de la garde d'Avignon pour cette année, mais
i'ai relevé aux archives du Vatican [Collectorie, n* 265) ceux qui sont relatifs à la solde
de la garnison établie en novembre et décembre i373, époque peut-être un peu
moins troublée que celle qui nous intéresse actuellement : 55 personnes étaient com-
mises À la garde des différentes portes ou au guet du haut du clocher de Notre-Dame
des Doms, sans compter les visiteurs des portes, les préposés à la garde des clefs, le
^'.irde de rartillerie. etc.
p) Arch. du Vatican, Introitus et exitus, reg. 3i5, cité par M. Prou, Étude,,., p. 58,
note 4.
."^2 MEMOIRES
quelques détachements isolés y firent des incursions, ce fut,
paraît-il, sans conséquence grave. Elles se contentèrent, comme
on le verra plus loin, de menacer le pays d'un pillage en règle,
besogne pour laquelle elles étaient trop bien préparées; mais les
arrangements conclus par Bertrand du Guesclin avec le pape et
les représentants d^Avignon ou du Comtat, épargnèrent ce
malheur au pays.
Les négociations qui aboutirent à ces accords ont été racon-
tées, d'une façon plus amusante que véridique, par Cuvelier,
l'auteur de la Chronique rimée de Bertrand du Guesclin. Selon lui,
lorsque le pape Urbain V apprit l'arrivée des routiers, il délégua
auprès d'eux un cardinal chargé de leur commander de s'éloi-
gner:
c Escommenierai toute la compaignie,
Si ne s'en vont de ci sans faire nul detrie (i). »
Bien à contre-cœur, le cardinal se dirige vers le camp ; mais la
première parole qu'il entend d'un anglais interrogé, lui explique
les intentions de l'ennemi :
c Bien soiez-vous venus, aportez-vous argent?
Avoir nous en convient ains no département (a). >
A peine est-il introduit devant le conseil de guerre, que le
maréchal d'Audrehem lui explique qu'ils allaient en croisade
contre le roi de Grenade et qu'ils demandaient au pape l'absolu-
tion de leurs péchés, plus 200,000 besants ou florins d'or pour les
frais du voyage (3). Mais du Guesclin plus franc déclare que de
l'absolution ils ne sont guère soucieux :
c Ils ameroient mieulx a avoir de l'argent...
Dites a Tapostole ce fait entièrement,
Car nous ne les porroiens emmener autrement.
Encor, quant il aront de l'avoir largement. '
Se tenront il envis de mal faire souvent (4). »
Le cardinal retourne dolent auprès du pape. Ces compagnons
si nombreux vont combattre les infidèles en Espagne, dit-il, pour
sauver leurs âmes, et voici que je vous apporte leur confession :
(I) Vers 74«9 et 7490.
(a) Vers 7510 et 75ii.
(3) Vers 7540 a 7571.
(4) Vers 7577 A 7584.
DE l'académie de vaucluse 53
€ Il ont ars maint moustier, mainte belle maison,
Occiz famés, enfans a grant destruction,
Pucelles violées et dames de grand non.
Robes vaches, chevaux et pillié maint chappon,
Et beu vin sans paier et robe maint mouton.
Et emblé maint joiel a tort et sans raison,
Calices de moustiers, argent, cuivre, laiton,
Ditte mainte parole plaine de maliçon;
Tous les maulz c'on puet faire plains de malefaçon,
Plus c'on ne porroit dire en livre n'en chançon (i). •
Donnez-leur donc non seulement l'absolution, mais encore
200,000 francs. Et le pape se lamente :
c On nous donne, dit-il, de l'argent et maint don
Pour assouldre les gens en cité d'Avignon.
Et il nous fault assouldre a lor division
Et si nous fault donner I C'est bien contre raison (s). >
Avec le collège des cardinaux il se résout cependant à imposer
les bourgeois d'Avignon et obtient de du Guesclin que les
200,000 francs soient réduits de moitié. Celui-ci vient se loger à
Villeneuve, où de son palais le pape peut voir les routiers :
€ Amener en lor ost vaches, moutons, brebis.
Oies, poucins, chappons et le pain blanc et bis.
Les viandes, les vins qu'ils ont trouvez et quis (3). •
Il s'empresse alors de lever sur les Avignonais la rançon pro-
mise,, mais du Guesclin le sait, il s'en irrite, il crie contre l'ava-
rice et l'orgueil des gens d'église et il termine ses imprécations
par ces paroles, que la postérité a retenues et dont elle lui a fait
un titre de gloire, sans même se demander si elles ont été vrai-
ment prononcées :
c Mais ja n'en prendrai i. denier monnoié
De ce que povre gent y aront ordené.
Se le pape du sien ne le m'a délivré (4). »
Il renvoie donc noblement le prévôt d'Avignon qui lui appor-
tait l'argent de la taille :
(I) Vers 7618 À 7627.
(a) Vers 7637 à 7640.
(3) Vers 7656 à 7658.
(4) Vers 7686 à 7688.
54 MÉMOIRES
« Prévost, je vous afie,
Ja n'en arons denier de nostre vie,
Se ce n'est de l'avoir venant de la clergie ;
Et volons que tuit cil que. la taille ont paiée
Aient tout lor argent sans perdre (i) une mailliela). »
Et le pape est obligé de s'exécuter; après quoi, du Guesclin
lève le camp et s'en va retrouver le duc d'Anjou à Toulouse,
avant de prendre la route d'Espagne.
Ce. récit est très pittoresque et fort honorable pour le chef de
l'expédition, mais Thistoire ne se contente pas de pittoresque et
de poésie, elle veut connaître la réalité. Or, celle-ci fut très diffé-
rente de la légende.
Voyons d'abord ce qui se passa pour le comté Venaissin. Dès
le i3 décembre, les habitants de la ville de Carpentras, déjà fort
appauvris par les dépenses faites pour leurs remparts, avaient à
se préoccuper de payer leur part de la taille montant à 5,ooo
florins, que le Comtat devait verser entre les mains de Bertrand
du Guesclin (3). Celui-ci ignorait-il que cette contribution pesait
sur la population ? Lisons la bulle que le pape Urbain V adressa
le 23 novembre au cardinal Raymond de Canillac, évèque de
Préneste : « D'innombrables gens d'armes, écrivait-il, appelés
Compagnons, sortant du royaume de France et partant en guerre,
disent-ils, contre les Infidèles, ont envahi la sénéchaussée de
Beaucaire et menacé d'entrer en ennemis dans le Venaissin, ce
qui leur était facile, si les habitants de ce comté ne leur versaient
pas un subside. Pour éviter de très graves périls et de très gros
dommages, nous t'avons donné mission d'emprunter, au nom
desdits habitants, la somme de 5,ooo florins d'or et de la remet-
tre à ces routiers, ainsi que l'ont déjà fait les habitants des pays
voisins (4). » Ainsi donc, c'était une habitude pour les compa-
gnons de du Guesclin de forcer les gens d'un pays à se racheter du
pillage : je dirai plus loin ce à quoi la Provence et certaines villes
du Languedoc durent se résoudre. 11 faut encore observer qu'à
cette date du 23 novembre, des arrangements étaient pris pour la
remise de la subvention du Comtat : ce fut grâce au pape que,
(i) Le texte donne « sans prendre ». Je propose la correction t sans perdre » qui
donne plus de sens.
(a) Vers 7704 à 7708.
(3) Arch. de Carpentras. BB 6, fol. 44.
(4) Cette bulle qui a été transcrite dans le registre B7 (fol. 36 v) des archives
départementales de Vaucluse, a été publiée par extraits par le R. P. H. Denifle, t. II.
p. 487, note I.
DE l'académie de vaucluse 55
moyennant un emprunt, les gens du Venaissin eurent du temps
pour s'acquitter de leur dette. La bulle du. 23 novembre i365
n^avait d'ailleurs pas d^autre but que d'obliger le clergé à contri-
buer au paiement des 5,ooo florins. Les habitants de Carpentras
semblent avoir abusé de la permission de retarder le versement
auquel ils furent astreints : le i8 mai i366, ils en donnaient seu-
lement le premier à-compte, s'élevant à la somme de loo florins(i).
Même, à cause, sans doute, de leur négligence, ils encoururent
Texcommunication : ils en obtinrent l'absolution du recteur du
Comtat, le 25 août i366(2).
La ville d'Avignon constituait, à elle seule, on le sait, un État
particulier, dont les intérêts financiers étaient tout à fait distincts
de ceux du Venaissin. Elle n'eut donc pas à contribuer au
paiement de cette taille ; mais cela ne veut pas dire qu'elle fut
épargnée. On ignore cependant quelles charges elle dut sup-
porter en cette occasion : aucun document ne paraît avoir
subsisté qui permettrait de le savoir. Mérimée (3), il est vrai, a
prétendu, d'après un document à lui communiqué par M. Paul
Achard, que les Avignonais furent obligés de payer i,5oo flo-
rins; mais il a mal interprété son document, qui se rapporte à des
faits de date postérieure (4).
La Provence elle-même fut mise à contribution. Sous peine de
la voir ravagée par les brigands logés dans la sénéchaussée de
Beaucaire, le sénéchal, les officiers de la reine Jeanne et les
nobles des communautés durent, sur le conseil du pape, leur
promettre 3o,ooo florins d'or, au paiement desquels Urbain V,
par une bulle adressée à Philippe de Cabassolc, patriarche de
Jérusalem, obligea le clergé p(jur sa quote-part (20 novembre
i365) (5). Mais les Provençaux, ne s'attendant pas à de telles
(1) Arch. de Carpentras, BB6, fol. 10.2 v ; BB 7, fol. 46 v : « Soluciones per me factc
pro subsidio. *
(a) Idem, BB7, fol. 46 V : « Solvi pro littera absolucionîs emanata a domino rectore,
ut absolveremus ab excommunicationis sentencia qua iigati eramus propter subsi-
dium, V solidos. •
(3) Histoire de don Pèdre P%roi de CastiUe (1848, in-8*;, p. 435, note i. Le document
forme à la page 582 l'appendice 1.
(4) Il concerne, en effet, les sommes versées par Philippe do Cabassole A du
Guesclin au mois de mars i368.
(5) Archives départ, de Vaucluse. B 7, fui. 'X< ; if. Denitle. t. H, p. 486, note 2. — Le
clergé des comtes de Provence et de Forcalquier fit des difficultés pour s'exécuter :
il fallut encore la bulle du 21 mars i36G, expliquant que tous les domaines des
églises et monastères (château de Salon à l'archevêque d'Arles, de Lure à l'évoque de
Sisteron, ville de Gap â Tévêque du lieu, etc.), devaient être soumis à l'impôt destiné
56 MÉMOIRES
exigences, étaient loin d'avoir tout l'argent qui leur était réclamé :
ils demandèrent au pape de les aider. Celui-ci s'empressa d'accéder
à leur requête et leur avança, le 17 novembre, 12,000 florins d'or,
qu'ils promirent de restituer dans les trois mois. Ce furent des
changeurs qui les fournirent : la banque Luc degli Abbati et C**
donna 6,000 francs, Michel Baroncelli (i) 1,600 francs, son frère
Jean 400, le florentin Jacques Buonacursi 400, etc. Les 12,000 fr.
furent longs à rentrer dans le trésor pontifical : le premier
à-compte fut donné seulement le 22 juin i366 par Jean Baroncelli,
sergent d'armes du pape, et le 8 avril i368, un reliquat figurait
encore dans les finances restituées par les Provençaux à
Urbain V (2).
Quant au pape lui-même, on n'a relevé dans les registres de
ses dépenses aucune, somme qu'il ait versée pour son propre
compte aux troupes de du Guesclin. Voilà qui contredit singu-
lièrement le récit de Cuvelier. On vient de voir qu'il s'était borné
à intervenir auprès des routiers pour le rachat des pays menacés
et qu'il avait seulement facilité les opérations financières avec les
riches banquiers italiens qui suivaient sa cour. Mais, d'autre
part, il est certain qu'il fit arriver entre les mains de du Guesclin
d'autres finances. Les Grandes Chroniques de France (3), assez
bien informées, disent qu'il lui donna de l'argent (4) et qu'il lui
accorda le produit de deux décimes à lever sur le clergé de
France. Werner de Liège, l'auteur d'une de ses vies (5), prétend
de son côté que Urbain V lui promit une grosse somme et im-
posa pour cela des décimes sur le clergé de France. Il faut cepen-
dant observer qu'il ne fit pas cette promesse sous la pression des
menaces qu'auraient pu lui faire les routiers. Le 19 juillet i365, je
À payer les 3o,ooo florins. (Arch. départ, de Vaucluse, B 7. fol. 34). — Voir encore le
€ processus» d'exécution de cette bulle • super contributione ». du 26 juin i366 :
Ibidem, fol. 35.
(i) Ce Michel Baroncelli, banquier florentin, habitant Avignon, eut plus tard
(3 mars 1369), la recommandation expresse du pape Urbain V pour obtenir de Philippe
de Cabassole, recteur d'Avignon et du Comtat, l'office de monnayeur d'Avignon»
vacant par la mort d'Hugues Michel, également banquier. (Arch. départ, de Vau-
cluse, B 7, fol. 56.) Il est donc probable qu'il y fut nommé.
(a) Pour tous ces détails, cf. les documents extraits des registres du Vatican et
publiés par M. Prou, p. 140 à 144.
(3) Ed. Paulin Paris, t. VI, p. 238.
(4) Peut-ôtre est-ce une allusion aux sommes avancées aux Provençaux pour leur
rachat ou aux 5,ooo florins qu'il fit payer aux Comtadins.
(5) Secunda vita Urbani V, publiée par Albanès et Chevalier, Actes anciens et doeih-
ments concernant le bienheureux Urbain V» i. I, p. 39.
DE l'académie de vaucluse Sy
rai déjà dit, il donnait des ordres aux archevêques et évèques de
France pour faire percevoir pendant deux ans sur le clergé sécu-
lier et régulier de leurs diocèses, la décime que Charles V lui avait
demandée pour aider au départ des Compagnies (i). Il en avait
môme fixé les termes du paiement : le premier devait avoir lieu au
!•' novembre i365, le second à Pâques de Tannée i366, le troisième
à la Toussaint suivante et le dernier encore à Pâques i362 (2).
Mais le temps pressait. Sur les instances du roi de France et
des habitants des trois sénéchaussées de Languedoc, Urbain V
avait, dans le but de contenter plus tôt l'avidité des compagnons
de du Guesclin, permis que certaines personnes leur fissent
l'avance du produit de cette double décime. Lui-même fut peut-
être une de celles-ci : c'est ainsi du moins que je m'explique les
4,000 francs d'or, que le 22 novembre il fit remettre à Pierre Mau-
salan, sacriste de l'église de Carpentras et associé au cardinal
Raymond de Canillac, délégué à la collecte générale de la décime
et commissaire aux négociations avec du Guesclin. Pour être en
mesure de les donner, il avait dû les empruntera des changeurs
ou banquiers qui suivaient la cour romaine : Paul Mathei (3), de
Florence, lui en avait procuré la moitié, les frères Jean et Michel
Baroncelli, le reste. Ces 4,000 francs furent d'ailleurs restitués
plus tard (4).
Quoi qu'il en soit, à la date du 23 novembre i365, la moitié
des sommes promises sur la décime avait déjà été payée aux rou-
tiers, bien que plusieurs archevêques et évèques n'aient pas été
informés assez à temps pour faire à la Toussaint le premier ver-
sement prescrit. Des dispositions avaient été encore prises pour
que la seconde moitié fût bientôt remise aux troupes partant
pour l'Espagne ; aussi le pape se crut-il obligé, tout en reportant
les termes des versements au i*"" mars et au i"août des années
i366et 1367, de demander aux prélats d'expédier, avec le moins
de frais possible, au cardinal de Préneste dans le mois qui suivrait
chacun de ces termes, tout l'argent qu'il aurait ramassé (5). En
définitive, le pape n'eut, je le répète, absolument rien à tirer de
(i) L'imposition de cette décime a évidemment créé la légende d'après laquelle du
Guesclin aurait refusé l'argent des bourgeois d'Avignon pour ne vouloir que celui
du clergé.
(a) Cf. la bulle du 19 juillet i365 publiée par M. Prou. p. i33.
(3) Ce banquier était déjà établi à Avignon en 1344; cf. VInventaire des archives de
Montpellier, publié par J. Berthelé, 1. 1, p. 363, n** 4070 à 4072.
(4) Cf. M. Prou, p. 140.
(5) Bulle du a3 novembre i365, publiée par M. Prou, p. 144.
58 MÉMOIRES
sa caisse particulière et c'est tout au plus si Ton serait en droit de
prétendre qu'il abandonna certaines décimes de la province de
Tours que peut-être il s'était réservées (i).
A quel chiffre se monta cette contribution du clergé de France ?
Nous ne pouvons le savoir. Pourtant on se doute bien qu'il fut
fort élevé, car le 26 janvier i366, le procureur de Bertrand du
Guesclin, Pierre de Villiers, grand-maître de la maison du roi,
donna quittance au cardinal de Préneste pour les 32,ooo francs d'or
qui lui étaient encore dus sur l'argent à lui concédé par le pape (2).
Le comté Venaissin, la ville d'Avignon et la Provence ne se
trouvaient pas sur le chemin direct de l'Espagne. Si leurs habi-
tants cependant furent tellement éprouvés par le passage des
routiers sur la rive droite du Rhône, que ne devaient donc pas
supporter ceux du pays qu'ils traversaient (3) ? On en a une idée
par la contribution qu'ils imposèrent à la ville de Montpellier :
ils n'en voulurent partir qu'après avoir reçu 10,000 francs (4). Il
est encore à supposer que les 4,000 francs 'd'or prêtés par
Urbain V, le 16 janvier i366, au cardinal Gui de Boulogne,
évêque de Porto, Gilles Aycelin de Montaigu, dit le cardinal de
(i) Et encore cela n*est-ii pas certain : le texte sur lequel on se base (procuration
donnée par du Guesclin à Pierre de Villiers le 22 novembre i365, publiée par H.
Denifle, t. II. p. 775), n'est pas très explicite; il ne dit pas si les décimes de la province
de Tours qui restent encore dues font partie de la levée grénérale. Pour mon compte,
je le croirais assez volontiers, car les bulles des 19 juillet et 23 novembre i365 furent
adressées au métropolitain de Tours (Prou, p. i36 et 144, note i). Je ne suis pas du
tout du même avis, en effet, que le R. P. H. Denifle qui déclare (t. II, p. 487) que le
pape consentit à se dessaisir en faveur de du Guesclin des décimes de la province de
Tours et paya en outre une énorme somme, en vue de l'expulsion des Compagnies. »
Je ne vois pas quelle est cette t énorme somme » exigrée du pape lui-môme : y avait-
il une allusion dans cette phrase de la procuration de du Guesclin : t et aussi la reste
que nostredit Saint Père nous peut devoir » > Mais ce reste peut concerner la contri-
bution du comté Venaissin (la bulle annonçant qu*il a fait payer les5,ooo florins d*or
est du lendemain 23 novembre) ou celle de la Provence pour laquelle le pape avait
' sans doute répondu (son prêt de 12,000 francs d'or aux Provençaux n'eut lieu que le
27 novembre). Par conséquent, la part personnelle d'Urbain V reste encore à déter-
miner.
(2) H. Denifle, t. II, p. 77^. Remarquer que le cardinal de Préneste avait été
chargé de centraliser le produit de la décime biennale.
(3) A la rigueur, on pourrait remarquer que ni la Provence, ni la ville d'Avignon,
ni le comté Venaissin ne faisaient partie du royaume de France et n'étaient" pas
compris dans la promesse faite par du Guesclin à Charles V de n'exiger aucune
finance de ses sujets ou bonnes villes. En droit, Montpellier n'était plus aussi au
roi de France, puisque cette ville et sa baronnie, lors du traité de Paris (6 mars
i365), avaient été cédées à Charles le Mauvais en échange des villes de Meulan et du
comté de Longueville; mais, en fait, elle faisait encore partie du domaine français,
puisque le captai de Buch n'en prit possession au nom du roi de Navarre que le
17 février i366 {Histoire générale Je Languedoc, t IX, p. 779)
(4) Petit Thalamus, p. 369.
DE l'académie de vaucluse Sç
Thérouanne, à Pierre de Villiers et à Gui de Prohins, sénéchal de
Beaucaire et de Nimes (i), avaient été donnés pour satisfaire
Tappétit insatiable des Compagnies et empêcher le pillage de la
sénéchaussée.
Le gros de l'armée conduit par du Guesclin, qui, on se le rap-
pelle, s'était approché du comté Venaissin et d'Avignon dès le
5 novembre, s'était remis en route avant la fin du même mois.
Le 29, Bertrand était à Montpellier et levait la contribution que
j'ai dite, puis le 3 décembre il se dirigeait vers Perpignan (2),
où le roi d'Aragon .devait donner un premier à-compte sur les
100,000 florins qu'il avait promis pour l'expédition contre don
Pèdre, son ennemi. Mais là, des bandes de routiers, satisfaites
de tout l'argent reçu, peu désireuses de passer les Pyrénées et
d'affronter les hasards de la guerre dans un pays inconnu, résolu-
rent de retourner en Languedoc, où le duc d'Anjou, lieutenant gé-
néral pour le roi de France, les signalait dès le 19 décembre, en
prescrivant de veiller à la sûreté du pays (3). Ils s'y rencontrèrent
avec d'autres détachements retardataires, qui poursuivaient leur
marche vers l'Espagne et qui jusqu'au mois de février i366,
devaient défiler sous les murs de Montpellier (4). Même, ce flux
incessant de compagnons toujours disposés au pillage avait néces-
sité de la part des habitants du Venaissin la continuation de
leurs préparatifs de défense. Nous ne voyons pas, en eflfet, qu'après
Téloignement de du Guesclin, les travaux exécutés par les
syndics de Carpentras aient subi un ralentissement (5). Bien leur
en prit, car l'été de i366 leur apporta de nouvelles alarmes (6) :
en mai, juin et juillet, des societates de Bretons étaient signa-
lées sur les bords du Rhône et le recteur du Comtat ordonnait
d'aller prendre de leurs nouvelles au Pont-Saint-Esprit (7). On
dut même à leur occasion lever sur le pays une nouvelle taille
de 2,5oo florins, dont il fallut leur remettre le produit pour les
obliger à s'éloigner (8).
(i) M. Prou, p. 60, note 4.
(a) Pttit Thalamus, p. 369.
(3) Histoire générale de Languedoc, t. X, p. 108.
(4) Petit Thalamus, p. 369 à 371.
(5) Voir dans les comptes BB6 et 7 aux archives de Carpentras les sommes payées
en décembre et janvier (les mois suivants furent moins chargés) pour Tartillerie, la
construction ou réparation des bretèches, les fossés, les remparts, etc.
(6) Le II avril i366, on devait garder les portes de la ville c propter gentes Nor-
mannias extraneas que erant in Carpentoracte ». (Arch. de Carpentras. BB7, fol. i5).
(7) Idem, ibidem, fol. 64 V. — Sur les routiers restés en Languedoc en i366. voir la
note 6 d'Auguste Molinier, p. 781 du t. IX de VHistoire générale de Languedoc.
(8) Idem, ibidem, fol. 46 V, a5 août : c Solvi Petro Riqucli, de Carpentoracte, col-
60 MÉMOIRES
II.
La campagne de du Guesclin fut en effet, pour le malheur du
Languedoc, trop rapidement achevée. On en connaît les résul-
tats : rentrée sans coup férir en Castille, le couronnement de
don Enrique à Burgos, la reculade puis la fuite de don Pèdre,
abandonné de presque tous ses sujets, la prise de son trésor à
Séville et le partage de l'énorme butin entre tous les capitaines et
gens d'armes qui avaient suivi le nouveau roi. Dès la fin du mois
de mai i366, don Enrique, conservant auprès de lui du Guesclin
et une élite de Bretons, le maréchal Arnoul d'Audrehem et ses
Français, Hugh de Calverly et Eustache d'Auberchicourt avec leurs
Anglais, en tout seulement i.Soo lances, congédia le reste de ses
troupes (i). Celles-ci n'eurent pas un seul instant la pensée d'aller
combattre les Maures de Grenade : elles reprirent la route du
Languedoc.
On sait qu'elles furent enrôlées par le priiice de Galles, qui
sur les instances de don Pèdre, entreprit, l'hiver suivant, le passage
des Pyrénées pour une expédition qui devait jeter don Enrique
au bas du trône de Castille et y rétablir don Pèdre. La bataille de
Navarrete, livrée le 3 avril iSéy, fut on ne peut plus désastreuse
pour le premier, qui, complètement défait, fut réduit à se sauver
précipitamment : du Guesclin, Arnoul d'Audrehem et les plus
vaillants capitaines français restèrent prisonniers entre les mains
du vainqueur. Quant à celles des Compagnies, pour la plupart
Bretonnes, qui avaient pris part au combat sous leur direction (2),
elles quittèrent également en hâte le sol espagnol et repassèrent
les Pyrénées. Le pape Urbain V n'avait pas attendu leur retour :
il avait profité de l'accalmie relative dont jouissaient la Provence
lectori tallie ii"v* florenorum in dicto Comitatu ultimo imposite pro expellendis
societatibus bellicis de comitatu predicto, pro complemento solucionis partis nobilis
et innobilis dicte civitatis de dicta tallia competentis... lxxxxvi Ib. x s. >
(i) Ayala, 1. 1, p. 423; S. Luce, Froissart, t. VI, p. lxxxvii ; E. Molinier, p. 174.
(a) Elles étaient tout à fait distinctes de celles qui avaient combattu sous les ordres
du prince de Galles et qui se composaient surtout de Gascons, Flamands et Anglais.
Leurs éléments principaux étaient constitués par ces corps de Bretons, qui étaient
restés en Espagne avec du Guesclin ou que celui-ci, apprenant les préparatifs du
prince Noir, avait fait venir du Languedoc vers la fin de Tannée i366. Aussi, lors-
qu'elles apparurent en 1 368 en Provence et dans le Venaissin, les connut-on sous le
oom de Compagnies bretonnes.
DE l'académie de vaucluse 6i
et le Languedoc pour faire le voyage de Montpellier, puis se
diriger sur Marseille et prendre la mer pour retourner en Italie
(9 janvier-19 mai). Mais, avant de s'embarquer, par sa bulle du
9 mai 1867 il avait renouvelé ses anathèmes contre les routiers et
leurs fauteurs (i).
La ville d'Avignon et le comté Venaissin avaient été laissés
sous la garde vigilante de Philippe de Cabassole, patriarche de
Jérusalem, qui depuis le 17 novembre i362, exerçait les fonctions
de recteur du Comtat (2). La bulle du r3 avril 1367 avait donné à
ce prélat le gouvernement d'Avignon (3), et comme l'évêché de
cette cité, par la vacance du siège épiscopal, était administré
directement par le pape, Urbain V lui en avait encore conféré le
vicariat au spirituel et au temporel (4). Tous les pouvoirs se
trouvèrent donc réunis entre ses mains ; de plus, la nomination
et la destitution des officiers lui appartinrent en propre par une
délégation spéciale (5). Pour la défense du pays, il fut secondé,
comme on le verra plus loin, par un chevalier tarasconnais,
Jacques Albe, seigneur de Roquemartine (6), qui reçut du pape
le titre de capitaine général d'Avignon et du Venaissin. Eux
seuls furent chargés officiellement d'assurer la protection des
États pontificaux et les sujets du pape reçurent Tordre de leur
obéir en toutes circonstances (7).
Dès le mois de juin (8), le Comtat ne se sentait plus en sûreté :
le 29 de ce mois, Pons Bermond, le capitaine de Carpentras, mis
en éveil par certaines rumeurs inquiétantes, ordonnait de faire le
recensement des personnes portant les armes et du matériel de
guerre qu'on pourrait au besoin se procurer dans la ville (9).
Aussi les travaux de fortification et de défense, qui ne s'étaient
(I) Pour ces voyages et la bulle d'Urbain V. que je dois résumer ici très briève-
ment, cf. H. Denifle, t. II, p. 499, 5oo.
(a) Sa bulle de nomination est conservée aux A.rch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. 1.
— Elle a été connue de Cottier, Notes historiques concernant les recteurs du comté
Venaissin, p. 70.
(3) Idem, 87, fol. 38; Cottier, p. 75.
I4) Idem, B 7, fol. 39 V, bulle du i3 avril i367 ; Cottier, toc. cit.
(5) Idem, B 7, fol. 38 V, bulle du i5 avril i367.
(6) Bouches-du-Rhône, c- d*Eygruières. chef-lieu de cant. de Tarr. d* Arles.
(7) Bulle du 5 février i368 adressée aux habitants d'Avignon et du Comtat (Arch.
départ, de Vaucluse, B 7> fol- 44) •
(8) Déjà m6me le 29 avril, on disait à Carpentras que des gens d'armes se réunis-
saient du côté de Bonnieux. (Arch. de Carpentras, BB 7 bis, compte, fol. 169.) Il était
encore trop tôt pour ce ftissent des troupes revenant d'Espagne.
(9) Arch. de Carpentras, BB 7, délibérations, fol. 35.
62 MÉMOIRES
jamais beaucoup ralentis depuis le premier passage de du
Guesclin, reprirent-ils avec une certaine activité : dans les pre-
miers jours de juillet, on bâtit dans les murs de terre élevés sur
le bord des fossés, là où le rempart de pierre n'était pas construit,
des espèces de réduits où Ton tixa deux grosses arbalètes (i).
Il n'était que temps de prendre ces mesures, car le ii juillet, le
recteur du Comtat annonçait que les societates du Languedoc
voulaient traverser le Rhône ; il ordonnait en conséquence à
Pons Bermond de faire bonne garde jour et nuit, de fermer les
passages dans les remparts et d'élever des murs de terre ou tapie
depuis le quartier de Serre jusqu'à la porte d'Orange (2). Quel-
ques jours plus tard (18 juillet), le conseil de ville carpentrassien
décidait d'envoyer acquérir à Gènes, au meilleur marché possi-
ble, des viretons, arbalètes et autres instruments de guerre (3).
Si l'on prenait toutes ces précautions, c'est qu'il était bruit
d'une guerre qui allait être dirigée contre la Provence et la reine
Jeanne. Sans aucun doute, le duc d'Anjou manifestait déjà les
intentions qu'il mit à exécution quelques mois plus tard et l'on
craignait qu'il n'eût recpurs pour cette besogne à toutes les
troupes de routiers revenues en Languedoc. Philippe de Cabas-
sole crut devoir en avertir le pape, qui lui ordonna aussitôt de
veiller à la garde des pays à lui confiés, d'assister de ses conseils,
de sa bienveillance et de ses secours les Provençaux menacés, de
solliciter d'eux une aide pour lui-même dans la défense des États
pontificaux en cas d'invasion et surtout de leur recommander de
rester fidèles à leur souveraine (.'^o juillet i367)(4). Quinze jours
(i) Arch. de Carpentras, BB 7 bis, compte, fol. 147 V : c Sequntur expense per me
dictum sindicum persolute in faciendo fieri balesterias gipeas in tapiis fossatorum,
tam pro gipo quam pro magistris et manobis (sic), t \^ première dépense fut payée
le 5 juillet, la dernière le i5 novembre.
(2) Idem, BB7, fol. a5 v. — Les dépenses relatives â ces tapie, où travaillèrent des
équipes d*hommes et de femmes el qui furent élevées depuis la porte de Mazan
jusqu'à celle d'Orange, sont consignées dans le compte BB 7 bis, du fol. 126 v* au
fol. 147.
(3) Idem, BB 7. fol. 26.
(4) Voici cette bulle qui était restée inconnue jusqu'ici et qui jette un jour curieux
sur les dangers qui menaçaient la Provence et le comté Venaissin : c Urbanus...
Philippo... Admodum displicenter audivimus nova que de inferenda guerra Pro-
vincialibus reserasti et circa hoc de remediis nobis possibilibus, que opportuna cre-
didimus, incepimus providere. Volumus igitur et tue fraternitati mandamus quod
circa custodiam terrarum tuesolicitudini commissarumdiligenter intendas ac eisdem
Provincialibus assistas consiliis, favori bu s et auxiliis opportunis, eosque ex parte
nostra sepius horteris quod ad deflfensionem nostram contra invasores viriliter se
accingant et tanquam fidelissimi, suorum majorum sectantes vestigia, carissime in
DE l'académie de vaucluse 63
auparavant, Urbain V avait même obligé, par une première bulle
adressée à son représentant avignonais, les prélats et le clergé
de Provence à contribuer aux dépenses que les nobles et les
communautés devaient faire pour se mettre en état de résister à
Tennemi (r).
Cette fois cependant, on en fut seulement pour l'appréhension.
Si le 3 1 août, les syndics de Carpentras furent encore obligés
d'envoyer au Pont-Saint-Esprit pour savoir si les gens de Compa-
gnies ne mettaient pas à exécution leur projet de franchir le
Rhône {2), de nouvelles alarmes ne paraissent plus avoir inquiété
la population comtadine dans les derniers mois de Tannée 1367.
Les Bretons et autres routiers s'étaient décidés à rester en Lan-
guedoc; ainsi, par exemple, le 14 septembre, celui qu'on appe-
lait le Limousin, Arnaud du Solier, passait à Montpellier avec une
grande « route » et allait camper à Montferrier (3) et aux envi-
rons (4). Le lendemain, Perrin de Savoie, capitaine d'une autre
forte Compagnie, allait se logera Vauvert ;r>). Le surlendemain,
Yves de Groeslon avec ses Bretons s'établissait à Mudaison (G), et
la campagne devenait si peu sûre que les Montpelliérains
devaient faire protéger leurs vendangeurs par une escorte fournie
par le Limousin lui-môme (7). Knfin, le 2S septembre, on signalait
le passage d'Olivier de Mauny, qui, délivré de prison, allait à
Beaucaire à la suite du duc d'Anjou ',8).
Ce dernier fait est l'indice que le frère de Charles V n'avait pas
abandonné le projet, qui, dévoilé quelques mois plus tôt, avait
causé les frayeurs d'Urbain V. Il ne se décidait pourtant pas à
agir et il attendait celui qu'il espérait mettre à la tête de ses
troupes : Bertrand du Guesclin lui-même. Mais celui-ci, retenu
captif à Bordeaux par le prince de Galles, n'obtint sa libération
que le 27 décembre 1367. Aussitôt qu'il le put, il vint donc retrou-
Christo filie nostrc Johanne, regine Sicilie, illustri comitatuum Provincic et Porcal-
querii comitisse. eorum naturali domine, firmiter adhereant, nullis adversancium
vexacionibus a fidelitate solita et débita separandi, quibus tanquam devotis nostris
proponimus assistere favoribus opportunis. Datum Viterbii. ini kalendas augusti,
pontificatus nostri anno quinto. » (Arch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. 41 v-.;
(i) Idem, B7>fol. 4a-
(2) Archives de Carpentras, BB7 bis, fol. 169.
(3) Hérault, arr. et cant. de Montpellier.
(4) Petit Thalamus^ p. 38i.
(5) Gard, arr. de Nimes, clief-lieu de cant.
(6) Commune de Mauguio Hérault), arr. de Montpellier, chef-lieu de cant.
(7) Petit Thalamus» p. 38t.
(8) Idem, p. 38a.
64 MÉMOIRES
ver le duc à Nimes : le 7 février i368, son passage et celui du
maréchal Arnoul d'Audrehem étaient notés à Montpellier (i).
L'expédition qu'avait résolue le peu scrupuleux duc d*Anjou,
n*était en somme qu'un acte de haut brigandage. Le riche comté
de Provence, qui avoisinait son gouvernement du Languedoc,
tentait sa cupidité. Prendre occasion de Tabsence de la reine
Jeanne, souveraine de ce pays, de l'incapacité de son sénéchal
Raymond d'Agout (2) et de Téloignement du pape, qui aurait,
cela est certain, mis de sérieuses entraves à l'exécution de ses
desseins, nouer de louches et criminelles relations avec des sei-
gneurs mécontents, les exciter à la révolte ou à la trahison, se
jeter lui-même sur la province et s'en emparer par un audacieux
coup de main au mépris de tout droit, tel était le plan qu'il rêvait
de réaliser i3).
L'entente avec du Guesclin, étant déjà préparée par des négo-
ciations antérieures, fut vite conclue. Le futur connétable de
France, décoré depuis i366, par la reconnaissance de don Enri-
que, du titre de duc de Trastamare, se mit aussitôt à l'œuvre et
eut rapidement fait de réunir une armée de routiers. Le 26 février
i3o8, en effet, il repassait à Montpellier avec le bâtard de l'isle,
Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Noli Pavalhon, Amanieu
d'Ortigue et d'autres capitaines conduisant leurs nombreux
compagnons d'aventures (4) ; après s'y être reposé, il partait
dans la direction de la Provence ^51. La plupart des gens qu'il
emmenait étaient les Bretons qui, en 1 367, étaient revenus d'Es-
pagne en Languedoc, où ils avaient passé Thiver. Le 10 février,
(I) PitU TkaUmus. p. 38a.
{%) Dès le II décembre 1387, Urbain V con5;eillait A la reine Jeanne de remplacer
ce sénéchal par Guillaume Gaugié. de Forcalquier. |H. Denifle^t. II. p.5ii.)
(3) Il n*est aucun compte à tenir, ainsi que Ta fait remarquer le R. P. H. Denifle
(t. II, p. 5uV, d*apn^s Winckelmann (OiV Bisiehungen Kaiser Karls IV. sum Koenig-
nick Aretil. p. 5a et Paul Fournier 7^ Royaume d'Arles, p. 476» de la fable col-
portée par Thierry de Niem, d'après laquelle Tempereur Charles IV, se trouvant a
Avignon en i365, aurait cédé au duc d*Aniou ses droits sur le royaume d'Arles.
U* Perrin de Sa\*oie a été mentionné à Tara<c«>n par du Guesclin lui-même dans
sa lettre au sieur de la Voulte qui sera indiquée ci-apres. Cuve lier le cite ,vers
i3ï»7' avec le Petit Meschin «vers i38î>9": mais à ces capitaines signalés par les pièces
d'archives, il aioute, sans que nvvj> a\vn> la preuve de son exactitude, le frère de
Bertrand du Guesclin, Olivier, qui. quelques annc^< plus tard, viendra rava^jer le
Venaissin ; Olivier. Hervé et Alain de Mauny. Petit de Cambrai. Alain et Tristan de
la Houssaye, Robert le Comte, le l>'urc de Bierne. Jacque> de Bray, Alain Papillon,
etc. Il est à remarquer qu'en :3ôt. 0'.iv;er de Majrry ^îaii capiiair.e ««u -^ .uvenieur de
Castelsarrasin yHistyi^^ Se LimgMeJoc^ i ÎX. p -y : lî '^e s^raii d«»nc pas impossible
quHI tût venu au siège de Tarascon.
t51 FHit ThilMmui. p. 3&i
DE l'académie de vaucluse 6S
Amanieu d'Ortigue et Noli Pavalhon s'étaient même rendus
maîtres d'un petit fort de la ville de Montolieu (i), dans les envi-
rons de Carcassonne ; d'autres, neuf jours après, s'étaient empa-
rés de Pomerols (2)' en Agadois (3).
Les préparatifs et la marche de du Guesclin furent aussitôt
annoncés au pape, qui ignorant quels étaient les véritables des-
seins du duc d'Anjou, prit tout de suite peur pour ses États. Il
craignit une attaque contre la ville d'Avignon et le Venais-
sin ; aussi promulgua-t-il en hâte une bulle solennelle, faisant
défense à toutes personnes et à toutes communautés d'envahir
les territoires qui lui appartenaient et d'enrôler dans ce but des
gens d'armes, prohibant expressément d'accorder des secours
soit en argent, soit en soldats, soit en vaisseaux à ceux qui ten-
teraient une entreprise contre la cité avignonaise et le Comtat, et
excommuniant d'une façon formelle tous ceux qui contrevien-
draient à ces défenses (4).
Mais l'armée du duc d'Anjou avait un autre objectif que celui
qui était redouté par Urbain V : le samedi 4 mars i368, elle
paraissait devant Tarascon et mettait le siège devant cette
(i) Aude, arr. de Carcassonne. cant. d'Alzonne.
(3) Hérault, arr. de Béziers, cant. de Florensac.
(3) Petit Thalamus, p. 38a.
(4) Voici cette bulle, dont une copie assez défectueuse se trouve aux Archives
départ, de Vaucluse (B 7. fol. 45) et qui n'avait pas encore été signalée : c Ad perpe-
tuam rei memoriam. Humani generis Redemptoris... Sane nuper ad aures nostras
relatio fide digna perduxit quod nonnulli. ambicionis et avaricie vicio obsecati.bllicos
{sic pour bellicos) fecerunt et faciunt apparatus et quod ex ipsorum certis conjecturis
et signis probabilis est exorta suspicio quod se parant ad civitatem Avinionensem
et comltatum Venayssini, ad nos et eamdem Romanam Ecclesiam nullo medio per-
tinentes, invadendos et etiam ofTendendos. Nos igitur, Ecclesie, civitati et comitatui
prefatis super hoc de cong^uo remedio providere et occurere talium conatibus mali-
gnorum et animarum periculis. corporum detrimentis, bonorum et rerum dispendiis
ac scandalis et incomodis gravissimis et irreparabilibus. que si invasio et ofîensio
predicte, quod absit. contingerint, possunt ex eis verisimiliter formidari, volentes
salubriter obviare, universis et singulis clericis et laycis, cujuscumque condicionis,
status, ordinis. dignitatis vel preheminencie fuerint. etiam si pontificali seu quavis
alla ecclesiastica vel mundana dignitate prefulgeant, universitatibus quoque, com-
munitatibus et civitatibus quibuscunque, auctoritate aposlolica, prohibemus et man-
damus expresse ne per se vel alios civitatem vel comitatum predictos, seu partem
vel castra aut aliqua loca ipsorum aut alterius eorumdcm, quovis colore requisito.
invadere, impugnare vel offendere, seu propter hoc recipere vel exhibere gentes,
stipendia sive galeas vel alia vasa maritima vel fluvialia dare, locare, comodare, aut
titulo quocumque concedere seu conducere vel remigare (51c) in eis quovismodo
présumant, aut super hiis presumptoribus ipsîs prestare publiée vel occulte, directe
vel indirecte, consilium, aLxilium vel favorem. Nos enim in omnes et singulos, qui
contra inhabiiacionem (sic) et mandatum hujusmodi venire présument, etiam si, ut
predicitur, pontificali vel quavis alia ecclesiastica vel mundana dignitate prehemi-
(Ai
MI-MOIRES
place (i). Avec la ville voisine de Beaucaire comme point d'app
elle pensait sans doute s'en emparera bref délai et de lu. pénétr
rapidement au C(eur de la Provence; mais, contre son attont
Tarascon lit une longue résistance (2). Elle dut rester sous se
murs jusqu'au '2-2 mai, date ù laquelle la ville, peut-être a/îamée
consentit :\ ouvrir ses portes (3). Kn attendant, sa présence ei
son slalioiincment dàJis un pays qui Ihisail partie du dif^ce.-.e
d'Avignon ( 4), constituaient un grave danger pr>ur Jes sujtfis
dlabatn V, MOme, poui achever de terroriser la populatirjn. dvs
délachemenls vinrent établir leur camp sur le territoire de Iti citv
avignonaise (S\ Aussi, Philippe de Oibassole, vicaire de Vé^lisc
d'Avignon, recteur de cette ville cl du Comtat. et Jacques Albc.
capitaine gOnérat dans les Klals ponlitlcaux de l^^rance. enirèrcnî-
ÎU en négiKiâtionsavec Bertrand du Guesohn et ses principauv
capitaines. N*>li Pavalhon. le Petit Meschin. Bosonet de Pau vi
PciTHi do i^avoie.
(tes négociatiiMis son! bien connues depuis que le R. P. DeniflL
a publié les actes qui y soiu relalifs, mais on ne savait pas tout :
i»n ignorail iusqu'auiourdluii qu'elles avaient eie engagées a la
,suUc de menacvH faile> pai du (îuesclin et ses gens dVmahir vl
de piller les Icrrtlojrcîî d'Avignon el du Venaissîn si on ne hur
donniiil fuis d'argent ;i>>. tycUiii de leur part le renouvellement d;
nf^i'k.HUi^M de t* «^j^cluItlcT Cl c^pfTri^m optirterii facerv mcncionrm, Je fratrum
i^c, exv'i'mnryulcaCH^niH, i^uim c^^^ incurrene v«'»lumu^, ïi^ntertiam p^mulga-
illcUs cl c«H cl ï|\^>r%iiii ?»in|fuU*«i iMnnibaH prixilepi^. mJut^ncit^. iibfnâdèijs.
^t%:iH Cl itnmuniUllbu^ ivâïibiiv t'^t^^tidlibus^uç ab edUcm Eccïcsia ein^em
<*.«..-^v4* ntfvucMi Cl fcw*lotutii. t>onor%étii. tHWi**rym. t4Bv*ît3fynî «t mnixm quf «t
^cle«»4 oblâncnu de frmtrum prediciorum ctiûsilu^, cadem tuctontatc pn-
Cri\* :- I i- fi'tM p** ^tee; elle c^h tmtiscntc liân^ i-* ic^i^ïtrc K* tnirt â*ê\3irf*
te s>î^ ii> i^r-' ' ' "'■■' '■■'.e eia ccflAiii^î^înent aJùéneurr 4 \a J*ie .^ h pipe if>pr>î
* 4#» trè« ittAl rçQ$eif[tié s^t t*^ d^T^oeœcnts tî c^iTîm^lt une quicur^*
- t Çl *uivj n ^i it^utti€ Je 1^* relevEf i^
"r^y «ctuei, dil «lu "4 RéHC, ^'âvâupiî eoccft *(c
é ^^ K i r ; on sait 4tiii ne i^t c\^mmtvtzî qu'in J#4iï J^
,p^ j«B > t. U. F ïi-
t ai ce âioo^ê
^ ^ rifie GNbfa^^ tX pAT les 4t>tiJâAiâi t! ^e^v^
xv^
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
67
^'n:s
7fe,
Ses
.sa/e/s
^ des
/bc.
jui leur avait bien réussi au mois de novembre i365
lit cette fois encore être couronnée de succès : ils
icn que le pays n*était pas en état de leur résister, ils
^ien en particulier que les remparts d* Avignon (i) et de
as, pour ne citer que ces deux villes, étaient loin d'être
Choisissant le moindre mal, Philippe de Cabassole et
Albe se décidèrent à passer par leurs exigences et à
a un traité avec eux : ils obtinrent que Tarmée s'éloigne-
respecterait la cité d'Avignon, le comté Venaissin et lieux
nts appartenant au pape et à TÉglise romaine, les terres et
.es de Téglise d'Avignon, même celles qui se trouvaient en
mce, les habitants de ces pays et leurs biens. Si d'autres
pes venaient rejoindre celles qui se trouvaient déjà devant
iscon, elles observeraient le même pacte; de plus, si les
agements ainsi contractés étaient violés, tous les dommages
aient amendés et restitués. Ce serment fut juré par du Guesclin
ses compagnons le 23 mars.
La procuration que Philippe de Cabassole et le seigneur de
.oquemartine avaient fait passer, deux jours auparavant, à leur
•gent, Pierre Beth (2), archidiacre d'Aure en l'église de Commin-
ges, porte qu'il devait être donné sans aucune promesse ou
offrande de la part de l'Église romaine et de ses représentants.
C'était trop ménager les susceptibilités des contractants, car à
défaut de la bulle du 18 janvier 1869, à laquelle je viens de faire
allusion, bien des indices marquent d'une façon non équivoque
la façon dont il fut obtenu et dévoilent le sens des conventions en
langue française, précédemment acceptées par l'une et l'autre
partie : on remit en effet, dans le même temps, au duc de Trasta-
mare un à-compte de 5,ooo florins sur les 87,000 réclamés par lui
au pape. Évidemment, c'était la rançon qu'il prélevait sur les
États pontificaux. Le patriarche de Jérusalem et Jacques Albe
avaient été obligés d'en emprunter la moitié au banquier avigno-
nais Michel Baroncelli et ils avaient fait verser le tout entre les
(1) Je renvoie pour les remparts d'Avignon aux diverses monographies qui les
concernent, mais je crois devoir signaler ici deux bulles d'Urbain V des v décembre
1:^67 et 6 février 1 368 relatives à leur continuation et à la démolition de la maison
habitée par le cardinal Gui de Boulogne et de toutes les autres qui gênaient leur
construction. (Arch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. 41 v et 44 V.)
(2) C'était sans doute un parent d'Ambroise Beth, de Carcassonne, trésorier des
finances royales en Languedoc, signalé de i377 à i38o par l'Inventaire dés archivt
de Montpellier, publié par mon excellent confrère M. Joseph Berthelê, i ï. p. |3
n" 4182 et 4183.
(j6 Mb'MOIRES
place (i). Avec la ville voisine de Beaucaire comme point d appui,
-elle pensait sans doute s'en emparer à bref délai et de là pénétrer
rapidement au cœur de la Provence; mais, contre son attente,
Tarascon fit une longue résistance (2). Elle dut rester sous ses
murs jusqu'au 22 mai, date à laquelle la ville, peut-être alTamée,
consentit à ouvrir ses portes (3). En attendant, sa présence et
son stationnement dans un pays qui faisait partie du diocèse
d'Avignon ( 4), constituaient un grave danger pour les sujets
d'Urbain V. Môme, pour achever de terroriser la population, des
détachements vinrent établir leur camp sur le territoire de la cité
avignonaise (S;. Aussi, Philippe de Cabassole, vicaire de Téglise
d'Avignon, recteur de cette ville et du Comtat, et Jacques Albe,
capitaine général dans les États pontificaux de France, entrèrent-
ils en négociations avec Bertrand du Guesclin et ses principaux
capitaines, Noli Pavalhon, le Petit Meschin, Bosonet de Pau et
Perrin de Savoie.
Ces négociations sont bien connues depuis que le R. P. Denifle
a publié les actes qui y sont relatifs, mais on ne savait pas tout :
on ignorait jusqu'aujourd'hui qu'elles avaient été engagées à la
suite de 'menaces faites par du Guesclin et ses gens d'envahir et
de piller les territoires d'Avignon et du Venaissin si on ne leur
donnait pas d'argent (6). C'était de leur part le renouvellement de
nencie.ctiamsi de ea specialiter et expressam oporterit facere mencionem, de fratrum
consilio. cxcommunicacionis, quam eos incurrere volumus, sententiam prûmulgra-
miis, ipsorumque terras et loca, allasque comunitates et universitates ac civitates
contra premissa vel premissorum aliquod actentantes ecclesiastico subicimus inter-
dicio, et eos et ipsorum sin^ulos omnibus privilegiis, indulgenciis, libcrtaiibus.
graciis et immunitatibus realibus, personalibusque ab eadem Ecclesia eisdem
concessis, necnon et feudorum, bonorum, honorum, officiorum et jurium que a
prefata Ecclesia obtinent, de fratrum prediciorum consilio, eadem auctoritate pri-
vamus... •
Cette bulle n'est pas datée; elle est transcrite dans le registre B7 entre d'autres
des i3et 18 mars i368. Elle est certainement antérieure à la date où le pape apprit
l'arrivée de du Guesclin devant Tarascon.
(i) Petit Thalamus, p. 38a. — Cuvelier, l'auteur de la Chronique rimée de Bertrand
du Guesclin, a été très mal renseigné sur ces événements et entremêle une quantité
d'erreurs à son récit (vers i38oi et suiv.). Il est inutile de les relever ici.
(a) A remarquer que le château actuel, dit du roi René, n'avait pas encore été
reconstruit sur le bord du Rhône ; on sait qu'il ne fut commencé qu'au début du
XV siècle par Louis H d'Anjou.
(3) Petit Thalamus, p. 383. — Cf. H. Denifle, t. II, p. 5io.
(4) Tarascon. rappelons-le. était de l'évôché d'Avignon; l'église Sainte-Marthe était
le siège d'un archidiacre de ce diocèse.
(5) Cf. la supplique adressée au pape Grégoire XI par les Avignonais et publiée
par P. Mérimée, Histoire de don Pèdre /", p. SSa,
^6) Voir la bulle du i8 janvier iSôg qui sera transcrite ci-après.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 67
la tactique qui leur avait bien réussi au mois de novembre i365
et qui devait cette fois encore être couronnée de succès : ils
savaient bien que le pays n'était pas en état de leur résister, ils
savaient bien en particulier que les remparts d'Avignon (i) et de
Carpentras, pour ne citer que ces deux villes, étaient loin d'être
achevés. Choisissant le moindre mal, Philippe de Cabassole et
Jacques Albe se décidèrent à passer par leurs exigences et à
conclure un traité avec eux : ils obtinrent que Tarmée s'éloigne-
rait et respecterait la cité d'Avignon, le comté Venaissin et lieux
adjacents appartenant au pape et à l'Église romaine, les terres et
localités de l'église d'Avignon, même celles qui se trouvaient en
Provence, les habitants de ces pays et leurs biens. Si d'autres
troupes venaient rejoindre celles qui se trouvaient déjà devant
Tarascon, elles observeraient le même pacte; de plus, si les
engagements ainsi contractés étaient violés, tous les dommages
seraient amendés et restitués. Ce serment fut juré par du Guesclin
et ses compagnons le 23 mars.
La procuration que Philippe de Cabassole et le seigneur de
Roquemartine avaient fait passer, deux jours auparavant, à leur
agent, Pierre Beth (2), archidiacre d'Aure en l'église de Commin-
ges, porte qu'il devait être donné sans aucune promesse ou
olfrande de la part de l'Église romaine et de ses représentants.
C'était trop ménager les susceptibilités des contractants, car à
défaut de la bulle du 18 janvier 1869, à laquelle je viens de faire
allusion, bien des indices marquent d'une façon non équivoque
la façon dont il fut obtenu et dévoilent le sens des conventions en
langue française, précédemment acceptées par l'une et Vautre
partie : on remit en effet, dans le même temps, au duc de Trasta-
mare un à-compte de 5, 000 florins sur les 87,000 réclamés par lui
au pape. Évidemment, c'était la rançon qu/il prélevait sur les
États pontificaux. Le patriarche de Jérusalem et Jacques Albe
avaient été obligés d'en emprunter la moitié au banquier avigno-
nais Michel Baroncelli et ils avaient fait verser le tout entre les
II) Je renvoie pour les remparts d'Avignon aux diverses monographies qui les
concernent, mais je crois devoir signaler ici deux bulles d'Urbain V des 7 décembre
1:^7 et 6 février 1 368 relatives à leur continuation et à la démolition de la maison
habitée par le cardinal Gui de Boulogne et de toutes les autres qui gênaient leur
construction. (Arch. départ, de Vaucluse, B7. fol. 41 v* et 44 v.)
(a) C'était sans doute un parent d'Ambroise Beth, de Carcassonne, trésorier des
finances royales en Languedoc, signalé de i377 à i38o par l'Inventaire des archives
Je Montpellier, publié par mon excellent confrère M. Joseph Berthelé, 1. 1, p. i32
n«* 418a et 4t83.
r)8 MÉMOIRES
mains d'un autre banquier de la môme ville, André Tichi, chez
lequel du Guesclin fit prendre la somme par l'anglais Janequin
Le Clerc, son procureur (24 mars) (i).
Cet accord, porté à la connaissance du pape Urbain V, fut
approuvé par lui, mais bien à contre-cœur. En définitive, décla-
rera-t-il plus tard, c'était agir avec circonspection que de détour-
ner par un sacrifice d'argent un aussi grand fléau que celui dont
on était menacé (2).
Aussitôt qu'il sut à Rome la nouvelle de l'attaque de la Pro-
vence, il manifesta ses sympathies pour ceux qui étaient si injus-
tement opprimés. Mieux même, il ordonna à son représentant
Philippe de Cabassole de veillera leur sûreté, de les défendre et
de les aider, absolument comme il le ferait pour les Avignonais
et les Comtadins (25 mars i368 (3). Puis, quelques jours après,
il intervint auprès du roi de France et lui écrivit son amer
chagrin d'apprendre que des gens de son royaume, munis d'ar-
mes, de vivres et de vaisseaux, eussent envahi le comté de Pro-
vence, fief d'empire, sans motif légitime et sans déclaration de
guerre ; il lui demanda en conséquence de faire cesser la détes-
table entreprise de son frère contre sa parente la reine Jeanne et
lui fit entrevoir que celle-ci, par représailles, pourrait appeler à
son secours un prince étranger qui porterait les hostilités dans
la sénéchaussée de Beaucaire et le Dauphiné (3 avril i368) (4). En
même temps que cette bulle, fut expédiée une protestation en
règle auprès de l'empereur (5).
Étant aussi favorablement disposé en faveur des Proven-
çaux, le pape ne manqua pas, sur les plaintes que lui en adressa
la reine Jeanne, de blâmer très vivement la conduite des Avigno-
nais et des Comtadins, qui par peur sans doute et pour achever
de se rendre favorables les routiers à la solde du duc d'Anjou,
(I) Tout ceci est extrait des sept documents, datés des 31-24 mars i368, conservés
aux Archives du Vatican et publiés par le R. P. H. Denifle, t. II, p. 778 et suiv.
(a) Voir la bulle du 18 janvier 1369, qui sera rapportée ci-après.
(3) Voici l'essentiel de cette bulle inédite: t Urbanus .. Phllipo... Terras Provincie
in statu prospero et tranquillo observari cordiali affectione, propter raciones multi-
plices quas tue circonspectioni notas esse credimus, cupientes, fraternitati tue man-
dam us quathinus circa conservacionem et deffencionem ipsorum ita solerte invigiles
et favoribus opportunis insistas, sicut facis et faceres pro conservacione et deffen-
cione civitatis Avenionensis et comitatus Venayssini... Datum Rome apud Sanctum
Petrum, viii kalendas aprilis, pontificatus nostri anno sexto.» (Arch. départ. deVau-
cluse, B7, fol. 46.)
(4) Prou, op. CI/., p. 69 et i57, pièce justif. n* lxxviii.
(5) Idem, p. 70.
DE l'académie de VAUCLUSE 69
leur faisaient passer des vivres et des armes à leur camp devant
Tarascon (î8 avril) (i). Un fait môme lui fut dénoncé qui lui
déplut extrêmement : une galère des Grimaldi, de Gênes, venue
pour porter secours aux assiégés, pressée par les gens de du
Guesclin, s'était rendue à Avignon avec un sauf-conduit pour y
prendre des vivres ; moins heureux que ses adversaires, à qui
rien n*était refusé, l'équipage n'avait pu obtenir quoi que ce soit;
faute de secours, les hommes avaient péri ou avaient été faits
prisonniers. Aussi, Urbain V recommanda-t-il à Philippe de
Cabassole, à la date du 3o mai, d'agir d'une façon toute diffé-
rente : il voulait que ses sujets compatissent aux malheurs des
Provençaux et leur prêtassent un secours qu'il fallait absolu-
ment refuser aux gens des Compagnies y2).
Cette partialité des Avignonais et des Comtadins pour les
routiers ne devait pas leur porter bonheur ni les mettre à l'abri
des pillages et des atrocités que ces gens de guerre avaient
l'habitude de commettre : même avant la fin du siège de
Tarascon, des bandes de brigands entrèrent dans le Venaissin
qu'ils ravagèrent, et les représentants du pape durent ordonner
à tous ceux qui devaient le service militaire de faire des che-
vauchées et de se mettre à leur disposition pour repousser l'en-
nemi. Cela ne fut pas du goût de tous : il y eut des réfractaires,
qui, ne voulant pas obéir, crurent pouvoir se dispenser de leurs
obligations en adressant un appel au pape. Celui-ci répondit par
la bulle du 26 mai : il s'éleva contre de tels procédés et ordonna
à Philippe de Cabassole et à Jacques Albe de contraindre
les récalcitrants par des peines temporelles ou des censures
spirituelles (3). Les gens de Carpentras durent être touchés par
cette bulle ; pendant tout le mois de juin, on les voit, en effet,
très affairés pour faire révoquer les lettres sur les gages de leur
capitaine Pons Bermond, accordées par le patriarche de Jéru-
salem et le capitaine général du Comtat et contre lesquelles ils
procédaient en justice. Leurs syndics s'agitaient fort aussi à cause
du gage de 200 florins qu'ils avaient dû donner sur leurs biens :
le trésorier du Comtat avait réclamé cette somme pour ceux qui
servaient en armes à Carpentras (4).
(1} Arch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. 46 v» ; H. Denifle, t. II, p. 5ii, note 5, avec
la date du 19 avril. La bulle, dans le registre B 7, porte bien comme date le 14 des
calendes de mai.
(a) H. Denifle, t. II, p 5ii, note 6.
(3) Arch. départ, de Vaucluse. B 7. fol. 47 ; H. Denifle. t. II. p. 5i.*^. note i.
(4) Arch. de Carpentras. CC 154, fol. a v*.
yO MÉMOIRES
En conséquence des ordres donnés, les villes et places fortes
durent se mettre en état de défense : on constate, par exemple,
que la capitale du Venaissin, à la date du i5 mai, fut obligée de
commander pour son artillerie un millier de carreaux ou de
viretons d'acier (i).
C'est surtout lorsque Tarascon eut ouvert ses portes aux assié-
geants et lorsque les routiers se répandirent comme un torrent
dévastateur dans la Provence (2), que le comté Venaissin eut à
redouter leurs excès. Dès le i5 juin, les Carpentrassiens en-
voyaient des messagers à Gigondas et à Sablet pour avoir nou-
velles des socieiates qui devaient passer par là (3). Deux jours
après, ils prenaient à Avignon les ordres du recteur pour savoir
s'ils pouvaient leur donner les vivres, ainsi qu'on avait fait précé-
demment pour les compagnons de du Guesclin. On leur répondit
par la négative, conformément aux instructions données par le
pape (4). Peut-être est-ce ce changement de procédés qui déchaîna
un peu plus la colère des gens de Compagnies, habitués à être
mieux traités. Mais tout d'abord les routiers ne firent que passer :
ils étaient trop occupés par leurs courses en Provence et par la
querelle qui, à cause d'eux, s'était élevée entre les Dauphinois et
les Provençaux ; les premiers, hostiles pour commencer aux
soldats de du Guesclin, s'étaient cependant servis des Bretons
pour venger l'exécution d'un noble clerc dauphinois par le capi-
taine provençal de Sisteron ; avec eux ils avaient envahi la Pro-
vence, surtout dans la partie située au nord et à l'est du comté
Venaissin, et c'était entre les uns et les autres une suite d'escar-
mouches ou une série de représailles violentes (5).
C'est pour cela que, le 28 juin, on envoyait à Malaucène, pays
rapproché du théâtre de cette guerre, demander au viguier où se
trouvaient les gens de Compagnies (6). Ils ne tardèrent pas à
arriver dans le Venaissin : les messagers que Pons Bermond et les
(i) Arch. de Carpentras. CC i53, fol. 53 V.
(a) Je ne parlerai pas du prétendu siège d'Arles, que du Guesclin aurait entrepris
après celui de Tarascon; je nie contente de renvoyer pour ce sujet au R. P. H.
Denifle. t. II. p. Sia (voir surtout la note 2). Cuvelier est de ceux qui ont parlé de ce
siège (vers 14040 et 14041'; mais son récit est tellement fantaisiste, môme en ce qui
concerne la prise de Tarascon, que son témoignage est très suspect.
(3) Arch. de Carpentras, CC i53, fol. 74; CC i54. fol. i v.
(4| Idem, CC 154. fol. i V.
(5) Sur cette guerre entre le Dauphiné et la Provence, voir surtout H. Deniae,
t. II. p. 5i5 et suiv.. p. 788 et suiv. Je ne puis faire que résumer ce qui est utile à
savoir pour le comté Venaissin.
(6) Arch. de Carpentras, CC i53, fol. 74 v ; CC 154, fol. 2.
DE l'académie de vaucluse 7î
syndics de Carpentras expédièrent dans la soirée du 8 juillet à.
Caromb, Grillon et Bedoin, revinrent le lendemain matin annoncer,
qu'il y en avait de logés dans le prieuré de Bedoin (i) ; le 9 juillet
cependant, ils en étaient repartis (2). C'était le prélude d'une inva-
sion complète du pays, et elle fut si rapide que, le 18 du même
mois, Tarchevêque d'Embrun pouvait écrire au cardinal Gilles
Aycelin de Montaigu que tous les chemins du Dauphiné et de la
Provence jusqu'à Avignon étaient occupés par les Bretons (3).
Cependant du Guesclin lui-même s'était en allé depuis les pre-
miers jours de juillet (4); mais les troupes qu'il avait laissées dans
le Gomtat et dans les paya voisins étaient toujours réputées être
à lui et l'on verra plus loin que lorsque le pape crut devoir sévir
contre elles, il s'en prit directement au duc de Trastamare, qu'il
rendit responsable de leurs excès.
L'occupation et la dévastation du territoire avignonais et du
. Venaissin eurent lieu surtout à la fin de juillet et pendant le mois
d'août i368 : le pillage, l'incendie, le meurtre, tels furent les prin-
cipaux exploits des routiers contre la malheureuse population (5).
On voit s'ils s'entendaient à garder la foi des traités conclus
précédemment et quelle idée singulière ils avaient de la protec-
tion qu'ils avaient jurée de donner aux sujets du pape. Grâce
cependant aux niesures prises par Philippe de Cabassole et
Jacques Albe, ils ne purent que ravager la campagne, sans pou-
voir occuper des forteresses d'où il aurait été difficile de les
déloger. Mais, pour comble de malheur, les paysans, ainsi mal-
traités et aussi peu défendus, se révoltèrent et joignirent leurs
excès à ceux des Bretons (G). Ce fut comme une espèce de petite
Jacquerie, qui était restée inconnue jusqu'ici et sur laquelle on
manque malheureusement de renseignements.
Les villes et places fortes, ainsi que la campagne, étaient gar-
(i) Arch. de Carpentras, CC i53, fol. 77 v ; CC 154, fol. a.
(2) Idem, ibidem.
(3) H. Denifle. t. II, p. 789.
(4) Le 5, il se trouvait déjà à t Maillonne », non loin de Montbrison, quand il
écrivit au sieur de la Voulte une lettre des plus fiOrcs qu'a publiées M. L. Delisle
[Deux Lettres de Bertrand du Guesclin et de Jean le Bon, comte d'Angouléme, dans la
Bibliothèque de l* École des chartes, t. XLV, p. 3oa.)
(5) Voir la bulle d'excommunication du i"' septembre i368, publiée par M. Prou,
p. 161.
(6) Arch. de Carpentras, CC 154, fol. 3 : « Item, anno [i368] et die quinta mensis
augusti, solvi Matheo Mercerii qui. die sabbati proxime preterita, portavit litteras ad
dominum rcctorem, ex parte domini judicis et sindicorum, pro rebellione quam
Jaciebant laboratores... >
/
'2 MÉMOIRES
dées par les garnisons que le capitaine général y avaient mises,
plies y étaient à la solde des habitants du pays, qu'Urbain V pria,
le 8 août i368, de verser la contribution nécessaire à leur
paiement (i). Mais comme il se défiait, et pour cause, de la bonne
volonté des communautés à supporter cette dépense, il donna
en même temps pouvoir au recteur Philippe de Cabassole
de contraindre par les rigueurs de droit celles qui s'y refuse-
raient (2). A cette date, le pape ignorait encore la gravité de la
situation et croyait que les Compagnies ne dévastaient que les
comtés de Provence et de Forcalquier ; il ne pensait donc pres-
crire que des mesures de prévoyance. Cependant, il redoutait
vivement une invasion dans ses domaines : aussi écrivit-il, le
même jour, à Tarchevéque de Lyon, à Tévèque de Valence et au
comte de Valentinois pour leur demander d'accéder à la requête
de Philippe de Cabassole et de lui envoyer les soldats et les
vivres dont il pourrait avoir besoin pour la défense de ses
(i) Bulle adressée aux habitants d*Avi^on et aux communautés du Comtat : Arch.
départ, de Vaucluse. B 7, fol. 5o; M. Prou, p. iSg. n» lxxxi.
(3) Cette bulle, restée inconnue, est assez intéressante pour qu'elle soit rapportée
ici. En voici le texte :
• Urbanus... Philipo, patriarche Jerosolimitano, salutem... Percepto nuper quod
gencium sodetatis pestiféré filiorum Satané rabies in Provincie et Forcalquerii
comitatibus, qui civitati nostre Avinionensi et comitatui Venaysini ad nos et
Romanam Ecclesiam spectantibus. quorum es reclor, vicinl existunt. hiis diebus
deseviens, terras depopuletur comitatuum eorumdem, sicque verisimiliter formi-
dandum quod gentes pestiféré seviciis imbute, iniquitati laxatis habenis, non ponent
insolencie terminum. sed terris predictis seva eorum depopulacione vastatis, fines
dictorum civitatis et comitatus ingredi molientur, fidèles nostros civitatis et comi-
tatus Venayssini predictorum cives et incolas universos requirimus per alias
nostras licteras et hortamur, eis districte mandantes ut secundum ordinacionem
tuam, quam tua fraternitas et dilectus filius nobilis vir Jacobus Albe, miles,
dictorum civitatis et comitatus Venayssini capitaneus, duxeritis faciendam, ipsi
incole contribucionem peccuniarum dandam stipendiariis pro tuicione civitatis
et comitatus Venayssini predictorum, magrnis obviaturi periculis, facere non omictant.
Verum, quia, prout audivimus, universitates civitatis et comitatus Venayssini pre-
dictorum sein facienda contribucione hujusmodi difficiles et renitentes reddiderunt
hactenus atque reddunt, nos considérantes tantis obviari periculis fore nullathenus
negligendum, licet ex parte tui officii rectoriatus possis eosdem universitates. cives,
incolas et habitatores ad hoc compellere, nichilominus tamen eidem fraternitati tue
super modo et forma contribucionis hujusmodi libère disponendi ac universitates,
cives, incolas et habitatores supradictos et aliosde terris Romane Ecclesie subjectis.
sub tuo regimine consistentes, ad contribucionem ipsam faciendam. auctoritate
nostra, per censuram ecclesiastlcam et etiam alias, prout ex potestate officii tempo-
ralis tibi commissi potes et poteris. appellacione postposita, compellendi, non obstan-
tibus... facultatem concedimus. Datum apud Montemflasconem. vi idus augusti,
pontificatus nostri anno sexto. • (Arch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. 49 V.)
xm l'académie de vaucluse yS
États (i). Déjà môme, le !•' août précédent, en prévision de l'ar-
rivée des ennemis dans les territoires d'Avignon et du Comtat^ il
avait adressé au patriarche de Jérusalem une bulle pour obliger
le clergé à contribuer aux dépenses que les nobles et les commu-
nautés devaient faire pour la construction de leurs remparts, la
fortification des localités utiles à garder et la solde des gens
d'armes (2).
Les habitants de Carpentras, dont nous connaissons déjà les
préparatifs pour se mettre à Tabri d'une attaque de l'ennemi, ne
s'étaient pas laissés prendre au dépourvu. Avec activité ils
avaient continué leurs travaux, mais c'est surtout en juillet et
août, pendant la période qui correspond aux plus grands ravages
des gens de Compagnies, qu'ils augmentèrent leur matériel d'ar-
tillerie : dès le 4 juillet, les syndics commençaient à payer de
nouvelles armes ; le 5, ils donnaient un à-compte à l'industriel
qui leur confectionnait des «stralhons»; le i5, ils dépensaient
pour les accessoires de leurs grosses arbalètes ; au mois d'août,
ils faisaient faire du charbon, sans doute pour leurs canons de
garrots et brûlaient ainsi jusqu'à 32 quintaux de bois (3) ; ils
achetaient 63o viretons et finissaient de payer 12 nouvelles arba-
lètes (4). En même temps, ils faisaient charger les pierres de
Notre-Dame du Grès, malgré l'opposition des chanoines de ce
monastère qu'on fit tenir en respect par.des hommes d'armes, et
on les porta à l'intérieur de la ville pour les employer à la défense
des remparts (5).
(I) Bulle publiée par M. Prou. p. iSg, n* lxxx.
(a) Voici quelques extraits de cette bulle encore inédite : « Ad nostri pervenit apos-
tolatus noticiam quod dilecti filii nobiles et universitates civitatis Avinionensis ac
eciam civitatum, castrorum et locorum comitatus Venayssini et quorumdam aliorum
locorum solitorum per rectorem dicti comitatus. qui est pro tempore, grubernari, ad
nos et Romanam Ecclesiam pleno jure spectancium. nonnullis personalibus reali-
busque periculis metu potenti cadere inconstantes, personis clericalibus et laycalibus
dictorum civitatum, castrorum et locorum probabiliter venturis de proximo. merito
formidandis, disponupt. Deo adjutore. resistere. seque pro posse viriliter deffendere,
ac muros dictorum civitatum, castrorum et locorum compleri et reparari facere,
prout fuit opportunum, quodque ad hujusmodi resistencie ac deffensionis faciende
per stipendiarios conducendos, apparatum et fabricam murorum, non médiocres
expense ipsi incumbunt... t (Arch. départ, de Vaucluse, B 7. fol. 48 v).— C'est  peu
près la répétition de la bulle du i5 juillet 1367. adressée à Philippe de Cabassole
pour le clergé de Provence.
(3) f Solvi... in diminucionem carbonis quod fecerunt in domo Fratrum ad opus
arthelharie... — Solvi... pro precio xxxii quintalium lignorum... pro faciendo car-
bonem ad opus artelharie. •
(4) Arch. de Carpentras, CC 154, fol. 9 v* et 10.
|5) Idtm, CC 154. fol 1 14. — L'opposition des chanoines suscita des rixes : un
homme fut blessé par Jacques Robert et soigné aux frais de la municipalité de
Carpentras. {Idem, CC i53, fol. 94 v*; GC 154» fol. iiS et aaa v«.)
*' X. > .* r'
\. Vyi.'.
T^ ^t f»4 connu cotts
lei geps
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 77
d'Orange de leur prochain passage, on est en droit de supposer
qu'ils s'acheminaient dans la direction du pont du Saint-Esprit,
pour repasser le Rhône et retourner en Languedoc (i). C'était
sans doute là le commencenîent de l'exode obtenu à prix d'ar-
gent. L'hypothèse ici présentée n'est pas sans quelque vraisem-
blance : les auteurs du Petit r/ia/^mi/5 de Montpellier ont signalé,
en effet, à l'époque des vendanges, le retour des Compagnies
qui avaient assiégé Tarascon : elles se rendaient alors dans les
environs de Toulouse (i). C'était la fin de l'expédition du duc
d'Anjou en Provence, que clôtura le traité passé à Toulouse, au
mois de novembre suivant, avec Roger de Saint-Sé vérin, comte
de Mileto, représentant de la reine Jeanne [2); mais, hélas! ce
n'était pas la fin des malheurs des Provençaux et Dauphinois,
qui allaient reprendre leur querelle sanglante. Les Avignonais
et Comtadins ne devaient pas non plus rester longtemps sans
voir revenir sur leurs terres ces Bretons et autres gens de guerre
dont ils avaient tant à redouter.
En attendant, il leur restait à payer les dépenses occasionnées
par cette dernière invasion ; il leur fallut surtout rembourser les
sommes versées pour eux à deux reprises différentes, dans le
courant de Tannée i368, à Bertrand du Guesclin et aux capitaines
de son armée. L'établissement d'une taille, portant d'une part
sur les habitants d'Avignon, d'autre part sur ceux du Venaissin,
fut donc décidé; mais elle fut loin d'être acceptée sans difficulté
par les intéressés. Elle donna même lieu à de vives protestations
contre le recteur Philippe de Cabassole ; on lui reprocha d'avoir
inutilement traité une première fois avec les routiers et de leur
avoir donné de l'argent pour une sauvegarde qui n'avait pas été
observée, on refusa de contribuer au remboursement des cinq
mille florins versés au mois de mars i368, etc. La querelle vint à
un tel point que le pape fut obligé d'intervenir : il couvrit com-
(I) Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Amanieu d'Ortigue, Bosonet de Pau et Nolt
Pavalhon, les anciens compag^nons de du Guesclin devant Tarascon, furent encore
enrôlés à Tautomne de id68 par le duc d'Anjou, pour la guerre contre les .'.nglais en
Guyenne, Agenais. Rouergue et Quercy ; mais ils se rendirent tellement suspects par
leur conduite équivoque que le duc les fit noyer ou exécuter le 11 mai i369. (Petit
Thalamus» p. 384.)
(f) € Jtem, en vendimias, totz losdichs capitanis foron entorn Montpeller am lurs
Companhas, tornan de Tarascon et anan vers Tholosa, per que foron gardas de la
vendimiade Montpeller... » [Petit Thalamus, p. 383.)
(3) Petit Thalamus, p. 383. — Le chAteau de Tarascon ne fut rendu a la reine
Jeanne que le 3o novembre 1369. (Idem, p. 384.)
74 MÉMOIRES
La principauté voisine d*Orange ne se crut pas non plus en
sûreté. Le 9 août, le prince rappelait aux conseillers de sa ville
capitale que lorsqu'on voit brûler la maison de son voisin, on
doit craindre pour soi-même ; et comme les Bretons dévastaient
alors le comté Venaissin, il était à redouter qu'ils n'étendissent
leurs ravages. Il fit donc prendre certaines mesures de protection
et pour commencer nommer un capitaine chargé de la défense(i).
On organisa ensuite la garde des remparts et on y obligea les
riches qui, à l'indignation des petites gens, voulaient s'en dispen-
ser (2). Mais la principauté semble n'avoir pas eu le même traite-
ment que le pays voisin : Perrin de Savoie et le bâtard de Com-
minges, qui, le 20 août, prenaient soin d'avertir le prince de leur
passage (3), ne témoignaient certainement pas l'intention de se
conduire en ennemis.
Ce qu'il y a de remarquable c'est que le gouvernement du duc
d'Anjou, le Languedoc lui-même, eut à souffrir de cet état de
choses. A la faveur des troubles qui étaient la conséquence de
la guerre de Provence et des événements qui avaient suivi, des
bandes de voleurs et de pillards s'étaient répandues dans la
sénéchaussée de Beaucaire. Sur la plainte des communautés
foulées et oppressées, le roi de France dut, le 6 août i368, abolir
un subside de 12 deniers pour livre qui avait été décrété en Lan-
guedoc (4). La désolation était donc générale.
L'indignation d'Urbain V ne se contint plus : le i*' septembre,
après avoir rappelé les conventions passées devant Tarascon,
au mois de mars précédent, entre ses représentants, Bertrand du
Guesclin et ses capitaines, après avoir rappelé leur serment
solennellement prêté de respecter la personne et les biens de ses
sujets, après avoir signalé au monde chrétien les excès dont ils
s'étaient rendus coupables, il lança l'excommunication contre du
(i) Arch. d'Orange, BB a, fol. 60 v* : « P^uit propositum in dicto conscilio pcr domi-
num nostrum principem quod societates Britonorum sunt et currunt in comitatu
V^enaycini. et qui vidit {sic) combruere hospicium sui vicini débet timere, et ideo
consllium débet providere de remedio et specialiter de capitaneo... » Il est curieux
d'observer que, les Set 9 août, le pape et le prince d'Orange, très éloignés l'un de
l'autre, employaient les mêmes expressions pour obliger leurs sujets à se garder.
Le pape disait, en efifet. dans sa bulle aux gens d'Avignon et du Comtat : t Prudentis
est consilii pericula ne noceant precavere et cum proximi paries uratur, antequam
ignis vicinus in flamraam Iranseat, domus proprie destruclivam, oportuna remédia
providere. »
(a) I<Um, BBa. fol. 6a.
(3) Idem, ibidem.
(4) Histoire générale de Languedoc» t. X, col. i389, n* 538.
DE l'académie de VAUCLUSE 76
Guesclin et tous ses complices, mit en interdit les cités, châteaux,
villes, lieux et territoires où ils se trouvaient et où ils pourraient
séjourner, les fit sommer de rendre dans le plus bref délai tous
les biens dont ils s'étaient emparés appartenant aux Avignonais,
Comtadins et fidèles de l'église d'Avignon, et défendit enfin à
toutes personnes, princes, ducs, marquis, comtes, barons, séné-
chaux, etc., d'entretenir commerce ou d'avoir des relations avec
eux, de leur fournir des vivres ou autres secours, de les recevoir,
de conclure alliance avec eux, etc. (i).
A vrai dire, l'excommunication était peu redoutée des brigands
qui s'étaient mis au-dessus de toutes les lois divines et humaines;
mais elle avait quelquefois pour effet de les exaspérer et de les
pousser à de nouveaux crimes. Malgré son indignation, Urbain V,
dans l'intérêt de ses sujets, se crut donc obligé d'user de cir-
conspection : il avait d'abord pris soin de ne pas mettre dans
l'adresse de sa bulle le nom de Philippe de Cabassole, à qui il
voulait réserver tous ses moyens d'action et ne pas créer d'ini-
mitiés, mais seulement celui de l'official d'Avignon. Puis, il
attendit quelques jours avant de promulguer l'anathème : il ne
se décida que le 14 septembre à faire expédier la bulle du i*', et
encore il s'en rapporta à l'expérience et à l'habileté de son repré-
sentant pour la mettre à exécution (2). Elle fut cependant commu-
niquée aux villes et communautés et il est probable que les
dispositions en furent publiées.
Mais déjà, pour faire cesser les déprédations et pour éloigner
l'ennemi, on avait eu recours à d'autres mesures, dont l'emploi
réussissait toujours : on avait acheté à prix d'argent le départ
des Compagnies. Bien que les documents de cette époque aient
subsisté en petit nombre et seulement d'une façon fragmentaire,
on sait que des tailles furent imposées sur le clergé, les barons
(0 Cette bulle, dont des exemplaires se trouvent aux Archives départementales de
Vaucluse (B 7, fol. 5o V) et dans celles de la ville de Carpentras (EE i, n» i), a été
publiée par M. Prou. p. iGi. Elle avait été connue par S. Luce, Froissart, t. Vn,
p. XXVI, note i .
(2) Ces appréhensions sont dévoilées par une lettre du camérier du pape adressée
à Philippe de Cabassole, que l'on n'avait pas connue jusqu'ici. La voici en entier :
t Reverendo patri in Christo domino Philippo, patriarche Jerosolimitano, rectori-
que comitatus Venayssini et vicario Avinionis. Révérende pater et domine, micto
vobis processus apostolicos in bulla alba interclusos, qui comictuntur officiali
Avinionensi et non vobis, ne ipsos exequendo inimicicias acquiratis ; tamen non
utatur eis, nisi vobis apparet expediens vel necesse. Altissimus vos conservet.
Scriptum manu mea rudi apud novam civitatem Montisflaconis, die xiiii âieptembris.»
(Arch. départ, de Vaucluse, By.fol. Sa.)
76 MÉMOIRES
OU nobles et les communautés du Venaissin pour rembourser les
fraiç de la guerre et pour restituer à ceux qui les avaient avan-
cées, non seulement les finances données à Bertrand du Guesclin
devant Tarascon, mais encore celles qui furent versées à ses gens
dans le but de leur faire évacuer le pays, traité inhumainement
par eux (i). Les Avignonais, dans une supplique qu'ils adressèrent
à Grégoire XI, parlèrent de la contribution de 5,ooo florins payée
par Philippe de Cabassole au mois de mars i368, puis d'une
seconde, dont le montant reste indéterminé et qui fut remise au
môme du Guesclin en vertu d'un nouvel accord : ils avaient eu à
payer leur part de Tune et de l'autre (2). Enfin, Urbain VI déclarera
lui-même à la date du 18 janvier iSôg que les 5ociWa/e5, envahis-
sant, au mépris de leur serment, les territoires d'Avignon et du
Comtat, extorquèrent une forte somme d'argent (3). Voilà évidem-
ment qui lève tous les doutes sur la réalité de la nouvelle rançon
payée par les malheureux habitants de ces pays {4).
Ce fut à Thabileté de Philippe de Cabassole que l'on dut d'ob-
tenir Téloignement des routiers. Nul doute que pour se procurer
l'argent comptant et pour traiter plus tôt avec les gens de Com-
pagnies, il n'ait eu recours, comme on l'avait fait précédemment,
aux riches banquiers avignonais. L'urgence des versements à
eflectuer ne lui permettait guère d'agir autrement. En tout cas,
il semble bien que les négociations entamées par lui avec les
chefs de brigands déchaînés dans les États pontificaux, aient
abouti vers le milieu d'août : si, en efiet, le 20 de ce mois, Perrin
de Savoie et le bâtard de Comminges avertissaient le prince
(i) < Pro solvenda et restituenda pecunia data domino Bertrando de Clequino.
ejusque inquam societatibus, ut comitatum ipsum que[m] inhumaniter lacerabant.
omnino dimiterent, et pro ali[i]s expensis factis in custodia et defensione dicti
comitatus. » (Bibl. d'Avignon, ms. 2398, fol. 25 V.)
(2) Mérimée, op. cit., p. 582 et 583. — La copie reproduite par cet auteur, qui la
tenait de M. Paul Achard, est extrêmement défectueuse et par endroits tout à fait
incompréhensible. Il est reg-rettable que la cote n'en ait pas été donnée pour qu'on
en fasse la vérification.
(3) Voir ci-après le texte de cette bulle.
I4) L'auteur de la Chronique rimée de Bertrand du Guesclin, qui n'a pas connu tous
ces événements, fait dire au duc d'Anjou, lorsque son héros le quitte (vers 14066
A 14068) :
€ ... Vous alez bien parlant.
De moy emporterez .x. mile maintenant ;
Et au pape de Romme irai si exploitant,
Que .XX. mil en arez.... >
Évidemment, c'est un écho des exactions de Bertrand du Gueschn et de ses gens
dans le comté Venaissin.
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 77
d'Orange de leur prochain' passage, on est en droit de supposer
qu'ils s'acheminaient dans la direction du pont du Saint-Esprit,
pour repasser le Rhône et retourner en Languedoc (i). C'était
sans doute là le commencement de l'exode obtenu à prix d'ar-
gent. L'hypothèse ici présentée n'est pas sans quelque vraisem-
blance : les auteurs du Petit rAa/^mw5 de Montpellier ont signalé,
en effet, à l'époque des vendanges, le retour des Compagnies
qui avaient assiégé Tarascon : elles se rendaient alors dans les
environs de Toulouse (i). C'était la fin de l'expédition du duc
d'Anjou en Provence, que clôtura le traité passé à Toulouse, au
mois de novembre suivant, avec Roger de Saint-Sévérin, comte
de Mileto, représentant de la reine Jeanne (2); mais, hélas! ce
n'était pas la fin des malheurs des Provençaux et Dauphinois,
qui allaient repi^endre leur querelle sanglante. Les Avignonais
et Comtadins ne devaient pas non plus rester longtemps sans
voir revenir sur leurs terres ces Bretons et autres gens de guerre
dont ils avaient tant à redouter.
En attendant, il leur restait à payer les dépenses occasionnées
par cette dernière invasion ; il leur fallut surtout rembourser les
sommes versées pour eux à deux reprises différentes, dans le
courant de Tannée i368, à Bertrand du Guesclin et aux capitaines
de son armée. L'établissement d'une taille, portant d'une part
sur les habitants d'Avignon, d'autre part sur ceux du Venaissin,
fut donc décidé; mais elle fut loin d'être acceptée sans difficulté
par les intéressés. Elle donna même lieu à de vives protestations
contre le recteur Philippe de Cabassole ; on lui reprocha d'avoir
inutilement traité une première fois avec les routiers et de leur
avoir donné de l'argent pour une sauvegarde qui n'avait pas été
observôe, on refusa de contribuer au remboursement des cinq
mille florins versés au mois de mars i368, etc. La querelle vint à
un tel point que le pape fut obligé d'intervenir : il couvrit com-
(I) Perrin de Savoie, le Petit Meschin, Amanieu d'Ortigue, Bosonet de Pau et Koll
Pavalhon, les anciens compagnons de du Guesclin devant Tarascon, furent encore
enrôlés à Tautomne de i368 par le duc d'Anjou, pour la guerre contre les Anglais en
Guyenne, Agenais, Rouergue et Quercy; mais ils se rendirent tellement suspects par
leur conduite équivoque que le duc les fit noyer ou exécuter le 11 mai i369. {Petit
Thalamus, p. 384.)
(t) c Item, en vendimias, totz losdlchs capitanis foron entorn Montpeller am lurs
Companhas, tornan de Tarascon et anan vers Tholosa, per que foron gardas de la
vendimia de Montpeller... » {Petit Thalamus, p. 38a.)
(a) Petit Thalamus, p. 383. — Le chAteau de Tarascon ne fut rendu a la reine
Jeanne que le 3o novembre 1369. {lOem, p. 384.)
78 MÉMOIRES
plètement son représentant, approuva tout ce qu*îl à^^ait fait
dans rintérôt du pays (i) et obligea les récalcitrants à payer
la quote-part qui leur revenait (î8 janvier iSôg) (2). La commu-
nauté de Carpentras avait encore émis une autre prétention :
celle de faire percevoir la taille à laquelle elle était taxée par des
syndics à elle, qu'elle avait présentés à l'acceptation de Philippe
de Cabassole. Elle fut déboutée elle aussi de sa demande et
Urbain V défendit expressément au recteur d'y consentir (3).
Pour briser toutes les résistances, le pape renvoya même à ce
dernier toutes les appellations qu'on lui avait transmises, en lui
donnant le pouvoir de les juger (4).
On ignore cependant le montant exact des tailles levées sur le
(1) Philippe de Cabassole avait, par sa conduite sage et prudente, si bien mérité la
reconnaissance du pape que celui-ci le comprit dans la promotion de cardinaux qu*il
fit le aa septembre i368. Deux jours après, il le confirma dans son office de recteur
d'Avignon et du Comtat. (Arch. départ, de Vaucluse, B 7, fol. Sa V; Cottier, p. 76.)
(a) Voici le texte de cette bulle, qu'on me permettra de transcrire ici presque en
entier, en raison de l'intérêt qu'elle présente :
c Urbanus... Philipo, sancte Romane Ecclesie presbiteri cardinali... rector^
salutem... Ad nostrum pervenit auditum quodcum dudum nonnulle gentes perverse
appellate sociales, quas in unum sub ducatu illicito Bertrand! de Claqulno, comitis
Transtamere, malignandi confederavit voluntas, comitatus Provincie et Forcalquerii
invasissent et civitatem Avinionensem et comitatum Venayssini, nobis et Ecclesie
Romane in médiate subjectos, minarentur invadere et predari. quod statim per eos
âeri, nisi per cives et incolas dictorum civitatis et comitatus magna peccunie quan-
titas daretur eisdem, probabiliter timebatur, tu, tamquam vir circumspectione pre-
ditus, futuris volens obviare periculis atque dampnis, que ex ostilitate dictarum
gencium erant verisimiliter secutura, consideransque quod pro deifensione patrie
tibi et dictis civibus et incolis non audeat (sic pour erat) resistendi facultas. eligendo
minus malum, pro redimendo pcriculosam nimium et damnosam vexaclonem
ipsorum civitatis et comitatus, receptis ab ipsis Bertrando et gentibus suis iide ac
promissionibus oportunis quod civitatem et comitatum eosdem non offenderent, eis
quinque milia florenorum auri solvisti, de que luain circumspectam prudenciam
coramendamus. Cum autem, sicut super audivimus, hujusmodi florenorum quanti-
tatem inter cives civitatis et incolas comitatus prefatorum fîdeliter et provide duxeris
dividendam, sed nonnuUi ex eis in ipsa quantitate florenorum. ut prefertur, soluta
pru rata eos contingente ex eo coniribucre cuniradicunt. quod eidem Bertrandus et
gentes sue, eadem quantitate recepta, contra premissam fidem venientes, dictos civi-
tatem et comitatum, ut extorquèrent, prout extorserunl, a te ac civibus et incolis
predlctis, majorem peccunie quantitatem, mullipliciter vexaverunt, nos considérantes
quod in hoc nulla intervenit tua culpa, sed infidelitas iniquorum, circumspectioni
tue per apostolica scripta mandamus, qualhinus prefatos cives et incolas ac alios
contradictores ad contribuendum occasione predicta pro rata eos, ut predicilur,
contingente, per censuram ecclesiaslicam et temporalem districtionem, auctoritate
nostra, postposita interpellacione, compellas, non obstantibus....
« Datum Rome, apud Sanctum Petrum, xv kalendas februarii, pontificatus nostri
anno septimo. » (Archives départ, de Vaucluse, H 7, fol. 54 v.)
(3) Bulle du 18 ianvier 1369. [Idem, ibidem, loi. 53 v.)
(4) Bulle du même jour. {Ibidem, fol. 64.)
DE l'académie de VAUCLUSE . 79
pays, tant pour obtenir l'éloignement des Bretons que pour
solder les dépenses faites à leur occasion. Un débris de vérifica-
tion des comptes de Raymond de Majorque, le collecteur général
de ces impôts, daté du 22 mars iSôg, semblerait indiquer qu'ils
s'élevèrent seulement à la somme de 6,200 florins environ (i). Mais
il y eut certainement plus, si Ton remarque le total de la subven-
tion fournie par la seule ville de Carpentras et la date de ses
différents versements : le 20 janvier 1369, ^''^ donna en à-compte
100 florins d'or; le 21 avril suivant, elle versa le double; le
24 mai, 65 florins; le 8 juin, encore 200 florins (2). Et ce ne fut
pas tout : les premières tailles imposées n'ayant pas suffi à
rembourser les avances faites pour la libération du pays, il
fallut en établir une dernière, pour laquelle la même commu-
nauté de Carpentras versa, le 5 juin 1370, i3S livres, et le
i3 novembre suivant 3o 3\
(1) « Et dicli domini auditores audiveruni et diligenter ovaminaverunt computum
et rationem dictarum talliarum a dicto magistro Raimundo, quo audito, fecerunt
eidem domino thesaurario relationem sicuti in dictis computis invenerunt, videlicet
quod tallia dicto clero pro quinta parte iniposita ascendebat ad summam mille
ducentorum trium n(>ien«)rum. De quibiis idem may'ister Rainuindus levavit mxxiii
florenos. » (Bibl. d'Avignon, ms. 2^98, fol. 26.}
(2) Je ne puis moins faire que de reproduire ce chapitre des comptes du syndic
trésorier de Carpentras, pour l'année coinmençant en septembre 1 368 et finissant en
octobre 1369:
« Sequntur soluciones per me facte pro subsidio domini Bertrandi de Clequinis.
tam nobilium, popularium, quam clericorum solutorum civitatis Carpentoractensis.
« Et primo, anno Domini MCCCLXVIII et die xx januarii, solvi magistro Ray-
mundo de Majoricis, exactori tallie imposite in comitatu Venaissini pro domino
Bertrando de Clequinis, in diminucionem dicte tallie et eorum in quibus universitas
Carpentoractensis extitit talliata, c flor. auri, valentes cxx Ib.
c Item, anno Domini MCCCLXIX et die xx prima aprilis, solvi venerabill viro
domino lUesaurario in diminucionem tallie subsidio domini Bertrandi de Clequinis...
ce flor. auri, valentes ccxl Ib.
< Item, anno quo supra et die xxim» maii, solvi domino thesaurario Venaissini, pro
parte tangente clericos solutos civitatis Carpentoractensis de tallia imposita clero
comitatus predicti pro solvenda redemptione data domino Bertrando de Clequinis et
ejus societatibus, ut comitatum Venaissini, quem immaniter iacerabant, omnino
dimittereni... lxv flor.. valentes lxxvui Ib.
c Item, anno quo supra et die vui» mensis junii, solvi ego diclus Andréas [de
Plana) magistro Raymundo de Majoricis. notario. collectori tallie indicte in comitatu
Venaissini pro expellendo domino Bertrando de Clequinis et ejus societatibus, pro
resta tallie in qua in dicto subsidio universitas Carpentoractensis extitit
talliata "■ cclb. •
(Arch. de Carpentras, CC i54. fol. 229 V et 23o.)
(3) c Scquitur solucio per me facta pro tallia domini Bertrandi de Clequinis.
fl Et primo, anno Domini MCCCLXX et die v junii. solvi domino Audoyno de Acra,
thesaurario Venaissini, commissario ad infrascripta deputato una eu m revcrendo
patrc domino Stephano, abbatc Sancii Victoris Massilie, régente comitatum Venais-
8o MÉMOIRES DE L'aCADÉMIE DE VAUCLUSE
Je n'irai pas plus loin : les quelques pages que je viens
d'écrire (i) suffiront, je pense, pour donner une idée des cala-
mités qui, de i365à i368, fondirent sur les États pontificaux de
France. Elles corrigeront aussi et compléteront, du moins c'est
mon ambition, les récits que l'on avait jusqu'ici donnés sur les
deux passages ou les deux séjours de l'illustre Bertrand du
Guesclin dans le voisinage de la ville d'Avignon et du comté
Venaissin. La légende du héros populaire n'y paraît pas dans le
jour flatteur où l'on est habitué à le considérer, mais à qui la
faute ? Il ne faut d'ailleurs pas juger les hommes du XIV*
siècle, fussent-ils des du Guesclin, avec les idées que nous avons
actuellement. Les gens de guerre de cette époque oubliaient vite
leurs serments et n'avaient guère l'habitude de respecter le bien
d'autrui : ne les faisons donc pas «prudhommes malgré eux»,
ainsi qu'aurait dit Bertrand lui-même (2) et considérons-les tels
qu'ils étaient, avec leur rudesse presque barbare, leur mépris de
la vie humaine et leur àpreté au gain (3).
L.-H. Labande.
sini, a sede apostolica deputato ad exigendum talliam indictam noviter pro facto
domini Bertrandi de Clequinis pro tailla noviter pro premissis in ipso comitatu
indicta, in quibus nobiles et populares dicte civitatis talliati existunt et pro qua
fueram monitus, solvi inquam pro premissa tailla cxxxv Ib. > (Arch. de Carpentras,
ce i55, fol. 19 V.)
i3 novembre : t Solvi domino Stephano Barnerii, presbitero et collectori cujusdam
tallie pro clericis solutis pro subsidio occasione societatum domini Bertrandi de
Cliquinis, videlicet pro parte tangente dictos clericos solutos hujus civitatis antedicte
Carpentoractis, xxx'lb. • {Idem, CC i56, fol. 44)
(1) Elles rentreront plus tard dans une histoire d'Avignon et du comté Venaissin
aux XIV» et XV siècles que depuis longues années j'ai Tintention de rédiger.
(a) C'est le mot que Cuvelier met dans sa bouche, lorsqu'il répondit en novembre
1365 au cardinal délégué vers lui par Urbain V (vers 7578;.
(3) En terminant, je ne veux pas manquer de remercier mon excellent collègue
M. Liabastres, bibliothécaire et archiviste de Carpentras, qui m'a donné toutes
facilités pour consulter le précieux dép<^t dont il a la garde.
Séances de l'Académie.
PROCÈS -VERBAUX.
Janvier-Fêvrier-Mars.
Séance du 7 janvier 1904. — Présidence de M. G. Bourges, président.
Présents : MM. Bourges, Labande, Alphant. Tourtet, Remy Roux, Didiée, Mouzin,
Biret, Poupart, abbé Aurouze, Victor Bonnet, de La Boulie, Nourry, Penne, Limasset,
Capeau, Manlvct, abbéGrimaud. l'ayol, abbé Vallat, abbé Levezou. abbé Durand,
Fichaux, Reboulct, Pansier, Châtelet.
Le procés-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
Sont présentés aux suffrages de l'Académie comme membres titulaires :
MM . G. de Manteyer, archiviste-paléographe, ancien élève de l'École française de
Rome, à Manosque, par MM. l'abbé Requin, le marquis ' de Monclar et
Labande ;
le D' Antoine Sabatier, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lyon,
officier de l'Instruction publique, par MM. Faure, Berger et Gourjon ;
Boch, architecte à Avignon, par MM. Didiée, Châtelet et Labande.
M. le Président annonce qu'il a reçu de M. le curé de Venasque une demande de
subvention pour lui permettre de continuer ses fouilles archéologiques. Une subven-
tion de 5o fr. lui est votée, à la condition que les objets trouvés soient déposés dans
une collection publique.
Lecture est donnée d'une lettre de M. Pellat, qui s'excuse de ne pouvoir assister à.
la séance et se rappelle au souvenir de ses collègues.
M. le Président fait connaître que M. Paul Geoffroy a découvert des antiquités
à Fauconnette près Carpentras et demande que l'Académie envoie des délégués pour
examiner ses trouvailles.
Communication est donnée d'une circulaire de la Société des Antiquaires de
France, relative aux fêtes qu'elle organise à l'occasion de son centenaire. L'Académie
décide de s'y faire représenter par M. Labande.
M. le Président dépose sur le bureau un volume de poésie {Fleurs dt mes jours) offert
par l'auteur, M. le D' Sabatier, à la bibliothèque de l'Académie.
En l'absence du trésorier, M. Labande donne lecture du compte des recettes et
dépenses de l'Académie pendant l'exercice 1903 et du budget de 1904, reproduits ci-
aprèb en annexe.
Conformément aux statuts, une commission de trois membres est nommée pour la
vérification de ces comptes : elle est composée de MM. Alphant, Laval et Poupart.
On procède ensuite aux élections pour le renouvellement du Bureau. Aux termes
du rvîglement, le président, les vice-présidents et les présidents de section ne sont
pas rcéligibles dans la même charge. Le vote a lieu au scrutin secret.
^<2 MKMrjiRES
M. de Vissac esl élu président de TAcadémie, au premier tour de scrutin, par
20 voix sur 25 votants.
MM. Joleaud et Paul, par 22 voix, sont élus vice-présidents au premier tour de
scrutin.
MM. Pansier, de Terris et Remy Roux sont également élus au premier tour, prési-
dents de section par 22, 19 et 18 voix.
Par un assentiment oral et unanime, TAcadémie confirme la proposition du
Bureau de maintenir MM. Labande et Bonnecaze daos leurs Ibac-tions de secrétaire
général et de trésorier et nomme M. Chàtelet secrétaire des séances.
M. Didiée est ensuite élu bibliothécaire-archiviste par 19 voix sur 23 votants.
Le Bureau de l'Académie pour les années 1904 et 1905 est donc ainsi composé :
Président : M. de Vissac.
Vice-Présidents : MM. Joleaud et Paul.
Présidents de section: M. Pansier, pour les sciences.
M. de Terris, pour l'histoire.
M. Remy Roux, pour les arts.
Secrétaire général : M. Labande.
Secrétaire : M. Chapelet.
Trésorier : M. Bonnecaze.
Bibliothécaire-archiviste: M. Didiée.
I^ séance est terminée par la lecture du troisième acte de Cytharis. Les beaux vers
de M. Mouzin recueillent les applaudissements unanimes de l'Académie.
MM. de jManteyer, Sabatier et Boch sont élus membres de TAcadémie à Tunani-
mité des membres présents.
Annexc.
1. — Compte des recettes et dépenses de F Académie pen4ant f année 1903.
RECETTES.
Solde en caisse au !•' janvier 1903 35 i^
190 cotisations à 1 2 francs 2 . 280
2 cotisations à 6 francs c.«> 12
I cotisation à 10 francs 10
Timbres de quittance recouvrés 8 80
Subvention de la ville d'Avignon 200
Subvention du Conseil général de Vaucluse 100
Subvention du Ministère de l'Instruction publique 5oo
Rachat de cotisation de Miss Ou^en Sheakspeare i5o
Rachat de cotisation de M. le docteur Pansier 200
Remboursement de la contribution due par les auteurs pour frais des
planches illustrant leurs travaux 181
Ventes de fascicules 28
— d'un catalogue Espérandieu 6
Intérêts de 45 fr. 3 •/• legs Dufossé 45
Total 3.755 41
DE l'académie de vaucluse 83
DÉPENSES.
Impression et illustration des Mémoires
ÉtreaUes
Frais d'encaissement des cotisations
Achat de timbres divers
Loyer du local des réunions du Bureau
Appointements de M. Binon
Frais d'envoi des Mémoires ■»
Frais de convocation
PrixDufossé (au lycée)
Drap aux obsèques de MM. Saunier et Laroche
Achat de la table des Studj de TAccademia di conferenzc storico-giuri-
dictie
Note Noséda (un cadre)
Frais de bureau et de correspondance de M. le Secrétaire général.
Facture Armand, relieur
Achat d'une obligation P.-L.-M. fusion ancienne n* 5.483.901
Solde en caisse
Total 3.755 41
II. — Actif de V Académie au /"janvier 1904.
Capital de 45 fr. 3 •/. legs Dufossé (n" des titres n- 973.453 (5 fr ). 870.488
(10 fr.). 1.759.530 (3ofr.) 1.500 »
Une obligation P.-L.-M. (n' 5.483.901) 462 65
Livret de la Caisse d^épargne i .3o6 87
5oIde en caisse 885 86
,845
55
i5
»
45
75
33
25
200
tt
70
»
64
75
17
65
48
50
3
»
6
25
12
»
49
70
6
5o
463
65
885
86
Total 4.155 38
m. — Budget pour 1904.
RECETTES.
Solde en caisse 885 86
Quittances à recouvrer : 6 à 13 fr., 3 à 6 fr 84 »
200 cotisations à 13 fr. et deux abonnements 2.424 »
5 cotisations à 6 f r 3o »
Subvention de la ville d'Avignon 200 »
Subvention du Conseil général 100 »
Intérêts du legs Dufossé 45 »
Vente de fescicUles 200 »
Intérêts de l'obligation P.-L.-M 14 40
Intérêts des 45 francs de rente sur l'État 45 »
Total 4.038 26
84
MEMOIRES
DÉPENSES
Étrennes ,5
Frais d'impression des Mémoires i ,700
Impression du Cartulaire de Richerenches 1 .300
Frais d'envoi des Mémoires 80
Frais d'encaissement des cotisations et timbres divers 90
Loyer du local du Bureau aoo
Appointements de M. Binon 70
Frais de convocation 20
Prix Dufossé ^
Prime d'assurance 6
Frais de bureau de M. le Secrétaire général 60
Dépôt À la Caisse d'épargne 100
Accumulation des intérêts n'ayant aucune aflfectation spéciale 59 40
Dépenses imprévues 100 »
Solde en caisse i8a 76
Total 4.oa8 a6
Séance du 4 février 1904. — Présidence de M. Bourges, président.
Présents : MM. Bourges, Labande, Pansier, Alphant, Laval, de Vissac, abbé Gri-
maud, Larché, Michei-Béchet, Carre, de La Boulie, Limasset, Remy Roux, Réguis,
Capeau, Joleaud, Duprat, Didiée, Bayol, Biret, Chobaul et Châtelet. — Excusés :
MM. Henri Paul et de Terris.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
L'ordre du jour appelle l'installation du nouveau Bureau. M. Bourges, avant de
céder le fauteuil de la présidence, fait connaître, dans une charmante improvisa-
tion, combien il est heureux du choix fait par l'Académie qui a appelé à la prési-
dence M. de Vissac. Il fait l'éloge des membres du nouveau Bureau et de notre
Secrétaire général, dont le dévouement à l'Académie facilite considérablement la
tâche du président.
Il invite ensuite M. de Vissac 4 prendre place à la présidence. Notre nouveau
Président remercie ses collègues de l'honneur qu'ils lui ont fait en le mettant à la
tête de notre Société. Il les assure de son profond attachement à l'Académie. Il
insiste sur l'utilité de multiplier les excursions et d'ouvrir ou tout au moins entrou-
vrir nos séances au public. Il termine par l'éloge des membres du nouveau Bureau.
Il donne ensuite la parole à M. Laval pour la lecture du rapport de la commis-
sion de vérification sur l'état des finances de l'Académie. M. Laval est heureux de
pouvoir annoncer à ses collègues que jamais notre état financier n'avait été aussi
prospère. Indépendamment du capital de i,5oofr. légué par M. le D' Dufossé, nous
possédons i obligation du chemin de fer de 5oofr. et i,5oo fr. à la Caisse d'épargne.
Avec les cotisations et les subventions diverses, nous avons un revenu de 4,028 fr.
pour l'année 1904.
Il est ensuite décidé, sur la proposition de M. Laval, d'inscrire le n' des titres de
rente sur les comptes et budgets publiés chaque année, et d'ajouter chaque année
les i5 fr. que rapporte l'obligation du chemin de fer et les intérêts du livret de la
Caisse d'épargne à la somme de 100 fr. destinée à la formation du fonds de réserve.
Enfin, M. Laval fait connaître que la commission propose d'approuver les comptes
financiers de l'Académie et de voter des félicitations à son trésorier. Cette proposi-
tion est approuvée à l'unanimité.
Sur la proposition du Bureau, l'Académie de Vaucluse, ayant à son fonds de
DE l'académie de vAucluse 85
réserve, avec le dépôt de 1904, une somme supérieure à i.5oo francs, donne pouvoir â
M. le trésorier de retirer de la Caisse d'épargne les fonds nécessaires à l'acquisition
d*un titre nominatif de 45 francs de rente 3*/* sur TÉtat français.
M le Président fait ensuite connaître qu'il a reçu des lettres de remerciements de
M. le D' Sabatier et M. de Manteyer, élus membres de l'Académie dans la précédente
séance. M. le Secrétaire général annonce en outre que M. de Manteyer a racheté sa
cotisation.
M. le Président invite ensuite M. le D' Pansier à donner lecture de son étude bio-
bibliographique sur Jean de Tournemire (1320-14 10). Notre collègue donne des détails
très intéressants sur la vie de ce médecin qui honora la vieille Université de Mont-
pellier. Il nous le montre dès 1348 pratiquant la médecine à. Montpellier, devenu déjà
en i364 personnage important, soutenu par la Faculté lors de l'élection du chance-
lier. Enfin, il nous le montre tour à tour médecin de Grégoire XI et de Clément VU
et professeur à Montpellier. Il termine son étude par une analyse rapide des divers
ouvrages de Jean de Tournemire et donne lecture d'un fragment de l'un d'eux qui
contient le récit de la maladie dont fut atteinte sa fille. Il diagnostique un cancer et le
juge incurable. M. le D' Pansier nous fait ainsi assistera un cours de médecine au
XIV siècle.
M. Joleaud prend ensuite la parole ; il remercie tout d'abord ses collègues de l'hon-
neur qu'ils lui ont fait en l'élevant à la vice-présidence. Il rend compte ensuite de
l'excursion géologique de l'Académie à Vaison. Il tient à dire que l'étude de la
géologie mérite d'attirer l'attention des archéologues et des artistes, puisque les ma-
nifestations artistiques d'un pays sont fonctions géologiques du sol. Il aborde ensuite
son sujet, montre le grand intérêt que présente la géologie des environs de Vaison,
où se rencontrent, ainsi que l'indique la direction des failles observées, les deux
systèmes des plissements jurassiques et pyrénéens. Enfin, il dépeint rapidement
l'aspect de la région durant les diverses transgressions de la Méditerranée néogène,
et étudie les divers dépôts laissés par la mer burdigalienne, helvétienne et pliocène.
M. Joleaud termine en manifestant le désir de voir devenir plus fréquentes les
excursions qui permettent la discussion sur place des phénomènes géologiques.
M. de Vissac remercie le conférencier et lui donne l'assurance que de nouvelles
excursions auront lieu cette année.
L'heure étant trop avancée, la lecture de M. le D' Réguis sur la Flore de Vaucluse
est renvoyée à la prochaine séance.
Séance du 3 mars igo4.— Présidence de M. de Vissac, président.
Présents: MM. de Vissac, Labande, Pansier, Aurouze, Gouell, Limasset, Alphant,
Michel-Béchet, de Terris, Didiée, Réguis, Larché, Joleaud, Naquet, abbé Trouillet et
ChAtelet.
Sont présentés aux suffrages de l'Académie pour être membres titulaires :
MM. le D' Augros, à Lyon, par MM. Faure, Courjon et Berger;
Alfred Blanc, professeur adjoint au Lycée d'Avignon, par MM. Bourges, Réguis
et Châtelet;
le D*^ Tallet, à L'Isle, par MM. Laval, Savournin et Laffont.
M. le Secrétaire général donne lecture d'une circulaire annonçant l'ouverture à
Athônes en igoS d'un congrès archéologique international et invitant les sociétés
savantes françaises à s'y faire représenter. M. Labande ajoute qu'il a demandé à
Athènes des renseignements complémentaires pour permettre à l'Académie de par-
ticiper A ce congrès.
M. le Président fait connaître qu'en juillet prochain tombera le 6oo* anniversaire
de la naissance de Pétrarque.
« Pétrarque, dit-il, appartient à l'histoire de l'humanité par ses œuvres immor-
86 MÉMOmES DE l'aCADÂMIE DB VA4JCLUSB
telifts. Il appartient à Phistoirâ de la civilisation italienne parce que, avec Dante et
Boccace. il a été un des précurseurs de la Renaissance, un des créateurs de la litté-
rature italienne. Mais il appartient aussi à notre histoire locale par un séjour pro-
longsé, quoique intermittent» de aa ans parmi nous, par l'éclosion dé son génie, par la
préparation de ses ouvragres; il nous appartient enfin par ses amours. •
M. de Vissac rappelle que, sous l'empire de ces considérations, l'Athénée de Vau-
cluse crut devoir, en 1804, réveiller à Avignon le souvenir un peu assoupi de l'illustre
poète toscan devenu par Texil un iils de la Provence, célébra solennellemont le
cinquième centenaire de sa naissance et érigea à Vaucluse un monument commèmo^
ratifv Plus tard, en 1874. des fêtes grandioses eurent lieu encore, en Avigpnon, à
l'occasion du cinquième centenaire de la mort du canzoniere. Dèl'ensembtë deoes
faits, ajoute le Président, résulte une tradition déjà séculaire, que le Bureau propose
à l'Académie de perpétuer.
Sans le cas où la proposition agréerait à l'assemblée, des fêtes littéraires seraient
orj|pai)i8ées,.sur Tinitiative de l'Académie, le samedi 16 et le dimanche 17 juillet* pro*
Chain, tant à Vaucluse qu'à Avignon, concordant avec celles qui se préparent è
Arezzo et dans plusieurs autres villes d'Italie, à la même époque. Aces fêtes seraient
conviés des délégués de toutes les sociétés littéraires et scientifiques de la région
du Sud-Est.
M. de Vissac met donc aux voix' la question suivante: c La. Société accepte- t^elle en
principe Vidée de la célébration académique du 6~* centenaire de la nalBSftnoe de
Pétrarque?» La proposition est acceptée à l'unanimité des membres présents: Il t&t
décidé que le Bureau, auquel sont adjoints MM^ Bourges, Laval, Mou«in et Carre,
anciens présidents, sera chargé de l'organisation des fêtes.
L'ordre du jour appelle la lecture de M. Réguis sur la Flore de Provence. Notre
collègue entretient l'Académie d'un groupe de champignons supérieurs (les Amanites),
représenté en Provence par une quarantaine d'espèces, parmi lesquelles quelques-
unes sont très vénéneuses. La grande confusion de formes qui règne dans ce
groupe, du fait de leurs grandes ressemblances, a incité notre collègue à mettre un
peu d'ordre dans ce genre. Il dépose sur le bureau son manuscrtt, résultat de trente
années d^observations. M^ Réguis témoigne le désir de voir l'Académie tenter la
vulgarisation de la flore mycologique de la région.
Mi Labande donne ensuite lecture de son étude sur du Guesclin dans le comté
Venaissin. Il fait le tableau du pays en i365 à la nouvelle de ^arrivée des gens
conduits par du Guesclin, qui s'était engagé envers le roi de France à emmener hors
de France ces' bandes de pillards. Avignon n'eut pourtant pas à supporter de siège,
mais ses habitants et ceux du Comtat furent obligés de verser de grosses sommes.
Les routiers demeurèrent encore de longues années dans la ré^on, pressurant les
villes et les villages qu'ils menaçaient de leurs attaques. La campagne fut abandon-
née et toutes les bourgades élevèrent des fortifications pour se mettre en sûreté ;
c'est- là' que les paysans venaient se réfugier à la nouvelle de Tarrivée des routicrs^
dans le voisinage.
A la fin de la séance, MM. Augros, blanc et Tallet sont proclamés sans opposition
membres titulaires de l'Académie.
Le Secrétaire, Le Prisi4€nt,
C. Chatelet, Baron m. 06 Vi6«ac.
Volumes et Fascicules
RxBÇUS PAR L'ACADÉMIE
Depuis la putHcation du dernier fascicule des Mémoires.
I. — £Avoi» du SSiniatère de riastruotion p4abliq.tte
I" Comité des travaux hisioriq-ues et sclenHfiques : Bulletin historique «tplwlote-
g>iqiie, 1903, n*' ! et îï. — Recueil de documents relatifs k la convocation ées étwts
généraux de 1789, •p»'' Armand Brctte, tome TII : Atlas des bailliages ou juridictions
assimilées ayant formé unU^ élecloraie en 1789. - Bibliosrraphie des travaux histo-
riques et archéologiques, publiés par les Sociétés savantes de la France, par Robert
de Lasteyrie, t. IV, 3* livr. — 3- Bulletin archéologique du Comité des travaux
historiques et scientifiques, 1903, 3* livr.
II. — Dons des auteurs
!• M. le D' p. Pansier, membre titulaire de TAcadémie : Collectio ophtnlmologica
veterum auctorum, fasc. III; — La pratique de Tophthalmologie dans le moyen
âge latin. ^ a* M. Antoine Sabatier, membre titulaire de l'Académie : Fleurs de mes
jours ; Casques fleuris; Sonnets en lige ; La Maoola; Le Baiser de Jean. — 3» M. A.
Caziot: Sur le genre Bauxia (Extrait du Journal de conchyliologie, vol. LI). — 4* M. le
D' Florence, membre titulaire de TAcadémle : Histoire de la découverte de la circu-
lation du saag& Lyon, par le D' Jacquinot.— 5* M. F.-N. Nicollet. professeur au Lycée
d'Aix : Les derniers Membres de la famille d'Orange-Montpel lier et leurs possessions
dans le (lapençais — 6* M. Alfred Picard, commissaire général de l'Exposition
universelle de 1900 : Rapport général administratif et technique sur l'Exposition
universelle internationale de 1900, t. I à VII et atlas de plans généraux. — 7* M. Gus-
tave Naquet, membre titulaire de l'Académie : Développement et défense du com-
merce extérieur de la France, programme de réformes. — 8« M. Destandau, membre
titulaire de l'Académie : De l'Enseignement aux Baux avant 1789.
III. — Envois des Sociétés correspondantes.
Boletin del Museo National de Mexico, tom. I, n** 4 à 8. — Anales del Museo
nacional de Mexico, tom. I, n" 3 et 4. — Société des Archives historiques de Sain-
tonge et d'Aunis : Bulletin, t. XXIV. i" et s* livr. — Revue savoisien ne, 1903, 4* fasc;
1904, i« fasc.— Société archéologique et historique de l'Orléanais: Bulletin, t. XIII,
fasc. î à 4. — Revue des langues romanes, t. VII, n" i et 2. — Accademia di confe-
renze storico-giuridiche, 1903, fasc. 3 et 4. ^ Société archéologique de Béziers
Bulletin, lU* série, t. V |i9o3), i'* livr. — Académie de Lille : Bulletin de l'Université,
88 MÉMOIRES DE l'aCADÉMIE DE VAUCLUSE
1903, n*4; 1904, n* 1. — Revue d'Auvergne, igoS, n* 6 ; 1904, n» i. — Société littéraire
historique et archéologique de Lyon : Mémoires, années 1898 à 1903. — Société
archéologique et historique de la Charente : Bulletin et mémoires, t. III, années
1903-1903. — Société savoisienne d'histoire et d'archéologie : Mémoires et documents»
t. XVII. — Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire, 1903, n- 11 et 12; 1904,
no I et a. — Société scientifique et littéraire des Basses- Alpes : Bulletin, année 1903.—
Bulletin du Comité de l'art chrétien, t. VII (1904), n* 48. — Revue du département du
Tarn, 1903, n** 5 et 6. — Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Tou-
louse : Mémoires, X* série, t. III. — Société des Amis des sciences naturelles de
Vienne : Bulletin. 1. 1, 4' fasc. — Société d'études des Hautes-Alpes : Bulletin, 1904,
I** fasc. — Revue horticole de Marseille, 1904, janvier k mars. — Académie des sciences
et lettres de Montpellier : Mémoires de la section des lettres, 2' série, t. IV, n* 2. —
Société languedocienne de géographie : Bulletin, t. XXVI, 4* fasc. — La Diana :
Bulletin, t. XIII, n* ?• ^ Société des Antiquaires de la Morinie : Bulletin historique,
t. XI, 4* fasc. — Annales de Saint-Louis-des-Français, t. VII, 2' et 3* fasc. — Société
Les Amis des sciences et arts de Rochechouart : Bulletin, t. XIII, n*' 3 et 4. — Aca-
démie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon : Mémoires, année 1903. —
Société nationale des Antiquaires de France : Mémoires, 1901 ; — Recueil de mémoi-
res pour le Centenaire. — Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze : Bulletin,
1903, 4» livr. — Bulletin historique du diocèse de Lyon, n* 26. — Annales de la
Société d'études provençales, 1904, n' 2. — Société des sciences, lettres et arts de
Pau, 2* série, t. 3i. — Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lor-
rain : Mémoires, t. LUI (1902). — Société archéologique du département de Constan-
tine, année 1903. — Société départementale d'archéologie et de statistique de la
Drôme, 149* livr. — Société des Antiquaires de Picardie : Uulletin, 1903. 4* trim. —
Société éduenne : Mémoires, nouvelle série, t. 3i.
ERRATA.
La note de la page i3 doit être la r' de la page 14.
P 16, l. 6 de la note, au lieu de : « Oberpingeau », lire : « Oberpinzgau ».
— 1. 8, au lieu de : « San Danielle Ripa Po », lire : « San Daniele nel Friule ».
— 1. 9, au lieu de € Crémone », lire : « Udine ».
JEAN DE TOURNEIVURE
(JOHANNES DE ToRNAMIRA)
1 329-1 396.
ÉTUDE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE.
Jean de Tournemire [Johannes de Tornamirà), fait partie de
cette pléiade de brillants praticiens dont s'honore la vieille Faculté
de médecine de Montpellier.
Cette série débute au XIII* siècle avec Henri de Guintonia,
Pierre Gazanhaire, Pierre d'Alais(i), Roger de Baron (2), Hugues
de Montbuffier (3), Arnaud de Villeneuve (4) et Bernard de Gor-
don (5). Elle se continue avec Henri de Mondeville (6), Guillaume
et Raymond de Béziers (7), Guy de Chauliac (8), Raymond de
Molières (9), Etienne fils d'Arnaud (lo), Bernard fils d'Albert (î i),
(1) Henricus de Guintonia et Pelrus Gazanhaire, chanceliers l'un vers laSg, Tautrç
vers 1260. Petrus de Alesto, médecin du pape Clément V (i3o3-i3i4).
(2) Rogerius de Barone, vers la fin du XIII* siècle.
(3) Hugo de Moniebtifferio était vice-chancelier en iSSg. Les oeuvres de H. de Guin-
tonia, de P Gazanhaire, de P. d'Alais, de H. de Montbuffier sont perdues pour
nous. Cependant elles existaient encore à Montpellier à la fin du XVIII' siècle au
dire de Pélissier. (Appolinis Monspeliensis hiàliolheca, thèse de licence, 1765.)
(4) Arnaldus de Villanova, mort vers i3i3. Il enseigna à Montpellier vers i389-i3oo,
(5) Bernardus de Gordonio, vers 1 290-1318.
(6) Henricus de Amondavilla, vers i3o4.
(7) Raymundus de Biterris, vtrs i285-i3i3. Guillelmus de BiUrri$. vers i3i9. Leurs
œuvres sont inédiles et encore inexplorées.
(8) Guido a Cauliaco» vers 1348.
(9) Raymundus de Moleriis» contemporain de Guy de Chauliac et chancelier de la
Faculté. Nous possédons de lui un traité de impedimeniis conceptionis (Bibl. nat., lati
6957). dont Pagel a commencé la publication (Cf. thèse d'Arll, Berlin, 1903).
(10) Stephanus Arnaldi, contemporain de Guy de Chauliac.
(11) Bernardus Alberti, decanus, vers i35o. J'ai retrouvé de lui un Traciaius dé
febrlbus ou commentaire super primamfen quarti libri Avianne (BibL nat., lat. 7i3o-
•t aouv« Acq. lat. i39i)s
go MEMOIRÉiS
Gérard de Solo (i), Jean fils de Jacques (2), pour s'éteindre
avec Balescon de Tarare (3) dans le premier quart du XV
siècle.
De tous ces praticiens, Jean de Tournemire est un des plus mal
connus. Il n'a d'autre histoire que quelques lignes d'Astruc(4), le
faisant vivre entre 1400 et 1450, ou une courte note de Pélis-
sier (5) nous le présentant comme un des médecins de Clé-
ment VI.
Aussi croyons-nous utile de compléter aujourd'hui sa biogra-
phie à l'aide des documents trouvés dans les archives d'Avignon
et des manuscrits explorés par nous.
L
Jean de Tournemire naquit à Pouzols, diocèse d'Albi, vers
1829 (6). Il étudia la médecine à Montpellier et commença à prati-
quer très jeune, vers 1848 (7). Cela ne doit pas nous étonner, car
la pénurie des maîtres était telle que la Faculté avait été obligée
de décréter qu'avant d'être reçu docteur, tout récipiendaire pren-
drait l'engagement de légère per biennium. Or, légère c'était faire
un cours : lire aux étudiants un auteur, en le faisant suivre par-
fois de commentaires, dont quelques-uns sont parvenus jusqu'à
nous.
Jean de Tournemire quitta Montpellier pour occuper le poste
plus lucratif de médecin des papes. A quelle époque vint-il se
fixer à Avignon? En iSôg, il était encore à Montpellier. La bulle
(i) Gerardus Bierne, alias de Solo : il composa son Exposilio in nonutn Altnansôrii
vers 1371.
(a) Johannes yacoW, chancelier vers 1364-1378. Ses œuvres sont inédites.
(3) Valescus de Taranla, vers 1 382- 141 8.
(4) Mémoires pour servir à l'histoire de la Faculté de médecine dû Montpellier, Paris,
1767, p. 204.
(5) Op, cit., p. 407.
(6) Magister Johannes de Tomamira^ de Potolis, Albiensis diocesis, magister in
midicina et domini nostre [pape démentis VII] medicus, etatis LX annorum vel circa,
dans le Processus in causa canonisationis... Pétri de Lucemburgo, fol. 333 (Manuscrit
n* 697 de la Bibliothèque d'Avignon). Ce manuscrit contient toute la procédure faite
depuis le 18 juin i38g. C'est d'après lui que les Bollandistes ont publié le procès de
canonisation du bienheureux Pierre de Luxembourg (Acta sanctorum, juillet, t. I,
p« 463). — Jean de Tournemire avait donc 60 ans en 1389.
(7) Dtxit \johanms de Tomamira] in foro consciencle sue quod quadraginta annis
fracticayit.». [iMm),
DE l'académie de vaucluse gr
de fondation du collège de Mende, donnée par Urbain V à cette
date, mentionne que la maison achetée pour fonder cet établisse-
ment confrontait, d'une part Vhospitiutn Johannis Jacobi, in medù
cina magistri ; et, d'autre part, Vhospitiutn dilecti filii Johannis de
Tornamira, etiam in medicina magistri (i). Nous pensons donc
que Jean de Tournemire ne quitta Montpellier que sous le ponti-
ficat de Grégoire XI (i 370-1 SyS).
En effet, dans la liste des bénéfices dont Grégoire XI s'était
réservé la collation (2), nous trouvons deux bénéfices accordés à
la demande de Jean de Tournemire :
c Eadem die [vi kalendas januarii, an no secundo nostri pontificatus, id est 137a]
duos canonicatus cum portionibus que primo vacabunt in ecclesia Carcaso-
nensi, ad instantiam Magistri Johannis de Tornamira.
• Eadem die [quarto die decembris, anno quarto pontificatus, id est 1374] prioratus
Rupis Ulmensis, Mirapicensis [Mirpoix] diocesis, ad instantiam Magristri Johannis
de Tornamira. >
Quoique le texte ne le dise pas explicitement, il nous laisse
supposer que Jean de Tournemire était devenu le physicus fami-
liaris ou un des physici familiares de Grégoire XL Mais les
textes nous disent expressément qu'il était medicus domini
nostri pape Clementis, médecin de Robert de Genève, pape sous
le nom de Clément VII (1378-1394).
C'est un fait à remarquer que les professeurs célèbres aban-
donnaient volontiers Montpellier après quelques années d'ensei-
gnement. Dans une courte période, nous voyons, vers i3o5,
Arnauld de Villeneuve quitter le professorat pour devenir, à
Avignon, médecin du pape Clément V pour lequel il compile, en
i3o8, un Libelliis regiminis de conjortatione visus (3). Jean d'Alais
a précédé ou suivi son collègue dans sa fuite; Henri de Monde-
ville, en i3o2, de professeur à Montpellier, devient médecin de
Philippe le Bel. Guy de Chauliac, vers 1348, va à Lyon chercher
un sort meilleur jusqu'à ce que, lui aussi, soit appelé à la cour
(t) Cf. cette bulle dans Astruc, op. cit*,p, 49. Le collège de Mende était destiné à
recevoir 13 étudiants en médecine. Il se trouvait sur l'emplacement actuel de l'écolo
de pharmacie.
(a| Archives do Vaucluse, D. 204, fol. i3 v* et 23- — La seconde partie de ce
manuscrit, postérieure de près d'un siècle, contient aux fol. 37-66 : Inventarium bono^
rum domini mei cardinalis Hostiensis, sanU Romane EcCltsie cardinalis et vicecancel-^
larii, in domo iibraie sue... receptorum die guinta mensis mardi aniio a nativitaU milU-^
simo CCCOXXVP.
(3) P. Pansler, ColUciio ophtalmologica veierum àutiorUM, fasc. L (Paris, Balliôrci
92 MEMOIRES
papale d'Avignon. Raymond Chalin de Vinario, nous paraît être
aussi d'origine montpelliéraine : il est médecin du pape Clé-
ment VI, en i34(>-i352. En 1372, nous le retrouvons à Avignon
medicus cardmalis Albanensis (i). Jean de Tournemire n'a fait que
suivre l'exemple de ses illustres devanciers.
C'est que les fonctions de professeur à Técole de Montpellier
étaient peu lucratives. Les trois professeurs institués par la bulle
de 1220 n'avaient pas d'appointements fixes : ils étaient payés
directement par les étudiants. A la fin du XV' siècle, Charles VIII
semble faire une grande faveur aux maîtres de Montpellier, en
leur donnant les appointements fixes de loo livres par an. A la
même époque, les médecins d'Anne de Bretagne touchaient de
400 a 7C0 livres par an. Aussi ne faut-il pas nous étonner de voir
les maîtres de l'école se servir de leur charge pour acquérir
renommée et accès à la cour des grands.
Il est probable qu'à la mort de Grégoire XI, en 1376, Jean de
Tournemire retourna à Montpellier. Cela concorderait avec la
citation de Valescus de Taranta, qui raconte l'avoir eu comme
maître vers i38o. Mais l'antipape Clément VII ayant fait son
entrée à Avignon, Jean de Tournemire vint reprendre auprès de
lui ses fonctions de medicus domini pape.
En 1364, il devait être déjà un professeur renommé. En efiet,
cette année-là, il se passa un grave événement dans la Faculté.
Le chancelier Bernardus de Coloniis étant mort, l'évêque de
Maguelone en profita pour nommer à ce poste Johannes Jacobi,
Cette nomination était irrégulière, la Faculté ayant le droit de
choisir et de présenter à la nomination de l'évêque son chancelier.
Cependant il y avait eu un semblant d'élection; la bulle dit en
effet: Magister Johannes Jacobi, nulla electione précédente sa Item
valida, ad cancellariam exiiterat promotus. Or, d'après la bulle de
Clément V, en i3o8, l'élu devait avoir obtenu au moins les deux
tiers des sufi'rages. Dans l'élection de Johannes Jacobi,ce quorum
n'avait pas dû être atteint, et l'évêque avait passé outre. Mais la
Faculté protesta : le concurrent de Johannes Jacobi était précisé,
ment Jean de Tournemire; on en appela au pape. Celui-ci commit
Jean de Blandiac, cardinal au titre de Saint-Marc, pour régler
le différent. Le i3 octobre 1364, Johannes Jacobi et Jean de
(1) Bibliothèque de Chartres, ms. 4o3 (XIV siècle), fol. 8o-ia8 : Raymundi Chalin
Ubif d€ p4sU...Huic tractatui Jinem impono composUo per me Raymundum Chalin de
Vinario, magistrum in medicina ît in artitus.., medicum domini cardinalis Albanensis
in Avinione, anno t372»
DE l'académie de vaugluse 9^
Tournamire comparaissent devant le cardinal, quisque pro se et
suis adhereniibus (î). Le cardinal, après avoir ouï les parties,
donna raison aux adhérents de Jean de Tournemire et cassa
Télection de son concurrent. Mais, touché de ses humbles sup-
plications et en vertu des pouvoirs apostoliques dont il était
muni, il renomma chancelier Johannes Jacobi, déclarant pour-
tant qu'il ne prétendait point par là porter atteinte aux privilèges
de la Faculté. Le cardinal, en cette affaire, avait ménagé la
chèvre et le chou : c'est qu'en effet si la Faculté avait le droit
pour elle, Johannes Jacobi était un personnage important. Non
seulement il était médecin d'Urbain V (2), mais il était encore
physicus régis (3), médecin, du roi. Ce qui ne l'empêchait pas
d'omettre de payer ses tailles, puisque nous avons, du 7 septem-
bre i382, un mandement de Charles VI au gouverneur de Mont-
pellier lui ordonnant de contraindre au payement des impôts
certains docteurs en droit et en médecine : parmi eux figure
Johannes Jacobi (4^
Mais celui-ci étant mort en 1384, le 11 août de cette année,
nous avons un mandement de Clément VII nommant aux hautes
fonctions de chancelier Johannes de Tornamira, medicus et fami-
liaris noster, Avinione commorans ^5;.
En 1387, nous retrouvons encore ce personnage à Avignon
dans l'exercice de ces fonctions. C'est là qu'il apprend que sa fille,
atteinte d'un cancer au sein, vient d'avorter et se trouve au plus
mal. Jean de Tournemire quitte précipitamment Avignon, cum
licentia domini pape, le matin du i*' novembre : illa die equitavit
undecim leucas; il n'arriva que le lendemain soir à Montpellier,
où il nous apprend qu'il avait conservé sa maison.
A la mort de Clément VII, en 1394, Avignon est dévasté par les
guerres de Pierre de Luna. Aussi Jean de Tournemire est-il
retourné à Montpellier, où il meurt en !3g6. Cette dernière date
est donnée par Fournier (6). Elle concorde avec la citation de
Valescus de Taranta, qui, en 1418, parle de lui comme de quel-
qu'un décédé depuis peu : Johannes de Tornamira, cancellarius
noster bone memorie.
(i) Cartulaire de ^Université de Montpellier, 1. 1 ( Montpellier, 1890), n* ia3.
(3) G. Marini, Degli archiatri Pontifici (Roma. 1784. 2 vol. in-4*).
(3) Archives nationales, JJ. 112. charte n» 304, ex litteris anni 1378.
(4) Cartulaire, W 171.
(5) Cartulaire, n' 174.
(6) Fournier, Us statuts et privilèges des Universités françaises, n' 1 107. (Paris
1890-94* 4 vol. in-f*«)
94 MEMOIRES
II.
Nous possédons de Jean de Tournemire les ouvrages sui-
vants :
i^ Introduciorium ad praticatn medicinae, imprimé avec le
Philonium de Valescus de Taranta.
2** Clarificatorium in Nonum ad Almansoretn, édité à Lyon, en
1490, i5o6; à Venise, en iSoy et 1621.
3° Tractatus de febribus (mêmes éditions).
Le C/arr^ca/ormm aurait été composé à Montpellier en i365.
Voici en efïet VIncipit du manuscrit de la Bibliothèque de TArse-
nal (n" 1026, XV* siècle), contenant ce traité aux fol. 1-80 :
« Clarificatio partis practice medicine de passionibus a capite usque ad pedes
super Nono Almansoris, anno decimo septimo ordinarii mei Johannis de Tornamira,
decani studii Montispessulani. Ego, Johannes de Tornamira, Nonum Almansoris
tibi expono anno decimo septimo lecture mee ordinarie, tamen laude Dei, qui vir-
tutem michi largiri dignatus est hoc opus expendi anno LXV... (r). >
Le Clarificatorium, c'est le cours que Jean de Tournemire fai-
sait à ses élèves en commentant l'ouvrage de Razès, intitulé
Liber medicinalis ad Almansoretn, Razès avait résumé dans ce
traité, dédié au calife Almansor, les notions contenues dans son
volumineux Continent,
Le Liber ad Almansorem, sous sa forme concise, était un traité
complet de médecine en 10 livres. Voici le titre de chaque livre :
I. Anatomia corporis et membrorum ejiis.
II. Designis corporis humani et humanorum de signis phisio-
nomie.
III. De viribus medicinarum simplicium,
IV. De conservatione sanitatis,
V. De decoratione seu pulchritudine ,
VI. De preservatione iter agentium a nocumentis extrinsecis.
(i) Les éditions du Clarificatorium, d'après Astruc (car la seule que j*ai à ma dispo-
sition, celle de la Bibliothèque d'Avignon, Lugduni, 1490, est acéphale, et la
Bibliothèque de récole de Montpellier- n'a pas encore trouvé des ressources suffi-
santes pour se procurer un exemplaire des œuvres de Jean de Tournemire) portent :
anno XIX mei ordinarii. J'adopte la date XVII donnée par le manuscrit de l'Arsenal :
elle a l'avantage de concorder avec la déposition de Jean de Tournemire devant la
commission d'enquête du procès de béatification de Pierre de Luxembourg.
(2) Cet ouvrage avait été traduit au XU' siècle, de l'arabe en latin, par Gérard de
Çrémonç.
DE l'académib de vauclusb qS
vil. De cyrurgia.
VIII. De cura sive sanatione venenorum.
IX. De omnibus egritudinibus que accidunt a capite usque ad
pedes,
X. De febribus et accidentibus.
Le neuvième livre constitue le Nonum ad Almansorem, que
commentait chaque année un professeur scholaribus ad practicam
euntibus, aux écoliers qui, après avoir fini leur temps d^étude,
allaient se livrer pendant deux ans à la pratique sous les auspices
d'un magister quelconque, avant de recevoir eux-mêmes le titre
de doctor ou magister, et, ajoutera Molière, jus occidendi impune
per totam terram.
Les commentaires de Jean de Tournemire sur le Nonum con-
tiennent quelques faits intéressants. L'auteur ne se dissimule pas
que le médecin est loin d'être infaillible : dans la dysuria, il
il condamne l'emploi des medicamina aperitiva pororum. Il nous
montre un médecin de Castres, venant de faire ses courses médi-
cales et descendant de cheval, atteint de diîjîcultas mingendi. Il
s'administre des aperitiva pororum, et meurt quelques heures
après : istum errorem, ajoute Jean de Tournemire, tota die incur-
runt medici. Deus misereatur nostri! Non sine causa populares
dicunt nos homicidas.
Jean de Tournemire nous indique encore que la pratique de la
chirurgie à Montpellier, dès i365, était distincte et séparée de la
pratique de la médecine. Même parmi les chirurgiens il y avait
des spécialistes, les uns faisant la chirurgie des apostêmes,
fractures et luxations ou grande chirurgie ; d'autres experti in
chirurgia oculorum, d'autres dits herniarii. Certains patients
étaient leurs propres chirurgiens et ponctionnaient eux-mêmes
leur ascite : Vidi aliquos hydropicos multum inflatos, qui frica-
bant et scalpebant se in umbilico usquequo aperiebant ipsum et
urinabant per umbilicum et vivebant per tempus.
Les auteurs que cite Jean de Tournemire sont, parmi les
anciens : Hippocrate, Galien, Dioscoride, Paul d'Égine; parmi
les arabes : Averroès, Razès in Continenti, Avicenne, Avenzoar,
Sérapion, Raby-Moyses, Heben Mésué; parmi ceux qu'il appelle
les moderni : Simo Januensis, Gerardus Cremonensis, Macer,
Constantinus monachus. Tous ces auteurs sont bien connus.
Parnii les moderni nostri Montispelienses, il citç ;
gQ MÉMOIRES
r Gordonius, Bernard de Gordon, personnalité bien connue.
2" Gilbertus in Viattco, Jean de Tournemire indique là un
commentaire de Gilbert sur le Viatique de Constantin. Quel est
ce Gilbert ou Gilibert ?
D'après Tétude de leurs manuscrits, j'admettrais quatre
Gilbert :
a) Gilbertus Anglicus, Gilbert l'Anglais : postérieur à Richard
(commencement du XÎIV), antérieur à Jean Gaddesden (vers i320).
Gilbert l'Anglais est Tauteur d'un Compendium de médecine en
manuscrit à la Bibliothèque nationale (lat. 6955, 10289, 16194,
nouv. acq. lat. 160), à la Bibliothèque de l'Arsenal (n'' 1028), aux
Bibliothèques de Rouen (n**994), Vendôme (n"* 178 et 235), Cam-
brai (n*** 906 et 909) ; d'une Expositio super librum aphorismorum
et d'un Antidotarium détenus à l'abri des lecteurs dans les
Bibliothèques d'Angleterre.
b) Gillibertus, cancellarius Montispessulani, dont nous possé-
dons un court Antidotaire que j'ai publié dans le Jantis (1). Je ne
sais si c'est à lui ou à Gilbert l'Anglais qu'il faut rapporter le
manuscrit latin 8654 B, de la Bibliothèque nationale, écrit en
i3o6 et intitulé : Signa lèpre secundum Gilbertum,
c) Gilbertus commentator Egidii, De celui-ci nous possédons
un commentaire sur Gilles de Corbeil, en manuscrit aux Biblio-
thèques Nationale (lat. 6988, 16186), d'Auxerre (n** 241), de Mou-
lins (n'* 3o), de TArsenal à Paris (n° 1080).
d) Un quatrième Gilbertus serait celui de Jean de Tournemire,
auteur d'un Commentaire sur le Viatique de Constantin.
Ces quatre personnages pourraient d'ailleurs se réduire à
deux : Gilbertus Anglicus ou Gilbertus Cancellarius s'identifiant
avec les auteurs du Commentarium Egidii et du Commentum in
Viatico.
3" Rogerius, Gest-à-dire Roger de Baron, personnage assez mal
connu, qui paraît avoir enseigné à Montpellier et à Paris, auteur
de deux traités de médecine intitulés, l'un : Practica ou Sunima
ou Rogeria nuigna; l'autre, Summa Rogerii de exhibitione medi-
cinarum laxativarum et opiatarum, ou Rogerina minor. Il aurait
pratiqué vers la fin du XIII" siècle. Le manuscrit latin 7056 de la
Bibliothèque nationale nous apprend qu'il 'était cancelUirius
Montispessulanensis, Il a souvent été confondu avec Roger de
Parme, et par suite de cette confusion quelques manuscrits nous
(i) Janvier 1903 et suivants.
DE l'académie de vaucluse 97
donnent sa Practica sous le nom de Chirurgia, quoiqu'il ait été
aussi étranger que possible aux choses de la chirurgie (i).
4** Arnaldus de Villanova, le fameux Arnauld de Villeneuve,
mort vers i3i3; il enseigna à Montpellier de 1289 a (3oo.
5" Ga//^nw5. Cet auteur est qualifié de Salernitain dans un de
ses manuscrits. Nous voyons que Jean de Tournemire en fait un
Montpelliérain. Il est donc probable qu'il avait étudié ou professé
d'abord à Salerne, ensuite à Montpellier. Il est postérieur à Gilles
de Corbeil (vers 1 180-1 223), antérieur à Francisais de Pedemontio,
qui était médecin du duc de Calabre en i3o5. Il appartiendrait
donc au milieu du XIII* siècle. Nous avons de lui les ouvrages
suivants :
a] Un traité sur le pouls [ciim decem sunt gênera pulsuum) indi-
qué par Littré, et que je n'ai pas retrouvé en France.
b] Une Summa ou traité de médecine, en manuscrit latin, aux
Bibliothèques Nationale (n"" 6897, 6954, 6976, 7o55), de l'Arsenal
(n**" 1024 et 1025), de Vendôm.e (n° 246), et en traduction française
au n** 1288 de la Bibliothèque Nationale.
c] Un Tractatus de dosi medicinarum (Bibl. nat., lat. (yo/oj^, 7o5i,
16191 ; Bibl. de Chartres, n** 398; Bibl. de l'Arsenal, n* I025).
d] Un traité intitulé Compendium urinarum (Bibl. Nat., lat.
15457).
e] Un autre traité sur le même sujet intitulé : Contenta urina*
mm (Bibl. nat., lat. 6976; Bibl. de Cambrai, n** 916).
(f Peirus Hispanus. Pierre d'Espagne (Petrus Juiiani), plus tard
le pape Jean XXI; auteur d'un Thésaurus pauperum, un des plus
indigestes réceptaires de Tépoque et des plus célèbres; de quel-
ques opuscules sur Toculistique, d'un Regimen sanitatis, de
commentaires sur V Isjgoge Johannitii et les Dietae d'Isaac et d'un
traité de Phlebotomia sous le nom de Petrusjuliani, Il mourut en
1276.
Mais les deux auteurs cités le plus souvent par Jean de Tour-
nemire sont Gordonius et Gilbertus.
Le Clar(fîcjtoriuin paraît avoir eu un grand renom du vivant
même de l'auteur, puisque nous voyons en i3(V) le pape Urbain V
en donner un exemplaire û son collège d'étudiants à Montpel-
lier (2).
(1) Littré {ffist. littéraire de la France, t. XXI, p. 538), a écrit sur cet auteur un
article émaillé d'inexactitudes et de stupidités.
(2) Dubouchet, rn collé f^e médical à Montpellier au moyen Af^e (Thèse. Montpellier,
1889) ;.Cf. p. 63, catalogue des livres qui étaient à la bibliothèque du collège Urbain V
en 1574. (Original, Bibl. nat., nouv. acq. franc. 4410.)
9^ MÉMOIRES
III.
Il nous resterait de Jean de Tournemire trois ouvrages en
manuscrit seulement :
I" Un traité sur la peste (Bibl. nat., lat. 6967, fol. 123-126), sous
ce titre : Preservatio et cura apostematum, andracum et pestilentia-
rum secundum inteniionem magistri Johannis de Tornamira. Ce
même ouvrage existe encore au n° iSgi des nouvelles acquisi-
tions la même Bibliothèque, sous le titre de : Preservatio a pesti-
lentia secundum magistrum Johannem de Tornamira,
2" Parva practica bona et utilis edicta a magistro Johanne de
Tornamira, quamfecit pro quodam bacchalerio eunte ad practicam
(Bibl. nat., lat. 7061, fol. i-5). Cet opuscule ne serait peut-être que
V Introductorium ad practicam medicine.
3* Il est une autre œuvre de Jean de Tournemire que nous
allons aujourd'hui sortir de son obscurité : c'est le récit de la
maladie de sa fille.
Jean de Tournemire était marié (i). En 1387, sa fille fut atteinte
d'un cancer au sein, affection que le père jugea incurable dès le
début. Mais elle fut délivrée de sa terrible maladie par l'interces-
sion de Pierre de Luxembourg. En iSSg, Jean de Tournemire
comparut comme témoin devant la commission ecclésiastique
chargée du procès de béatification de ce cardinal (2), et sa déposi-
tion fut une véritable leçon clinique sur le cas de sa fille. La voici
textuellement reproduite d'après les manuscrits originaux et
amputée seulement des détails extra-médicaux inutiles à notre
étude :
« (3) Déposition de maître Jean de Tournemire, médecin de N. S.
le Pape, au sujet de sa fille Marguerite, demeurant à Montpel-
lier, etc.
« Au sujet du contenu de cet article, le témoin parlant, méde-
cin de N. S. le Pape, raconte qu'en 1387 et au commencement du
mois de septembre, il voulut aller voir sa maison à Montpellier.
(1) Différant encore en cela de celle de Paris» la Faculté de médecine de Montpel-
lier n'imposa jamais le célibat à ses membres.
(a) Manuscrit cité. fol. 333-336.
(3) Item, quod Margareta, fîlia Magistri Johannis de Tournumira {sic), medici
domini nostri pape, in villa Montispessulani comorans, etc.
Dixit se tantum scire de contentis in dicto articulo quod de anno Domini i387, et in
priQcipio mensis septembris proxin^e lapsi, ipse qui lo<;[uitar niedicus D. N. pape,
DE L^CADÉMIE DE VAUCLUSE 99
Là, il trouva sa fllle Marguerite, âgée de i8 ans, et mariée à
Pierre Saisse, atteinte à la mamelle gauche d'une tumeur, dure
au toucher et douloureuse à la pression. Il interrogea sa fllle sur
le début de TafTection. Elle répondit, en présence de sa mère,
qu'il était apparu une nodosité semblable à une noisette, dure
et douloureuse au toucher. Finalement, cette nodosité augmenta
et envahit la plus grande partie du sein. En même temps, la
jeune femme constatait qu'elle était enceinte. Le père dit à sa fllle
que la grossesse était cause de cela. Mais la mère lui objecta :
Pourquoi le même fait ne se produit-il pas dans l'autre mamelle?
Le témoin usa de subterfuges tant qu'il put, mais il voyait bien
qu'il s'agissait d'une afl'ection cancéreuse à issue fatale, qui,
arrivant à se fendre et à s'Ouvrir, amène la mort en un an ou un
an et demi, par suite de la corrosion lente de toute la chair de la
mamelle. Il n'avait jamais vu survivre pendant un an et demi, ou
deux ans au plus, une malade atteinte de pareille aflection.
Malgré l'emploi des onguents que prescrivent les médecins, dans
aucun cas il ne se rappelle que la survie ait été de plus de deux
ans, car après ce laps de temps tout le sein est comme rongé.
Cette maladie est appelée par quelques-uns noli me tangere, car
plus on la médicamente plus elle fait de ravages, à moins qu'on
n'emploie des onguents spéciaux choisis par un excellent maître.
« Le témoin voyant cela fut profondément troublé, et il dit à la
mère et à sa fille : Ne faites rien qu'éviter l'usage de certains
stans in servicio suo, voluit visitare domum suam in Montepessulano. Et cum ibidem
fuit, invenit Margaretam filiam suam, uxorem Pétri Saisse, XVIII annorum, gravatam
in mamiUa sinistra cum tumore duro et dolore. Ipsamque interrogavit qualiter sibi
evenit. Que sibi dixit et respondit, présente matre sua, quod sibi supervenit una
nodulitas ad modum unius avellane, dura in tactu et cum dolore cum tangebatur. '
Finaliter illa nodulitas et duritia fuit augmentata in magno parte mamille. Ipsc
autem vidit ipsam pregnantem, sibique dixit : Non dubites quod est ratione fétus.
Mater vero sua sibi respondit iQuomodo est hoc quod non sit idem in alia mamilla?
Ipse autem qui loquitur palliabat eis quantum poterat et videns ipse loquens ipsam
passionem esse cancrosam, et esse cancrum absconditum, qui est morbus mortalis,
ut plurimum : imo veniens ad aperturam etcrematuram in mamilla, moriuntur infra
annum vel infra annum cum dimidio ex corrosione carnis, nam mamilla tota corro-
ditur paulatim. Nec vidit aliquam viventem per annum cum dimidio vel duos annos
ad plus, similem patientem infirmitatem, nam licet corrosio illa remittatur cum
unguentis approximatis per medicum, non vidit aliquam transire per duos annos
quin moriretur. Nam illa corrosio fortis est vehementissime fetida in processu. et
quamquam alique mulieres sint fortes, communiter non transeunt secundum
annum, nam infra illud tempus mamilla quasi corrosa est. Vocatur autem a quibus-
dam illa infîrmitas noli me tangere, quia dum plus apponitur, deterioratur, nisi sit
unguentum preelectum ab excellentissimo medico.
Ipse autem hoc videns turbatus est usque ad viscera. Dixit matri dicte filie et sibi :
Nihil faciatis nisi quod evitetis aliquas res, utpote carnes salsas,caseum, substc^ntiain
fCk> MÉMOIRES
aliments, tels que chairs salées, fromage, légumes, fruits de
substance dure, tels que châtaignes, poires, et ayez une grande
dévotion au glorieux Pierre de Luxembourg... »
Rentré à Avignon, Jean de Tournemire se procure une relique
de Pierre de Luxembourg et l'envoie à sa fille.
«... Le jour de la fête de Tous les Saints, on vient annoncer au
témoin que sa fille est au plus mal, ayant avorté. Le témoin très
troublé, avec l'assentiment de N. S. le Pape, quitte précipitam-
ment Avignon, et malgré la brièveté des jours, il fit à cheval, ce
jour-là, onze lieues. Le lendemain, vers les quatre heures, il
arriva chez lui, et trouva sa fille Marguerite très affaiblie. Mais
il ne s'arrêta pas à cette faiblesse, et voulut plutôt voir la mamelle
atteinte du cancer.
« Il trouva qu'il s'en écoulait un pus louable, sans fétidité, ce
qui n'est pas dans la nature du cancer. Il constata aussi que l'ou-
verture n'en était pas rongée, comme cela arrive dans le cancer.
A cette constation il voit là l'intercession divine... qu'en si peu
de temps cette induration cancéreuse se soit résoute en pus
louable, sans fétidité, et sans corrosion de l'orifice.... Et il se dit,
dans le for de sa conscience, que depuis quarante ans qu'il pra-
tiquait, il n'avait jamais vu guérir un cas semblable. Malgré les
remèdes il avait toujours vu les patientes mourir après un an, ou
un an et demi, ou deux ans au plus, avec écoulement d'un pus
fétide, rongeant tout le sein. Ce laps de temps écoulé, la mamelle
est complètement rongée et détruite, et cette action destructive
leg^uminum. fructus dure substantie, castaneas. pira, et habeatis in devotione glorio-
sissimum Petrum de Luxembourg....
Adveniente autem festo Omnium Sanctorum, fuit ipsi loquenti notificatum quod
dicta ejus filia maie stabat quoniam abortaverat. Ipse autem turbatus, petita a D. N.
[licentia], recessit de presenli civitate [Avenionensi], Et illa die, equitavit per
undecim leucas, non obstantibus brevibus diebus. In crastinum vero, circa quartam
horam, ad docnum suam applicuit et invenit dictam Margaritam Gliam valde debilem.
et non stetit in debilitate, sed potius voluit videre illam mamillam cancrosam.
Et invenit quod illasanies excolabatur in sanielaudabili non fetida, quod est contra
naturam canceri. Et invenit quod illa mamilla ab illo foramine non corrodebatur»
quod est etiam contra naturam canceri. Quibus visis et consideratis, hoc reputat a
Deo esse factum... quod in tam modico tempore illa durilies cancrosa fuit excolata.
in sanie laudabili, non fetida et sine corrosione in apertura... Et dixit, in foro
consciencie sue, quod quadraginta annis praticavit et non vidit aliquam similem
morbum patientem curari. Imo, non obstantibus remediisapplicatis, moriebatur infra
annum vel annum cum dimidio vel infra duos annos ad longius, cum expulsione
saniei fetidissime et corrosione ipsius mamille ; nam infra dictum tempus mamilla
est corrosa, comesta, ex qua comestione et ejus fetore intollerabili moriuntur.
Quapropier, quod quia ibidem non fuerit corrosio carnis que est de natyra cfincçrj
ÔE L ACADEMIE DE VAUCLUSE lOï
jointe à la fétidité du pus entraîne la mort des malades. C'est
pourquoi voyant que chez sa fille, non seulement la corrosion de
la chair, qui est la conséquence du cancer ulcéré, ne s'est pas
produite, mais encore que la guérison s'est effectuée en moins de
cinq semaines par l'application de remèdes anodins, il n'hésite
pas à voir là l'intervention divine...
« Interrogé pour savoir comment il s'est rendu compte qu'il
s'agissait d'une affection cancéreuse ou apôstéme, dit cancer, le
témoin a répondu que d'après la marche de l'affection il a jugé
que cet apostême était un cancer profond pour deux raisons :
premièrement, parce que l'induration avait seulement le volume
d'une noisette ; secondement, parce qu'elle n'était douloureuse
que lorsqu'on la palpait. Et ce sont les deux caractères propres
qui ne se trouvent pas dans les autres apostêmes flegmatiques,
sanguins ou cholériques. Mais ils se rencontrent spécialement
dans les apostêmes mélancoliques, engendrés par une matière
corrosive que les médecins nomment cancer. Ce cancer n'entraîne
la mort que lorsqu'il s'ouvre à l'extérieur. C'est pour cela
qu'Hippocrate a dit : « Il est préférable et plus sûr de n'user dans
« le cancer caché d'aucun traitement autre que le régime. » La
raison qui faisait ainsi parler Hippocrate, c'est qu'en traitant tels
apostêmes cancéreux par des onguents résolutifs, on hâte leur
ouverture et par conséquent la mort. Car une fois qu'il est
ouvert, le cancer est incurable, surtout au sein et en tout lieu
où il ne pourra être complètement excisé avec l'instrument tran-
chant. Au contraire, en tout lieu où l'excision avec l'instrument
tranchant pourra atteindre jusqu'à ses racines, le cancer est
curable.
ulcerati et fuerit curata infraquinque septimanas, applicandoaliqua remédia simplicia
et vivando jam supradicta cibaria, reputat donum spéciale Dei...
Interrogatus quomodo scit quod esset morbus cancrosus seu apostema dlctum
cancer, dixit quod ex modo adventus judicatipsum apostema esse cancerum abscon-
ditum ex duobus : primo ex duricie modica ad modum unius avelanne; secundo
quod non dolebat, nisi cum tangebatur in loco. Et iste sunt due conditiones sibl
proprie, que non sunt in aliis apostematibus flecmaticis, sanguineis et coloricis, sed
proprie insunt apostemati melancolico generato de natura materie aduste, quod
apostema cancer absconditus apud medicos dicitur. Talis cancer absconditus non
esse mortalis, nec moriuntur nisi dum venit ad aperturam ulcerosam. Propter quod
dixit Ypocrates : Melius est et tutius non curare cancerum absconditum quam
curare : sufficiat sibi bonitas regiminis.
Ratio Ypocratis fuit quod curando taie apostema cancerosum cum ungucntis
resolutivis festinat Ipsum ad aperturam, et inde facta apertura per corrosionem de
natura materie aduste, festinat ipsum ad mortem.
Nam cancer postquam est u]ceratus« infirmitas est incurabilis omnino, presertim
in mamilla et in omnl loco in quo non potest evelli radicitus cum rasorio. Nam in
loco in quo potest c vclli radicitus cum rasorio tune est curabili»*
XÙl MÉMOXRES DE l'aCADÉMIÉ DÉ VAITCLUSE
« Ainsi Razès rapporte dans son Continent, qu'à son époque
on tenta la cure d'un cancer ulcéré du sein. Il conseilla Texcision
complète de la mamelle avec l'instrument tranchant. La douleur
fut telle que la malade faillit en mourir. Mais comme elle était
malgré tout condamnée, du consentement de l'entourage, on
voulut tenter cette cure. Quelques ramifications du cancer exis-
taient dans l'autre sein qui ne furent pas enlevées avec l'instru-
ment tranchant. Aussi le cancer persévéra dans ce sein ; rapide-
ment il arriva à s'ulcérer et la malade mourut en moins d'un an.»
D' P. Pansier.
Verum Rasis récitât in suo Continenti quod suo tempore tentaverit curare cance-
rum ulceratum in mamilia et fuit consilium quod mamilla ex toto eradicaretur cum
rasorio. Et mulier pre dolore fuit in periculo mortis. Sed quia in brevi tempore erat
moritura, voluerunt tentare illam curam. de consensu amicorum. Et quia aliqua
capita canceri subintrabant aliam mamillam et non fuerunt radicata cum rasorio,
remansit dictus cancer in alia mamilla post paululum veniens ad corrosionem et inde
mortua est infra annum.
Les Amanites de la Provence.
Argentum atque aurum facile est lenamque togamque
Mittere ; boletos mittere difficile est.
Martial, Êpigr,, xlviii.
Les Amanites (du grec Amanos, montagne de Cilicie sur
laquelle poussaient ces champignons), sont des agarics pourvus
dans le jeune âge d'une enveloppe générale appelée volve, plus
développée suivant les espèces, et qui a valu à ces cryptogames
la dénomination d'agarics à bourse. Les enfants dans leur lan-
gage imagé, les désignent souvent sous cet état par le nom
significatif d'œuf dur.
Lors de l'accroissement, cette volve, ne suivant pas le dévelop-
pement du chapeau, se déchire et laisse des débris très visibles,
soit à la surface supérieure du chapeau, en forme de verrues ou
de plaques nettement distinctes de Tépiderme, et à la base du
pied, sous celle de lambeaux membraneux ou écailleux, soit sur
l'un de ces deux organes seulement.
Chapeau charnu à chair tendre, orbiculaire, régulier, convexe.
Il est tapissé, à la face supérieure, par une cuticule diversement
colorée et plus ou moins facilement séparable, lisse ou verru-
queuse, sèche, satinée, ou, au contraire, humide ou visqueuse,
souvent élégamment striée vers la marge ; les stries étant ordi-
nairement séparées par des sillons plus ou moins profonds.
Feuillets nombreux, putrescents, aigus sur la tranche, inégaux,
c*est-à-dire que deux lames entières sont séparées par un nombre
variable de lamelles et de lamellules. Ils sont entiers et non divi-
sés. Le plus souvent libres, rarement adnées, les lames sont
exceptionnellement décurrentes. Les spores sont ovoïdes ou
ellipsoïdes, grandes, hyalines, blanches*
Pied central, ordinairement distinct de la chaîr du chapeau, 11
104 MEMOIRES
est allongé, souvent atténué supérieurement, plus ou moins renflé
à la base, charnu ou farci d'une moelle soyeuse. Quelquefois nu,
le pied est entouré dans le plus grand nombre des espèces par
un anneau ou collier.
Les Amanites sont considérées, à juste titre, comme présen-
tant la culmination du type champignon. Elles sont terrestres et
croissent de préférence, en été et en automne, dans, les endroits
ombragés et les forêts humides ; plus rarement elles naissent sur
les friches et dans les prairies.
Il est aussi d'autres champignons munis d'une volve et qui
mériteraient d'être rangés parmi les Amanites, s'ils ne se distin-
guaient de ces dernières par des spores non blanches et diverse-
sèment colorées. Ainsi les spores sont roses dans les Volvaria,
rouilléesdans les Loçellina, noires, pourpres dans les Chitonia,
Sur une quarantaine d'espèces d'Amanites que compte la flore
française, trente se rencontrent en Provence. Leurs qualités bro-
matologiques varient beaucoup ; il en est d'une innocuité parfaite
et d'un goût exquis ; d'autres sont vénéneuses à un assez haut
degré. On a donc intérêt à bien les connaître, car les caractères
tirés de la chair, de la saveur ou de l'odeur varient suivant l'es-
pèce considérée, et quelquefois même, dans une même espèce,
suivant Tâge de l'individu.
On peut, avec mes regrettés maîtres Quélet et Forquignon,
diviser les Amanites en deux sections : Vaginaria et Peplophora^
suivant que l'anneau est oblitéré ou nul, ou qu'il persiste autour
du pied. D'ailleurs la présence ou l'absence d'un voile partiel est
un caractère de grande valeur par sa liaison intime avec le déve-
loppement embryogèniquc du champignon.
Il y aurait donc lieu d'établir aux dépens du genre Amanita un
sous-genre Vaginata comprenant les Amanites à volve très dis-
tincte, mais constamment privées d'anneau (Amanita vaginata, A.
strangulata, A. leiocephala, A, baccata, etc.). C'est à ce sous-genre
que correspondraient normalement les Volvaria parmi les Rho-
dosporées, et le Chitonia coprinus parmi les Pratelles. Un autre
sous-genre, celui des Peplophora, renfermerait les espèces ayant
un anneau ou une collerette autour du pied.
La table dichotomique des espèces de Provence peut s'écrire ;
DE l'académie de VAUCLUSÈ 10^
r. Pied orné d'un collier a
Pied nu, c'est-à-dire dépourvu de collier 25
2. Volve persistante, ordinairement bulbiforme et figurant comme une sorte de
petite coupe, du milieu de laquelle s'élôve le champignon. Dans ce cas le
chapeau est le plus souvent libre de tout débris de volve 3
Volve déhiscente circulairement près de sa base et ne laissant après sa chute
qu'une trace annulaire, un rebord plus ou moins prononcé, qui se remarque
au-dessus du renflement bulbeux terminant le pédoncule inférieurement. lo
Volve très friable, très fugace, ne laissant que des écailles ou des squames à la
base du pied. (Ici, comme dans le groupe précédent, le chapeau après la
rupture de la volve, emporte la presque totalité de celle-ci qui, plus ou moins
adhérente, est bientôt divisée par l'extension de l'hyménophore, en petites
masses de formes différentes que l'on appelle verrues.) ai
3. Chapeau toujours sensiblement strié à la marge 4
Chapeau lisse à la marge ou légèrement strié étant vieux 6
4. Feuillets d'un beau jaune d'or; chapeau cuivré ou jaune orangé, pied jon-
quille A.caesarea.
Feuillets blancs 5
5. Chapeau épais lubréfié, floconneux et excorié au bord, se tachant de rougo
vineux â l'air »... A. coccola.
Chapeau aréole crevassé, couvert de mèches fauves A. lepiotoides.
6. Chapeau diversement coloré 7
Chapeau blanc g
7. Chapeau gris bistré ou roux, jaunâtre, purpurin A. porphyria.
Chapeau blanchâtre, jaune verdâtre ou olive A.virescens^
8. Chapeau conique campanule, jamais déprimé au centre; pied plus ou moins
fortement squamuleux-écailleux ^. virasa.
Chapeau hémisphérique, étalé ou déprimé au centre; pied glabre ou gla-
briuscule g
9. Chapeau très charnu, non visqueux, hémisphérique, sans odeur, saveur
agréable ; pied plein A, ovoidea*
Chapeau peu charnu, visqueux, odeur vireusc, saveur acre; pied farci, puis
creux A. v$ma*
lo. Chair jaune ou jaunâtre sous la cuticule du chapeaUi « . < < 4 ^ . « \\
Chair blanche sous la cuticule du chapeau. «.<«.<«< 4 < « . 16
I. Chapeau oratigé ou rouge sanguin * . * é . . . . , , la
Chapeau non orangé ni rouge sanguin^ 4 < « <«.....«< « i3
J
ro6 % MÉMomes
12. Chapeau rouge sanguin A, muscaria'
Chapeau jaune d'or ou orangé ; verrues nulles; espèce petite. . A. auréola.
i3. Chapeau jaune cltrin ou jonquille 14
Chapeau couleur feuille morte, gris souris, brun 16
I4. Anneau caduc, blanc ou grisâtre ; marge striée i5
Anneau persistant, jaune citrin; marge non striée. . . . * . A. ciirina.
i5. Chapeau jonquille pAle ; pied floconneux A. junquilUa,
Chapeau incarnat, purpurin, lilacin; pied strié au sommet. . . A. Eliat.
16. Chapeau à marge striée, au moins étant adulte 17
Chapeau À marge toujours lisse 18
17. Volve rompue au-dessus du bulbe et paraissant former, à la base du pied, comme
un deuxième collier; chapeau visqueux couvert de petites verrues blanches
assez persistantes A. pantàertna.
Volve ne laissant à la base du pied qu'un simple rebord membraneux nettement
circonscrit; chapeau sec, couvert de verrues moins nombreuses. A recutita.
Pied couvert, entre le bulbe et le collier, d'écaillés épaisses généralement dispo-
sées en cercles concentriques (partie) A. ampia,
18. Verrues fortes, peu nombreuses, dures, anguleuses et très adhérentes.
A. strolHliJormis ,
Verrues petites, très nombreuses, aiguès À, echinocephala»
Verrues membraneuses ou farineuses , -19
19. Bulbe radiqueux; chapeau blanc, puis gris perle; pied pelucheux. A, solitària.
« Bulbe non radiqueux 90
30. Chapeau blanc, luisant, humide, souvent nu, ou avec la cuticule citrine ou
blanc citrin marquée de plaques floconneuses d'un brun café. . A. mappa.
Chapeau gris ou fuscescent (partie) «... A. antpla*
31. Chair du chapeau et du pied rougissant au contact de Tair. ... A. rubenê*
Chair ne rougissant pas étant brisée. 2a
as. Chapeau plus ou moins strié à la marge; collier et feuillets ne se tachant pas de
brunâtre étant blessé» (partie) A. ccriosa.
Chapeau lisse À la marge • < • . a3
33. Chair jaunissant oti brunissant sous l^épiderme du chapeau. . . A. aéperd.
Chair blanche sous l'éplderme du chapeau. ..<...*.«. 34
ft4. Verrues farineuses* chair molle (partie). .. i ..... . A, Cariosa»*
Verrues fermes, petites^ adhérentes; chair ferme } chapeAu bruh. é , A. spissa.
DÉ l'académie dé vaucluse 107
liS. Chapeau lisse a6
Chapeau plus ou moins strié 28
06. Chapeau blanc A. leiocephala.
Chapeau blanchâtre, lavé de fauve roussâtre 37
27. Spore pruniforme, ellipsoïde (0—01 3-1 5) A.baccata,
Spore pluç allongée A.Boudieri.
38. Pied fistuleux 39
Pied plein; chapeau orangé, jaune orangé ou rouge, moucheté de verrues flocon-
neuses et blanches A. gemmata.
39. Chapeau sans squames A.vagitïata:
Chapeau squameux A.strangulata,
I. Amanite oronge; Oronge vraie ; Amanita caesarea ScopoW, FI.
Carn. II, p. 419; aureus G. Bauhin; aurantius Bulliard, 1. 120.—
Nom prov. : Royal, Coucoun, à Nice; Dagourido, Toulon.
Pied farci d'une moelle soyeuse,
cotonneux, jonquille doré, ainsi
que l'anneau large et strié. Voile
membraneux, épais, tenace et
blanc. Chapeau convexe, puis plan
(0"oi-i5), nu, lubrifié, orangé, ç\us
ou moins rouge ou jaune ; marge
droite et striée. Chair ferme, jaune
sous Tépiderme, parfumée et sa-
pide. Lamelles libres, jonquille
doré. Spore (o"»"o 12) ovoïde, ocel-
Flg. I. — Amanite Oronge, lée.
Été-automne. A terre dans les sols siliceux, surtout sous les
châtaigners. Toute la Provence, mais rare. Comestible très
estimé, bien supérieur à TAmanite ovoïde. Ses qualités bromato-
logiques étaient connues des anciens. On Ta appelé avec raison
le meilleur des champignons : on sait que Tempereur Claude Tai-
mait avec passion, et qu'Agrippine causa sa mort en versant du
poison dans un plat de ces Amanites. Jamais d'ailleurs cette
idS MÉMOfRÉS'
espèce n'a causé aucun accident et elle est appréciée de touS
comme un mets délicat, « un mets des dieux » comme l'appelait
Néron. Les botanistes ont consacré ces souvenirs par le nom
donné à ce champignon : Amanite des Césars.
2. Amanite Coccola; Amanita coccola Scopoli, Carn. II, p. 429;
regia Pries. — Nom prov. : Lera, à Nice.
Blanc. Pied long [©""i-iS), épais, farci d'une moelle cotonneuse,
strié au-dessus d'un anneau floconneux, souvent oblitéré et fur-
furacé floconneux en dessous ; bulbe napiforme radicant. Voile
ample, épais, villeux, blanchâtre, puis chamois. Chapeau convexe
{o"o6-io), épais, lubrifié ; floconneux et excorié au bord, se tachant
à l'air de rose vineux. Chair compacte, sapide, blanche, rougis-
sant à Vair. Lamelles libres, farineuses au bord, blanc crème, à
reflet verdâtre (couleur de cire pâle) et rougissant au toucher.
Spore ovoïde ou ellipsoïde (o*"oi-ï4), guttulée blanc hyalin.
Été-automne. Terrains secs et arides des bois, surtout de
chênes, dans toute la région méditerranéenne, dont elle est
caractéristique. A les mêmes propriétés alimentaires que l'Ama-
nite ovoïde, à laquelle elle ressemble beaucoup et dont elle
diflfere surtout par les fines stries qui se remarquent sur les bords
du chapeau, par le pied farci au lieu d'être plein, par la nuance
des lamelles et surtout par la teinte rosée qu'il prend à l'air.
Quélet [Assoc. franc., 1886, p. i, pi. IX, fig. i) décrit une forme de
ce champignon sous le nom de Am. Coccola Scop., var. Barlae.
Toute la Provence, mais généralement plus rare que A. ovoïdea.
3. AmamiTS lêwote ; Amanita lepiotoides Barla, Fl. myc.,t. VIII,
f. 1-8.
Chapeau aféolé crevaâsé, couvert de mèches jaures formées aux
dépens de la couche Inférieure du voile et adhérentes à la cuticule
par tirte dessicatlon rapide qui a empêché le glissetnent du volva
et â produit à la fin des aréoles cfevassées ofi'rant l'aspect d'un
chapeau de lepiotai
DE l'académie de VAUCLUSE fO^^*
Printemps. Alpes-Maritîmes; sur les terrains siliceux : Mont-
daour. N'est pour Quélet qu'un lusus de coccola. Beaucoup d'autres
espèces offrent ces formes curieuses ou lusus météoriques sous
l'influence des changements brusques de température.
Barla dit : « Ce champignon a toujours été récolté au môme
endroit. » Cette particularité expliquerait la constance des carac-
tères qui ont motivé son élévation au rang d'espèce, mais ce fait
viendrait à l'appui de la thèse de Quélet qui voit là une forme
anormale, due à des influences météoriques.
4. Amanite porphyre ou pourprée ; Amanita porphyria Albertini
et Schweinitz; Agaricus bulbosus Mb. et Sch.,t. II, f. i.
Pied grêle, farci, puis creux, villeux et blanc, légèrement chiné
de gris violacé, à bulbe globuleux et petit; anneau espacé, ténu,
blanc, transformé de bonne heure en une pellicule bistre noirâtre,
appliquée sur le pied. Voile mince, marginé, blanc ou roussàtre.
Chapeau campanule, puis plan (o^oS-yj, humide, gris bistré avec
un reflet lilacin, quelquefois roux, jaunâtre, purpurin, nu; marge
unie, rarement substriée. Chair mince, tendre, blanche, à odeur
vireuse. Lamelles adnées, serrées, molles, ténues et blanches.
Spore sphérique (o""oi) ocellée.
Juillet-août. Alpes-Maritimes, régions montagneuse et alpine :
bois du Ferguet, Cairos. Rare. Est suspecte. Sans l'anneau elle
pourrait être confondue avec quelques-unes des nombreuses
variétés de vaginata.
5. Amanite verdatre ; Amanita virescens Vaillant. Bot., t. 14, f. 5;
bulbosus Bulliard, t. 2; viridis Persoon; Wro5W5 Vittadini ;
phalloides Pries, var. pileo-pallide-viridi ; Saccardo, V, p. 9. —
Nom prov. : Lera verda, Lera verda picoutada à Nice.
Pied farci d*une moelle soyeuse, bulbeux, floconneux et blanc ;
anneau ample, mince, blanc verdoyant ou bistré. Voile mem-
braneux, blanchâtre, jaunâtre ou verdatre en dedans. Cha-
peau ovoïde, puis étalé (o*"!), finement rayé par des fibrilles
soyeuses innées, un peu visqueux, blanchâtre, jaune verdatre ou
1 10 MEMOIRES
olive, rarement recouvert de larges lambeaux membraneux;
marge unie. Chair blanchâtre, insipide, à odeur vireuse pronon-
cée. Lamelles libres, ventrues, blanches avec une teinte verdâtre.
Spore sphérique (o""©!).
Été-automne. Bois humide de nos montagnes. Alpes-Mariti-
mes : Le Ferghet, la Maïris, Tende, etc. Vénéneux.
L'Amanite verdâtre, A. phalloïde, Oronge ciguë verte pour-
rait être confondue avec les Russules vertes, telles que les Russula
virescens, R, heterophylla, qui sont des espèces comestibles des
plus recommandables. La distinction est importante au point de
vue bromatologique, car TAmanite verdâtre est, avec V Amanite
citrine, le plus redoutable des champignons. La distinction sera
facile si Ton se rappelle queTAmanite verdâtre a un anneau et un
étui à la base du pied, pièces qui manquent aux Russules vertes.
Cette espèce présente un certain nombre de variétés basées
suftout sur le changement de teinte du chapeau. J'ai observé en
Provence la variété blanche [alba, assez rare. Var ; Entrecosteaux)
et la variété fauve {fulva, bois de Pichauris).
6. Amanite vireuse; Amanita virosa Pries. — Nom prov. : Lera
b lança picoutada, Nice.
Pied blanc, plein, atténué de bas en haut, couvert au-dessous
du collier depeluchures plus ou moins fortes. Collier blanc, fine-
ment strié supérieurement, lâche, frangé sur les bords. Chapeau
charnu pointu-conique, puis un peu étalé (o^oS-S), jamais déprimé
au centre, humide et môme visqueux ou glutineux, luisant, blanc
parfois gris-jaunâtre au sommet, couvert dans la jeunesse des
débris de la volve. Chair blanche ; odeur forte, vireuse. Lamelles
blanches, libres, assez nombreuses, linéaires-lancéolées.
Printemps-été. Dans les bois. Solitaire. Alpes-Maritimes, régions
montagneuse et alpine : Mont,daour, la Bollène, etc. Très
vénéneuse. Quélet en fait un synonyme de verna.
7. Amanite ovoïde ou Oronge blanche; Amanita ovoidea Bul-
liard; Agaricus ovoideus-albus Bulliard, t. .%4; alba, Persoon.
— Noms prov. : Lera blancoFarinet, èiNïce; Coucoumello, Apt;
Coucoumèu, Lambesc; Pignendi blanc, Peynier; Farinouso,
Fontvieille; Gros blanc, Pertuis, etc.
DE L*ACADéMIE DE VAUCLUSE II f
Tout blanc. Pied pleitij, gros, ferme, épaissi à la base, flocon-
neux, farineux; anneau très ample, glabre en dessus, écailleux
floconneux en dessous, se désagrégeant souvent en fragments
floconneux. Voile membraneux, persistant et blanc. Chapeau
convexe plan (o'"i-2), nu, humide; marge unie, floconneuse. Chair
inodore, agréable au goût. Lamelles serrées, larges, libres, denti-
culées,blanc hyalin, puis crème. Spore ovoïde (o~oi2-i5), allon-
gée guttulée.
Se montre communément après les premières pluies de Tété
dans toute la Provence ; elle vit dans les clairières de nos bois
de pins par petits groupes ; plus rarement elle est solitaire.
On la mange partout. Elle constitue un aliment assez délicat,
mais manquant un peu de parfum. L'anneau se résout en
particules blanches, ce qui fait paraître le haut du pied comme
farineux et justifie les qualificatifs de farinaccio et de farinouso
donnés en Toscane et dans certaines communes de la Provence.
i Bien prendre garde de ne pas récolter parmi les petits individus
de cette grosse espèce, — qui par son pied d'au moins de deux à
trois centimètres est toujours facilement reconnaissable, —
l'Amanite vireuse que Ton pourrait peut-être confondre avec
elle.
8. Amanite printanière ; Oronge printanière. Oronge blanche ;
Atnanita verna Lamarck; bubosusvernus Bulliard,t. io8; Atn,
bulboza alba Pers.; Am. venenatus Roques; Wro5M5 Pries ;
vernus De Candolle ; bulbosa alba Persoon ; venenatus Roques;
Am, vernalis Roum. et Gillet. — Nom prov. : Leva blanca
picoutada, à Nice.
Blanc. Pied farci, puis creux, ovoïde à la base, floconneux;
anneau strié en dessus, farineux en dessous. Voile membraneux,
mince, en fourreau et blanchâtre. Chapeau convexe, puis étalé,
légèrement déprimé, un peu visqueux, nu, blanc de neige, pre-
nant une teinte ocracée au centre. Chair mince, humide et acre, à
odeur de safran (Vittadini). Lamelles libres, élargies en avant,
blanc crème, pulvérulentes sur Tarète. Spore ovoïde (o""oi2),
ponctuée.
Printemps-été. Bois arénacés et humides. Alpes-Maritimes,
région montagneuse : Montdaour, bois de la Maïris, etc. Très
VÉNÉNEUSE. Ressemble à Amanita junquillea. Pour Gillot et
Lucand Amanita verna et Amanita junquillea seraient peut-être
des races régionales d'une même espèce.
112
XEX •:3izs
:c Fausse 0»:^'G£ A'^^k::^
*» *^^- o^ G:::~ Rd'r : .A. rvf
— - - **
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
UZ
Gard (MM. de Seynes et Planchon). Les Sœurs de charité de
Thospice de Saint-Germain-en-Laye en mangent une grande
quantité (Eloffe). Mérat a vu des soldats en consommer beau-
coup sans être incommodés.
En Provence, la fausse Oronge est fort rare, et on ne Ta guère
signalée que sur quelques points des Alpes-Maritimes et de
Vaucluse. Prise en assez grande quantité, elle agit sur le sys-
tème nerveux en produisant le plus souvent une sorte d'ébriété.
Les Kamtschadales en retirent une boisson fermentée avec
laquelle ils se grisent, et comme les propriétés enivrantes sont
transmises à Turine de Tivrogne, il en résulte que celle-ci est
précieusement recueillie et peut servir ainsi plusieurs fois à pro-
duire rivresse convoitée.
Comme il est très important de ne point confondre la fausse
Oronge [vénéneuse] avec TOronge vraie [comestible excellent), voici
les caractères distinctifs :
La fausse Oronge est d'abord
renfermée dans une sorte de
bourse ou volve incomplète qui
se crevasse en polygones sur
toute sa surface ;
Le chapeau est d'un rouge
vermillon, humide, un peu vis-
queux, à bords striés, et le plus
souvent parsemé à sa surface de
verrues blanches ou jaunâtres ;
Les lamelles sont blanches;
Le pied est blanc cylindrique,
terminé à sa base par un bulbe
plus ou moins gros qui con-
serve des débris de la volve en
forme d'écaillés disposées cir-
culairement;
L'anneau est blanc, large, ra-
battu et finement strié ;
L'odeur est légèrement vi-
reuse ou nulle.
L'Oronge vraie est d'abord
renfermée dans une sorte de
sac membraneux ou volve corn-
plète ;
Le chapeau est d'un rouge
orangé, à surface sèche, lisse,
satinée, à bords striés, à épi-
derme dépourvu de verrues,
mais conservant quelquefois
des débris de la volve sous for-
me de plaques blanches et irré-
gulières ;
Les lamelles sont d*un jaune
doré ;
Le pied est jaune, cylindri-
drique,unpeu aminci en pointe
à sa base et entouré d'une volve
ample, blanche, entière;
L'anneau est yawfie, large, ra-
battu et strié.
L'odeur est agréable,
ÎM MÉMOIRES
Cette espèce comporte plusieurs variétés :
Puella : plante ordinairement plus petite; chapeau nu.
Sanguinea : chapeau rouge sanguin ; verrues blanches, assez
régulières.
Formosa Persoon ; Royal rçuge, à Nice : pied long, floconneux,
jaunissant. Chapeau orangé fauve, moucheté de verrues crème
citrin. Bois des Alpes-Maritimes.
Tomentosa : pied plus ou moins tomenteux ou peluché au-
dessous du collier.
Ces variétés sont vénéneuses comme le type.
10. Amanite jaune d*or; Amanita auréola Kalchbrenner ; musca-
rius, var. puella Persoon. —Nom prov. : Lera roussa, Nice.
Pied élancé, long de 0,10-12 cent., épais de 9-i5"", cylindrique,
plus ou moins allongé, grêle, squamuleux, floconneux, plein puis
creux blanc jaunâtre. Chapeau peu charnu, campanule, étalé,
visqueux (o"o6^), jaune d or ou orangé, nu ou parsemé de quel-
ques fragments de volve ; marge plus claire ou jonquille, striolée.
Anneau membraneux, rupère concolore au pied. Lamelles libres,
arrondies à la marge, blanches. Volve adnée à limbe plus ou
moins libre, fugace. Odeur et saveur faibles. Spore sphérique.
Automne. Dans les bois humides et ombragés, surtout ceux
de conifères. Alpes-Maritimes, région montagneuse : Montdaour,
la BoUène, sous les sapins. Claus. la Mains, le Ferguet, San-
Romolo. Ceriana près San-Remo. Rare. Vénéneuse.
N*est probablement qu*une forme de muscaria.
II. A.manite citrine; Amanita citrinj Schasfler: fw/fro^i/sBulliard,
t. 577. f. G. H. M. ; citrinoalhus Viltadini : stramineus Scopoli ;
mappa Pries, Vittadini, t. II ; venenosa Persoon ; phalloUes
Fries> var. pileo-Jlavo, — Nom. prov. : Lera rot^ssa picoutada,
à Nice.
Pied farci d'une moelle, ferme, blanc, lavé de citrin : bulbe
globuleux; anneau ample, mince, fmement strie, blanc, citrin
pâle en dessous. Voile margine membraneux, floconneux, fugace,
DE l'académie de vaucluse ii5
blanc, citrin ou fuligineux. Chapeau hémisphérique puis étalé
(o"!), glabre, luisant, humide, jaune serin ou blanc à reflet citrin,
recouvert de flocons blancs ou citrins ; marge unie. Chair blan-
che, citrine sous la cuticule, amère, nauséeuse ; odeur de rave.
Lamelles serrées, blanches avec Varéte citrine. Spore sphérique
(o-^ooS).
Automne. Bois sablonneux. Alpes-Maritimes, région monta-
gneuse : Braus, le Ferghet, Berra, la Mairis, Montdaour, etc.
Très vénéneux.
12
Amanite jonquille; Amanita junquillea Quélet, BulL soc, bot,
de France, 1876, p. 824, t. 3, f. 10 et FI. mycol., p. 3o8.
Pied farci d'une moelle soyeuse, floconneux, blanc, à bulbe
ovoïde ; anneau blanc, caduc, ordinairement déchiré et suspendu
à la marge. Voile mou, déchiré, plus ou moins marginé, blanc.
Chapeau campanule convexe (o^oS-ô), un peu visqueux, jonquille
pâle, parsemé de plaques floconneuses d'un blanc de neige ou
plus rarement nu ; marge striée sillonnée, blanc crème. Chair
molle, humide, douceâtre, blanche, jaunâtre sous la cuticule
séparable. Lamelles serrées, décurrentes en filet, élargies en
avant, blanches ou blanc crème. Spore ovoïde sphérique (o^^oi -12).
Été-automne. Bois sablonneux. Alpe3-Maritimes, régions mon-
tagneuse et alpine : bois de la Fraccha. Rare. Comestible.
Pour Barla cette espèce ressemble beaucoup à la forme grêle
de V Amanita auréola et aussi à Am, citrina. D'après Gillot et
Lucand, A. junquillea et A. verna seraient peut-être deux races
régionales d'une même espèce.
i3. Amanite d'Elias ; Amanita Eliae Quélet, Jura et Vosges, t. 23,
f. I.
Pied farci d'une moelle soyeuse, grêle, floconneux, strié au
sommet et anneau mince, plissé, blancs de neige. Voile en four-
reau étroit, floconneux farineux, /z/^wzc^, grisâtre. Chapeau cam-
panule, puis plan (o°'o5-6), rarement couvert de lambeaux flocon-
neux et gris chocolat, humide, satiné, incarnat purpurin ou lila-
j
112
MEMOIRES
9. Amanite tue-mouches ou Fausse Oronge (Amanita muscaria
Linné); Agaricus nobilis Boit: Ag. psetido-^iurantiacus Bul-
liard, t. 122 ; Amanita Jormosa Gonn. Rab. ; A, puella Gonn.
Rab. — Nom prov.: Faus coucoun. Royal picotitai, Royal rouge,
Real velenous, à Nice.
Pied gros, â moelle soyeuse, strié au sommet, blanc ou teinté
de citrin, à bulbe entourée d'une marge floconneuse et zonée ;
anneau lâche, substrié, blanc, floconneux et teinté de citrin en
dessous. Chapeau convexe plan (o'"i2;, visqueux, nacarat, orangé ;
plus rarement jaune d'or ou rouge vif et parfois fauve ou brun,
brillant, parsemé de flocons membraneux, épais, blancs ou citrin
pâle ; marge finement striée. Chair blanche, jaune clair sous la
cuticule, douceâtre ou insipide, salée (Bertillon), inodore. La-
melles libres, épaisses, finement denticulées, blanches ou un peu
jaunâtres. Spore ovoïde sphérique (o^^ooy^.
Été-automne. Solitaire, dans les bois montueux. Alpes-Mariti-
mes, régions montagneuse et alpine : les bois de Lamaïris, du
Ferguet, de Clans, à Tende, Mondaour. Très vénéneuse. On ne
pourrait la confondre qu'avec Caesarea, mais son chapeau est
verruqueux, ses lames et son pied blancs et il n'y a pas de volve
en forme de bourse.
Cette magnifique espèce doit
son nom spécifique à l'action
funeste qu'elle exerce sur les
mouches. Ces insectes vont se
poser sur ce champignon, dont
l'odeur les attire, mais ils n'ont
souvent pas le temps de s'en-
voler et meurent sur place. Cette
propriété est utilisée en Russie.
Son action sur l'homme et sur
les vertébrés supérieurs est na-
turellement moins prononcée,
c'est ainsi que Bulliard a pu
manger deux onces de cet Aga-
ric sans inconvénient. L'ébuUi-
tion prolongée fait disparaître
Fig. a. — Amanite tue-mouches.
le principe nocif, aussi l'Amanite tue-mouches est-elle consommée
en Russie et dans certaines communes de la Lozère et du
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
Il3
Gard (MM. de Seynes et Planchon). Les Sœurs de charité de
l'hospice de Saint-Germain-en-Laye en mangent une grande
quantité (ElolTe). Mérat a vu des soldats en consommer beau-
coup sans être incommodés.
En Provence, la fausse Oronge est fort rare, et on ne Ta guère
signalée que sur quelques points des Alpes-Maritimes et de
Vaucluse. Prise en assez grande quantité, elle agit sur le sys-
tème nerveux en produisant le plus souvent une sorte d'ébriété.
Les Kamtschadales en retirent une boisson fermentée avec
laquelle ils se grisent, et comme les propriétés enivrantes sont
transmises à l'urine de Tivrogne, il en résulte que celle-ci est
précieusement recueillie et peut servir ainsi plusieurs fois à pro-
duire rivresse convoitée.
Comme il est très important de ne point confondre la fausse
Oronge (vénéneuse) avec TOronge vraie (comestible excellent), voici
les caractères distinctifs :
La fausse Oronge est d'abord
renfermée dans une sorte de
bourse ou volve incomplète qui
se crevasse en polygones sur
toute sa surface ;
Le chapeau est d'un rouge
vermillon, humide, un peu vis-
queux, à bords striés, et le plus
souvent parsemé à sa surface de
verrues blanches ou jaunâtres ;
Les lamelles sont blanches;
Le pied est blanc cylindrique,
terminé à sa base par un bulbe
plus ou moins gros qui con-
ser\'e des débris de la volve en
forme d'écaillés disposées cir-
culairement;
L'anneau est blanc, large, ra-
battu et finement strié ;
L'odeur est légèrement vi-
reuse ou nulle.
L'Oronge vraie est d'abord
renfermée dans une sorte de
sac membraneux ou volve com-
plétez-
Le chapeau est d'un rouge
orangé, à surface sèche, lisse,
satinée, à bords striés, à épi-
derme dépourvu de verrues,
mais conservant quelquefois
des débris de la volve sous for-
me de plaques blanches et irré-
gulières ;
Les lamelles sont d'un jaune
doré ;
Le pied est jaune, cylindri-
drique, unpeu aminci en pointe
à sa base et entouré d'une volve
ample, blanche, entière ;
L'anneau est jaune, large, ra-
battu et strié.
L'odeur est agréable.
ÏÎ4 MEMOIRES
Cette espèce comporte plusieurs variétés :
Puella : plante ordinairement plus petite; chapeau nu.
Sanguinea : chapeau rouge sanguin ; verrues blanches, assez
régulières.
Formosa Persoon ; Royal rçuge, à Nice : pied long, floconneux,
jaunissant. Chapeau orangé fauve, moucheté de verrues crème
citrin. Bois des Alpes-Maritimes.
Tomentosa : pied plus ou moins tomenteux ou peluché au-
dessous du collier.
Ces variétés sont vénéneuses comme le type.
lo. Amanite jaune d*or; Amanita auréola Kalchbrenner ; tnusca-
rius, var. puella Persoon. —Nom prov. : Lera roussa, Nice.
Pied élancé, long de 0,10-12 cent., épais de g-iS""", cylindrique,
plus ou moins allongé, grêle, squamuleux, floconneux, plein puis
creux blanc jaunâtre. Chapeau peu charnu, campanule, étalé,
visqueux (o"o6^), jaune d'or ou orangé, nu ou parsemé de quel-
ques fragments de volve ; marge plus claire ou jonquille, striolée.
Anneau membraneux, rupère concolore au pied. Lamelles libres,
arrondies à la marge, blanches. Volve adnée à limbe plus ou
moins libre, fugace. Odeur et saveur faibles. Spore sphérique.
Automne. Dans les bois humides et ombragés, surtout ceux
de conifères. Alpes-Maritimes, région montagneuse : Montdaour,
la BoUène, sous les sapins. Claus, la Maïris, le Ferguet, San-
Romolo, Cerianaprès San-Remo. Rare. Vénéneuse.
N'est probablement qu'une forme de muscaria.
II. Amanite citrine; Amanita citrina Schaefler; ftt//fto5W5Bulliard,
t. 577, f. G. H. M. ; citrinoalbus Vittadini ; stramineus Scopoli ;
mappa Pries, Vittadini, t. II; venenosa Persoon; phalloïdes
Pries, var. pileo-flavo. — Nom. prov. : Lera roussa picoutada,
à Nice.
Pied farci d'une moelle, ferme, blanc, lavé de citrin ; bulbe
globuleux; anneau ample, mince, finement strié, blanc, citrin
pâle en deçsous. Voile marginé membraneux, floconneux, fugace,
DE l'académie de vaucluse ii5
blanc, citrin ou fuligineux. Chapeau hémisphérique puis étalé
(o"!), glabre, luisant, humide, jaune serin ou blanc à reflet citrin,
recouvert de flocons blancs ou citrins ; marge unie. Chair blan-
che, citrine sous la cuticule, amère, nauséeuse; odeur de rave.
Lamelles serrées, blanches avec V arête citrine. Spore sphérique
{©""ooS).
Automne. Bois sablonneux. Alpes-Maritimes, région monta-
gneuse : Braus, le Ferghet, Berra, la Mairis, Montdaour, etc.
Très vénéneux.
12. Amanite jonquille; Amanita junquillea Quélet, Bull. soc. bot.
de France, 1876, p. 824, t. 3, f. 10 et FI. mycoL, p. 3o8.
Pied farci d'une moelle soyeuse, floconneux, blanc, à bulbe
ovoïde ; anneau blanc, caduc, ordinairement déchiré et suspendu
à la marge. Voile mou, déchiré, plus ou moins marginé, blanc.
Chapeau campanule convexe (o^oS-ô), un peu visqueux, jonquille
pâle, parsemé de plaques floconneuses d'un blanc de neige ou
plus rarement nu ; marge striée sillonnée, blanc crème. Chair
molle, humide, douceâtre, blanche, jaunâtre sous la cuticule
séparable. Lamelles serrées, décurrentes en filet, élargies en
avant, blanchesou blanc crème. Spore ovoïde sphérique (o""oi -12).
Été-automne. Bois sablonneux. Alpes-Maritimes, régions mon-
tagneuse et alpine : bois de la Fraccha. Rare. Comestible.
Pour Barla cette espèce ressemble beaucoup à la forme grêle
de V Amanita auréola et aussi à Am. citrina. D'après Gillot et
Lucand, A. junquillea ei A. verna seraient peut-être deux races
régionales d'une même espèce.
i3. Amanite d'Elias ; Amanita Eliae Quélet, Jura et Vosges, t. 23,
f. I.
Pied farci d'une moelle soyeuse, grêle, floconneux, strié au
sommet et anneau mince, plissé, blancs de neige. Voile en four-
reau étroit, floconneux farineux, fugace, grisâtre. Chapeau cam-
panule, puis plan (^"oS-ô), rarement couvert de lambeaux flocon-
neux et gris chocolat, humide, satiné, incarnat purpurin ou lila-
ij6
MÉMOIRES
cin; marge sillonnée et blanche. Chair tendre, sapide et blanche.
Lamelles atténuées adnées, blanches. Spore ovoïde (o—oiS),
ponctuée.
Été-automne. Bois sablonneux et ombragés. Vaucluse, vallon
de Regallon, dans le Luberon. Alpes-Maritimes, région monta-
gneuse : Montdaour. Rare. Comestible ?
14. Amanite panthère ; Anuznita pantherina de Candolle, FI. fr.,
VI, p. 52; Vittadini, Fung. mang., t. Sg; macwte/w5 Schœffer,
t. 90; cinereuSj Juliginosus et herpeticm Roques; verrucosus et
umbrina Persoon ; cinerea Krombh. — Nom prov. : Lera
negra, Lera bruna picoutada, à Nice.
Pied à moelle soyeuse, blanc,
à bulbe globuleux, glabre, en-
touré d'une marge membra-
neuse, étroite, blanche et sou-
vent d'un bracelet très rappro-
ché ; anneau mince, strié et
blanc. Chapeau convexe plan
(o^i), visqueux, puis lustré, gris
bistré clair, blanchâtre, paille,
fuligineux ou olivâtre, plus
foncé au centre, quelquefois
brun ou châtain, orné de flocons
farineux, serrés et blancs; marge
profondément sillonnée, canne-
lée. Chair mince, humide, blan-
che, insipide, odeur vireuse. La-
melles arrondies vers la marge,
adnées en fllet. Spore ovoïde
allongée (o'"'"oi-i2).
Fig. 3. — Amanite panthère.
Été-automne. Bois montueux. Assez rare. Alpes-Maritimes,
régions littorale et montagneuse : Cagnes, Villeneuve, bois de
TEstérel et de la Fraccha, Campargen, Saint-Colomban, etc. Var :
Entrecasteaux. Très vénéneuse.
bÊ l'académie DE' VAUCLUSE Xtf
i5. Amanite déchirée; Amanita reculiia Fries, Hym. Europ.,
p. 19; bulbosus Bulliard, t. 577, f. E. F. ; gracilis Schum ;
phalloïdes Secretan ; tomentella Krombh.
Pied atténué en haut, soyeux, blanc chiné de gris, lilacin, à
bulbe arrondi et gros ; anneau distant et blanc. Voile grisâtre
bistré, à peine marginé. Chapeau convexe puis plan (o""!), soyeux,
bistre violacé, le plus souvent tacheté par des lambeaux farineux
et blanchâtres. Chair blanche, peu épaisse; odeur désagréable;
saveur d*abord douceâtre, puis acre. Lamelles décurrentes en
filet, blanches. Spore sphérique (o^^oi).
Été-automne. Bois de conifères sablonneux. Alpes-Maritimes,
région alpine : Borrometta. Très vénéneuse.
Quélet voit dans cette espèce une simple variété d'Amanita
porphyria.
16. Amanite ample; Oronge élancée; Amanita amp la Persoon,
Syn, p. 255; excelsus Fries ; pustulatus Scopoli. — Nom prov. :
Lera bruna picoutada, à Nice.
Pied farci d'une moelle soyeuse, épais, long, grisâtre, à bulbe
déprimé, globuleux, entouré de zones floconneuses ; anneau
ample, déchiré et blanc. Chapeau globuleux, puis plan (0"i5),
ondulé, rugueux, visqueux, gris roux ou bistre, finement rayé
par un chevelu inné, bistré noirâtre, tacheté de plaques farineuses
grisâtres et très caduques ; marge lisse, puis sillonnée et plus
claire. Chair molle, blanche; saveur agréable, odeur vireuse.
Lamelles libres, très larges et blanches. Spore ovoïde sphérique
(G""©!).
Automne. Bois montueux. Alpes-Maritimes, région monta-
gneuse : Berra, Luceram, bois de la Maîris, etc. Vénéneuse.
Voisin de pantherina, le chapeau a la môme couleur, mais il
n'est pas strié, il est finement rayé par un chevelu inné. Les
lames sont libres, très larges, elles sont adnées dans pantherina,
qui a en outre le pied glabre, tandis qu'il est écailleux, flocon-
neux dans ampla. Les verrues grisâtres et farineuses sont extrê-
mement caduques.
Est à pantherina ce qUe Lepiota procerj est à graciletitaé
ïr8 MÉMOIRES
17. Amanite POMME DE PIN ; Amanita strobiliformis, Paulet, Champ.,
t. 162, f. I ; solitarius Bulliard, t. SgS; ampla Vittadini, t. 9.
Pied plein, ferme, épais, blanchâtre', couvert de flocons grisâ-
tres, à bulbe ovoïde, souterrain, orné de deux ou trois bourrelets
épais et crénelés; anneau mince, large, tombant du sommet du
pied, strié et blanc. Chapeau hémisphérique, puis plan (o"i),
blanc grisonnant, couvert de verrues floconneuses, pyramidales et
grises. Chair compacte, blanche, sapide. Lamelles libres et
arrondies, décurrentes en filet, blanches. Spore ovoïde (o"™oi),
subsphérique ou ellipsoïde.
Été-automne. Bois montueux. Alpes-Maritimes, région litto-
rale : Drap, localité dite la Bauma. Rare. Comestible délicat,
selon Vittadini. Ressemble à spissa.
î 8. Amanite a tête hérissée; Amanita echinocephala Vittadini,
Fung. Mang., p. 846; Fries, Hym. Europ.,p. 22; tricuspidata
Paulet, t. i63, f. 3; Lepicta echinocephala Gillet, p. 69.
Pied allongé, floconneux, plein, puis creux présentant à la
base un bulbe couvert d'écaillés plus ou moins fortes et terminé
par une forte pointe qui s'enfonce en terre. Collier blanc, descen-
dant, se détruisant assez promptement et ne persistant guère
que sous forme de débris; il est strié supérieurement. Chapeau
charnu, d'abord hémisphérique, puis convexe, ensuite plan
(o"o5-7), les bords souvent relevés, blanchâtre ou gris, luisant et
recouvert de verrues aciculées et grises qui disparaissent plus ou
moins à la fin. Lamelles nombreuses, plus larges au sommet,
aiguës à la base et adhérentes, blanches, jaunâtres ou verdàtres
à la fin. Chair ferme, roussâtre, blanche à la base du pédicule ;
odeur de champignon ; saveur nulle.
Automne. Ça et là dans les bois argilo-calcaires. Alpes-Mari-
times, région montagneuse : Berra. Rare. Je le cueille assez
souvent après les pluies de l'été entre Saint-Privat et le Pont-du-
Gard, sous les chênes verts où M. de Seynes l'avait déjà indiqué*
Gillet donne cette espèce comme très vénéneuse*
Est assez semblable à solitaria, dont il n'est peut-être pas spéci-
fiquement distinct (Quélet). Le port et les caractères de l'anneau
riÉ L^ACADÉMIE DE VAUCLUSE IÏ^
ie rapprochent bien plus des Amanites que des Lépiotes, parmi
lesquels Pries Ta rangé dans son Epicrisis.
19. Amanite solitaire; Amanita solitaria BuUiard, t. 48, SgS;
adamantina Paulet, t. 162, f. 2 ; strobiliformis Vittadini ; pellita
Secretan ; nitidus Pries ; albellus Scopoli.
Blanc. Pied plein, épais, peluché, floconneux, à bulbe turbiné
conique, radicant, entouré de zones floconneuses épaisses ;
anneau ample, épais, floconneux et strié. Chapeau convexe
plan (o"i), humide, blanc, puis gris perle, parsemé d'épaisses
plaques, floconneuses et blanches, puis indurées et grisâtres ;
marge lisse, frangée, floconneuse. Chair tendre, blanche, agréable
au goût et à Todorat. Lamelles libres à fllet décurrent, ventruesi
finement crénelées, blanc de neige. Spore ovoïde (o""!), ponctuée.
Été-automne. Dans les clairières et à Torée des bois. Toute la
Provence, mais partout assez rare. Alpes-Maritimes, région
littorale : environs de Nice, Cimiez, Saint-André, etc. Comes'tible,
quoique Barla la donne comme suspecte.
20. Amanite carte géographique ou Amanite vénéneuse ;
Amanita mappa Pries; Agaricus bulbosu^ Bulliard, tab. 677,
flg. D, G, H, M; Ag, citrin(Hilbus Vittadini; Ag. stramineus
Scopoli; Amanita citrina Persoon, var. P; A, venenosa Per-
soon. — Nom prov. : Lero rousso picoutado, à Nice.
Pied glabre, blanc, droit, cylindrique, finement strié au-dessus
du collier, un peu aminci supérieurement, muni d'un bulbe
globuleux à la base, plein, puis fistuleux, plus long que le
diamètre du chapeau. Collier étroit, un peu rabattu, blanc ou
pâle, persistant. Volve blanc sale ou grisâtre, caduque, mais
laissant une marge plate à la partie supérieure du bulbe. Cha-
peau charnu (o^oS-ô), convexe, puis dilaté, plan, sec, blanchâtre,
blanc jaunâtre, jaune citron ou jaune de soufre, parfois légère-
ment teinté de verdâtre ou de fauvâtre, luisant, lisse, ordinaire-
ment parsemé de plaques irrégulières d'un blanc sale, grisâtres,
roussâtres ou café au lait. Lamelles blanches ou pâles, nom-
breuses, finement denticulées sur les bords, inégales, libres ou
120 MEMOIRES
subadhérentes, larges et obtuses au sommet, atténuées et obtuse^
à la base. Chair peu épaisse, blanche et molle. Odeur nulle ou
vireuse. Saveur désagréable, à la fin acre et styptique.
Été-automne. Solitaire. Sur la terre, dans les bois sablonneux.
Alpes-Maritimes, région montagneuse : Montdaour, bois de la
Maïris, Moulinet, bois deMandina, Saorge, etc. Très vénéneuse.
N'est pour Quélet qu'une variété de Amanita citrina Schaefler.
Offre des variétés nombreuses jadis admises comme espèces
distinctes et dont les caractères différentiels les plus marquants
sont : la couleur du chapeau variant du blanc au vert, passant
par tous les verts et jaune paille, et l'absence ou la présence de
verrues sur le chapeau.
Cette Amanite fait chaque année de nombreuses victimes; elle
occasionne des angoisses et des souffrances indicibles aux im-
prudents qui la mangent, et souvent même elle cause leur mort.
Au moyen âge, où l'on n'en connaissait déjà que trop les pro-
priétés toxiques, les maléficiers et les empoisonneurs s'en ser-
vaient pour désoler les étables, décimer les troupeaux et commet-
tre impunément des assassinats. Les premiers hachaient l'Ama-
nite vénéneuse et la mélangeaient à la nourriture des bestiaux ;
les seconds extrayaient le suc du redoutable champignon, le
condensaient à l'air libre sur un feu doux et en oignaient tantôt
entièrement, tantôt d'un seul côté, les lames ciselées et chargées
d'ornements en creux des couteaux de l'époque. On pouvait par
ces abominables procédés se servir d'un de ces couteaux pour
partager en deux un fruit, en manger impunément une moitié, et
en offrant l'autre à son ennemi, lui donner la mort. S'il faut en
croire les traditions, le jeune époux de Marie Stuart, le roi Fran-
çois II, et la mère de Henri IV, la reine de Navarre, auraient été
les victimes de ce lâche moyen d'assassinat.
ai* Amanite rougeatre ou vineuse; Afnanita rubens Scopoli ;
Agaricus rubescens Persoon, Syn., p. 264 ; Vittadini ; Ag. pus-
tulaius Schaeffer; Ag. margaritijerus Batsch ; Ag. verrucosus
BuUiard, t* 3i6; H. vinosum Paulet. — Nom prov* : Leva
bruna, Leva vinoua picoutada, à Nice*
Blanchâtre, prenant une teinte vineuse générale, plus intense
dans le bulbe. Pied farci puis creux, bulbeux, floconneux, strié
DE L*ACADÉMIE I>E VAUCLUSE t^\
au sommet, fauve rosé ; anneau ample, strié. Chapeau convexe
(C"!), humide, tacheté, couvert de flocons farineux, mucronéspar
le sec, gris. Chair humide, fragile, d'abord amère, puis sapide.
Lamelles décurrentes en filet, serrées, molles, blanches, puis
rosées. Spore (©"'•"ooS) ellipsoïde.
Été-automne. A terre dans les bois ombragés. Alpes-Mariti-
mes, région montagneuse et alpine : forêt de Clans, la Gordo-
lasca, bois de la Fraccha, Couraze, etc. Comestible délicat ; mais
ainsi que le fait judicieusement observer Barla, les habitants des
montagnes ne récoltent pas cette espèce, surtout à cause des
verrues du chapeau, qui lui donnent Taspect d'une Amanite
vénéneuse.
D'ailleurs, Taspect varie avec le milieu : dans les prés, il est
d'un rouge vineux plus ou moins accentué, souvent nu ; dans les
bois, il prend une teinte feuille morte, est très verruqueux ; cette
variété sylvestre est connue des forestiers des Vosges sous le
nom de Gourmelle des bois.
22. Amanite cariée; Amanita cariosa F ries.
Pied farci, puis creux, tendre, fragile, villeux et anneau caduc,
blancs. Chapeau convexe plan (o'"i2), imi, brun bistre, parsemé de
rares flocons farineux et blancs ; marge striolée et cendrée. Chair
fragile, blanche, acidulé. Lamelles libres, blanches. Spore
ovoïde (0'""oi), granuleuse.
Été. A terre, sous les hêtres. J'ai trouvé cette espèce, le 8 août
1903, dans la partie basse de la Lozère, aux Usufruits, commune
de Saint-Maurice de Ventalon. A rechercher pour la région. Est
SUSPECTE.
23. Amanite rude; Amanita aspera Pries; virescens f Persoon ;
myodes Boit; scandicinus Scopoli ; a^p^r Vittadini. Saccardo,
V, p. 19.
Voile sulfurin ou jonquifle, parfois verdoyant. Pied farci, flne-
ment floconneux et blanc ; bulbe arrondi et bord de l'anneau
ornés de flocons suljurins. Chapeau convexe plan (o"o5-8), paille,
3
122 MÉMOIRES
gris, bistré ou olive, argenté par le sec, parsemé de petits flocons
sulfurins, mucronés et bruns par le sec. Chair compacte, blanche,
jaunissant ou brunissant sous la cuticule; odeur et saveur
agréables. Lamelles arrondies, décurrentes en filet et blanches
avec une légère teinte sulfurine. Spore ovoïde (o'""'oi), ocellée.
Été-automne. Sur la terre dans les bois humides et ombragés.
Alpes-Maritimes, région montagneuse. Rare. Vénéneux. Gillet y
établit deux variétés basées sur la coloration du chapeau : brun
ou fuligineux-roussàtre (fusca) ; fuligineux olivacé [olivacea).
24. Amanite épaisse ; Oronge perlée ; Amanita spissa Pries ;
cinereus Kromb. ; Strobiliformis Gonn., t. 7, f. 3. — Nom
prov. : Lera bruna picoutada, Nice.
Pied plein, trapu, atténué en haut, bulbeux, radicant, finement
peluché, floconneux et blanc ; anneau très ample strié, blanc.
Chapeau épais, convexe (o'"i-2), humide, visqueux, gris de souris,
bistre cuivré, brunissant, tacheté de larges verrues farineuses
puis mucronées ; marge striée. Chair ferme, humide, blanche,
fade et inodore. Lamelles décurrentes en filet, serrées, blanchâ-
tres. Spore ellipsoïde (o"*"*oo9-oi), ocellée.
Été-automne. Bois humides. Alpes-Maritimes, régions monta-
gneuse et alpine : Coaraze, Montdaour, Campargen, bois de
Mandina, territoire du Moulinet, Lagastel près de Saorge. Comes-
tible ? Barla dit : « Suspect. » Plus massif, plus tendre que ses
voisins. Autrefois confondu avec pantherina.
25. Amanite a tête lisse ; Amanita lejocephala De CandoUe. —
Nom prov. : Lera blanca, à Nice ; Pignen-di-blanc, environs de
Marseille.
Pied non farineux, ferme, court, charnu, épais à la base, long
de 8 à 10 cent. ; volve ample, blanche. Chapeau charnu, blanc,
lisse, sec, comme satiné, soyeux, muni de quelques squames,
convexe puis plan (o"o8-i2). Lamelles blanches, nombreuses,
libres. Chair épaisse, ferme, blanche, rougissant légèrement au
contact de l'air ; odeur et saveur agréables.
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 123
Automne. Bois de pins par groupes de 5 ou 6 individus. Toute
la Provence. Assez commune dans les Bouches-du-Rhône ; Vau-
cluse; Var ; Alpes-Maritimes, régions montagneuse et subalpine :
la Bollène, Lucéram, Plan Peilhasc, territoire de Lantosque;
bois et campagnes du Var. Comestible, mais peu recherchée.
Ressemble à ovoidea, dont elle diffère surtout par le pédicule
épais à la base, court, charnu, sans collier farineux. Avait été
classé par Duby, Pries, etc., parmi les Volvaria, je ne sais pour
quelle raison.
26. Amanite a verrues arrondies; Amanita baccata Pries ; pan-
therinus Bot. gai. — Nom prov. : Lera blanca picoutada, Nice.
Blanc. Pied plein, napiforme, radicant, dilaté en haut, flocon-
neux ; anneau oblitéré. Voile formant un léger bourrelet flocon-
neux à la base du pied. Chapeau convexe plan (o^oS-y), uni,
floconneux, farineux. Chair tendre, douce et sapide. Lamelles
rétrécies adnées, serrées, molles, floconneuses, blanc crème.
Spore pruniforme ellipsoïde (o"""oi3-i5), guttulée.
Printemps-été. Nos bois. Alpes-Maritimes, région montagneuse:
Cairos, Montdaour. Comestible. Quélet dit qu'on pourrait consi-
dérer cette espèce comme une forme de solitaria à anneau
oblitéré, comme il arrive souvent dans Am. ovoidea et jonquillea.
27. Amanite de Boudier : Amanita Boudieri Barla, PI. myc, t. 6,
f. IO-I2.
Pied plein, solide, trapu dans la jeunesse, puis allongé sub-
cylindrique, d'un blanc jaunâtre furfuracé à la partie supérieure,
s'élargissant à la base en un bulbe napiforme plus ou moins
aminci inférieurement, recouvert d'une volve oblitérée, fauve
roussâtre, formant un bourrelet lacéré autour du pied, souvent
peu apparente à l'âge adulte. Anneau mince, floconneux, mou,
blanc, visible seulement dans la jeunesse. Chapeau d'abord
globuleux-arrondi, puis convexe-plan, enfin plus ou moins
déprimé, lisse, comme satiné, un peu hygrophane, blanc, légère-
ment lavé de fauve-roussâtre au centre, couvert de verrues petites,
1 24 MÉMOIRES
inégales, floconneuses, rapprochées, blanchâtres, puis d'un fauve
clair, à marge lisse, blanche. Lamelles larges ventrues, rappro-
chées du pied, blanches, puis pâles. Chair tendre, blanche ; odeur
et saveur faibles, agréables. Spore grande, ovoïde, ellipsoïde,
allongée, blanche, hyaline.
Mai 1 88 1. Alpes-Maritimes, région montagneuse: Montdaour.
Ressemble à baccata, mais en diffère surtout par la forme plus
allongée de la spore.
28. Amanite perlée ; Amanita gemmata Pries.
Pied bulbeux, plein, droit, légèrement atténué supérieurement,
blanc, glabre. Anneau fugace. Chapeau charnu, convexe, puis
étalé, plan (o"o6-8), orangé, moucheté de verrues floconneuses et
blanches, strié sur les bords. Volve petite, blanche, se brisant
promptement. Chair blanche, ferme ; odeur et saveur non désa-
gréables. Lamelles blanches, libres, nombreuses.
Automne. Les bois. Vaucluse, bois de Cassagne près d'Avignon ;
Alpes-Maritimes, région montagneuse. Comestible d'après Paulet.
Quélet en fait une variété de muscaria à chapeau fugace. Gillet y
décrit une variété pallida à chapeau blanc-jaunâtre, à disque plus
obscur.
29. Amanite vaginée, engainée, grisette ; Amanita vaginata
Bulliard, t. 98, 5i2; lividus Persoon; plumbeus Schaeffer :
irilobus Boit ; nivalis Grev. — Nom prov. : Leva caniglia ou
canilha picoutada, Madalena, environs de Clans; Coucoumèu,
Lambesc , Carcès , etc .
Pied farci, puis creux, fragile, orné de flocons appliqués prove-
nant d'un anneau avorté, formant souvent un ou deux bracelets à
la base, blanchâtre ou concolore. Voile en fourreau ou lobé,
membraneux, tendre et friable. Chapeau campanule, puis plan
(o^oS-iS), lubrifié puis satiné; marge cannelée. Chair molle, blan-
che, douce. Lamelles libres, blanches, souvent liserées de la
couleur du pied. Spore ovoïde ou sphérique (o"""oi2), ocellée.
DE l'académie de VAUCLUSE 125
Été-automne. Assez commune. Sous les pins des bois mon-
tueux et dans les friches des montagnes. Toute la Provence.
Alpes-Maritimes : Montgros, Saint-Isidore, Berra, Luceram,
Utelle, Clans, bois du Fcrguet, bois de l'Esterel, etc. Bouches-
du-Rhône : Pichauris, etc. Vaucluse : Avignon, bois de Jouve
(7 septembre 1897), etc. Var : Carcès; La Garde : la Colle Noire ;
Pierrefeu ; la Seyne-sur-Mer:boisde Janon; Pignan :Notre-Dame-
des-Anges ; Toulon : Siblas, Cap-Brun, etc. Comestible dont on
fait un grand usage dans tout le Midi. Des sept variétés qu'elle
présente, la grise est surtout estimée et Badham assure que peu
d'Agarics la surpassent en parfum. Elle est de beaucoup supé-
rieure à rOronge blanche, sa proche voisine. La variété fauve,
qui n'est pas rare dans les bois de Pichauris, serait un peu indi-
geste.
3o. Amanite étranglée; Amanita strangulata Pries; inaurata
Secretan; Saccardo, V, p. 23. — Nom prov. : Lera canilha
picoutada, Madalena, Nice.
Pied fistuleux, épais, élancé, concolore, fragile, orné vers le
bas de un ou deux épais bracelets floconneux formés par la
volve. Chapeau (o" 10- 1 5), fragile, fauve grisâtre ou fauve brun,
recouvert d'épaisses écailles membraneuses gris fauve; marge
fortement sillonnée, chair ferme, tendre, fragile, blanche ; odeur
faible ; saveur agréable de noix fraîche. Lamelles libres, serrées,
blanches. Spore ovoïde, ocellée.
Été-automne. Prés, bords des champs et bois humides. Toute
la Provence. N'est pas rare à Avignon. Alpes-Maritimes, régions
littorale et montagneuse : Montgros, Vinaigrié, Drap, Bendejeun,
Berra, etc. Comestible.
Est pour Quélet une forme luxuriante de vaginata. Secretan
y décrit une variété umbrino-lidea, caractérisée par le chapeau
jaune bistré clair, centre plus foncé ; pied blanc, pelucheux.
Barla mentionne encore deux espèces : l'Amanite brillante
'Amanita nitida Frics) et l'Amanite adnée [Amanita adnata Pries),
qu'il n a vues qu'une seule fois. La première n'est pas distincte
126
MEMOIRES DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
de A. solitaria; quant à la seconde, il est difficile de se prononcer
sur sa valeur spécifique, car mon regretté maître ne Ta pas
figurée.
Docteur Ré(iUis.
^ /laine» du f*rt
ver5u«ft
Rtitnn </e S^Gtrmëin
Fort de BUOUX. . .
ft^n^ Lc9cndc
1 ferlin d« Bcliu3U«t
t Oppidum de Merlibso*
S GroHt 4« Bu*u)i
4 Meulm C(o%
5 Rcfu^t
«« CtrcuciU
il A Cuv«A vîntiMC
L E B C RO N •o<iClâyon«â3«»
Carte de la ré^oty d'Apt faisatyt robjet de cette étude.
La Région Aptésienne.
ÉTUDES D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE.
INTRODUCTION.
La plupart des monuments anciens,, des cathédrales et des
églises les plus remarquables de la Provence et du comté
Venaissin ont été, au moins sommairement, décrits et à peu après
datés (i). Certains édifices ont été Tobjet de travaux définitifs (2),
mais les plus beaux monuments de l'architecture vauclusienne
attendent encore leur rtionographie (3).
Quant aux constructions religieuses, publiques et privées,
situées en dehors des centres parfaitement desservis par les voies
de communication, on peut dire qu'elles sont à peu près incon^
(i) Sur Tarchéologie vauclusienne, cf. les ouvrages généraux (VioUet-le-Duc, Millin,
Mérimée, de Caumont) et notamment; C. Enlart, Manuel d'archéologie française, t. I
I1902) et t. II (19^4), qui donne une bibliographie assez coi5ieuse des études les plus
importantes. On trouvera de précieux renseignements, point encore trop vieillis, dans
J. Courtet, Dictionnaire des communes de Vaucluse, Avignon, 1877. in-8' (utile k
consulter pour les édifices ruraux). Révoil, Archéologie romane du midi de la France,
Paris, 1873. 3 vil. in-fol., a vu et décrit un certain nombre d'édifices religieux de
Vaucluse; mais il faut utiliser cette œuvre avec prudence en ce qui concerne Tâge
des monuments publiés.
On peut en outre consulter : la collection des Annuaires du département, les Guides
de Vaucluse; le Voyage en France d'Ardouin Dumazet; Lavallée, Voyage dans le
département de Vaucluse, Paris, an VIII, in-8*, illust. ; David Macgibbon, The Archi-
tecture 0/ Provence and Riviera, Edimbourg, 1888, in-8' ; Harr-Ferree, Cathedral
Churches of France (Architecture record, 1894 et années suivantes).
(2) R. de Lasteyrie, Saint-Quinin et la cathédrale de Vaison (Mémoires de la Société
des antiquaires de France, t. 49, 1888); Andréoli et Lambert, La cathédrale de Saint-
SiJrein de Carpentras, Paris, 1862, in-8» ; Labande, Saint-Symphorien de Caumont,
Avignr.n. 190 j, in-8\ etc.
'M D'importantes études de détail ont été publiées sur le Palais des papes, par
Canron, Muntz, Duhamel, Ehrle, etc. ; sur la cathédrale d'Avignon, l'abbaye de
Scnanque cl quelques-uns dos châteaux du Comtat.
128 MÉMOIRES
nues, quelle que soit leur importance au point de vue de Thistoire
du développement de Tart dans la haute Provence; en ce qui
concerne spécialement la région aptésicnnc, le bagage bibliogra-
phique est à peu près nul ( i ).
Il ne faut pas s*étonner trop de cet oubli, car de nombreuses
régions, plus riches que celle-ci en monuments, n'ont pas encore
été étudiées d'une manière rigoureusement scientifique (2) ; des
publications, excellentes sous tous les rapports, ont cependant
montré tout le parti que Thistoire de Tart du Midi de la France
peut tirer de travaux de ce genre (3).
. Importante cité gallo-romaine, centre d'une région féodale très
peuplée, siège d'un très ancien évèché, d'un bailliage et plus tard
d'une viguerie, et placée dans le voisinage immédiat du Leberon,
le territoire d'Àpt vit s'édifier, selon les époques, un grand nom-
bre de villas gallo-romaines, de mansi, de châteaux et de fortins,
d'églises et de chapelles rurales.
A tous égards, la région d'Apt mérite donc l'attention de l'his-
torien et de l'archéologue; c'est dans le but de la faire mieux
connaître que j'ai entrepris ces Études, au cours desquelles aucun
des vestiges qui parsèment le sol ne sera .passé sous silence ; à
quelque période qu'ils appartiennent, les monuments, les églises
et chapelles, les édifices publics et privés seront étudiés et repro-
duits graphiquement.
L'habitation humaine, avant l'invasion celte et la conquête
romaine, a laissé sur certains points du terroir, notamment à
Buoux, Gargas, Saint-Saturnin, Bonnieux, des traces trop nom-
breuses pour qu'on néglige de les mentionner ; des chercheurs
locaux, aussi modestes que consciencieux, ont étudié, sous le
(1) Pour certaines d'en tr'el les, quelques hâtives tentatives ont été faites ; elles sont
parfois insuffisantes (Chan. Jouve, Notice sur la cathédrale d'Apt, Paris, i859, in-8' ;
de Saint-Andéol, .Vo/ice sur l'ancienne cathédrale d'Apt, Marseille, 1864, in-4*), souvent
enfantines et naïvement grotesques (Gay, Histoire du village et du fort de Buoux,
Forcalquier, 1866, in-8* ; Histoire de Castellet-les-Luberon, Forcalquier. 1866, in-8', par
le même); je fais exception pour les monogrraphies de G. Moirenc {Promenades aux
environs d'Apt), qui a vu les monuments décrits.
(a) La Provence est cependant fort en retard sur la plupart des provinces françaises
en ce qui concerne la publication des Répertoires archéologiques.
(3) Les recherches si intéressantes de M. Brutails sur l'archéologie du moyen Age
dans le S.-O.; la Statistique monumentale de ta Drôme (Valence, 1869, in-8") du cha-
noine Jouve; les travaux de J. de Lahondès {Pavs de Foix, Ariège) de Renouvier et
Thomassy (Languedoc), de Révoil {op. cit.). etc., sont à citer; le travail récent de
M. LabATïde {Études d'histoire et d'archéologie romane; Provence et Bas- Languedoc,
t. I, 1901. in-8»), serre de très près tous les détails et constitue un modèle pour ce
genre de recherches.
DE L*ACADÉM1E DE VAUCLUSE I29
s
rapport préhistorique, à peu près tous les quartiers voisins d'Apt
et ont formé des collections bien connues de certains savants qui
les ont plus ou moins utilisées (i) ; sans m'interdire l'indication
très exacte des gisements reconnus et des résultats constatés, je
ne m'étendrai pas sur cette partie de l'archéologie locale; je
n'ignore pas, en effet, qu'un travail considérable fera connaître
bientôt le Vaucluse oriental de la préhistoire (2I.
L'occupation romaine dans la Civitas Aptenshim est mieux
connue; mais on est loin d'avoir signalé toutes les ruines gallo-
romaines, les découvertes de tombes, d'inscriptions et d'objets
divers : la contribution de ces Éludes sera, je l'espère, assez fruc-
tueuse dans ce sens.
C'est l'archéologie religieuse du moyen âge qui doit fournir la
plus grande partie de ce travail ; si les édifices de l'antiquité —
exception faite des villas — n'ont pas été très multipliés dans le
territoire montagneux d'Apta Julia, il n'en est pas de même des
cellae, des chapelles et des églises rurales qui furent élevées, dès
le haut moyen âge, sur tous les points, aussi bien dans les forêts
qui couvraient les collines reculées que dans les plaines fertiles et
les vallons voisins de la cité (3).
Dans les seules communes limitrophes d'Apt, plus de quatre-
vingts édifices religieux sont à mentionner et à étudier; il ne faut
pas s'attendre à rencontrer, sinon exceptionnellement, des con-
structions antérieures à l'an mil : des causes diverses,— le peu de
solidité des bâtiments et les inv^asions successives dont la haute
Provence eut à souffrir avant le XI" siècle, sont les principales —
(i) Les personnes qui sont attirées de plus en plus fréquemment dans les environs
d*Apt«par leurs richesses palethnologriques, se contentent, en général, de consacrer
quelques heures à l'examen de ces collections et au parcours des terrains qui les ont
fournies : rentrées chez elles, elles s'empressent de rédiger et de publier un mémoire
sur leurs découvertes ; le fonds de ces publications est tiré en entier — moins les
erreurs — des explications bénévolement données par les travailleurs locaux.
Il existe un autre groupe de chercheurs particulièrement malfaisants : ce sont ceux
qui fouillent sans but historique en vue de la seule formation d'une collection quel-
conque; ceux-ci font un tort immense aux études sérieuses en abolissant définitive-
ment les habitats et les sépultures préhistoriques.
|2) M. Deydier, notaire à Cucuron, membre de l'Académie de Vaucluse, nous fait
espérer comme assez prochaine la publication d'un Corpus raisonné des trouvailles
relatives à la préhistoire faites dans les arrondissements d'Apt et de Carpentras î
nous souhaitons vivement qu'il soit aidé dans la plus large mesure par les nom-
breux amateurs de la région.
(3) Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer, pour l'origine de ces chapelles,
au travail considérable de M. Imbard de La Tour, Les paroisses rurales dans l'an-
cienne France du IV' au XP siècle {Revue historique, t. 60. 61, ^. 67 et 68), dont les
conclusions sont résumées par M. Labande [op. cit., p. 9).
l3o MÉMOIRES
ont contribué à leur disparition ; d'autre part, quelques-unes des
églises primitives ont été remplacées au moyen âge même par
des édifices plus solides et mieux appropriés aux besoins des
fidèles. Mais aux XI" et XII" siècles, ce fut comme une floraison de
chapelles rurales dans tout le Midi. C'est, en effet, à cette période
qu'appartiennent la plupart des monuments, grands et petits, qui
subsistent encore comme une preuve de Thabileté des construc-
teurs de l'époque romane.
Il ne nous sera permis de dresser une synthèse de l'archéologie
aptésienne que lorsque ces Études seront terminées ; mais d'ores
et déjà, un premier examen nous permet d'affirmer que s'il a
existé une École provençale de l'art roman, on peut de même
grouper en faisceau les règles les plus ordinairement suivies
par les maîtres d'œuvre de la région ; l'abondance de la pierre,
la facilité qu'elle présentait au travail, en même temps que Tex-
tréme pauvreté des populations, ont contribué à donner aux
églises du diocèse d'Apt un caractère spécial : on pourra consta-
ter spécialement l'adoption d'un plan à peu près uniforme ainsi
que l'absence générale de décoration, sauf dans quelques-uns
des édifices les mieux construits (i).
Placée d'une façon exceptionnelle auprès du Leberon, limite de
la haute et de la basse Provence, la ville d'Apt fut contrainte, à
toutes les époques, surtout pendant le moyen âge et jusqu'au
XVII* siècle, de faire garder ses abords et les voies qui la faisaient
communiquer avec Marseille et Avignon. Aussi trouverons-nous,
au cours de ce travail, de fréquentes occasions de nous occuper
du système de défense employé parles habitants de la région.
Depuis la Combe de Lourmarin jusqu'à Apt, l'ancienne route de
Marseille, fréquentée encore au milieu du XIX* siècle, était •flan-
quée de forts, de fortins, d'ouvrages de tous genres et même de
chapelles fortifiées ; or, malgré les récentes publications relatives
à l'archéologie militaire, on peut dire que ce système de défense
est à peine connu (2) ; nous nous attacherons donc à préciser les
(i| Les eruerres incessantes du XUl'et du XIV' siècle ont fait disparaître un certain
nombre d'édifices religieux ; le Cartulairc de l'ég-lise d'Apt en cite notamment plu-
sieurs antérieures à l'époque carolingienne : lorsque les textes et la toponymie
locale nous le permettront, l'emplacement de ces cclîae sera identifié.
(a) Le seul essai local qui mérite une mention est l'étude de M. C. Moirenc sur la
Combe de Lourmarin ; nous aurons à signaler souvent la rectitude des idées émises
par cet érudil. Le Manuel de M. Enlart, qui ne néf?lige rien de ce qui louche aux
châteaux-forts du moyen âge, passe à peu aprùs sous silence les constructions mili-
taires destinées, non à V habitation fortifiée, mais â la simple défense des routes et
défilés (op. cit., t. n, p. 545 et pas.).
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE l3l
emplacements adoptés pour les ouvrages de protection, en
étudiant chaque partie du territoire.
D'autres objets doivent attirer une égale attention, car rien
n'est à négliger dans le domaine archéologique : les bâtiments
publics, l'architecture privée, les anciennes boutiques, les vieux
moulins, les constructions annexes de l'exploitation rurale (i),
les bornes-limites, les puits, etc., projettent fréquemment quel-
que lumière sur la vie privée et la vie sociale, sinon sur l'histoire
de l'art.
Il ne sera de même pas inutile de montrer comment les popu-
lations se sont groupées dans la région, de signaler à quelles
influences elles ont obéi en choisissant tel ou tel point du terroir
pour édifier leurs demeures et leurs églises; nous dirons les
motifs qui ont fait abandonner l'exploitation de parcelles dont
la culture suffisait jadis à l'existence de nombreuses familles.
Revenant sans cesse jusqu'au XIX* siècle habiter les mêmes
lieux, les mêmes vallons, les mêmes collines, malgré les inva-
sions, les guerres civiles et les persécutions religieuses, l'habitant
des pays accidentés a subi, plus qu'on ne le pense, l'influence de
la route qui lui permettait d'accéder aux agglomérations plus
importantes de la région (2) ; nous donnerons donc à l'étude de
sa viabilité ancienne une sérieuse attention.
Au cours de cette enquête, on ne saurait négliger, à côté des
textes déjà publiés et de ceux plus faciles à consulter que renfer-
ment les grands dépôts, les documents des archives locales ;
ceux-ci éclairent d'abord d'un jour particulier l'histoire de la
commune où ils sont rassemblés ; je considère enfin comme
indispensable de signaler les textes les plus importants, de
publier même ceux qui présentent un caractère exceptionnel
d'intérêt : ceux-là, du moins, seront préservés, car si l'organisa-
tion des archives n'est pas très promptement modifiée, dans un
sens rigoureux pour les communes, il ne sera plus possible
dans un demi-siècle d'étudier les sources de l'histoire commu-
nale : rignorance, la moisissure et les rongeurs auront terminé
leur œuvre de destruction commencée depuis longtemps.
(i) A ce point de vue spécial, les cuves vinaires de Buoux et de Sivergues sont
particulièrement intéressantes.
(2) La route d'Apt à Marseille, par exemple, ne paraît pas avoir été sensiblement
modifiée dans son assiette depuis l'occupation romaine ; je ne suis même pas éloigné
de penser que son emplacement— à l'état rudimen taire— fut déjà le môme avant la
conquête ; cette constatation est intéressante pour l'histoire de l'habitat humain
dans la région.
l32 MÉMOIRES
Le rôle de la documentation graphique est de venir en aide à la
description toujours insuffisante ; nous ne l'oublierons pas ; il ne
s'agit plus, en effet, de signaler des monuments, de copier plus
ou moins correctem^^nt des inscriptions, il importe que les
constructions, les objets d'art, les documents épigraphiques
soient exactement reproduits, de façon à permettre l'exercice de
la critique lorsque les objets auront disparu.
Sans oublier ce qui a pu être publié ou écrit avant ces Études,
je ne me suis fié ni aux affirmations ni aux racontars ; j'ai tenu à
me rendre compte de visu de tout ce dont j'avais à parler ; ce
travail ne sera donc point autre chose que le résultat d'une fré-
quentation prolongée des lieux, des hommes et des choses. J'es-
time en effet que ce n'est que par une sorte de cohabitation avec
les textes et les monuments qu'il est possible de formuler des
conclusions solides et sérieuses ; les erreurs que j'ai pu com-
mettre n'entacheront donc pas ma bonne foi.
Je souhaite, en terminant, que dans les centres d'une certaine
importance historique, d'autres enquêtes de ce genre soient
entreprises ; ce n'est qu'après la publication de tous les monu-
ments, de tous les vestiges anciens, que l'on pourra dégager
définitivement les éléments de l'archéologie nationale. Le grand
essor donné par de Caumont à l'étude de nos édifices à abouti,
ces temps derniers, à la publication d'un ouvrage aussi impor-
tant que celui de M. Enlart ; son Manuel a été mon guide : je le
recommande à tous ceux qui veulent avoir un conseiller exact
dans leurs études archéologiques.
DE L^ACADÉMIE DE VAUCLCSE |33
I.
Le Vallon de TAiguebrun.
BUOUX
Le Village et l'ancien Fort. — Saint-Symphorien.
SOURCES et bibliographie (I).
Archives communales de Buoux. — Des archives antérieures à 1790, des documents
révolutionnaires et même de ceux du XIX* siècle, antérieurs à i83o,il ne subsiste que
quelques papiers qui ont échappé, par hasard, à un acte de vandalisme relativement
récent : en 1S48, le maire delà commune, ignorant et inconscient, fit un auto-da-fé de
tous les documents quMl trouva à la mairie, « ces paperasses n*étant bonnes, dit-il,
qu'à engendrer la poussière • ; deux registres de Tétat-civil trouvèrent grâce, ainsi
que le cadastre et les états de sections ; parmi les rares liasses oubliées, se trouvent
trois comptes du trésorier communal, des circulaires imprimées, des quittances de
paiement des tailles (XVII" et XVIII* siècles).
Tout ce qui pouvait éclairer l'histoire de Buoux, comptes, délibérations, titres du
moyen âge, pièces relatives au Fort, tout est anéanti ; les registres d'état religieux
(baptêmes, mariages et décès) commencent au i" janvier 1637 et vont jusqu'au
3o décembre 1792(2); la série CC ne comprend que deux terriers dressés, l'un en
1665 par deux notaires (in*fol. de 129 p., incomplet) et le second en 1718(3).
Archives de la ville d'Apt. — Directement intéressée au sort de l'ancien Fort de
Buoux, la ville d'Apt s'est trop préoccupée à toutes les époques de la défense de ce
point et de sa garnison, pour que les documents aptésiens n'en aient pas conservé de
fréquentes traces ; les délibérations depuis le XIV siècle jusqu'au milieu du XVII'.
les comptes trésoraires, les pièces relatives aux dépenses des guerres de religion ont
fourni la plus grande partie des renseignements sur l'histoire du Fort consignés dans
cette partie des Études.
Les Archives des Bouches-du-Rhône contiennent quelques documents intéressant
Buoux, surtout après le XV siècle ; ils ont été employés.
VHisloire de la ville d'Api de Rémerville, sans donner des renseignements précis
sur le rôle du fort de Buoux, n'était pas À négliger; nous avons pu nous rendre
compte par la comparaison de son récit avec les documents qu'il avait consultés, du
scrupule apporté par cet érudit à la rédaction de son œuvre.
(i) Nous ne mentionnerons pas, dans les bibliographies de ces études, les gr^ds
ouvrages utilisés pour tout le territoire, par exemple : Papon {Histoire dt Provence) ;
Bouche, Id Gallia Christiana, le Corpus inscriptionum latinarum, t. XII, etc.
(a) a vol. in-4* reliés, en assez bon état.
(3) L'inventaire des vestigia des archives de Buoux, par Achard, existe sur fiches
à la Bibliothèque d'Avignon, ms. n* i588.
l34 MÉMOIRES
BIBLIOGRAPHIE.
C. Moirenc, La Combe de Lourmarin, étude de stratégie ancienne et de fortification .
Marseille. 1876, in-8*.
J. de Terris, VHermitage de ^aint-Symphorient dans le Bulletin historique et archéo-
logique de Vaucluse, t. IV, 1882, p. i.
Généalogie historique de la famille de Sabran-Pontevès. Paris. Didot. 1897, in-fol.
Abbé Gay, Histoire du village, du château et du fort de Buoux. Forcalquier. 1866, in-8*.
Nicolas, Une Excursion à Bonnieux et à Buoux^ dans les Mémoires de l'Académie de
Vaucluse» i885, p. 3i4-2a3, i pi.» 7 figr*
l^ochtiiTi^ Archéologie vauclusiennc : La Vallée de l'Aiguebrun, le Rocher du Fort de
Buoux, dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 1894, p. 125-162 (1).
F. Moulin, La Beaume des Peyrards, dans les Annales de l'Académie du Var, 1902»
I planche.
E. Arnaud, Études préhistoriques sur les premiers vestiges de l'industrie humaine dans
le Sud-Est de Vaucluse, dans les Annales de la Société littéraire d'Apt, 1866, i pi.
G. Tardieu, A travers les Alpes. Le vallon de VAiguebrun et le vieux Fort de Buoux,
Forcalquier, 1895, in-8* de i3 p. (récit d'excursion).
Ce m'estun devoir agréable à remplir que d'adresser ici mes remerciements à tous
ceux qui m'ont aidé dans mes excursions et qui ont facilité mes recherches ; M. Garcin
dont la riche collection est bien connue de tous les travailleurs provençaux, m'a
obligeamment communiqué tous les documents qu'il possède sur Buoux et les
familles de Pontevès et de Gallifet ; je ne dois pas oublier de dire que c'est grâce à
une copie prise par cet aimable érudit en 1859, que nous connaissons l'inscription
du XII* siècle, jadis gravée sur trois claveaux de la porte de l'église du Fort,
inscription aujourd'hui perdue.
M. F. Lazard a mis à ma disposition ses collections préhistoriques et sa parfaite
connaissance des régions visitées ; c'est à son expérience de pilote que je dois de
n'avoir rien omis dans le présent travail.
(i) Le travail de M. Rochetin est le plus exact et le plus considérable qui ait été
publié sur la région de Buoux; il ne nous a pas été inutile au cours des recherches
sur les lieux.
DE l'académie de VAUCLUSE 1 3?»
1.
Topographie.
Les anciennes Routes.
Le Leberon a formé, probablement dès l'époque pré-romaine,
une limite naturelle, presque infranchissable, en tous cas très
aisée à défendre près de ses ouvertures, entre les peuples celtes
qui occupaient la Provence. Plus tard, cette chaîne de montagnes
forma la démarcation des cités d'Aix et d'Apt (i), des diocèses
ayant ces deux villes pour chef-lieu, et enfin des vigueries d'Apt
et de Pertuis.
La région qui fait Tobjet de cette étude est limitée au sud par
le Leberon, sur toute sa longueur ; les cols qui en permettent le
passage sont au nombre de deux seulement : le premier, dont il
sera question d'une façon détaillée dans une autre partie, a
constitué à toutes les époques une route naturelle suivie pour les
communications entre la vallée du Caulon et la basse Provence :
c'est la Combe de Lourmarin ; le deuxième, connu sous le nom
de Col des Granons, s'ouvre bien loin de là, près du village de
Villemus (Basses-Alpes). Entre ces deux cols, on ne peut effectuer
la traversée du Leberon qu'à pied, non sans difficulté, par des
sentiers étroits, notamment au Castellas de Sivergues et près du
fort de Buoux.
Parallèlement au Leberon et depuis le village d'Auribeau jus-
qu'à Bonnieux, un immense plateau incliné de Test à l'ouest,
sépare le vallon de l'Aiguebrun de la vallée du Caulon ; c'est le
plateau de Claparèdes, l'une des plus vastes stations préhistori-
ques de la Provence. Ses abords sont en grande partie entière-
ment abrupts, surtout du côté de TAiguebrun ; il n'est accessible
d'une façon aisée que près du château de Buoux, précisément là
où dès l'antiquité fut tracée la voie d'Apt à Marseille; sur d'autres
points, vers le village, près de Marenon, à la Baume-de-l'Eau et à
côté de la Brémonde, des chemins de piétons ont en outre existé
(I) Cette assertion, contraire aux indications d'Hirschfeld, dans le Corpus inscrip^
tionum latinarum, t. XII, est appuyée sur des données précises ; celles-ci seront
exposées dans une Histoire d'Apt en préparation.
ï36
MEMOIRES
depuis le moyen âge pour desservir les villages de Sivergues et
de Buoux, ainsi que les campagnes situées dans le vallon.
On comprend de quelle importance était la garde de cette
région, et avec quelle facilité le relief du sol se prêtait à cette
défense.
La voie principale, celle qui traverse la Combe, était déjà,
avant la conquête romaine, flanquée près de Lourmarin par un
oppidum, celui de Castellar, étudié et décrit par M. Sagnier (i) ; à
la Roche d'Espeil, un fort gardait la sortie du col ; la route sui-
vait ensuite le torrent jusqu'au vallon du château, avec, soit sur
parcours, soit dans ses environs immédiats, les fortins de Bellu-
guet, l'église fortifiée de Saint-Symphorien et surtout l'énorme
masse du Fort proprement dit, véritable clef du passage, où une
garnison pouvait soutenir des sièges en règle et rayonner dans la
vallée et sur le Leberon.
Dans le vallon qui s'ouvre près de Saint-Symphorien, la route
montait directement vers le plateau (2), passant au-dessous du
château seigneurial, dont les constructions modernes sont édifiées
sur l'emplacement d'une villa ou peut-être d'un fortin gallo-
romain (3. ; au-delà, sur Claparèdeset dans le territoire d'Apt, les
forts de Clermont, des Tourrettes et de Mauragne arrêtaient
encore les envahisseurs. \
Dès son arrivée à Claparèdes, la voie principale formait plu- J
sieurs embranchements, dont nous n'avons pas à nous occuper
ici (4) ; le principal se détachait près de l'ancienne église de
Buoux, passait au Pré-des-Masques et descendait vers Apt par
Rocsalière, défendue partout où existait un passage difficile ou
une éminence. Deux autres chemins secondaires se dirigeaient, le
premier par le fortin et la chapelle de la Roche vers le fort de
Buoux (5), le deuxième vers Bonnieux et le Pontjulien.
L'ancien chemin de Sivergues, réparé et en partie déplacé
plusieurs fois, même au XVIII* siècle, traversait en ligne droite le
(i) Mémoires de V Académie de Vauctuse, 1884, p. iS.
(a) Voppidum de Mortisson, dont il sera question ci-après, dominait précisément la
naissance du vallon du château.
(3) Des antiquités et une inscription ont été trouvées sur l'emplacement du châ-
teau ; des tombes gallo-romaines ont été de même découvertes au quartier de Mor-
tisson, au bord de la route.
(4) Cf. sur ce point Rochetin, op. cit., p. 154.
(5) Rochetin. op. c«7., p. i58; je n'ai pu vérifier cette assertion qui paraît vraisem-
blable; j'aurai l'occasion de revenir sur ce point, lorsqu'il sera question de la
Combe de Lourmarin.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE iSy
plateau de Claparèdes et dévalait de même sa pente qui aboutis-
sait à TAiguebrun. Routes et chemins anciens, dont la largeur
variait entre deux et quatre mètres au plus, ne permettaient
qu'avec peine le passage des véhicules, surtout des véhicules
chargés ; ce n'est pas que leur assiette ne fût solidement établie,
pavés qu'ils étaient avec des matériaux allongés, fichés debout et
transversalement à Taxe de la voie (i), mais les voyers de Pro-
vence coupaient au plus court et ne regardaient pas à la pente et
aux contours, lorsqu'il s'agissait de gagner quelques toises ;
aussi les chemins n'étaient-ils guère fréquentés que par des
mulets chargés à bâts et par des cavaliers (2).
Malgré la construction des routes et des chemins vicinaux et
jusqu'au milieu du siècle dernier, les anciennes voies pavées ont
été fréquentées par les piétons ; elles le sont d'ailleurs encore,
parce qu'elles raccourcissent d'un tiers au moins les distances
officielles. Elles disparaîtront cependant peu à peu, soit qu'elles
soient envahies par la végétation sauvage, soit que les proprié-
taires voisins empiètent sur leur emplacement ; il en résulte que
l'abandon dont elles sont l'objet s'étend aussi aux parcelles de
terre dont la culture, déjà peu rémunératrice, est rendue impos-
sible par les difficultés d'accès.
(1) J'ai pu me rendre compte de la solidité de ces pavages plus que séculaires
cur des tronçons de route en grande pente, recevant des torrents d'eaux pluviales et
où des générations d'hommes ont circulé, tout a parfaitement résisté : nos routes
modernes se seraient-elles aussi bien comportées? Notons enfin que depuis plus
d'un demi-siécle, ces anciens chemins ne sont plus entretenus.
(a) Il est cependant indiscutable qu'à une époque fort reculée, les chemins les plus
escarpés ont été utilisés par des chariots, l'usure de pavage aux points de contact
avec les roues le démontre ; d'autre part, sur des voies très anciennes, ayant précédé
celles qui ont été construites au XVII' siècle, et recouvertes aujourd'hui par la terre
végétale, on retrouve encore les traces du passage des %'éhicules. Sur les chemins très
fréquentés les constructeurs avaient eu soin d-i placer les pavés longitudinalement
sur la partie où les roues devaient passer.
l38 MÉMOIRES
II.
D'Apt a Buoux.
Le village de Buoux. — L*Êglise.
Le chemin vicinal d'Apt à Buoux, après avoir gravi les pentes
des Agnels, traverse diagonalement le plateau de Claparèdes ;
cette vaste superficie de terrain sans relief est couverte d'une
couche de terre végétale peu épaisse, n'atteignant sur aucun
point plus de cinquante centimètres, provenant de la désagréga-
tion des couches rocheuses supérieures et de la décomposition
des végétaux qui y croissent ; le plateau a été autrefois couvert
de bois, dont il ne subsiste actuellement que quelques rares et
maigres bouquets.
Depuis le déboisement, la mince couche cultivable a été sou-
mise à une production continue ; aussi ne produit-elle que quel-
ques maigres céréales, l'engrais, de transport coûteux, lui faisant
à peu près défaut. Insensiblement les propriétaires abandonnent
sa culture et avant peu la plaine ne sera plus qu'un pâturage
aride, à moins que la trufficulture ne s'en empare (i).
Sur toute son étendue, Claparèdes est jonché d'une multitude
de tas de pierres, de clapiers qui ont donné son nom à ce quar-
tier; la plupart ont été formés depuis que l'agriculture a pris
possession du sol : les exploitants amoncellent en effet sur quel-
ques points sacrifiés, les pierres qui se détachent de la croûte du
plateau ; mais il est certain que quelques-uns de ces clapiers
cachent des ruines de cabanes en pierres sèches, antérieures à la
conquête romaine, édifiées par des peuples ligures ou celtes.
Cette certitude est tirée, en dehors des affirmations verbales(2],
de ce fait que le plateau a été pendant longtemps un habitat
préhistorique important, qui a livré aux collectionneurs locaux
(i) Quelques essais satisfaisants ont été tentés dans ce sens depuis une vingtaine |
d*années. !
(a) Cf. à ce sujet Taffirmation de Gay {op. cit., p. 87), qui déclare que des proprié- |
taires ayant démoli quelques clapiers, ont découvert sur leur emplacement des 1
foyers, des poteries et des menus objets ; nous avons nous-môme recueilli des décla- !
rations semblables. La vérification du fait pourrait être entreprise avec quelque
argent, de la patience et du temps.
DE l'académie de VAUCLUSE 189
un nombre très considérable d'objets appartenant à toutes les
époques du néolithique et Tâge du bronze (i).
Après avoir traversé Claparèdes, la route suit à mi-côte les
bords du plateau, profondément découpé par des vallons secon-
daires; elle domine le vallon du village, dont le fond seul, ou à
peu près, est cultivé (2) ; à droite de la route, Tescarpement est
presque nu ou couvert d'une maigre végétation de thym et de
lavande (3).
Quelques centaines de mètres avant d'arriver au village et au-
dessus de la route, près du hameau de Respessat, une touffe
phénoménale de buis attire le regard ; formée d'un groupe de
pieds placés circulairement, elle atteint plus de sept mètres de
diamètre à un mètre du sol et va s'amincissant en cône jusqu'à six
à sept mètres de hauteur ; l'intérieur de la touffe abrite aisément
une dizaine de personnes. Tout à côté, des infiltrations d'eau
sourdent du rocher ; la citerne qui les recueille dessert une petite
agglomération de maisons dont la construction date, d'après le
style des ouvertures, du XVII* siècle au plus tard (4).
Une dépendance de ces maisons est à signaler: c'est une cuve
vinaire située en plein champ ; d'un plan assez semblable à
celles qui existent en grand nombre dans le vallon de TAigue-
brun, elle présente cette particularité d'avoir été utilisé au XVIII'
siècle et d'avoir été abritée par un petit édifice; partout ailleurs
où se trouvent des cuves, on n'aperçoit aucune trace de con-
struction : loin de là, les encoches pratiquées sur les parois pour
recevoir une couverture mobile prouvent qu'elles n'étaient pas
(i) M. Lazard, véritable explorateur du plateau, a formé une collection, très bien
classée, d'instruments et d'armes provenant de ce quartier; parmi les autres collec-
tions, il faut citer celles de M. Brunel, de Rocsaliùre; de M. Garcin, d'Apt; de
MM. Bonnet et Moirencv de Bonnieux.
(2» Toutes les découpures du plateau voient jaillir à leur naissance une ou plu-
sieurs sources intarissables; c'est toujours auprès de ces sources que l'en rencontre
les stations préhistoriques de Claparèdes.
(3) Mettons au point une fantaisie de Gay [op. cit., p. 97), au sujet de la haute anti-
quité d'une cabane ou liory, peu éloignée du village ; vérification faite, il s'agit sim-
plement d'une de ces nombreuses constructions rudimentaires, élevées de la base au
sommet avec les matériaux recueillis sur le plateau ; ces édicules, assez solides,
quoique dépourvus de toute liaison au mortier, ont été créés un peu partout dans la
région par des cultivateurs désireux de se ménager un abri contre les intempéries :
leur forme est généralement carrée ou rectangulaire, surmontée d'un toit conique ou
à deux pentes; celle décrite par Gay est seulement plus vaste que les autres et se
trouve divisée en plusieurs compartiments.
4^ A l'est des habitations, sous un abri, on remarque, â moitié enfouie dans le
M>1, une tombe creusée dans le roc, semblable à celles qui jonchent les environs du
fort de Buoux. Voir ci-dessous : Le cimetière de Saint-Germain,
140 MÉMOIRES
autrement abritées ; il est à remarquer, en outre, que la situation
de la plupart de ces cuves sur des rochers isolés et émergeant
de terre ne se prêtait pas à Tédification d'un abri.
La construction dont il s'agit ici, en partie ruinée, mesure
4 mètres de longueur sur 2 mètres 5ode largeur; elle est voûtée
en plein cintre et couverte en dalles brutes ; une porte, ouverte
au sud, donnait accès au cuvier; ses piédroits sont en bel
appareil moyen et l'ouverture est amortie par un linteau mono-
litre, portant le millésime : 1707; à Test, était ménagée une fenê-
tre de quelques centimètres de largeur.
Dans les environs du village, les cuves vinaires, au nombre de
quatre, sont semblables à celles du vallon : elles sont disséminées
sur le talus et taillées à môme le roc ; sur leurs bords est creusée
une rainure longitudinale pour la déviation des eaux de pluie.
Toutes ont deux compartiments, le supérieur plus grand, de
I mètre à i mètre 5o de côté en moyenne, Tinférieur plus petit,
muni dans le bas d'une bonde ; les deux parties sont séparées
par une paroi ménagée dans le rocher (dans aucune cuve vinaire,
on ne trouve trace de maçonnerie) ; le tout suit la pente du sol.
La profondeur moyenne des récipients du village est de 2 mètres
autant qu'on peut en juger, remplis qu'ils sont d'arbustes et de
cailloux. Les uns et les autres étaient disposés pour recevoir un
couvercle qui s'emboîtait dans des encoches creusées par deux ou
trois paires sur leurs bords (i).
Quelle est la date de ces cuves? Cette question sera examinée
plus loin à propos de celles du vallon ; quoi qu'il en soit, le petit
édifice de Buoux prouve qu'au XVIII' siècle les habitants de la
région continuaient soit à creuser de nouveaux vaisseaux de ce
genre, soit plus vraisemblablement à utiliser des cuves anciennes
pour des motifs qu'il serait difficile de déterminer (2).
L'agglomération principale de Buoux est située à 8 kilomètres
d'Apt et 10 de Bonnieux, à cheval sur le chemin qui conduit au
vallon ; elle ne se compose que de l'église, du presbytère, de la
mairie-maison d'école et d'une douzaine de maisons. La popula-
tion totale de la commune est de i55 habitants (3), disséminés sur
(i) Unou deux exemplaires de ces cuves existent près du château de Buoux L'un
d'eux est mentionné dans le procès-verbal d'estimation des biens du marquis de
Galliffet (an II) dont nous nous occuperons plus loin.
(a) Voir ci -dessous : Les cuves vinaires.
(3) Recensement de 1901 ; le chiffre de la population décroît depuis le milieu du
siècle dernier; on comptait 201 habitants en 1860. En 1540, d'après la déclaration faite
DE l'académie de VAUCLUSE 14!
un terroir de 1,764 hectares (i) dans une cinquantaine de fer-
mes (2).
Le village n'est pas ancien, il n'existe que depuis la seconde
moitié du XVIP siècle et toutes les maisons qui n'ont pas été
reconstruites ou réparées ont gardé dans la forme et l'appareil
de leurs ouvertures, le caractère des constructions de cette
époque. A Buoux, comme à Sivergues, village limitrophe, les
fenêtres sont en général rectangulaires ou même carrées, avec
.un appui et un linteau monolithes, séparés par des piédroits
appareillés ; le linteau monolithe est d'un emploi constant dans
la région, tant pour les portes que pour les fenêtres ; lorsqu'il est
cintré, Tévidement est découpé à même la pierre (3). Parfois
(cette remarque est surtout applicable à Sivergues) la date de
construction de l'immeuble est gravée sur le haut de la porte (4).
L'église de Buoux est moderne ; d'après une pièce des archives
du pays, elle était à peine commencée en 1706; sa nef unique
dépourvue d'abside est assez comparable à une vaste grange :
c'est le type parfait de l'église pauvre du XVIIP siècle ; elle n'est
pas voûtée, mais seulement plafonnée ; un faux arc triomphal de
mauvais goût et très surbaissé se dresse sur de simili-pilastres et
sépare la nef du sanctuaire, relevé de deux marches ; au fond est
un autel insignifiant ; le tout est recouvert d'un badigeon quel-
conque.
Attenante au presbytère, l'église n'a qu'une porte peu appa-
rente, ouverte à l'est, dans le bas de la nef, et au-dessus de
laquelle s'élève un clocher-arcade à deux baies (5), qui n'a d'ail-
par le syndic au commissaire chargé de faire une enquête sur les lieux non affouages,
il n*y avait à Buoux que 21 bastides, ce qui porte la population de cette époque à
lao habitants, en comptant six habitants en moyenne par bastide (Archives des
Bouches-du-Rhûne, B aoi). Notons qu'à ce moment l'expédition contre les Vaudois
n'avait pas encore dépeuplé le pays.
(i) La déclaration de 1540 (/oc. cit.), porte que le terroir c est peu fertile, maigre et
montueux, produisant peu de bon blé, quasi tout seigle et autres gros blési; en
1698, le cadastre évaluait les biens de Buoux (roturiers) à 826 florins (Archives des
Pouches-du-Rhône. C i3o, fol. 67 v). Les bois occupaient, en i83o,8oo hectares et les
terres labourables 700; le restant du terroir était inculte ; ces chiffres ne sont natu-
rellement plus exacts.
(2) 21 bastides en 1460; 55 immeubles en i83o, d'après le cadastre.
(3) Un de ces linteaux, à Buoux, mesure dans l'évidement i mètre 25 de largeur sur
o môlre 5o de hauteur.
(4) La plus ancienne date relevée à Buoux est 1708; mais la plupart des inscriptions
ont disparu par suite de reconstructions.
(5) Le constructeur a pris pour modèle le clocher-arcade de l'église primitive décrite
ci-après.
142 xMÉMOlRES
leurs été construit qu'en 1778, ainsi qu'en fait foi Tinscription
gravée sur la première rangée d'appareil :
F. LE II MARS 1778. C. L. B. G. U).
A côté de la porte existe au dehors un bénitier fort simple, en
cul-de-lampe, qui n'est plus utilisé (2).
Le bénitier intérieur est le seul objet remarquable de l'église de
Buoux : il est placé sur un support moderne, derrière la porte
d'entrée, et en partie encastré dans le mur; ce monument n'est
autre chose que Tancien autel d'une chapelle primitive, dite de
Saint-Germain, édifiée avant le X* siècle au pied du Fort (3).
La table, en pierre très fine et dure, a i mètre 70 de longueur,
et un mètre de largeur ; le creux ménagé à sa surface n'a pas plus
de 2 centimètres et est dépourvu d'ornement. Sur les trois faces
visibles, épaisses de 8 centimètres, entre deux faibles saillies,
court un rinceau dans les contours duquel sont enfermés, alter-
nativement, une grappe de raisins et une feuille de vigne, d'une
facture assez souple, sculptées en méplat.
Cet autel est carolingien. Sa décoration est, à peu de chose
près, celle de l'autel antique de la cathédrale de Vaison (4) ; mais
les motifs sont plus stylisés et le bord de la cuvette est uni,
alors que celui de Vaison est orné de sculptures (5). Les sup-
ports anciens ont disparu ; d'après Gay, ils auraient été trans-
portés à Buoux en même temps que l'autel proprement dit. En
classant cet intéressant spécimen de l'art carolingien comme
monument historique, le Ministère de l'Instruction publique
obligerait la fabrique de Buoux à le placer d'une façon plus
convenable et moins dangereuse pour sa conservation ; c'est le
vœu que nous exprimons.
(i) Vraisemblablement les initiales du nom du constructeur.
(2) Je crois que c'est un des rares exemples qu'ofifre la régrion, de bénitier extérieur.
Enlart [op. cit., t. I, p. 784), a remarqué cette forme et cette position, surtout en
Bretagne.
(3) D'après Gay (op. cit., p.g^ qui donne le nom de la personne qui l'a fait porter à
Buoux en 1840.
(4) Dessiné et publié par Enlart {op. cit., t. I, p. 739. fig. 365).
(5) L'abbé Gay. dont les travaux sont le plus souvent fantaisistes, a probablement
rêvé en décrivant cet autel. « On y voit, dit-il, des animaux symboliques et d'oiseaux
(51c) mystérieux prosternés devant la croix ■; rien de tout cela n'existe. Ce détail no'js
donne une idée de la confiance que méritent les affirmations de la littérature histo-
rique locale.
c *<
I =
^ o
H, 50
m-
O
n
m
PC
S
H
a
rr:
oc
C
O
n
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
143
III.
L'Église primitive.
Nous avons vu qu'au XVI* siècle, il n'y avait pas à Buoux
d'agglomération ; cependant, afin de desservir la population dis-
séminée, une église avait été de bonne heure édifiée sur le plateau
de Claparèdes, à 7 ou 800 mètres du village actuel et non loin du
château seigneurial. Cette église est absolument isolée et paraît
ravoir toujours été ; elle est abandonnée depuis le XVIP siècle et
se trouve aujourd'hui enclavée et à moitié enfouie dans le cime-
tière communal (i).
Elle se compose d'une nef en berceau, mesurant 11 mètres 20
de longueur sur 6 mètres de largeur
dans œuvre, divisée en deux travées
par un arc doubleau, et d'une abside
de 3 mètres de profondeur sur plan
circulaire, voûtée en cul de four. A
l'intérieur règne une imposte formée
d'un bandeau et d'un chanfrein, en
bel appareil taillé au ciseau, qui se
poursuit autour de l'abside, mais à
un niveau inférieur, celle-ci étant
beaucoup moins élevée que la nef;
l'imposte contourne les pilastres
engagés qui supportaient la retom-
bée des doubleaux : ceux-ci sont au
nombre de trois, correspondant aux
contreforts. Ils sont carrés, avec
Plan de l'ancienne kglise . . _, i.*.,^^ ^4. -.»^^4. ^^^ -.1 ^
DE Buorx. arêtes abattues et n ont, pas plus
Échelle de 1/2 cent, par métré, que Timposte, reçu de décoration.
Il n'en est pas de même des angles du mur triomphal qui ont été
décorés, peut-être au XIII* siècle, de minces colonnettes aux deux
tiers engagées, reposant sur un socle rudimentaire et n'ayant pas
eu jadis, à ce qu'il semble, de chapiteau.
{i) Le cimetière est du XIX* siècle; il n*en existait pas à Buoux antérieurement à
celui-ci ; les inhumations se faisaient soit dans Téglise soit dans les propriétés pri-
vées.
144 MÉMOIRES
La porte principale s'ouvre à Touest ; elle est à plein cintre, à
claveaux bien appareillés; une deuxième porte existait dans le
mur méridional ; son ouverture, en anse de panier à Tintérieur,
est fermée carrément par un linteau d'une seule pièce, chanfreiné
à Textérieur. Cette porte est murée depuis que |j cimetière a
entouré l'église.
Trois fenêtres actuellement maçonnées éclairaient Tune l'ab-
side, les deux autres la nef; la première, détail assez curieux, ne
s'ouvrait pas dans l'axe de l'édifice, mais sur le côté sud-est,
contrairement à la règle générale, et cette exception s'explique
difficilement sur ce plateau que balaie furieusement le vent du
nord; une des deux autres était ouverte au nord, près du mur de
façade. L'ouverture de celle de l'abside est ébrasée au dehors et au
dedans ; le talus extérieur est formé par de minces dalles bien
taillées; elle est amortie dans le haut par un linteau monolithe
évidé en demi-cercle avec chanfrein, afin d'admettre le plus de
lumière possible. Les deux autres fenêtres sont ébrasées exté-
rieurement; leur partie supérieure est à plein cintre appareillé
à rintérieur et à linteau chanfreiné au dehors.
Un autel, formé d'une pierre très simple reposant sur un bâti
en maçonnerie, occupe toute l'abside; il est surmonté d'un afireux
retable dans le plus mauvais goût du XVII* siècle, badigeonné
d'ocre jaune : cet autel en a vraisemblablement remplacé un
autre plus petit, s'harmonisant mieux avec l'édifice. A droite, le
mur est creusé d'un petit réduit parallèlipipédique de 40 centi-
mètres de côté sur 3o de profondeur, destiné au dépôt des
objets du culte (i).
Au nord et au sud trois contreforts de faible épaisseur, contre-
butent insuffisamment la poussée des doubleaux, car ils n'attei-
gnent pas même la hauteur du mur; la largeur de celui qui se
trouve en face de l'arc triomphal a 12 centimètres de plus que celle
des deux autres qui n'en ont que 60. Tous sont couronnés d'une
façon assez bizarre par un appareil triangulaire posé sur la
maçonnerie de manière à former talus.
A l'extérieur, l'abside a conservé la forme circulaire ; elle est
couverte, de même que la nef, au moyen de dalles très soigneuse-
ment taillées, pourvues d'encoches permettant une parfaite im-
brication sur tous les côtés. Au-dessus de l'arc triomphal s'élève
(i) Toutes les chapelles et les églises rurales de la région sont pourvues de cette
annexe ; nous aurons l'occasion de le constater.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
145
un clocher-arcade en bel appareil irrégulier ; il mesure 3 mètres 55
de largeur sur 75 centimètres d'épaisseur; les deux baies dont
il est percé sont d'inégale hauteur, avec une largeur de yS centi-
mètres; les cloches sont depuis longtemps absentes. Autour du
clocher règne une imposte très simple.
L'appareil des murs est formé, aussi bien à l'extérieur qu'à
l'intérieur, de moellons grossiers, de toutes dimensions, cueillis
sur place, à peine cassés au marteau, et assemblés à gros
joints. Pour les voûtes de la nef et de l'abside, on a employé des
matériaux du même genre, mais plus petits, mieux choisis et
noyés dans un mortier abondant. Cette maçonnerie contraste
avec l'appareil soigné des arcs doubleaux, des portes, des fenê-
tres et du clocher, ainsi qu'avec la toiture et le dallage, qui,
d'après ce qui en subsiste, était assez régulier; il faut donc se
garder de vieillir trop délibérément l'édifice. Si Ton se rend
compte sur les lieux des moyens dont disposaient les construc-
teurs et des ressources de la population, on s'aperçoit bien vite
que l'appareil ne peut pas toujours constituer un critérium assuré
de l'âge d'un monument. Ainsi, sur ce point aride et désolé du
plateau de Claparèdes, on n'avait apporté que les matériaux
taillés destinés aux ouvertures et aux arcs; quant aux ordinaires,
ils étaient trop abondants sur place pour qu'on songeât à les
prendre ailleurs; or, ces pierres ne se prêtent aucunement à une
taille soignée.
L'église ancienne est datée, mais de telle façon qu'il est bien
difficile de se servir de la date, tant le lapicide a embrouillé son
monogramme ; sur le côté droit du mur triomphal, une des
pierres porte l'inscription suivante en caractères de 10 à 17 cen-
timètres de hauteur :
Je propose, sans insister autrement, la lecture :
A DNl M&
« Anno Domini Millesimo f »
146 MÉMOIRES
Est-ce là la date de la construction ? Les caractères — et c'est
ravis qu'a bien voulu exprimer M. Labande — appartiennent à
un gothique assez avancé; or, Texamen de Tédiflce ne permet
pas cette concordance ; je supposerais plutôt que l'église ayant
reçu quelque aménagement (peut-être les colonnettes qui déco-
rent les angles de Tabside), on aura voulu soit inscrire la date de
cette décoration, soit rappeler vaguement, d'après la tradition,
celle de la construction primitive.
Quoi qu'il en soit, malgré le caractère général de la maçonnerie
et en présence de l'appareillage parfait des doubleaux, de la
porte et de la couverture, je ne crois pas que l'église primitive
de Buoux soit antérieure à la première moitié du XIP siècle.
fMOToryni A. BKMtKT 4C!. I
CHAPELLE SAINT-SYMPHORIHN
(XI h siècle)
DE l'académie de VAUCLUSE I47
IV.
Le Vallon de l^Aiguebrun.
Saint-Symphorien .
Après la traversée du village, le chemin d*Apt à Buoux,
côtoyant à droite les falaises éboulées, à gauche un petit affluent
de TAiguebrun perdu au fond d'un pli de terrain garni d'une
végétation intense, se joint à la route de Bonnieux, qui va elle-
même, au-delà de Saint-Symphorien, couper la grande voie de
Marseille avant son entrée dans la Combe de Lourmarin. Nous
ne nous occuperons pas ici des deux vallons secondaires, qui
s'ouvrent presque en face de Saint-Symphorien et à l'extré-
mité desquels se trouvent le château d'Aurons(i) et celui de
Buoux (2).
Le premier monument qui frappe le regard en arrivant par la
route de Marseille, c'est le campanile élancé de la chapelle Saint-
Symphorien, qui se détache, chaudement coloré parle soleil, sur
le vert sombre des pentes du Leberon et de la Roche d'Espeil.
Les constructions que nous voyons aujourd'hui comprennent
des bâtiments du XII* siècle et d'autres du XVIIP ; eux-mêmes
ont remplacé une cella et un petit monastère, bien antérieurs
au XIP siècle. On a dit, en effet, sans en fournir la preuve,
que Saint-Symphorien fut fondé et doté en 1064 par des mem-
bres de la famille de Simiane (3) : cette assertion ne peut s'ap-
puyer sur aucun texte; bien au contraire, c'est parce que ceux
qui l'ont émise ne connaissaient pas les documents à utiliser
qu'ils ont cru aisé d'inventer un fait et une date. Cependant, ceux
(i) Le château d'Aurons, appartenant à M. Guillibert, est très pittoresquement
situé dans une gorge ombreuse, sur remplacement d'une villa gallo-romaine ; on a
exhumé sur ce point des débris antiques, notamment un fragment de buste et une
inscription. Il en sera question, ainsi que du château de Buoux, dans une autre
partie de ces Études.
(3) Le château seigneurial de Buoux. après avoir appartenu à la famille de Pontevès
et ensuite aux marquis de Galliffet est aujourd'hui la propriété de M"* veuve d'An-
selme; là. comme à Aurons, les découvertes d'antiquités prouvent qu'une habitation
gallo-romaine a précédé l'édifice du moyen âge.
(3) Cf. notamment: Courlet [op. cit., v* Bonnieux), ainsi que Gay {op. cit., p. a5-29),
qui échafaude là-dessus des hypothèses plus fantaisistes les unes que les autres.
148 MÉMOIRES
que nous possédons jettent quelque lumière sur Thistoire de la
chapelle.
La première mention faite dans les textes provençaux se trouve
dans une charte de Tabbaye de Saint-Victor de Marseille (i). En
1043, Pons Farald (2) donna à Saint-Victor et au monastère de
Saint-Symphorien tout ce qu'il possédait dans le territoire de
Buoux (3) ; en reconnaissance, Inguimbert, prieur de Saint-Sym-
phorien, fît don à Pons Farald d'une mule valant quatre livres ;
par une deuxième clause du contrat, Pons donna au monastère
un jardin situé dans le territoire de Clermont (4). sous la fontaine
Saint-Laurent et reçut en retour dix sols du prieur Inguilbert.
Voilà donc parfaitement établie Texistence de Saint-Symphorien
dès la première moitié du XI* siècle; cette chapelle dépendait
même déjà de Saint-Victor, malgré la contradiction apparente du
texte suivant.
Par acte du 28 février io53 (5), Pons et Ripert, « germani
fratres>i, donnèrent à Tabbaye Saint-Victor l'église de Saint-
Symphorien, avec tout ce que leur père Pierre lui avait déjà
octroyé, ainsi que les habitants du lieu et les dîmes qu'ils y perce-
vaient ; après la date et les souscriptions, est mentionné le don
en pleine propriété à l'abbaye marseillaise de divers immeubles,
notamment d'un manse, près de Clermont, cédé par leur mère
Ingilrada. On pourrait croire, d'après cet acte, que la donation de
Saint-Symphorien à Saint-Victor ne date que de io53 ; or, nous
avons vu que dix ans avant, cette donation était déjà un fait accom-
pli ; nous nous trouvons donc en présence d'une confirmation
avec augmentation de don, sans que la teneur de l'acte mentionne
les textes antérieurs, ce qui se présente assez fréquemment au
moyen âge.
(i) Cartulaire de Saintr Victor, 1. 1, p. 482.
(2) Il est inutile de chercher à identifier le nom de ce donateur, de môme que ceux
qui sont mentionnés dans les documents postérieurs ; on s'est hâté, au siècle dernier,
de trouver sous les noms révélés par les textes et les inscriptions du moyen âge, des
personnalités définies que l'on rattachait sans scrupule à des familles féodales
connues; pas plus pour Pons Farald que pour bien d'autres, l'identification n'est
possible : on n'a, pour se rendre compte de cette impossibilité, qu'à compulser les
tables copieuses du Cartulaire de Saint- Victor ; on verra combien sont nombreux et
impersonnels les Pons, les Rostang, les Guillaume, etc., des XP et XII' siècles.
(3) Voy. ci-dessous, Miettes d'histoire, les noms des divers quartiers de Buoux cités
dans cette charte.
(4) Clermont : Castrum et ecclesia de Clarimonte ; les ruines de la chapelle et du
fort couronnent un mamelon au bord de Claparèdes sur le passage de la route
ancienne de Marseille, à la limite des territoires d'Apt et de Buoux.
^5) Cartulaire de Saint-Victor, 1. 1, p. 439.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
149
La possession de Saint-Symphorien fut confirmée à Saint-
Victor successivement par Grégoire VII, le 4 juillet 1079 (0 î P^^
Pascal II, le 23 avril 1 1 13 (2) ; et par Innocent II, le 18 juin 1 135 (3) ;
dans les bulles, Saint-Symphorien est indifféremment qualifié de
cella ou d'ecclesia, mais il n'y est plus fait mention de monastère.
Une dernière charte de Saint-Victor, écrite entre 1129 et
1 163(4\ simple rappel d'une convention antérieure, dit que Tabbé
de Saint-Victor et les religieux ont établi que le prieur dq Saint-
Symphorien devait payer annuellement à Tabbaye, à titre de
pension ou de redevance viginti quatuor ciatos vitreos, c'est-à-
dire vingt-quatre verres à boire (5) pour les besoins du réfec-
toire.
Au milieu du XII' siècle, Saint-Symphorien n'était donc plus
qu'un simple prieuré ; les constructions primitives ayant disparu,
par suite, soit de vétusté, soit de guerres locales, la réédiflcation
TFVT6CRT\/4
AJLALD
flQSTAfVtj/V
P0i^£
SANTrys
row
Inscription de Saint-Stmphoribn (6).
(I) Cariulaire de Saint-Victor, t. H, p. 843.
(a) Idem, t. II, p. 848.
(3) Idem, t. II, p. 844-
(4) Idem, t. I, p. 435.
(5) Cette redevance en verres, mise à la charge d'un prieur logé dans un vallon
solitaire et éloigné des centres commerciaux paraît singulière ; n'auralt-il pas existé
dans les environs de Buoux une verrerie?
(6} Le dessin de cette inscription a été relevé par D.-V.-H. Chambaud (ms. de la
Bibliothèque d'Avignon, aSon, fol. 34a et 347); c'est cette copie que nous reprodui-
sons ici.
l5o MÉMOIRES
de la chapelle actuelle et des annexes et la construction du cam-
panile furent commencées peu avant 1200 : une inscription,
encastrée aujourd'hui dans le mur d'une annexe, au-dessus de la
porte située au nord, nous a conservé les noms, que j'ai vaine-
ment cherché à identifier, des personnes notables qui fournirent
les fonds nécessaires pour les travaux.
Un examen attentif et minutieux de Saint-Symphorien m'a
permis d'arriver à cette conclusion que les bâtiments, commen-
cés avec un certain luxe architectural, furent hâtivement termi-
nés et que certaines parties projetées ne furent jamais construi-
tes ; nous n'en voulons pour preuves que le remplissage en
moellons grossièrement cassés d'une partie des murs des étages
du campanile, l'emploi dans deux baies supérieures de celui-ci de
piliers ébauchés au lieu de colonnettes, la forme bizarre de la
chapelle, ainsi que les amorces des arcs latéraux d'un bâtiment
situé au nord, amorces qui ne portent pas trace d'un travail
accompli et démoli plus tard. Les ressources auraient-elles
manqué vers la fin des travaux, ou bien quelque guerre a-t-elle
compromis et entravé l'achèvement de l'édifice? Il est difficile de
se prononcer, mais l'impression signalée est certainement
exacte.
Après le XIII* siècle, nous trouvons encore Saint-Symphorien
mentionné dans le rôle des décimes prélevés sur le clergé du
diocèse d'Apt ; il y est porté pour xii sols vu deniers (i).
Les annexes de la chapelle ont été démolies depuis longtemps,
peut-être au cours des guerres de religion, alors que les troupes
de tous les partis circulaient de la vallée de la Durance dans
celle du Calavon ; les murs d'enceinte ont également disparu (2).
Déjà, au XVIIP siècle, Saint-Symphorien n'était plus « depuis
longtemps qu'un hermitage sans revenus, où l'on dit la messe
les fêtes et les dimanches pour la commodité du canton (3). »
Depuis, les bâtiments ont encore souiïert des injures des
hommes et du temps : la chapelle menace ruine, les murs sont
cachés sous une triple épaisseur de plâtre et on avait même
établi, au siècle dernier, un pigeonnier dans l'étage supérieur du
campanile, non sans mutiler la décoration. Mais tel qu'il est, ce
(i) Albanès, Gallia christiana novissima. Province d*Aix, diocèse d'Apt, Instrumenta
n- XV, col. i38 (XIV siècle).
(2) Ils sont encore visibles en partie sur une photographie qui date de 35 ans
environ.
(3) H. du Temps, Le clergé de France, 1774. t. I, diocèse d'Apt, p. 68. (Collection
Garcin.)
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
l5l
charmant spécimen de Tart roman mérite l'attention de la com-
mission des monuments historiques, au même titre que Tautel
de Buoux(i).
L'appareil allongé et régulier de la voûte et d'une partie du
.campanile, les décorations des impostes de l'abside, la forme et
l'ornementation des colonnettes et des linteaux des baies, les
tailles décoratives et en feuilles de fougère (2) des matériaux
T
1 1 i\*
V
Chapelle de Saint-Symphorikn.
Tailles de l*appareil.
datent jsuffisamment l'édifice ; le |plan ci-joint permettra de
distinguer les bâtiments du XIP siècle de ceux qui ont été
édifiés sur
l'emplace-
ment du
prieuré
avec ces
matériaux
anciens. La
chapelle
est de for-
me assez étrange et je n'en connais
aucune, même par description, qui
ait été élevée sur ce plan ; sa
nef est voûtée en berceau avec un
appareil allongé très soigné ; mais,
comme dans ce cas défectueux la nef
se dirigeait du nord au sud, l'abside
a été placée, non à l'extrémité, mais
au milieu de Tédifice, en face de la
CHAPELLE DE Smnt-Symphor,en. Porte. En présence d'un plan aussi
Plan. inusité, on pouvait songer à 1 exis-
(lî Saint-Symphorien appartient à M. Mille, négociant à Apt. qui. pcnsons-nous.
ne se refuserait pas au classement de sa propriété.
(2) La taiUe en feuUles de fougère est surtout remarquable dans Tappareil du bas
du campanile.
1-2 MEMOfRES
tence primitive d'une nef. dont la chapelle actuclîe n'aurait formé
que le transept; une dernière \i5ite m'a prouve qu'il n'en était
rien et que le plan actuel est bien celui des o>nstructeurs i .
A rintérieur, nulle autre décoration visible que les deux par-
ties d'imposte qui régnent aux angles de l'abside a la naissance
de la voûte : ces imp^jstes s*>nt tV»rmes d'un bandeau et d'un
chanfrein, décorés le premier de fleurs stylisées, d'un beau et
ferme dessin, encloses dans de petits compartiments limités par
deux Lignes verticales ; te deuxième, d'un rinceau enserrant dans
ses volutes des fleurs du mèm.e genre.
L'abside, sur plan demi-circulaire, est prise dans un fort massif
irregulier au-dehors: l'autel primitif
est disparu. s*:»n support était peut-être
celui de l'autel mj.»deme.
Cinq ouvertures éclairaient timide-
ment la chapelle: elles sc»nt ébrasees au
dedans et s*ou\Tent au dehors comme
des meurtrières. La toiture primitive,
en dalles taillées, a fait place a un
recouvrement en tuiles.
L'appareil des murs à l'extérieur,
très régulier autL~>ur des ouvertures et
des contreforts, est en matériaux pres-
que bruts dans toutes les autres par-
ChaPKLLE DE SAiNT-SYMPHORIEN. .- ^ , . ^ T-^,,>^^r ^.:^ - ^«f «^f'^r-^o «^.,
^ . 4. . , ties .2 ; a l oue^t. ae^ contreiorts peu
Support d autel. '^
saillants contrebutent la voûte.
Au nord, la chapelle se termine par un arc doubleau à deux
ressauts, retombant sur des pilastres rectangulaires : accolés à
ces pilastres, d'autres supports s«:kuiiennent les premiers claveaux
d'arcs latéraux d'une construction annexe, jadis voûtée, ainsi
que le prouve le contrefort placé a cOte de la p:»rte septentrio-
nale, au-dessus de laquelle est placée, a l intérieur, l'inscription
déjà signalée ^3..
î La disposition des lieux repv.^ndsiit si peu aux besoirrs du culte, que plus tard
^iî^^id^ fjt abandonne^î et que Tautel fut place au sud, elive de deux marches au-
dcsfus du sel. Les a-n ;^rces d>i vodtes que I-^n remarque <ur îa tVi^ade ouesi à un
zi^ta,^ pcj él;:vr son: pv^:erieures du Xll' sioclc;. car les piirris des contreforts ont
tLi i:l-_2_l:-r^^ p». ur Cette r.ojvells: c^nstructi ^p. : celle-ci ne poia:: pas avoir été 1er-
1 Les rrus de îrculir.s ont e:e Cv\nserves ddrs :v us le< n^.urs.
2 Ceci rorte es: c. nte-npora-ne de la chirelle: ses p.ed'^'its sont largement
^cacL't..-^ : 3^:i ^.'«ertcre î^: a-i: .ne par un L::;edu mocioli'Jie. surmonté dîme
DE L*ACADÉMtE DE VaUCLUSE
A Touest, une porte donne accès dans un compartiment voûté
en bel appareil, qui n'a d'autre issue qu'un trou rectangulaire
percé au nord,' d'où part un boyau contournant dans l'épaisseur
du mur et aboutissant au rez-de-chaussée du campanile, qui n'a
pas d'entrée extérieure.
Le campanile, rectangulaire et de forme élancée, comprend
quatre étages intérieurs, actuellement dépourvus d'escalier, et
dont les deux supérieurs seulement sont indiqués au dehors ;
sa hauteur totale est d'environ 23 mètres ; il est terminé par une
toiture pyramidale écrasée, en dalles taillées. Le troisième étage
est ouvert sur les quatre côtés de baies dont l'ordonnance est
indiquée dans nos planches; chaque baie est ornée de trois
colonnettes (i) supportant des chapiteaux tous dissemblables, au-
dessus desquels deux linteaux monolithes accolés forment tym-
Plan de baies du clocher de Saint-Symphorien.
pans ; ceux-ci ont chacun une décoration particulière : un seul
porte sculptée une figure de Christ posée au centre d'une croix .
les autres sont ornés de figures et de lignes géométriques,
denticules, oves, feuilles, roses, inscrites dans un demi-cercle. Le
quatrième étage est séparé du précédent par une petite corniche
ornée de denticules ; il est éclairé par quatre baies coupées en
deux, au sud et à l'ouest, par des colonnettes, au nord et à l'est,
par des piliers carrés à chapiteaux cubiques dégrossis.
Si Saint-Symphorien n est pas, à vrai dire, une église fortifiée
dans le sens strict du mot, on ne peut nier que le campanile ait
été construit pour surveiller le vallon du Buoux ; son emplace-
ment sur la route de Marseille lui permettait de communiquer
avec les forts de Buoux, de Sivergues, d'Auribeau et de Cler-
mont : c'est donc plutôt une tour de guet qu'un édifice religieux.
(i) La colonnette du milieu de la baie du sud manque ; celle du milieu de la baie
à l'ouest est entièrement mutilée.
1D4 MEMOlKEb
L'absence d'ouverture à l'extérieur de la tour, la forme et l'épais-
seur des murs de la chapelle, les fenêtres semblables à des
meurtrières, la position du monument sur urr petit plateau
démontrent que les constructeurs avaient songé à la défense de
Saint-Symphorien ; le merveilleux est que le campanile n'ait
subi aucune détérioration au cours des guerres des XIV* et
XVI- siècles.
Presque en face de Saint-Symphorien, sur la rive gauche de
TAiguebrun, un fortin, fondé sur un rocher isolé et dont les
les murs sont percés d'étroites et longues archères avait été
construit au XIV* siècle, si l'on en juge d'après l'appareil de la
construction ; sur un autre roc, peu éloigné de là, on voit encore
trois silos qui ont pu servir à une autre défense aujourd'hui
disparue.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE \h?
Sépultures néolithiques.
Cuves vinaires.
Au-delà de Saint-Symphorien, la route du Fort a été tmcée
dans un terrain où abondent, à des profondeurs variables, de
nombreux débris de poteries néolithiques, disséminés dans un
conglomérat formé de terre et de cailloutis éboulés des falaises ;
ils sont malheureusement très fragmentés; mais il suffirait de
fouiller sous les abris naturels formés par des rochers écroulés
sur les pentes pour trouver des témoignages plus importants de
rhabitation préhistorique du vallon de l'Aiguebrun. Ces abris
sous roches ont servi de foyers et enfin de grottes sépulcrales :
ils sont nombreux à partir de Saint-Symphorien jusqu'aux
Séguins; quelques-uns ont été fouillés au siècle dernier, on ne
sait par qui; un seul Ta été scientifiquement, en i885, par
M. Louis Julien, de Marseille.
Cet abri, de grandes dimensions, a son ouverture au sud, au
bord du chemin. M. Julien en a extrait onze squelettes humains,
des poteries en grand nombre, des ossements d'animaux, des
instruments en silex, des haches, des poinçons et des aiguilles
en os, des polissoirs, etc. (i).
La grotte de Buoux est formée de trois rochers qui en s arcbou-
tant mutuellement, ont laissé entr'eux un couloir à plusieurs
branches, dont la principale se dirige du sud au nord ; ainsi que
nous le verrons, ce n est pas là le seul habitat préhistorique du
vallon de l'Aiguebrun.
Une catégorie de monuments pré-romains attire particulière-
ment l'attention : il s'agit des cuves vinaires, au nombre de
quatorze au moins (i), que Ton peut voir ou visiter en allant de
Saint-Symphorien au pied du Fort. La forme générale des cuves
du vallon est la suivante : elles sont creusées soit dans un rocher
éboulé, soit à la surface même du sol, toujours sur une partie en
pente; toutes, à l'exception de deux, se composent de deux réci-
pients; le premier, plus vaste, rectangulaire, s'écoulant par une
(i) Cf. pour les détails: Nicolas. Une excursion à Buoux, loc. cit., p. 316-233.
{2) Rochetin. op, cil,, n'en mentionne que six.
I5()
xMEMOlRES
bonde percée au bas de la paroi qui le limite, dans un deuxième,
plus petit et affectant des formes assez variées ; lorsque le petit
récipient manque, la cuvée était reçue dans des vases de grandes
dimensions.
La construction des cuves vinaires a exigé évidemment l'em-
ploi d'outils solides en fer ; ceux en bronze n'auraient pas permis
un travail aussi important. Cette constatation, jointe à la régula-
rité des formes et à la connaissance que nous avons de l'époque
de l'introduction de la vigne dans la région, ne permettent pas de
faire remonter ces monuments au-delà du VI' ou V* siècle, au
plus tard, avant l'ère chrétienne (i).
Toutes les cuves sont situées en rase campagne (2), surtout
aux abords des cabanes en clayonnages dont il sera question
plus loin et qui nous paraissent contemporaines; la plupart
n'avaient qu'une couverture en dalles; les plus soignées portent
sur leurs bords des encoches, qui recevaient les poutrelles formant
sommier pour une couverture en pierres ou en bois. Quelques-
unes ne sont plus dans leur position primitive : par suite de bou-
leversements elles gisent, parfois renversées, tel le spécimen
situé à gauche du chemin, à côté de la Tuilière, prés du raidillon
qui conduit au chemin du village.
Vue perspective d'une cuve vinaire.
La plus vaste de toutes était creusée sur un grand bloc, près,de
la Tuilière; elle mesurait, d'après Rochetin (3), 3 mètres 86 de
longueur, 2 mètres 18 de largeur, i mètre 26 de profondeur dans
(1) Il y a d'ailleurs entre les cuves les plus rudimentaires et quelques-unes très
bien taillées une distance peut-être considérable dans le temps.
(2) Nous jugeons inutile de donner une nomenclature des cuves du vallon ; on les
retrouvera aisément sur le plan, où elles sont indiquées par un signe spécial.
,:<) Qp. cit.f p. 141. M. Rochetin a minutieusement décrit ce vaisseau.
DE l'académie de vaucluse i?7
le haut eto mètre 76 dans le bas; elle est à peu près détruite
depuis quelques années (i). Ne pouvant la publier comme type,
nous avons choisi celle qui gît non loin et en face de la grotte de
Buoux ; ses parois bien dressées, la recherche qui a présidé à sa
confection, pourraient la faire attribuer à une période plus récente
que les autres (2).
Si Tépoque de la construction des cuves est antérieure à l'occu-
pation romaine, on ne peut cependant douter, par l'exemple de
celle que nous avons décrite plus haut, que quelques-unes aient
été utilisées jusqu'au XVIII* siècle ; il est certain qu'une fois
recouverte, l'ancienne cuve était on ne peut mieux conçue et
qu'elle valait tout autant que la plupart de celles que Ton place
dans les caves des campagnes ; il est enfin probable que les habi-
tants de Buoux ont préféré utiliser ces annexes situées en plein
air, par crainte des émanations de lacide carbonique et des
accidents qui en sont si souvent la conséquence.
.1) La campagne de la Tuilière est située à gauche du pont sur l'Aiguebrun; sa
récente reconstruction a fait disparaître la plus belle cuve du vallon. Au cours des
récents travaux exécutés sur ce point, les ouvriers ont découvert deux fours, emplis
de tuiles calcinées, qui ont dû être abandonnés en pleine fabrication ; le quartier
tire de là sa dénomination.
{•2) Il faut citer une curieuse cuve miniature* qu'un habitant des maisons en
clayonnages a creusée sur un petit bloc, près de la falaise du Moulin-Clos, comme en.
s'amusant; cette réduction n*a pas plus de o"5o de longueur en tout.
l58 MKMOIRES
VI.
«
Ancien village de Saint-Germain.
L'Église et le Cimetière.
Le Moulin-Clos.
Refuges et Cabanes en clayonnages.
Du pont de la Tuilière, le chemin conduit d*abord au Moulin-
Clos, puis directement à Tescalier du Fort ; en le parcourant, on
renouvelle la constatation faite à propos des terres de Saint-
Symphorien, qui recèlent de nombreux débris de poteries : sur
une longueur de deux cents mètres, un peu avant le Moulin-
Clos, le talus qui domine la route, à droite, formé d'un humus
particulièrement noir et gras, renferme, non plus quelques
débris de Tindustrie céramique, mais des monceaux de tessons
de toutes les pâtes, depuis la terre rougeâtre mêlée à des cail-
loux grossiers, jusqu'à Targile pure, façonnée avec quelque
recherche, bien cuite, peu épaisse et décorée soit de points trian-
gulaires irrégulièrement placés sur le col ou la panse des vases,
soit de lignes plus ou moins parallèles et d'ornements géométri-
ques simples. La quantité de ces débris est vraiment stupéfiante
sur certains points (i).
Là encore ont dû vivre plusieurs générations humaines,
comme sur Claparèdes, à la Brémonde, aux Séguins, etc. ; on se
rend compte que cette concentration de l'habitation de l'homme
à tous les âges, a une cause directe : c'est le plateau du Fort, ce
refuge merveilleusement surgi au milieu du vallon, qui a attiré
près de lui d'abord les populations primitives, plus tard une
agglomération chrétienne, et au moyen âge ceux que les inva-
sions ou les guerres féodales contraignaient à la fuite.
Entre le Moulin-Clos et le pied du Fort sont amoncelées les
ruines méconnaissables d'un petit village, dont les maisons se
(i) Immédiatement après le coude que fait le chemin près du Moulin-Clos, la
construction de cette voie a fait découvrir des tombes à incinération en forme de
silos, renfermant des cendres, quelques ossements et des poteries néolithiques frag-
mentées iCf. Rochetin, op. cit., p. i33). Le fermier du moulin nous a déclaré avoir
jadis exhume, près des bâtiments, des crânes appartenant â des squelettes, peut-être
inhumés dans la position assise.
DE l'académie de vaucluse 1^9
pressaient autour d'une église très ancienne, village que Gay (i)
dénomme Saint-Germain. D'après le même auteur (2), qui dit
avoir vu, vers 1840, les ruines de l'église, celle-ci était orientée
et mesurait i5 mètres de longueur, y compris une abside circu-
laire; près de la porte se trouvaient les fonts (?), simple pierre
ronde, creusée, d'un nriètre de diamètre. Trois autels furent trou-
vés en 1843 dans les décombres; Tun d'eux est celui qui sert de
bénitier à l'église moderne de Buoux (3), les deux autres, trans-
portés dans les granges voisines, sont perdus.
La présence des trois autels permet d'identifier cette église
avec celle qui a été mentionnée par Boze (4) comme se trouvant
« parmi les ruines du château de Buoux », contenant trois autels,
et sur la porte de laquelle était gravée l'inscription suivante :
SACRVM SANCTVARIVM ET DOMVS STORVM
lOSEPHI ET PHOTINI ANNO 967 (sic!)
Cette date correspond à peu près à Tâge de l'autel de Buoux ;
c'est par ignorance des lieux ou par impropriété de termes que
Boze parle ici des ruines du château : celui-ci n'était pas en
ruines au début du siècle dernier; il ne veut pas désigner davan-
tage l'église du Fort, dont l'inscription est connue (5) ; il s'agit
donc bien de celle de Saint-Germain.
On trouva, en 1843, les débris d'un petit monument en pierre,
piscine ou bénitier, orné de figures ; après être demeurés sur
place pendant longtemps, exposés à toutes les causes de dégra-
dation, ils ont été perdus, à l'exception d'un fragment recueilli par
M. Garcin. Le motif de décoration, sculpté sur le bord extérieur
du monument, est l'un des plus fréquemment employés au moyen
âge : il représente Daniel dans la fosse aux lions; le prophète,
assis, est isolé dans un ovale, au-dessus duquel se lit la termi-
naison de son nom : lEL. De chaque côté était sculpté un lion
dressé ; ces dernières figures ont été égarées.
Le village de Saint-Germain a dû se former après les grandes
invasions, probablement au X* siècle, et disparaître pendant les
guerres locales du moyen âge ; la plupart des objets trouvés sur
(i) Op. cit., p. 67.
(2) p. 68.
(3) Cf. ci-dessus : L'église de Buoux.
(4) Histoire de i* église d'Api, p. 437.
{b) Voir ci-après : Le Fort.
i6o
MEMOIRES
ce point ne sont pas postérieurs au XI* siècle, notamment les
monnaies.
Si les constructions ont péri, il n'en est pas de même des i5oà
200 tombes creusées dans les rocs éboulés et à la surface même
du sol, dans un rayon de plus de 5oo mètres autour du Fort, mais
seulement à Touestet au nord de celui-ci (i). Ces cercueils sont,
soit isolés, soit groupés par deux, trois, cinq et jusqu'à neuf
ensemble sur un même bloc; leurs dimensions varient extrême-
ment, depuis celles qui conviennent à un enfant de quelques
jours (o'"72 de longueur, o"20 de largeur dans le haut et o"i3
dans le bas), jusqu'à celles qui atteignent 2'"5o de longueur et
o™58en largeur (2). Les cercueils moyens ont de i"5o à i"8ode
long, o"40 de largeur à la tête et o"25 aux pieds ; le plus grand
nombre sont simplement parallèlipipédiques ou plus étroits dans
le bas que dans le haut, mais il en est très anthropoïdes, qui ont
été taillés pour l'emboîtement des épaules et de la tête, avec
parfois, mais très rarement, un petit coussinet en relief sous
celle-ci.
Tous les cercueils avaient dû recevoir, soit une couverture en
dalles juxtaposées, recouvertes de terre, soit un couvercle d'une
seule pièce (3) ; les plus soignées ont une rainure pour recevoir
celui-ci. Sur le pourtour d'un certain nombre, une rigole a été
creusée pour faciliter l'écoulement des eaux pluviales (4) ; mais
un détail surprend : c'est la présence sur une moitié au moins
des tombes, d'une petite rigole, soit naturelle, soit creusée inten-
tionnellement, au point le plus bas, et qui paraît avoir été
agrandie ou aménagée pour l'évacuation des eaux provenant du
cercueil ; je n'insiste pas sur cette attribution, mais la fréquence
de ce détail d'exécution est telle qu'il n'était pas inutile de là
signaler.
(i) Ce mode d'inhumation se rencontre ailleurs dans la région: on trouve des
cercueils semblables à Sivergues. à Apt (Rocàalière et Tourrcttes). à Saignon. etc.
(a) L'un des plus grands est taillé dans un bloc assez régulièrement dégrossi exté-
rieurement et affecte grossièrement la forme d'un sarcophage ; nous l'avons trouvé
près du chemin du Fort, à l'ouest, gisant renversé sur son couvercle monolithe plat ;
les terres situées au-dessous ont fourni quelques ossements humains, mais aucun
objet permettant de déterminer l'époque de sa construction ; cependant, il peut exister
encore des tombes inviolées qui donneraient, si elles étaient fouillées scientifiquement,
un résultat appréciable pour l'histoire.
(?) Quelques-uns de ces couvercles gisent à côté de la tombe qu'ils fermaient.
(4) Ces rigoles existent aussi autour des tombes du cimetière des Baux : des réci-
pients étaient placés au-dessous des rigoles d'écoulement (>) Cf. Rochetin, Les Baux
dans l'antiquité, dans les Mémoires de r Académie de Vaucluse, 1890, p. 10.
DE l'académie de vaucluse i6i
Il est enfin remarquable qu'aucune recherche d'orientation n'a
dirigé le creusement des tombes ; sur un même bloc, où Ton eût
pu les disposer dans un autre sens, les unes sont dirigées du
nord au sud, de Testa Touest et vice-versa.
On a signalé un groupement considérable de cercueils de ce
genre, mais jamais anthropoides, dans les environs des Baux (i) ;
M. Rochetin, qui avait vu ceux de Buoux, attribuait les uns et les
autres à la période du Bas-Empire ; je pense que si Ton a com-
mencé alors ce mode d'inhumatfon, le plus grand nombre des
tombes appartient à une période s'étendant du VIP au X' siècle,
notamment celles qui épousent la forme du corps ; il est même
probable qu'elles ont été utilisées à des époques successives. En
Tétat, et jusqu'à ce qu'une découverte de tombeau intact permette
de dater le cimetière de Buoux, nous le considérons comme une
nécropole carolingienne, contemporaine de Téglise construite au
centre de l'agglomération principale des tombes (2).
Derrière le Moulin-Clos, en face du Fort et sur la rive droite
de l'Aiguebrun, une pente abrupte, semée de blocs détachés du
plateau supérieur, conduit au pied d'une falaise à pic, très
élevée, colorée par le soleil et percée vers sa mi-hauteur de
grottes aujourd'hui inaccessibles ; cette falaise et les rochers qui
la précèdent ont été occupés à deux époques différentes que nous
chercherons à déterminer.
A la première appartiennent les trous ayant servi de support
aux poutrelles de cabanes en clayonnages, les rigoles creusées
dans les rocs pour l'évacuation des eaux de pluie, les abris sous
roche et les débris, assez nombreux, de poteries fort grossières,
généralement en pâte rougeâtre, formées à la main, point ou peu
cuites, et dépourvues d'ornement. A notre avis, et nous sommes
d'accord là-dessus avec un précédent explorateur du vallon (3),
ces traces d'habitations ne sont pas, à proprement dire, préhis-
toriques, mais appartiennent à une époque où les habitants se
servaient habilement d'outils résistants; il aurait été impossible
d'obtenir les trous quadrangulaires des poutrelles avec les outils
(i) Rochetin, ibidem. — Il existe encore de ces tombes auprès des églises ou
chapelles de Saint- Pan taléon près de Gordes et de Sainte-Croix de Montmajour.
Quelques-unes'de ces dernières sont anthropoïdes.
(3) Rochetin, op. cU., p. 143. a cru, à tort, que certains objets en bronze trouvés à
Mortisson, près de Saint-Symphorien, avaient été recueillis dans une tombe de
Saint-Germain ; c'est ce que lui a fait supposer que ces tombes pouvaient être gallo^
romaines.
(3) Rochetin, op, cii., p. 145.
102 MÉMOIRES
en bronze, encore moins avec des instruments en pierre ; il y a
enfin dans la recherche des emplacements, dans la combinaison
des toitures et l'adaptation des abris, une recherche qui n'est pas
d'une population primitive.
D'autre part, on voit que les habitants du Moulin-Clos n'avaient
pas élevé des édifices maçonnés, mais qu'ils avaient simplement
approprié des abris naturels; on ne rencontre, en efi^et, pas trace
de murs dans les environs. Nous pensons donc que les cabanes
en clayonnages sont contemporaines des cuves vinaireset qu'elles
sont dues soit aux Ligures qui occupaient la région, soit aux
Celto-ligures : elles seraient donc antérieures au II* siècle avant
notre ère.
Nous ne ferons pas une description des vestiges que nous
avons relevés; il faut une visite des lieux pour se rendre compte
sur une longueur de plus de 3oo mètres, de la manière dont
toutes les aspérités du roc, tous les blocs, tous les abris ont
été entaillés et adaptés aux besoins de l'habitation ; des lignes
de trous de poutrelles indiquent la hauteur des toitures qui
venaient reposer soit directement sur un rocher voisin, soit sur
d'autres poutres plantées verticalement.
Des habitats semblables ont été signalés et décrits, notamment
ceux des Baux et de Lamanon (Bouches-du-Rhône) (i), où les
habitations ont été créées comme à Buoux, dans la molasse
coquillière, facile à travailler; toutes sont exposées au midi,
abritées du vent et situées à proximité d'une source ou d'un
cours d'eau.
L'autre série de vestiges semble moins aisée à dater : il ne
s'agit plus ici d'abris contre les intempéries, mais de refuges
ménagés sur le flanc de la falaise à pic, à une grande hauteur,
de façon à les mettre hors d'atteinte ; c'est donc à une époque de
terreur et de danger permanent que ces refuges furent fondés, car
les travaux entrepris, d'une exécution longue et pénible, excluent
toute présomption en faveur d'un moment de simple frayeur, qui
aurait fait l'homme se cacher, se terrer et non se créer une
demeure imprenable.
Sur quelques points, les habitants avaient d'abord aménagé
les rochers qui formaient avec la falaise une sorte d'appartement
long et étroit, pouvant être couvert avec des tuiles ou des lauses ;
il) Rochctin, Les Baux dans l'antiquitèy p- -2- Cet érudit a constaté, dans les
cabanes des Baux, une sorte de recherche dans l'appropriation des lieux (bancsi
consoles, anneaux creusés dans le plafond, etc.).
^40T0T»Fif A. BcHNWT ACS, I
FALAISE DU MOULIN-CLOS
Hscalier et Refuge
DE l'académie de vaucluse i63
ces retraites étaient barricadées à rentrée et sur leur parcours
avec des poutres dont les encoches ont subsisté ; les traces lais-
sées par la fumée sur les parois ne permettent pas de doute quant
à la durée de l'occupation. Ailleurs, les grottes naturelles qui
s'ouvrent dans la haute muraille du Moulin-Clos avaient été
fermées très solidement et Tamorce des escaliers qui y aboutis-
saient était dissimulée dans les éboulis et les broussailles.
Mais, sur un point surtout, les travaux entrepris ont été consi-
dérables ; c'est au milieu de la falaise où le mur vertical a été
creusé d'une grande et haute niche, peu profonde, divisée en cinq
ou six étages, indiqués par les trous qui recevaient les poutres
des planchers. Afin d'éviter toute escalade, Tescalier qui y
conduisait s'arrêtait à plus de dix mètres au-dessus du sol ; une
sorte de passerelle volante jetée entre la dernière marche et un
grand bloc écarté de plusieurs mètres permettait de descendre
dans le vallon.
A partir du premier étage, un mur dont" il reste quelques pans,
construit en très bel appareil à joints fins, cachait la plateforme
et formait les parois de l'habitation ; il ne peut donc être ques-
tion, si l'on considère la régularité de la maçonnerie d'attribuer
ces refuges à une population barbare ; ils ne sont pas dus davan-
tage aux Vaudois pourchassés, qui n'auraient pu songer à s'y
fixer; d'ailleurs les refuges auraient facilement succombé sous les
efforts de l'artillerie. Nous voilà limités dans le temps entre le V*
et le XIV* siècle ; or, l'appareil des murs ne peut appartenir qu'à
une époque rapprochée de la fin de l'Empire ou au début de la
féodalité ; nous ne pensons pas que les guerres locales aient été
assez violentes aux XI* et XII* siècles, pour justifier la construc-
tion des refuges, tandis que les invasions réitérées des barbares
au V*, au moment où les villes et les villages étaient abandonnés,
ont pu obliger les habitants de la contrée à se garder contre le
passage des ennemis ; à ce moment, les Gallo-romains n'avaient
pas encore perdu les notions de la taille des pierres et de l'art de
bâtir ; d'autre part, la poterie en terre grise, bien cuite et faite au
tour que l'on recueille sur ce point, se rapproche beaucoup de la
poterie gallo-romaine par son galbe et sa contexiure. C'est donc
au V* siècle au plus tôt que nous attribuerons les refuges du
Moulin-Clos, desSéguinset du monolithe décrits ci-après.
164
MEMOIRES
VII.
Le Fort de Buoux.
Dans la partie centrale du vallon, sur un point où celui-ci s'élar-
git jusqu'aux pentes du Leberon, surgit, la base entourée d'une
intense végétation, un vaste parallélogramme de molasse; au-
dessus, s'étagent les défenses du Fort de Buoux, qui a joué un
rôle important non seulement pendant le moyen âge, mais encore
au cours des guerres religieuses et civiles du XVI' siècle. Le
plateau fortifié se dirige du sud-est au nord-ouest avec une
pente très accentuée, le point culminant se trouvant vers le
Leberon ; sa longueur est de 55o mètres avec une largeur variant
entre 40 mètres au centre et 100 aux extrémités.
Ce bastion natu-
Le Moulin Clos j-gl n'est abordable
que sur trois
points : ràTouest,
par une pente assez
douce que termine
un chemin en par-
tie taillé dans le
roc, aboutissant à
l'unique porte du
Fort ; 2*» à Test,
par un raidillon
qui finit à quel-
ques mètres du
bord du plateau ;
et 3"* au sud-est,
par une première
o ^ o esplanade desser-
PLAN GENERAL DL FoRT DE BuOUX. ^
Échelle: o-i par mètre. '• ^ vie par un escalier
secret. Nous verrons comment la défense avait été organisée
près de ces accès.
Le chemin de l'ouest passe, après le Moulin-Clos, sous le plus
vaste abri qui soit probablement dans la région : cçt auven test
constitué par un rocher formidable dont le bord s'avance à
plus de 35 mètres de la paroi, abritant une aire de 800 mètres
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE l65
carrés. Est-il nécessaire d'ajouter que cette baume exception-
nelle a dû être habitée à toutes les époques ? Si les décou-
vertes d'objets néolithiques n'ont pas été très nombreuses,
c'est que la construction de la route a bouleversé le relief du sol
et, d'autre part, que des fouilles méthodiques n'ont jamais été
entreprises sur ce point. Les traces d'occupation postérieure sont
autrement importantes : on retrouve ici des cabanes en clayon-
nages, aussi bien sous l'abri qu'à ses abords ; elles étaient proté-
gées contre le ruissellement des eaux par de longues rainures
horizontales tracées avec un outil métallique, à 7 ou 8 mètres de
hauteur.
De part et d'autre, sur les parois de la baume et sur les rochers
éboulés qu'elle surplombe, on aperçoit les trous destinés à
l'établissement des poutrelles, plantées de façon à former de
vastes appartements clos. La cuve vinaire à récipient unique,
creusée dans le sol à l'ouest de l'abri, appartient à la même
époque; enfin — et cette remarque vient à l'appui de notre thèse
de la postériorité des inhumations, — de nombreuses tombes ont
été façonnées à la surface des blocs, au travers des trous à pou-
trelles, et dans l'enceinte des cabanes : Tune d'elles a été même
ménagée au bord de la cuve : ceci démontre que cuves et
constructions étaient abandonnées lors de l'établissement des
cercueils (i).
L'abri dépassé, le chemin contourne vers le Fort, tantôt en
plan incliné, tantôt en large escalier et aboutit aux premiers
ouvrages de défense. Avant la porte principale, un bastion (a)
défendait le chemin ; bâti en murs épais, il avait comme annexe
un corps de garde et des abris taillés dans le rocher, munis de
bancs, de niches et de rigoles ingénieusement combinées pour
l'évacuation des eaux (b) (2).
La porte (c) écroulée et réédifiée en partie au siècle dernier,
s'ouvre dans une courtine qui bordait le plateau au nord-ouest
et à l'ouest ; cette courtine était défendue par des tours rondes.
Les ruines de l'une d'elles, percée de longues archères, dominent
encore l'escarpement (d) ; des meurtrières peu ébrasées s'ouvrent
dans les murs d'enceinte (3), flanqués à l'intérieur de bastions
rectangulaires (e). Transversalement, le plateau a été creusé sur
(1) Un certain nombre ont disparu par suite de la construction du chemin.
(a) A droite de la porte, nous avons relevé des traces de cabanes en clayonnages.
(3) Les constructions du bas du plateau ont dû être démolies plusieurs fois ; celles
que l'on voit aujourd'hui datent du XV* siècle ; leur appareil tst peu soigné.
i66
MKMOIRES
5o mètres de longueur pour un chemin jadis couvert, ainsi qu'en
témoignent les encoches taillées sur ses bords (ff), et qui, utili-
sant comme débouché une anfractuosité naturelle, permettait
aux assiégés de circu-
ler à Tabri, en s'y in-
troduisant par Tesca-
lier (g) et d'attaquer
les assaillants par
derrière lorsque la
porte était menacée,
en descendant sur un
étroit plateau en sail-
lie hors de la cour-
tine (i;.Un vaste bas-
sin (H\ qui n'a pu
servir que de citerne
ou de magasin, autre-
fois voûté, a été taillé
à l'extrémité du
fossé.
A partir de ce point
et jusque vers le mi-
lieu du plateau, on ne
rencontre plus au-
jourd'hui de con-
struction (2) ; mais
les traces qui sil-
maisons s'élevaient
là où le sol est maintenant recouvert d'un humus épais, sur
lequel végètent quelques bouquets d'arbres (:>). Le premier bâti-
ment que l'on trouve est un bastion (i) voûté, aux murs épais,
percé d'une seule porte, amortie carrément par un linteau mono-
lithe et dont la destination est incertaine (4). Quelque 3o mètres
Plan du Fort de Buoux : partie du Nord-Ouest.
Échelle de i"- par mètre.
lonnent le rocher démontrent que des
(!) Ces chemins couverts, de formes variées, suivant les positions, ont été iris
utilisés au moyen âge, dans les châteaux-forts. (Cf. Enlart. op. cit„ t. II, p. 47>48c.)
(a) Les habitants du Fort avaient jugé inutile de couvrir de courtines tous les
bords du plateau ; elles n'existaient que sur les points faibles.
(3) Depuis le XVIII' siècle, l'esplanade du Fort a été livrée à la culture et au pâtu-
rage ; le Procès-verbal d'estimation des biens du marquis de Galliffet, seigneur de
Buoux (ventôse an 11), p. Sa, porte que le rocher du Fort contient 6,5o8 cannes carrées
(a hectares 5? ares 40 centiares) de terres labourables.
(4) C'est sans une ombre de vraisemblance que Gay {op. cil.) a restitué l'afTcctation
précise de tous les bâtiments de la forteresse.
FORT DE BUOUX - I.'ÉGLISE
PMCTOTrPiC A BCMtWT ACÏ, NAi«:r.
FORT DE BUOUX
Appareil d'une enceinte
bE L* ACADÉMIE DE VAUCLUSE 167
au-dessus, un amoncellement de matériaux indique les ruines de
l'église du Fort (j) ; n'étaient les arcs latéraux de la nef, solide-
rnent établis, qui ont résisté à la poussée des pierres tassées
contre lés parois, il serait impossible de discerner de quel édifice
il s'agit : la porte, la voûte, l'abside et la façade sont complète-
ment ruinées ; çà et là des matériaux de bel appareil gisent dans
les décombres, indiquant le soin apporté à la construction. Le
plan de l'église comportait, autant qu'on peut le restituer, une
façade à Touest, percée d'une porte en plein cintre, non au
milieu, mais dans l'angle sud-ouest, deux travées séparées par
un doubleau, et une abside.
Dans chaque travée un arc latéral en tiers point limitait la nef
des deux côtés; nulle décoration sculpturale n'apparaît. A la
naissance de la voûte régnait un cordon à relief méplat, contour-
nant des pilastres de faible épaisseur qui soutenaient l'arc dou-
bleau. Rien ne laisse supposer l'emplacement des fenêtres. Au
dehors, trois contreforts soutenaient l'église au nord ; construits
en appareil moins soigné que les autres parties de l'édifice, ils
ont 2 mètres environ d'épaisseur. L'église bâtie en moellons par-
faitement taillés, assez allongés et à joints minces, mesurait
environ 12 mètres de long sur 7 de largeur ; elle était voûtée en
berceau.
Sur les trois claveaux formant le milieu du cintre de la porte,
était gravée une inscription que je reproduis textuellement d'après
le dessin qui m'a été communiqué :
l68 MÉMOIRES
« In nonis januarii, dedicatio [ist\ius ec(c)l[es)ie ; vos q(u)i
« tra[n)sitis, q(u)i.... flere velitis, p[er] me transite, sutn janua
« vie » (i).
La graphie de Tinscription n'est pas reproduite dans la copie (2),
mais bien seulement la disposition des mots et des lettres ;
d'après les indications de M. Garcin, la forme de celles-ci est
parfaitement semblable à celle des inscriptions de Tabbaye Saint-
Eusèbe (inédite) et de la chapelle de Clermont (3) ; leur allure
date suffisamment Téglise (4), qui doit avoir été construite vers
le début du XIIP siècle (5).
Non loin de Téglise, gisent les ruines d'un bâtiment à deux
compartiments (l), soigneusement bâti, dont la porte à plein
cintre est en claveaux appareillés en crossettes (XII* siècle?)
Entre ces deux édifices et les fortifications se trouvaient des
maisons ayant servi soit à une population sédentaire, soit au
(I) Le mot laissé en blanc représente une erreur de copie irrestituable.
(3) M. Chambaud, qui avait visité le Fort vers ia40, n'avait pu déchiffrer cette
inscription ; Courtet n'avait pas été plus heureux et Gay la déclarait illisible ;
en i859, M. Garcin. notre collègue, s'étant aperçu que la porte s'était effondrée,
s'empressa de prendre la copie qu'il a mise k ma disposition ; malgré ses
soins et ses recommandations, l'inscription a été perdue ; cette perte est d'autant
plus regrettable que ce document est un curieux spécimen de l'épigraphie chrétienne
du moyen âge.
(3) Publiée par Moirenc, Tourrettes et Clermont, Apt, 1868, p. 3i.
(4) Cf. À ce sujet le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et
scientifiques, iSgS, p. xx.
(5) Mérimée, qui avait, en septembre 1834, visité le Fort de Buoux, raconte plaisam-
ment par deux fois sa déconvenue, les Aptésiens l'ayant conduit aux ruines pour lui |
montrer une inscription syriaque (sic) ; dans une lettre, publiée par la Revue de Paris
(i5 mars 1898, p. 67), il se lamente auprès de Requien :
«... Notre ami M. Rastoul m'a joué un tour, c'est de me dénoncer aux Aptésiens,
lesquels m'ont circonvenu, m'ont donné un banquet comme à un député et m'ont
fait boire en templier. Ce n'est pas tout. On m'a fait gravir des roches escarpées pour
voir un monument druidique (lequel s'est trouvé un escalier qui peut bien être
antérieur à la Révolution), gravir d'autres rochers et me macérer les fesses sur un
méchant bidet pour lire une inscription syriaque au château de Buoux. Quel !
syriaque ! C'était une pierre toute rongée par le temps, je n'ai pu lire que SEMPER... '
NOS. »
L'état d'esprit de Mérimée confinait plutôt à l'exaspération, suscitée par une trop
chaleureuse réception : c'est d'ailleurs ce que trahit une deuxième lettre qu'il écrivait
À Royer-Collard le 28 septembre, et dans laquelle, après lui avoir annoncé l'envoi 1
des inscriptions de la crypte, il ajoute : « Apt est un trou abominable. Ses habitants
m'ont fait une ovation.. Je suis paru, laissant un profond souvenir de mon aménité
et de ma haute science dans la mémoire des Aptésiens. Hélas ! quelles gens ! Us
m'ont mené voir un trou de renard comme un monument druidique et une inscrip- j
tion syriaque, suivant eux, qui s'est trouvée n'être qu'en mauvais latin. » (F. Ghambon,
Notes sur Prosper Mérimée, p. 66-67.) !
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE l6g
logement des garnisons ; leurs ruines ont servi à former des murs
de retranchement qui coupaient le plateau de Test à l'ouest. Avant
le premier fosse étaient
réunies les dépendan-
ces du donjon et des
défenses secondaires.
A l'est, le plateau,
près du fossé, avait un
point faible : l'assié-
geant pouvait, en gra-
vissant un quartier de
roc, se dresser au ni-
veau du sol ; aussi avait-
on garni le bord du
précipice d'une cour-
tine de 5o mètres envi-
ron de longueur, flan-
quée d'ouvrages au-
jourd'hui ruinés et
percée obliquement de
meurtrières battant effi
cacement le point où
l'assaut pouvait se pro-
duire (i). Unefcjis pour
toutes, il faut signaler
les fréquentes traces de
constructions, dont la
base était entaillée dans
le sol et auxquelles il
est impossible d'assi-
gner une destination.
Deux excavations (mm)
plus importantes sont
demeurées ; l'une, sans
voûte, mais couverte
autrefois au moyen de
poutres, forme un bciti-
plw m i'\»i<r i)K Bi'oux : pointk dv Si t), ment Carré, entièrement
Éjhciic de ." rar mètre. py'y^ j^ns le rocher et
(i) Des tenlaiives d'escalade onl eu lieu de ce côlé, si l'un en juge d'après les débris
d'armes et les pointes de javelots que l'on a trouvés au-dessous. (Cf. Moirenc, La
Comte du Lourmarin,p. i5).
1 70 MÉMOIRES
percé d'une porte ménagée dans la paroi du nord; la seconde, peu
éloignée, forme une double grotte, munie de réduits, de niches,
de bancs, de consoles et de portes irrégulières. Une troisième
baume plus petite est située à côté des précédentes (n).
A Touest, une poterne en plein cintre (o), défendue par un pan
de courtine et cachée autrefois à l'extérieur par des clayonnages,
permettait à la garnison de descendre sur le plateau inférieur;
en deçà, des bâtiments abritaient une agglomération de seize
silos ; trois d'entr'eux percés dans le fond donnaient accès sur le
même plateau dans une crevasse ; au-dessous des silos et de la
poterne, un chemin dévalait, défendu par quelques guérites creu-
sées dans le mur. Tous les silos sont taillés en forme de mar-
mite ; leur ouverture, qui était obturée par des couvercles en
pierre à double emboîtement (i), mesure de i mètre Soà2 mètres 25
de diamètre; leur profondeur est peu supérieure en moyenne à
deux mètres. L'usage auquel la plupart étaient destinés ne peut
laisser de doute ; les uns ont servi de magasins alimentaires et
sont entourés de rainures conduisant au loin les eaux pluviales ;
d'autres, au contraire, recevaient la retombée des rigoles. Ont-ils
servi de citernes? Je ne le pense pas, la surface réceptrice des
pluies étant absolument négligeable; il y aurait lieu de pencher
vers l'hypothèse de leur utilisation comme cuves à vin, qui
auraient reçu le ^rioût écrasé dans une excavation en encoignure,
munie d'un rebord et d'une bonde, située au-dessus des silos (p) ;
l'hypothèse est cependant fragile, attendu qu'après la bonde, il
n'existe aucune rigole d'écoulement ; il y a enfin peu d'apparence
que l'on ait songé à fabriquer du vin sur le plateau. Le problême,
pour l'instant, paraît insoluble.
Après les silos, commencent à s'élever, par gradins superposés
en forte déclivité, les fortifications proprement dites. Uneporte(Q),
élevée intentionnellement au bord du précipice, à l'ouest (2)
s ouvre dans une courtine de o m. 6o d'épaisseur ; elle est bâtie
sur le roc en talus et munie de quinze archères très ébrasées
dans le bas ; vient ensuite une terrasse, avec des bâtiments creu-
sés dans le sol à l'ouest, bordée par un fossé profond que domine
(0 Quelques rares spécimens de ces couvercles frisent sur le sol du plateau.
{■2) Quelques mots sur le mode uniforme de construction des portes militaires du
Fort : elles soil formées à l'extérieur d'une voussure en plein cintre, en bel appareil ;
à l'intérieur, d'une deuxième voussure en anse de panier très accentuée, à o m. 5o
au-dessus de la première ; cette ordonnance paraît avoir été adoptée pour gagner la
différence de niveau existant entre deux travaux de défense. Les portes étaient barri-
cadées à l'intérieur par des poutres glissant dans de profondes rainures.
2 rn
=• a
i- S
170 MÉMOIRES
percé d'une porte ménagée dans la paroi du nord; la seconde, peu
éloignée, forme une double grotte, munie de réduits, de niches,
de bancs, de consoles et de portes irrégulières. Une troisième
baume plus petite est située à coté des précédentes (n).
A Touest, une poterne en plein cintre (o), défendue par un pan
de courtine et cachée autrefois à l'extérieur par des clayonnages,
permettait à la garnison de descendre sur le plateau inférieur;
en deçà, des b:\timents abritaient une agglomération de seize
silos ; trois d'entr'eux percés dans le fond donnaient accès sur le
même plateau dans une crevasse ; au-dessous des silos et de la
poterne, un chemin dévalait, défendu par quelques guérites creu-
sées dans le mur. Tous les silos sont taillés en forme de mar-
mite ; leur ouverture, qui était obturée par des couvercles en
pierre à double emboîtement (i), mesure de i mètre 5oà 2 mètres 2?>
de diamètre; leur profondeur est peu supérieure en moyenne à
deux mètres. L'usage auquel la plupart étaient destinés ne peut
laisser de doute ; les uns ont servi de magasins alimentaires et
sont entourés de rainures conduisant au loin les eaux pluviales ;
d'autres, au contraire, recevaient la retombée des rigoles. Ont-ils
servi de citernes? Je ne le pense pas, la surface réceptrice des
pluies étant absolument négligeable; il y aurait lieu de pencher
vers l'hypothèse de leur utilisation comme cuves à vin, qui
auraient reçu le uioût écrasé dans une excavation en encoignure,
munie d'un rebord et d'une bonde, située au-dessus des silos (p) ;
l'hypothèse est cependant fragile, attendu qu'après la bonde, il
n'existe aucune rigole d'écoulement ; il y a enfin peu d'apparence
que l'on ait songé à fabriquer du vin sur le plateau. Le problême,
pour l'instant, paraît insoluble.
Après les silos, commencent à s'élever, par gradins superposés
en forte déclivité, les fortifications proprement dites. Uneporte(Q),
élevée intentionnellement au bord du précipice, à l'ouest (2)
s ouvre dans une courtine de o m. 60 d'épaisseur ; elle est bâtie
sur le roc en talus et munie de quinze archères très ébrasées
dans le bas ; vient ensuite une terrasse, avec des bâtiments creu-
sés dans le sol à l'ouest, bordée par un fossé profond que domine
(i) Quelques rares spécimens de ces couvercles grisent sur le sol du plateau.
(•j) Quelque^ mots sur le mode uniforme de construction des portes militaires du
Fort : ellci) soit formées à l'extérieur d'une voussure en plein cintre, en bel appareil ;
à l'intérieur, d'une deuxième voussure en anse de panier très accentuée, à o m. 5o
au-dessus de la première ; celte ordonnance paraît avoir été adoptée pour gagner la
différence de niveau existant entre deux travaux de défense. Leb portes étaient barri-
cadées à l'intérieur par des poutres glissant dans de profondes rainures.
1 rn
5. o
r. D
?r- O
i- S
DE l'académie de VAUCLUSE I7I
un mur sans meurtrière, flanqué d'une tour carrée (r) à trois
étages, dont les archères très ébrasées permettaient un tir plon-
geant efficace. Dans l'angle oriental de la tour on arrivait à une
poterne au moyen d'un pont-levis, dont les points d'appui sont
visibles sur la façade septentrionale du mur.
Après cette importante partie du Fort, se trouvaient dissémi-
nées sur une esplanade de 5o mètres environ, en terrasses
étagées, un certain nombre de constructions : à l'ouest, un
bâtiment voûté (s) avec une porte au levant et une fenêtre très
étroite au couchant, située à 3 mètres de hauteur ; l'épaisseur
des murs(i m. 20 environ), la position de ce bâtiment et de sa
fenêtre qui ouvrait sur le précipice, le désignent comme un
Incal de discipline ou une prison ;'un banc régnait des deux côtés
nord et sud de ce cachot ; plus haut, les ruines d'un magasin (?)
taillé dans le plateau, avec, à sa partie inférieure, un silo muni
d'une rigole en pierre t)., et enfin tout à côté, un vaste bastion
de 70 mètres carrés, non voûté, avec porte unique à l'ouest, sans
caractère spécial (u).
Un troisième fossé précède une terrasse de 20 mètres; c'est là
que profitant d'un retour accentué du bord du plateau, les
constructeurs avaient établi, à l'ouest, une deuxième poterne
ouvrant dans le vide, au-dessous du plateau inférieur, que l'on
pouvait atteindre au moyen d'une échelle (v). Sur cette même
terrasse se trouve une sorte de citerne (x; taillée dans le sol et
dont la voûte seule émergeait ; il est à remarquer que cet édifice
n'avait aucune ouverture (sinon probablement dans la partie
supérieure;, et qu'il ne reste pas trace d'enduit sur ses parois.
Insensiblement, on arrive au point le plus étranglé du pla-
teau ; un remblai maçonné, sans parapet, fait communiquer au-
dessus d'un fossé l'esplanade avec les dernières constructions ;
le remblai aboutit à une porte percée dans un mur ruiné ayant
encore 3 mètres de haut sur un talus de rocher de 4 mètres. Au
nt>rd, des archères battaient le fossé et le remblai.
Vient ensuite une terrasse découverte, précédant un retranche-
ment démoli et une dernière esplanade de 20 mètres de largeur ;
ici, le plateau ne forme plus qu'une langue étroite, à pic de tous
côtés: c'est sur ce point culminant qu'est construit le donjon,
entouré au nord et à l'ouest d'un fossé de 5» mètres de largeur (i)
.1) Aucun des fossés du Fort n'a dû recevoir de l'eau ; il aurait été impossible de
les alimenter et d'ailleurs la plupart des parois ne sont pas étanches.
172 MHMOIRKS
bordant exactement à Test TelTroyable précipice. Ce dernier
refuge est construit en grand appareil régulier, avec des maté-
riaux assemblés à gros joints, mesurant o"*40 x:o"'5o en moyenne ;
en le démantelant, on ne lui a laissé qu'une hauteur de 6 à
7 mètres, dont 4 de rocher en talus. Les murs, qui ont un mètre
d'épaisseur, enclosent à Tintérieur un rectangle de 10 mètres du
nord au sud et da 4 mètres 5o do Test à l'ouest ; la porte, située
dans l'angle sud-ouest et à laquelle on aboutissait par un
passage exigu entre le fossé et le vide, est disparue.
Au-delà du donjon, le plateau se termine en pointe à 7 ou
8 mètres; des constructions ont dû exister à cet endroit; parmi
les traces qui subsistent, je signalerai comme particulièrement
curieuse une excavation en forme de bol, prolongée par une
rigole qui aboutit au bord occidental du plateau ; je crois fort que
ce récipient a été créé pour recevoir de la poix ou de l'huile bouil-
lante, qui allait ensuite se répandre surles assaillants qui auraient
pu tenter une attaque sur ce point, peu élevé au-dessus du pla-
teau inférieur.
Du haut du donjon, le regard embrasse un immense horizon :
à l'est, se dessinent nettement les plus hautes cimes des Alpes
frontières, d'où se détachent les monts de Lure et la chaîne de
Vaucluse, terminée par l'énorme masse du Ventoux; au cou-
chant, s'étendent les plaines du sud-ouest de Vaucluse, limitées
par le Rhône et la Durance, semblables à deux minces rubans
argentés. Au-dessous, à plus de 80 mètres de profondeur, l'Ai-
guebrun dissimule ses eaux limpides dans un fouillis de verdure,
que jalonnent les rares fermes éparpillées sur les bords du ruis-
seau.
Somme toute, ainsi qu'on a pu s'en rendre compte, le Fort de
de Buoux a constitué jusqu'au XVI* siècle une défense considé-
rable pour la région (i) ; une garnison pouvait y soutenir de longs
sièges et se retrancher, en cas de prise, derrière une série d'ou-
vrages parfaitement défendus. Si, comme nous le pensons, les
(i) Mérimée, abandonnant le ton de la plaisanterie, consacra une assez longue
notice au Fort de Buoux dans son Voyas:d dans U Midi de la France (t. I, p. 219-223) ;
la description qu'il fait des ruines du plateau est précise et démontre qu'en 1834
l'état des bâtiments était à peu prCîs le môme que de nos jours ; le subtil archéologue
pensait, avec raison, que celte position avait dû être appréciée avant le moyen âge :
«Je ne serais pas étonné qu'une station romaine eût existé en ce lieu » ajoute-t-il, en
faisant la remarque que des débris de tuiles paraissant antiques se trouvaient sur
ce point. En ce qui concerne les tombeaux, MérimC'c ip. 222) pensait qu'ils pouvaient
dater des premiers siècles du christianisme.
173
courtines du bas du plateau et leurs flanquements ont été recon-
struits plusieurs fois et ont pu être transformés (légèrement)
pour Tusage des armes à feu, les constructions supérieures sont
demeurées telles qu'elles avaient été élevées au XII* siècle pour
les armes de trait. D'ailleurs, l'artillerie au XVI* siècle eût été
d*un secr)urs peu efficace pour les assiégeants et les assiégés ;
il aurait été aussi difficile de traîner des pièces sur cette hauteur
que de les utiliser contre le Fort ; seule, l'éminence de la Roche
d'Espeil qui se trouve au niveau de celui-ci, à l'ouest, aurait pu
servir de plateforme à l'artillerie; malheureusement, son accès
était aussi difficile que celui du Fort même.
Il a été question plusieurs fois, dans les pages qui précèdent,
d'un plateau secondaire dominé parlée ouvrages du Fort; il
s'étend du sud au nord sur une longueur de 3oo mètres environ,
avec une largeur moyenne de 60; c'était là une première étape à
franchir, si les assiégeants tentaient l'assaut de ce côté, en même
temps qu'une sortie pour la garnison. L'esplanade est accessible
au nord par une pente naturelle du terrain et au sud-ouest par un
escalier dérobé ; partout ailleurs elle domine les abords du Fort.
L'escalier dérobé avait son entrée dissimulée dans les rochers et
les arbres en rase campagne; entièrement taillé dans le rocher, il
est caché à la vue extérieure par une paroi peu épaisse ménagée
très habilement dans la pierre, au bord des marches ; celles-ci,
au nombre de 60 environ, permettent l'ascension à cinq hommes
de front et sont divisées en deux séries par un palier, au delà
duquel la volée fait un coude; pour atteindre le plateau, il faut
franchir un étroit défilé et une porte bien défendue.
Sur toute la surface du plateau étaient accumulés des obsta-
cles, notamment des murs de retranchement, mais on n'y ren-
contre guère de défenses militaires proprement dites ; les vestiges
les plus nombreux appartiennent soit à l'habitation, soit à des
abris pour la garnison (i). Deux silos, l'un taillé dans le roc, le
second maçonné permettaient l'emmagasinement de provisions.
Après avoir enlevé tous les obstacles, l'ennemi qui s'emparait
de ce point se trouvait à découvert sous les murs du Fort, dont
il devait tenter Tescalade, tandis que les défenseurs pouvaient se
retirer vivement vers le donjon au moyen des poternes dont il a
été question plus haut (2).
(I) Presque tous les rochers ^)nt reçu des appentis ou ont été entaillés pour Tamorce
de murN.
i2i Des combats ont certainement eu lieu en cet endroit; on y recueille fréquem-
m.ni de nun.s morceaux de 1er et de bron/e, provenant d'équipements ou d'armes
174 MEMOIRES
VII.
Refugks des Seguins et de l'Ak;lu.m:.
Baume des Peyrards.
Grotte des Pigeons et Baume de l'Eau.
Si Ton redescend du Fort par le chemin précédemment suivi,
on abandonne celui-ci près du Moulin-Clos, pour prendre un
sentier abrupt, qui, côtoyant TAiguebrun, aboutit d'abord au
hameau des Seguins, prés duquel se trouvent, semblables à
celles qui ont été déjà décrites, des cabanes en clayonnages et un
refuge plus inaccessible encore que le précédent.
Sur ce point, un groupe important de rochers éboulés forme
avec le mur vertical de la falaise un retranchement facile à fermer
et à défendre, à l'intérieur duquel nous retrouvons de nombreu-
ses excavations pour l'appui des poutrelles et des abris sous
roche. Le refuge proprement dit est établi sur une énorme masse
rocheuse de 3oà 40 mètres de hauteur, qui ne laisse entre elle et
le grand mur naturel qu'un interstice de un à deux mètres.
Dans le bas, un sentier fort raide aboutit d'abord à un palier
abrité par un renflement de la falaise, muni de diverses annexes :
banc, consoles, niches, et d'une citerne rectangulaire, percée
d'une bonde dans le bas, enduite intérieurement d'un ciment
rougeâtre, assez dur, ressemblant au solide ciment de même
couleur, composé de débris de tuiles et de chaux, que l'on
rencontre dans les constructions gallo-romaines (i).
A l'intérieur des appartenjents ménagés sur cet étage, prend
naissance l'escalier de 80 marches, taillé régulièrement sur le
flanc de la montagne, et qui, montant entre celle-ci et le rocher
détaché, conduisait à la partie supérieure du refuge. Une partie
des marches ayant été détruite, l'ascension en est aujourd'hui,
sinon impossible, du moins fort dangereuse; cependant, nous
tenons d'un témoin oculaire, habitant des Seguins, et dont la
bonne foi ne peut être suspectée, qu'au dessus du bloc existent
des traces de clayonnages et, à l'ouest, une citerne ronde assez
vaste, recouverte d'un ciment semblable à celui qui enduit la
(i) Nous rencontrerons le même mr)rticr emphtyc au quartier de Rocsalièrc, près
des fortifications de Sainte-Marf^uerite.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
17^
citerne du premier palier. D'après les déclarations de ce témoin,
la citerne aurait reçu les eaux pluviales ruisselant sur le rocher
voisin, au moyen de rainures et de rigoles.
Le refuge des Seguins a exigé de longs et pénibles travaux, ce
qui prouve que comme celui du Moulin-Clos, il a été créé à
une époque de terreur prolongée. Il en est de même d'un troi-
sième, qui, si la version qui nous le fait connaître est exacte,
appuie encore davantage notre thèse ; celui-ci est établi de façon
à défier toute tentative. Il est au sommet d'une aiguille rocheuse,
plus large dans le haut que dans le bas, élevée de 3o à 40 mètres
environ au dessus d'un petit mamelon à l'est du Fort de Buoux ;
d'après Gay(i), des escaliers courent sur la paroi à pic de ce
monolithe et atteignent le sommet, à la surface duquel une
citerne se trouve creusée, semblable à celle des Seguins. Ce détail
est rapporté d'après la déclaration verbale d'un habitant de
Buoux, qui, seul de tous ses contemporains, aurait eu au siècle
dernier le courage de faire l'ascension : nous avouons n'avoir pas
eu celui de le vérifier.
A peu de distance du refuge des Seguins, se trouve la Bainne
I^u^TF A c.rtw dî: i.\
Bai .mî; dfs Pkyrards.
(O'ilection Lazard.)
Pointe a main dk la Baime des Peyrards.
[ Collection Lazard. — Grandeur naturelle.
(îay. o;\ cil., p.
176 MÉMOIRES
des Peyrards (i , atelier et habitat de la fin de la période mousté-
rienne (Mortilletj, signalé vers 1808 par Requien et plus ample-
ment décrit en 1866 par M. Emile Arnaud, bibliothécaire d'Apt(2l
On a trouvé dans cette station des foyers importants, auprès
desquels gisaient, englobés dans un conglomérat dalluvions,
de graviers et de débris calcaires, des os de bouquetins, de cerfs,
de lièvres, de lapins, de chevaux, etc. Les instruments de silex,
caractérisés surtout par la pointe à main retouchée généralement
d'un seul côté (3), par quelques pointes à cran ou à deux bouts
(assez rares) et par des grattoirs à bout carré, ont été recueillis
en nombre considérable depuis un demi-siècle ; mais récemment,
MM, Deydier et Lazard ont fouillé d'une manière méthodique
toute Taire occupée et ont réuni de ce chef une belle collection
de couteaux, de grattoirs et de lames variées, qui permettra de
faire connaître en détail ce gisement préhistorique, Tun des plus
intéressants du sud-est de la France (4).
La Baume des Peyrards n'est pas la seule dans le vallon de
TAiguebrun, qui fournisse des documents palethnologiques : à
droite et à gauche du torrent, plusieurs grottes qui s'ouvrent au
flanc des collines recèlent certainement des traces de l'habitation
et de l'industrie primitives ; elles sont signalées aux explora
teurs (5).
Parmi ces dernières, la Grotte des Pigeons, anfractuosité de
3o mètres environ de hauteur, située à 5o mètres de la Baume
des Peyrards, mérite une mention spéciale ; pour y accéder,
rascension n'est pas aisée ; à Tintérieur, elle se divise en trois
chambres ou couloirs se dirigeant à l'est, au nord et à l'ouest ;
des stalactites décorent une partie de ses voûtes et le sol est
recouvert par «ne assez forte épaisseur de dépôt calcaire, au
dessous duquel gisent apparemment des débris préhistoriques ;
son exploration donnerait certainement des résultats.
Au delà de cette grotte, le pittoresque vallon de l'Aiguebrun
(i) La Baume des Peyrards n'est pas, à vrai dire, une f,nolte, comme son nom
pourrait le faire supposer, mais un abri situé sous un avancement de la falaise,
exposé au sud-ouest. Son étendue — couverte — n'atteint pas 5o m-.
(2) E. Arnaud, op. cit. (Bibliogrraphie .
(3) Celle que nous reproduisons est des plus caractéristiques.
(4) M. Moulin a publié dans les Annales de l'Académie du Var, i<.^)j (il en existe un
tirage à part), une notice sur cette station, d'après les renseijjnenients fournis par
M. Deydier.
(5) M. F. Lazard a visité rapidement deux ou trois de ces grottes ; il a pu se con-
vaincre qu'elles avaient été occupées pendant les temps néolithiques.
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE ' I77
va mourir vers les collines d'Auribeau ; nous terminerons cette
étude à la Baume de l'Eau, vaste grotte voûtée, qui s'ouvre immé-
diatement au-dessous du plateau de Claparèdes et sous laquelle
on a capté les eaux qui s'échappent par les fissures du rocher.
Sa largeur est de 14 mètres environ, sa profondeur de i5 et sa
hauteur sous voûte environ de 10. La source de la Baume de
TEau a eu une certaine importance à Tépoque préhistorique ;
c'est non loin de là, sur le plateau que se trouve la station de la
Brémonde, découverte et explorée par M. Lazard ; nous y
reviendrons dans une autre partie des Études.
En face de la Baume s'amorce un charmant vallon, d'aspect
plus sauvage que celui de Buoux et au dessus duquel surgit au
milieu des frondaisons la curieuse agglomération qui forme le
village de Sivergues.
lyS MÉMOIRES
VIII.
Miettes d'histoire.
L'anéantissement des archives de Buoux en 1848 a fait dispa»
raître les documents qui auraient pu jeter une vive lumière sur
l'histoire du village et du Fort de Buoux ; néanmoins, il est
possible, en réunissant les renseignements que nous ont fournis
les archives des Bouches-du-Rhône, celles d'Apt, ainsi que les
collections publiques et privées, de reconstituer en partie les
annales de ce pays.
«
Préhistoire. — Nous avons vu que la Batime des Peyrards est
le plus ancien habitat (fin de Tépoque moustérienne) du vallon
de TAiguebrun ; il est à peu près certain que d'autres stations,
sinon aussi anciennes, du moins assez rapprochées dans le temps,
existent aux environs de Buoux ; depuis cette époque, l'homme
n'a jamais cessé d'habiter ce quartier, où il était attiré par l'abon-
dance des eaux. Le plateau du Fort se trouve dans les mêmes
conditions : les pointes de flèches néolithiques recueillies sur ce
point aussi bien que sur les pentes qui y conduisent ne laissent
pas de doute à cet égard (i), alors surtout que l'occupation
postérieure sur ce sol constitué par le rocher à peu près nu, a
contribué à faire disparaître la plupart des traces d'habitation
antérieure. Il en est de môme des débris de poteries (2), contem-
poraines des flèches, ainsi que des éclats de silex et des haches
en pierre polie (3;.
(1) M. Lazard qui m'accompagrnait dans mes excursions a ramassé devant moi,
immédiatement sous le donjon, une pointe de flèche, de facture parfaite, recouverte
d'une belle patine blanche. Rappelons ici l'exceptionnelle pointe en silex de o"52 de
long trouvée pendant la construction du chemin sous l'abri du Fort, et signalée par
Rochetin [op. cit., p. i?3), d'après les renseignements de M. Garcin. Cet objet serait
passé dans une collection marseillaise.
(2) Poterie brun clair ou brun rouy:e foncé, mêlée à des cailloux assez forts, sem-
blable à celle que l'on trouve dans le lalu'^ du Moulin-Clos. (Collection Granet, à
Roquemaure.)
(3) La collection Garcin en possède plusieurs trouvées dans le voisinage du Fort
ou sur le Fort; J. Cr)urtet (op. cit., v Buoux). signale une hache en serpentine de
même provenance; Gay iop cit., p. 8i), en mentionne d'autres; on a déjà cité
(Rochetin, o;^. cit., p. i32), celles qui font partie de la collection Granet (Roquemaure)
du D' Bonnet (Bonnieux). etc.
M. Lazard a recueilli récemment, près des premiers pans de courtine, un morceau
de polissoir en grès qui avait été englobé dans la maçonnerie.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
179
Pointe de javelot
a douille.
(Collection Lazard.
Grandeur naturelle.)
A l'époque du bronze, le vallon et le Fort ont continué d'être
habités ; il est probable que les occupants du sol avaient reçu ce
métal par les routes se dirigeant vers la
Durance; des pointes nombreuses en bronze
ont été trouvées dans le vallon (i\ Le très
beau fragment d'épéc que nous reprodui-
sons et qui fait partie de la collection Lazard
provient des bords de TAiguebrun ; il mesure
(V"3i de longueur et
3H millimètres de lar-
geur dans le haut.
Cette arme, de fa-
brication parfaite et
recouverte de la pa-
tine verte bien con-
nue des archéolo-
gues, est surtout
remarquable par la décoration de la lame,
composée de cercles concentriques et de
spirales accolés et se pénétrant, gravés
au-dessous de la garde, de chaque côté de
la nervure médiane ; celle-ci est accom-
pagnée jusqu'au bas par des lignes con-
vergentes parallèles. La garde, massive,
a 7 centimètres de largeur : elle reçoit
par une fente la soie aujourd'hui brisée
et jadis fixée par des rivets; il est pro-
bable que la fusée (absente) était fondue
d'un seul jet avec la garde qu'elle conti-
nuait.
De la même époque datent les douze
objets en bronze inscrits au Catalogue des antiquités du Musée
Calvet (2), sous cette mention : « Trouvés près du Fort de Buoux
en 1873 », comprenant huit bracelets ou fragments de bracelets,
une armille, une plaque et deux coupes ornées de cercles concen-
triques percées au centre et ayant été jadis réunies par des rivets
(bâton de commandement?) et minutieusement décrits déjà (3).
Kpke de bronze
de la collection Lazard.
(i) La figr. reproduit une des bclle*^ pointes de la collection Lazard : M.
possède aussi quelques-une«-.
(2) P. 379, n* 25o z.
{'<) Rochctin.of. cit., p. i36.
Garcin en
l80 MÉMOIRES
Les haches en bronze provenant de Buoux ne sont pas nombreu-
ses ; on n'en a cité qu'une seule jusqu'ici (i).
La sépulture découverte par M. Jullian appartient à l'époque
du bronze, de même qu'un grand nombre de débris de poteries
disséminés dans le vallon. On peut donc considérer comme à
peu près certaine Texistence sur le fort d'un oppidum pré-romain.
Gay (2) déclare qu'on y a trouve des monnaies gauloises (malheu-
reusement égarées). Si cette preuve peut être douteuse, il n'en
est pas de même des deux pièces de bronze celtibériennes, pro-
bablement inédites, que renferme la collection Garcin.
Un deuxième oppidum, constitué par des murs épais, jadis
précédés de fossés (r , avait été établi à l'extrémité occidentale du
mamelon de Mortisson, dominant le chemin de Marseille (3) ; les
communications avec cette ville, ont laissé à Buoux, comme dans
toute la région, des traces indiscutables : des monnaies massa-
liotes en grand nombre ont été trouvées sur le plateau du Fort (4).
Sans qu'on puisse préciser leur âge, les cuves vinaires et les
cabanes en clayonnages sont certainement antérieures à l'occupa-
tion romaine.
Période gallo-romaine. — Elle a Isissé des vestiges dans toute
la région de Buoux, localisés surtout :
r Aux environs du Fort ; ce bastion naturel a été vraisembla-
blement utilisé par les Gallo-romains, au moins vers la fin de
l'Empire, au moment des invasions. On y a ramassé fréquemment
des monnaies romaines ; citons un moyen bronze consulaire
d'Auguste et un aureus de Valentinien 111 (5), des bronzes
d'Hadrien, d'Antonin le Pieux, de Faustine sa femme, de Gordien,
etc. (Collection Garcin.!
Sur le Fort même ont été trouvés divers objets de la collection
Garcin : perles de collier, manche de miroir, crochet de fer en
forme d'ancre, ainsi qu'un anneau à cachet, en bronze, de fortes
dimensions (21""" de diamètre intérieur, 3""" d'épaisseur), orné de
traits horizontaux et de segments de cercles afirontés, et portant
sur le chaton l'inscription suivante :
(i) Collection Granet; cf. Rochetin, ibidem,
(2) Op. cit., p 85.
(3) Nous étudierons cet oppidum dans une autre partie des Éludes; les collections
aptésiennes contiennent nombre d'instruments en silex provenant de ce quartier.
(4) Collection Garcin, notamment.
(5) Décrit par Cohen [Description générale des monnaies de la République romaine.
p. 84, n* 25) ; l'aureus de Valentinien est inédit.
DE L*ACADÉM1E DE VAUGLUSE l8l
msii
Par sa forme massive et le style de Tornementation, cette
bague nous parait appartenir à la dernière période du Bas-
Empire (i).
2" A la campagne des Crottes, en face du village, construite
sur remplacement d'une villa gallo-romaine. Quoique l'on ne
voit pas sur ce point de bâtiments du II* et du III' siècle (2), il
n'est pas moins vrai qu'on a relevé là des mosaïques et exhumé
récemment encore des tuiles, des briques, delà poterie (notam-
ment de grandes amphores;, ainsi que des tombes à incinération
contenant le mobilier funéraire habituel (3).
3** et 4" Aux châteaux d'Aurons et de Buoux (4).
.V Au quartier de Mortisson, près de la villa Mille et au bord
du chemin de Marseille, les découvertes de tombes ont été assez
fréquentes ; l'une d'elles contenait avec les vases ordinaires un
fer de javelot de o'"io de long (collection Granet) ; une autre a
fourni quatre bracelets ronds en bronze, recouverts d'une belle
patine yorte, ornés de losanges et de hachures, enclos dans des
compartiments formés de lignes transversales (collection Garcin).
Moyen âge. — Il est probable que les refuges signalés plus haut
appartiennent à la dernière période du Bas-Empire et qu'ils ont
été améiiagés au moment des invasions ; plus tard, la renais-
sance carolingienne permit la construction d'une église (Saint-
Germain), auprès de laquelle se groupa une agglomération,
ayant comme annexe un cimetière important. En dehors des
ruines du village, des tombes, de l'autel et du fragment de
(1) La forme et rornementation de la bague ainsi que des bracelets dont il est
question ci-après prouvent la persistance, tout au moins dans la région, de l'emploi
des lignes giiométriqucs, (chevrons, hachures et losanges), circonscrites dans des
cartouches, qui caractérisent les objets de l'âge du bronze ; les gravures de la bague
et des brajilets sont d'un style parfaitement semblable à celui de plusieurs bijoux
en bronze de l'époque mo^rin^Unm Chantre) et notamment du bracelet d-icouvert
récemment dans le Gard, publié par M. P. Raymond, Tumulus de Vépoquc moerin-
gienne ou laun^cUnm, dans le BuUeiin di la. Société préhistorique de France, 1904,
p. 90 et pass. (fig. ai).
(2) Gay. op. cit.. p. 84.
(3) Citon ; particulièrement deux urnes en verre et un vase orné de feuilles de fou-
gères, portant comme marque de fabrique, un monogramme dans un cartouche
circulaire.
(4) Voyez ci-dessus l'article concernant le vallon d'Aurons.
l82 MEMOIRES
piscine décrits, Thabitation sur ce point est prouvée par les débris
de poteries du moyen âge qu'on y recueille, ainsi que par les
monnaies (i).
Un village ou un lieu-dit de Buoux se trouve mentionné pour
la première fois dans la charte de donation à Tabbaye de Saint-
Victor déjà citée {2), par laquelle Pons Farald donne des terres
situées dans le vallon : ... de Cantadiix usque adpassum de Biol et
usque a la Bocheta et usque ad podium de Furcas et usque ad
podium de Martino. Biol est la plus ancienne forme du nom de
ce lieu (3) ; quant au quartier de Cantadux, il est identifié à
tort par les éditeurs du Cartulaire, avec la campagne de Chaix ;
nous pensons qu'il s'agit de Chantebelle (V. la carte), la dénomi-
nation de Chaix donnée à une campagne de Claparédes, n'est
qu'un nom de famille relativement récent; les deux formes
sont d'ailleurs très dissemblables. Podium de Furcas est
identifié avec raison avec Fourcadure.
Une bulle d'Adrien IV, confirmant les possessions de son église
à Guillaume I", évêque d'Apt (i 5 avril ïi58j (4) mentionne entre
autres l'église de Buoux : ecclesiam de Buolis. Au XIIP siècle, nous
trouvons la même forme Buol, dans Tobituaire de l'église d'Apt (5),
citée en même temps que l'Aiguebrun.
En i326, des contestations s'étant élevées entre les habitants
d'Apt, ayant à leur tète Foulques de Chartres et Pierre ..., syn-
dics, et les habitants de Buoux soutenus par leur seigneur,
[Guill]aume de Forcalquier, relativement au droit de ban, il fut
convenu, par acte du 20 mars 1826 (6), dressé sur le chemin
public, prope terminum positum in média via, devant le juge d'Apt,
que Bertrand Bot, Bertrand Milon, Bertrand Amat de Saignon (7),
(i) Une des plus remarquables est un denier d'argent de Louis le Débonnaire
(collection Garcin), dont on ne connaît que deux exemplaires ; le second est au musée
de Vienne Autriche).
(2) Cartulaire de Saint-Victor, ch. 48a.
(3) Un Lambertus de Biol figure au bas de la môme charte au nombre des témoins.
Les mêmes formes se rencontrent dans d'autres documents; c'est ainsi que nous
trouvons : c P. de biolis » dans le registre de la claverie d'Apt en i328 (Archives des
Bouches-du-Rhône. B i683, fol. io5) ; — « P. Pelate de Uuolis » (Ibidem, fol. 5a v«) ; —
c G. de Biolis » ylbidem, fol. 85) ; — « Pctro de Byolis > {Idem, B 1687, fol. 84 v) ; —
< Byolis » {Ibidem, fol. 98). en 1345.
(4) Galtia christiana novissima, province d'Aix, Instrumenta extraordinaria, p. 541,
n' VIII.
(5) € In anniversario G. de Claramonte et uxore ejus, vi d. Relhardus Grassi de
Buol, de orto Ayguabronum. » (Archives de la fabrique d'Apt, fol. 5o v.)
(6) Archives communales d'Apt, série AA.
(7) Saignon, commune du canton d'Apt (Vaucluse),
DE l\\cadémie de vaucluse i83
Raymond Brevi de Rocsalière, Siméon Pons, Pierre Girard et
Bertrand Vital de Buoux, Jacques Gautier de Saint-Martin de la
Brasque (i), détermineraient les limites entre les deux territoires.
Nous ne connaissons pas les suites de cette affaire, mais nous
avons un autre document du lo avril 1872 (2), par lequel Jean
Sabatier, commissaire réformateur des églises et monastères de
la ville et du diocèse d'Apt, fixe les bases d'un accord entre
Durand André, prévôt du chapitre (3), et les chanoines d'Apt au
sujet des dîmes à percevoir dans le terroir ; dans cet acte, il est
fait mention du chemin allant de Saignon ad locum de Diolis, et de
quelques noms de quartier que nous renonçons à identifier.
Il est probable qu'à cette époque Buoux n'était qu'un simple
prieuré : c'est d'ailleurs sous ce titre qu'il est porté dans le
rôle des décimes prélevés au XIV" siècle dans le diocèse d'Apt :
Phor de Biolis : uni s, iiii d. (4).
Ces exemples suffisent pour nous donner d'une façon certaine
la forme primitive du nom de Buoux : Biol et Buol, à l'exclusion
de celles, différentes, que Ion a cru rencontrer (5] ; plus tard,
Biolis et Buolis dérivés de cette forme sont constamment en
usage, dans les documents aptésiens, avec la forme Bieus (pro-
vençal) (6) et Buoux, Buous, Buoulx (français). Nous n'essaierons
pas de rechercher l'étymologie de ce nom, qui me parait remonter
au delà de l'occupation gallo-romaine.
La Seigneurie, — Il n'apparaît pas qu'une autre agglomération
ait existé à Buoux en même temps que celle de Saint-Germain ;
lorsque le village fut détruit, une église fut édifiée sur le plateau
(i) Sain t-Marlin-de-la-Brasque, commune du canton de Pertuis (Vaucluse).
ij) Archives communales d*Apt, série EE.
(3) Prévôt du chapitre de i3d3 ù. 1379, Jate de sa mort, arrivée à Rome.
(4) Gailia chrisiiana novissima, province d'Aix, instrumenta, p. i38, n» xv.
(5) Il est inutile de réfuter les étymologies burlesques de Gay {op. ciL, p. 88) ;
d'autre part, nous trouvons dans VEssai d'un dictionnaire philolof^igue des noms de
tieu du département de Vaucluse, par Albert Maire (Annuaire de Vaucluse, 1886,
p. ao-ai) certaines dénominations: Buxo (1348 , tirée de la Gallia christiana, t. I (sans
autre référence); Conventus fratrum Predicalorum de Buxo, qui ne s'appliquent nulle-
ment à Buoux, pas plus que la îovmc Eux edone, extraite des comptes du trésorier du
Comtat (Archives de Vaucluse, C i363). 11 n'y a jamais eu de couvent de Dominicains
â Puoux, et cette commune ne faisait pas partie du Comtat; nous en dirons autant
de Buxedo, tiré du môme fonds (1402) et de Buxedone (i4i5), qui ont la même valeur.
Quant à l'étymologie proposée par M. A. Maire (Boris? Buch. celtique : Buis, et
Buxus, Buis), elle est trop en désaccord avec les régies de la formation des noms de
lieux.
(6) Archives communales d'Apt, CC, compte trésoraire de 1396.
184 MÉMOIRES
de Claparèdes, non loin du château seigneurial, pour Tusage de
la population disséminée sur tout le terroir.
Nous ignorons à quelle famille appartint cette terre avant
i326, date de la délimitation des territoires d'Apt et de Buoux ;
dans cette charte nous voyons Guillaume de Forcalquier, nommé
en tête des habitants de ce derniefr lieu ; c'est bien celui-ci
qui était alors seigneur de Buoux, puisque le château et le
village, ainsi que la terre de la Roche d^Espeil furent donnés, le
12 avril 1418, par Bérenger de Forcalquier à Lancelot de Ponte-
vès, deuxième fils de Jean de Pontevès et de xMadeleine de Mar-
seille, chambellan de Louis II de Provence (i).
Lancelot, marié à Jeanne d'Agoult en premières noces, en
deuxièmes à Marguerite Malabaille, et en troisièmes à Margue-
rite de Pontevès, mourut vers 1450, laissant deux fils: Pierre,
seigneur de la Roche d'Espeil, et Gaspard, seigneur de Buoux.
La branche issue de celui-ci se fixa à Apt; Gaspard de Pon-
tevès, marié avec Douceline de Bot, fut syndic d'Apt, viguier
d'Arles en 1443 et mourut vers 1480. Ses deux fils, Guillaume et
Balthazar, devinrent coseigneurs; le premier fut syndic d'Apt
(1489 et i5o4) et décéda avant i5i3 ; Balthazar était mort en i5i 1 .
L'un et Tautre ne laissant pas d'héritiers, leur frère Ange recueillit
la seigneurie; il fut syndic d'Apt, gouverneur de Saignon (i5i5
et iSig) et colonel d'infanterie. Il laissa de son mariage avec
Marguerite de Simiane deux fils : Claude, mort vers 1541, et
Gabriel, seigneur de Buoux, qui se distingua pendant les guerres
de religion, fut gouverneur d'Apt (i56i) et épousa Anne de
Sade (2).
Son fils, Pompée, dit le Grand, acquit une grande renommée en
Provence comme homme de guerre ; il se signala au long siège
de Ménerbes (1577), reprit aux Réformés le Fort de Buoux (1577)
et prit part avec éclat à diverses batailles, notamment à celle de
' Vinon (iSgi). Il avait été gouverneur d'Apt (i586, capitaine des
galères {1598), viguier de xMarseille (1601 lorsqu'il mourut (avant
i6o5). Son fils Ange II, né en 1S9T, fut colonel d'infanterie et
viguier de Marseille (1621). Louis, qui lui succéda dans les sei-
gneuries de Saint-Martin de Castillon, du Boisset, d'Aurons et de
(I) Généalogie p. 67.
(a) Gabriel de Pontevès présenta à la cour le dénombrement de sa terre de Buoux
le 27 novembre 1541 ; il en avait la haute, moyenne et basse juridiction et déclarait
que le revenu de cette seigneurie, charges enlevées, s'élevait à cent livres tournois.
(Archives des Bouches-du-Rhône, B 762, fol. 245 v".)
DE l'académie DR VAUCLUSE l85
Buoux, était né en i63i ; il devint gouverneur d'Apt et du Fort
de Buoux (i652^ guidon des gens d'armes de la reine-mère (i6r»3),
colonel du régiment d'infanterie de Messine, premier consul
d'Aix (i66i) et lieutenant du roi en Provence. Il mourut à Apt le
17 août 1708.
Louis de Pontevès avait obtenu en récompense de ses services
l'érection en marquisat de sa terre de Buoux (1). De sa femme,
Barbe de la Croix de Chevriêres, il eut un fils, Jean-François-
El^èar, époux d'Alexandrine-Cornélie du Puy-Montbrun, qui fut
d'abord mousquetaire du roi (1693) et occupa ensuite les charges
de gouverneur d'Apt (iGgS) et de lieutenant du roi en Provence
(1704-1711); il mourut en 172S. Son testament (2) nous montre
que les seigneurs de Buoux occupaient à cette époque une haute
situation sociale et possédaient une fortune considérable ; par
l'écrit signalé ci-dessus, il demande à être enseveli dans la tombe
de ses ancêtres aux Cordeliers d'Apt, obligeant ses héritiers à
faire dire 5oo messes de Requiem. Après divers legs particuliers,
notamment en faveur de la Charité et de l'hôpital d'Apt, des
pauvres d'Apt, de Buoux et de Sivergues, de ses secrétaire,
maître d'hôtel, agent, officier, cuisinier, de ses laquais et de son
cocher, il institue sa femme usufruitière de tous ses biens jusqu'à
ce que son fils ait atteint 2.^ ans; il laissait en outre près de
2(X),()00 livres à ses sept tilles.
Son fils unique, Louis-Alexandre, né en 170(5, mort à Buoux en
1762, après avoir rempli les charges de syndic de la noblesse de
Provence et de premier consul d'Aix, fut le dernier possesseur de
Buoux de la famille de Pontevès (3).
Après son décès, le marquisat fut transporté dans la famille
de GallilTet, originaire du Pauphiné et qui, établie à Aix au XVII*
siècle, possédait déjà les seigneuries des Martigues et de Berre.
L'acquéreur, Alexandre-Jean de GallilTet, marié à Laure de
TEstang-Parade, était lieutenant-général ; il émigra dès les débuts
de la Révolution (4). Ses biens, vendus par la Nation, compre-
(1) Lettres patentes de Louis XIV (juillet i65o), publiée*; dans la Généalogie histo-
rique de la famillt de Sa bran- Pontevès» p. 197-198.
[-2) Notaire E. Forest.à Apt, 3i mars 1725 (d'aprùs une copie de la collection Garcin^
(3) Le dénombrement présente au roi par Louis- Alexandre en 1728 mentionne
parmi ses propriétés 8 bastides et un moulin banal, situés à Buoux (Archives des
Bouc hes-du- Rhône, C i3o. fol. 167 v).
(4) Son fils, Alexandre -Justin-Marie, colonel du 4' régiment de dragons, fut le
père de Gaston-Alexandre de Galliffet, né en iH:^o, ancien général commandant de
corps d'armée et ministre de la guerre.
7
iWi MÉMlMRES
naient comme domaine foncier un quart environ du terroir de
Buoux, ainsi que toutes les campagnes importantes de cette
commune (i).
La Commune. — Dans les temps modernes, l'histoire de Buoux
se confond avec celle de son Fort et de ses seigneurs. Les docu-
ments relatifs à son existence propre sont trop peu nombreux
pour qu'il soit possible de fixer l'époque à laquelle la commune
prit naissance, c'est-à-dire eut des syndics (2); cependant, en
ih^o, nous constatons son existence communale, puisque ce fut
le syndic qui comparut devant le commissaire délégué pour le
recensement des lieux non affouages (3).
Les rares débris des archives communales nous apprennent
qu'au début du XVII* siècle, Buoux était encadastré à un demi-
feu, avec un budget de (.)(x) livres en recettes et en dépenses, dont
68() pour les impôts royaux, ceux de la province et de la viguerie.
11 n'y avait en 1541 qu'un consul qui remplissait en même temps
les fonctions de trésorier [4). Les dépenses, dans la même année,
comportent seulement les frais d'audition des comptes, l'achat
d'un coffre pour tenir les archives et de fréquents présents au
seigneur de Buoux (S).
La construction de l'église et du presbytère, au commencement
du XVII* siècle, avaient considérablement obéré les finances du
village, dont les dettes s'élevaient à 2,000 livres en 1717 et à
3,000 en 1780; le compte de cette dernière année mentionne
notamment des réparations à la maison curiale (ii5 livres), des
(I) Parmi les biens lui appartenant figurent la Bastide de Loube, la Montagne, le
Moulin-Clos, le Petit-Moulin, le Fort, Serre, la TÛilière, le Jas, Mortisson, les CrottCb.
la Brémonde, Salen, etc., en plus du château seigneurial et de ses dépendances.
( Procès-verbal d'estimation des Mens de l'émigré Galliffet, par Vapaly et Rremondy.
experts, et Jean Deyme, agent national d*Apt, dressé en ventôse an II. — Collection
Garcin.)
(3) Buoux faisait partie du bailliage d*Apt.
(3) Archives des Bouches-du-Rhône, B aoi.
(4) Archives communales de Buoux, série CC, compte trésoraire de 1641.
(5) € Plus cinq livres que j'ay [données] pour le presan qu'avons pourté a madame
[de Buoux] quand nous sommes allé voir de prandre du blé...
a Plus 42 sous que je hais paie tan pour un presan a madame quan nous voulions
que nous donnact un sargant. Plus je hay paie trois livres et demy tan pour
4 dindons cl quatre pers de poules et heufs quand nous sommes allé voir madame
au château....
i Plus je hay paie six livres et demy tant pour 4 dindons et quatre pers poules
quand nous sommes aie voir monsieur le marquis au château quand vient de
l'armée. «
DE l'académie de vaucluse 187
frais de fourniture d'un sixième de milicien (i), quelques répa-
rations aux chemins et les gages des officiers communaux.
En dehors des impôts royaux les habitants de Buoux payaiqjit
encore la dime, due au prieur, prélevée à raison du quinzième de
tous les produits du sol (2); ils avaient enfin à supporter les
charges seigneuriales, savoir : la tasqiie, calculée au huitième de
tous les grains ; trois sols annuels par Jochoyrade de pré (3) ; trois
sols annuels par chaque jardin ; trois émines de blé par habita-
tion ; une eymine pour chaque jas (4) et le neuvième du produit
des vignes (5).
C'est à peu près tout ce que nous apprennent les documents ;
les archives de lyBc) à i83o ayant été brûlées avec les autres,
nous n'avons aucun détail sur les événements de la période
révolutionnaire.
Le Fort. — La forteresse de Buoux a joué un rôle trop impor-
tant dans rhistoire de la ville d'Apt pour qu'elle n'ait pas laissé
de traces dans les documents aptésiens ; ce sont d'ailleurs à peu
près les seuls qui donnent des renseignements à son sujet.
Pendant les incursions des routiers ou des Bretons, c'est-à-
dire dans la deuxième moitié du XIV* siècle, le Fort de Buoux
dut être utilisé pour la défense régionale, car les constructions
voisines du donjon sont, nous l'avons vu, antérieures à cette
époque ; d'ailleurs, le grand nombre de débris d'armes, d'ar-
mures, d'objets d'équipements, etc., découverts sur le Fort,
appartenant au moyen âge prouvent l'occupation dès le XII*
siècle au moins ((')).
En 1392, au moment où Raymond de Turennè terrorisait la
contrée et dévastait les campagnes de la haute Provence, le
conseil d'Apt délibérait de secourir les châteaux de Saignon, de
Huoux et de Lourmarin fy) ; le compte trésoraire de iSgô men-
1) Avec Sivergues, Auribeau, Castclletci Roquefure (arrondissement d'AptI.
(2) A Apt la dîme n'était prélevée qu'au i8* des (grains et raisins.
(3) Etendue de terrain qu'un humme pouvait cultiver on un jour.
4) Cabane en pierres sèches servant de bergerie.
(5) Archives des Bouches-du-Khône, B 201, loi. xm v.
(h) Deux «ornements de ceinturon, de la collection Garcin, nous paraissent appar-
tenir â la fin du XII* siècle ; il s'ag^it de deux petites plaques en cuivre émaillé, sur
lesquelles est représenté un cavalier muni de son bouclier, l'épée levée et combat-
tant.
'7) * Item, ordinaverunt quod ad hf«norem re«rium et conservalionem hujus patrie
succuratur castris de Sanione.de Buolis, de Lucemarino et aliis castris vicinis de
g-cntibus et victualibus et aliis nece<^<;ariis ut castra ipsa emulis patrie se deffendere
l88 MÉMOIRES
tionne au i" août l'envoi de Buoux à Apt d'un messager annon-
çant rassemblée des gens d armes de Raymond (i). Des avis
semblables parvenaient d'ailleurs sans cesse aux syndics d*Apt.
qui durent en profiter pour défendre leur cité, qui résista vail-
lamment aux entreprises directes de l'ennemi de la reine Marie
de Blois (2).
Au XV* siècle, le Fort parait avoir été délaissé, la paix régnant
en Provence; mais les premières persécutions contre les prote-
stants et les guerres qui suivirent obligèrent la ville à se préoccu-
per de son principal ouvrage de défense. Déjà, en i53(), l'invasion
de la Provence par les Impériaux avait menacé les environs d'Apt ;
l'armée ennemie s'était emparée de Lourmarin, s'y était retran-
chée et de là faisait de fréquentes incursions à Buoux, à Siver-
gues et jusqu'à Rocsalière (3). Lourmarin ayant été repris par les
Cavaillonnais, la région jouit d'une nouvelle tranquillité.
Des terres qu'ils occupaient sur le versant méridional du
L^beron quelques Vaudois étaient venus, dès le début du XV*
siècle, se fixer à Buoux et à Sivergues ;4^ ; sans refaire ici l'his-
toire de la Réforme en Provence, rappelons que le Fort, se trou-
vant sur un passage important, ne pouvait éviter d'être l'objet
des convoitises de tous les partis. On ignore certainement quel-
ques-unes des péripéties qu'il eut à subir, mais nous savons que
les Réformés de Buoux avaient été pourchassés dès ir^o, que
leurs maisons avaient été brûlées et leurs biens confisqués.
En i563, le Fort était cependant au pouvoir des protestants ;
en 1573, les ravages d'P-stoublon et du baron d'Allemagne attei-
gnirent Buoux et Lourmarin. Deux ans après, Buoux était repris
par les catholiques (5\ lorsque les Calvinistes de Ménerbes vin-
rent l'assiéger, le reprirent à Jean de Pontevès, qu'ils précipitè-
rent du haut du donjon ;6,. En iryy, ils ne l'avaient pas encore
abandonné, puisque les habitants de Buoux sont portés, dans un
traité de protection mutuelle conclu entre la commune d'Apt et le
valeant, et conservantur ad honoroin ret;ii domi cl conservalioncm et bonum statum
dicte Provincie. » (Archives communales d'.Vpl. hB, rejr. de i38« à il^J. fol. xcvii V,
délibération du 22 novembre i3y2. »
(i) f Aldich jorn aver pagrat à un mes>afrier de Bieus que venié de Pertus que
tolos los gens [de' mosen Raymon eran acampadas pcr venir melre lo fuoc els
blatz, I pros. » (Archives communales d'Api, CC, compte Irésoraire de 139G.)
(2) Archives communales d'Apt. Biî, rc^'. de r:vS8 A i.'^'^, fol. O4 v% délibération du
14 juin 1396.
(3) Remerville, Histoire ms. S Apt, p. ?t2.
(4) Cf. Justin, Histoire Jes t^uerres c.vcttàes Jjh^ le cnmtc \'cn.iissin, 1782, t. I, p. :^8.
^5) Remerville, op. cit., p. ^4'.*.
(6) Idem, p. 544.
DE l'académie de vaucluse ïSq
capitaine Ferrier, de Ménerbes (i8 juin iSyy), comme des Réfor-
més (i); mais la chute de Ménerbes permit bientôt après à
Pompée de Pontevès d'attaquer vigoureusement le Fort, afin de
venger son parent. Le siège se prolongeant au delà de son gré,
(( il résolut de le terminer définitivement. Ayant attiré le gouver-
neur du Fort, soubs prétexte de le régaler dans son chasteau
avec tous les officiers de la garnison, il fust si inconsidéré de
s'y rendre, suivy de ses meilleurs soldats. On Tarresta en mesme
temps prisonnier et rayant attaché sur un asne, on le mena sur
une hauteur voisine du Fort d'où il pouvoit estre aperceu de
quelques soldats qui estoient dedans et en leur présence, on
menaça de le poignarder s'ils ne se rendoient pas sur le champ:
Le péril de leur gouverneur et le peu d'apparence qu'ils peussent
résister longtemps leurfist ouvrir les portes, dont les catholiques
se saisirent aussitost et l'on mit ensuite le gouverneur en liberté
avec le reste des huguenots qu'on avoit arrestés avec luy. »
(i577)(2).
Peu à peu, le Fort et la garnison que la ville y entretenait
devinrent une lourde charge pour les finances aptésiennes ; les
États de i585 ayant prescrit de fournir 14 hommes pour la garde
de Buoux à partir du 6 juillet, le conseil délibéra d'envoyer
à AixM. du Canton, premier consul, pour demander l'annulation
de cette décision (3). Malgré tout, les hommes furent équipés et
expédiés par la commune dès le mois d'août suivant ; malheu-
reusement, en octobre, on lui demanda un nouveau sacrifice :
quarante hommes devaient aller rejoindre la garnison, « chose et
despense a la ville insupportable », protesta l'administration (4)
qui dut se soumettre, sans renoncer toutefois à réclamer le rem-
boursement des sommes avancées (5). La garnison aptésienne
demeura au Fort jusqu'au 5 novembre ï585 (6). Elle y retourna
(1) Ce traité (dont l'original signé par le fameux Ferrier qui tint pendant si long-
temps en échec les troupes pontificales et provençales réunies devant Ménerbes, est
aux archives d'Apt, série A A), fut dressé pour éviter les déprédations des catholiques
et des protestants, ainsi que les attaques à main armée sur les routes : c Soubs cette
condition que allants et venantz ceulx desdits Ménerbes, Buoux et autres de la ses
vallées qui sont de la relligion refourmée audict Apt, Saignon, ne seront aulcunc-
ment offensés ne moUeslés. •
(2) Remerville, p. 620.
(3) Archives communales d'Apt, BB, reg. de i388 à 1396, fol. 278, délibération du
18 juillet i585 ; fol. 281, délibération du 4 août.
(4) Idem, fol. 281, délibération du 4 août.
(5) Idem, fol. a88, délibération du 6 octobre.
.6) fdem, fol. 294, délibération du 20 novembre.
igi) MÉMOIRES
d'ailleurs l'année suivante : c'est ce qui résulte d'un rôle de
« la dispense faicte par 140 hommes, sçavoir cent hommes de la
ville d'Apt et quarante pour le" Fort de Buoulx » (i). Ce fut cette
même année, que Pompée de Pontevès ayant demandé 56 écus
par mois pour la garde du Fort, le conseil délibéra de demander
la démolition de cette place, ce que le crédit du seigneur de
Buoux réussit à empêcher.
Pendant une vingtaine d'années, les documents aptésiens sont
muets au sujet de Buoux, probablement parce que le Fort avait
été abandonné ; mais en 1626, les Calvinistes ayant fait de nou-
velles tentatives contre quelques châteaux de la région, le Parle-
ment demanda l'exécution immédiate des lettres patentes don-
nées à Nantes le 3i juillet 1626, qui prescrivaient la démolition
des fortifications inutiles, parmi lesquelles Buoux se trouvait
compris. Cette fois, ce fut la ville, par l'intermédiaire de son
consul, Barthélémy de Remerville, qui s'opposa à l'exécution de
l'ordre royal. C'était, en réalité, pour éviter les dépenses qu'au-
rait entraînées son exécution, mais elle donna le prétexte que le
plateau par lui-même formait une position facile à défendre, alors
même que les fortifications n'auraient pas existé (2). La ville eut
certainement gain de cause, puisque en 1649, '^^ procureurs du
pays l'obligeaient à placer vingt hommes de garde au Fort [3;.
Après cette date, celui-ci ne se trouve plus mentionné nulle
part; aussi faut-il, pour l'instant, renoncera connaître la date
exacte de sa démolition ; Courtet donne assez vaguement celle
de 1660, année qui vit la destruction de la citadelle d'Orange,
(i) Archives d'Apt, série CC, compte trêsoraire de i586.
(2) « Et parce qu'il y a plusieurs des plus entendus de ceste ville qui leur ont dict
{aux consuls) ladicte desmolition seroit grandement préjudiciable au public et
especiallement a ceulx de ceste ville et contrée, parce que ledit Fort se trouve au pied
de la grand montagne du Leberon, environné des habitants dudict Buoux,
de Sivergues, Lurmarin. Merindol, Lacoste, Gignac, toute la vallée d'Aiguës et
plusieurs autres lieux qui sont tous de la religion pretandue reformée, lesquels aux
premiers et seconds troubles de ce pais c'esioient saisis dudict Fort et c'estoient
ramparés et barriques dans icellui avoient faict de grands dommages en ceste
contrée, ce qui leur seroit encore facile a faire, quelle desmolition que feust faicte
dudict Fort, d'aultant que le lieu est de soi mesme defTansable et ne pourroit estre
destruit en fasson qu'en peu de temps il ne peult estre remis en defTanse. Consi-
déré que de dix parts de ceulx de la religion pretandue reformée, les neuf se trouvent
aux environs dudict Fort et de ceste ville, qui n'en e.si t^lojgnée que d'environ deux
lieues et que le nombre d'iceulx est si grand que leur seroit facile de fere promtc-
ment une levée de plus de mil hommes, etc. » (Archives communales d'Api, BB,
reg. de 1620 a i63i, fol. an, délibération du 20 septembre 1626.)
^3) Idem. BB, reg. de 1642 à i653. fol. ?y, délibération du 5 mars 1649-
DK L*ACADÉM1E DE VAUCLUSE I9I
mais il ne cite aucune référence. Il y a cependant apparence que
la chute définitive du Fort n'est pas postérieure au XVIP siècle.
Si quelque doute peut subsister à ce sujet, il n'en est pas de
même en ce qui concerne le démantèlement voulu des fortifica-
tions ; celles-ci sont certainement tombées sous la pioche des
démolisseurs et non sous les atteintes que le temps et les hommes
infligent à tous les vestiges du passé; d'ailleurs, les courtines,
les tours et le donjon, construits dans les meilleures conditions,
auraient pu défier pendant longtemps encore les causes habi-
tuelles qui transforment les monuments en amas de ruines (i).
[Février mai 1904]
Femand Sauve.
(i) En établissant plus haut l'hypothèse de l'existence d'une verrerie aux environs
de Buoux au XII* siècle, je ne connaissais pas un document qui permet de croire que
cette industrie a pu exister dans cette région dès cette époque; il s'agit de deux
mentions de verriers établis à La Roche d'Espeil au commencement du XIV» siècle ;
la première relate la condamnation d'un Guillaume Maurel. • veyrerio de Rocas-
pelli»,à dix sols d'amende pour avoir secoué tro^ vivement un juifd'Apt (Compte de
la claverie d'Apt de 1345, archives des Houches-du-Rhône, li 1687, fol. 87); la
deuxième concerne un certain Jean Raustiti, « veyrerio de Rocaspelli », condamné A
10 sols d'amende, parce qu'ayant une discussion avec Jacques Vesycuni, clerc, il
avait frappé ce dernier : « Cum quodam baculo uno ictu supra quodam pondus vitri
percussit. » {Ibidem, fol. 89 )
Il est d'ailleurs acquis aujourd'hui que les verriers du moyen Age n'avaient pas de
grands établissements et qu'ils s'installaient de préférence dans les vallées qui leur
fournissaient en abondance du bois mort et des plantes indispensables A leur
industrie.
ORANGE ANTIQUE
Un nouveau Monument romain.
I.
Orange et l'Archéologie.
Le nom de la ville d'Orange est maintenant connu partout,
grâce à ses monuments romains, et aux superbes représentations
données sur son Théâtre antique, par les meilleurs artistes de
la Comédie française et de TOpéra.
A notre époque matérialiste, plus de deux cent mille specta-
teurs, épris d'idéal ou de curiosité, sont venus, depuis quelques
années, à des représentations inattendues de drames grecs, sur
rimmensité béante d'une scène dévastée depuis quinze siècles,
et que les barbares semblaient avoir désaffectée, à tout jamais,
par le fer et par le feu dont les sommets rougis de ses grands
murs portent encore l'empreinte.
Un nombre considérable de savants, d'amateurs ou de sim-
ples touristes viennent, tous les jours de Tannée, contempler les
restes étonnants de la splendeur d'Orange à l'époque romaine,
et comme souvenir de leur pèlerinage artistique, ils envoient à
tous les coins du monde des milliers de cartes postales illus-
trées, moyen admirable et peu coûteux de vulgarisation archéo-
logique.
Pour mieux recevoir tant de visiteurs, on a fait la toilette des
monuments antiques.
Après l'Arc de triomphe, respectueusement restauré par Témi-
nent architecte Caristie, avec beaucoup de science et de con-
8
194 MÉMOIRES
science (i), Thémicycle de THippodrome a été déblayé. On a
rajeuni, avec moins de bonheur, la pittoresque décrépitude du
Théâtre, en mettant à ses précinctions écroulées des files raides
et peu sûrement restituées (2) de gradins blancs, qui lui vont
comme une robe de mariée à une momie millénaire.
La ville moderne n'a pas voulu être en reste de coquetterie.
Les abords, jadis presque déserts de la gare, sont ourlés mainte-
nant d'une double file de constructions neuves, qui font un cadre
d'aisance et de gaieté à l'avenue ombreuse transformée en fau-
bourg.
A la suite, une rue nouvelle, entreprise il y a 3o ans, au milieu
de quartiers étroits et tortueux, puis abandonnée en esprit de
contradiction par des municipalités insuffisantes, vient d'être
enfin définitivement percée pour faire à la cité une entrée digne
d'elle et de ses hôtes.
Les hôtels, les cafés, les maisons particulières se sont piqués
au jeu et ont fait peau neuve. Qui n'aurait pas revu Orange
depuis quarante ans, ne reconnaîtrait plus la vieille ville déridée
et poudrée à blanc, comme une grande dame, pour recevoir
ses invités.
A côté d'autres causes diverses, c'est avant tout à l'archéologie
et aux archéologues qu'est dû cet heureux accroissement de
confortable urbain et de prospérité générale.
Les patients antiquaires, dont il est facile avec ou sans esprit de
railler les travaux, peuvent se permettre quelque légitime fierté
d'avoir si largement contribué à faire connaître, restaurer et pour
ainsi dire mettre en valeur le riche capital des antiquités d'Orange,
qui fructifie maintenant en bénéfices nombreux pour l'universa-
lité des habitants.
En i8o5, Millin disait, dans ses Notes de voyage demeurées
classiques et toujours consultées pour le midi de la France :
(i) Caristie, Monuments antiques à Orange, Paris, i856, in-fol. L'éminent architecte a
établi, dans ce bel ouvrage, les principes scientifiques de restauration scrupuleuse,
que personne avant lui n'avait formulés et qui sont maintenant classiques.
(2) Il n'existe à rintérieur du Théâtre antique qu'une seule inscription, répétée en
deux endroits, sur la face antérieure du g-radin le plus bas : EQG'III. Elle indiquait
que les trois premiers gradins étaient réservés aux chevaliers. Il ne restait en place
que ceux-là, avec le marche-pied du bas et l'épaulement du dessus, lorsque les
restaurations commencèrent. Rien dans les amorces antiques ne s'opposait au réta-
blissement, après ces places réservées, de la séparation qui se voit aux théâtres non
restaures d'Arles, de Timgad, de Pompéi, etc. On a au contraire superposé sans
discontinuité seize nouveaux gradins vSur ceux qui existaient déjà, ce qui produit un
entassement énorme de 20 gradins sans compter le marchepied initial. Cette volée
vertigineuse est d'une disproportion choquante avec les autres étages.
: bE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSË I9S
« Sans les remarquables restes d'antiquités, qui sont encore
j l'ornement d^Orange et qui font sa célébrité, on y est à peine
^ entré qu'on en voudrait déjà sortir. Quittons ces masures maus-
sades pour ne nous occuper que des restes précieux de la gran-
deur romaine. ... Les habitants retiendraient plus longtemps les
étrangers, s'ils mettaient plus d'importance à leurs monuments
et s'ils paraissaient les soigner davantage (i). »
Ce vœu est aujourd'hui pleinement exaucé. Rien n'est négligé
i pour la conservation des antiquités et l'embellissement de la ville
! moderne.
J Or, il se trouve que, par singulière fortune, les travaux
I récents d'édilité en ont fait retrouver d'anciens. L'ouverture de
f la nouvelle rue Centrale et de l'égout qui doit la desservir ont
! amené des découvertes archéologiques du plus haut intérêt. Elles
permettront probablement, après un supplément de fouilles, la
détermination d'un somptueux édifice antique qu'on ne soupçon-
nait pas.
[ Avant de décrire les débris retrouvés, il ne sera pas hors de
I propos de rappeler brièvement l'origine d'Orange et les causes
de sa grande prospérité sous la domination romaine.
II.
Orange et la région vauclusienne avant la venue
DES Romains.
Dès la plus haute antiquité, Orange dut exister à l'état
d'agglomération préhistorique comme paraît le prouver son
premier nom d'Araus antérieur à la venue des Grecs, auxquels
on attribue la terminaison ou suffixe ion commune à plusieurs
villes du voisinage 2).
On ne sait rien de ce bourg jusqu'à la venue des Romains. Il
n'est pas nommé dans les historiens à propos du passage d'An-
(1) Millin. Voyage dans les départements du Midi de la France, t. II, p. 148.
(2) AoJ8v-Kiiv, Avignon, — KaSêXÀ-icov, Cavailloni — Oûa^-ioiv Vaison,— Oov3aVi-.Jv,
[Vedènes?) — Ce suffixe ion ne serait-il pas seulement la forme grecque d'un suffixe
indigène io7
On a cru trouver le radical d*Apaya-icov (Orange) dans le nom dMrals, qui désigne
une source dans UQ domaine touchant le tour de ville d'Orange. Malgré la jolie
consonnance archaïque du mot Araîs, l'identification reste douteuse.
igti MÉMOIRES
nibal, bien qu'on s'accorde généralement à fixer en face de son
territoire la fameuse traversée du Rhône par les éléphants de
Carthage.
C'est dans le géographe Strabon, au !•' siècle de notre ère,
qu'il est fait mention pour la première fois d'Orange, sous sa
dénomination grecque : 'Apajaic.'»
Antérieurement, d'autres points du voisinage avaient eu succes-
sivement une importance plus considérable, suivant les modifica-
tions de l'état social dans la vallée du Rhône.
Dans les temps primitifs, la prépondérance sur presque tout le
pays qui forme aujourd'hui le département de Vaucluse, paraît
avoir appartenu au bourg de Vénasque, dont le suffixe, asca,
ligure ou ibère, garde le souvenir des premiers envahisseurs que
rhistoire a connus dans la vallée du Rhône (i).
Surveillant les passages montagneux, alors presque unique-
ment pratiqués dans les combes de Sénanque et de la Nesque,
— dominant les sentiers de la plaine marécageuse et peu acces-
sible où vaguaient TOuvèze, la Sorgue et les autres cours d'eau,
— le bourg de Vénasque tenait la clé de toutes les pénétrations.
Quand les Grecs émigrés de Phocée eurent fondé Marseille,
600 ans avant Jésus-Christ, ce fut le tour de supériorité d'Avi-
gnon et de Cavaillon, qui commandaient la navigation du Rhône
et de la Durance, et qui devinrent les comptoirs prospères des
nouveaux venus, hardis explorateurs, dédaigneux de laborieuses
conquêtes, et préférant le monopole des importations chez des
peuplades encore barbares (2 .
L'arrivée des envahisseurs gaulois, vers l'an 3(X) avant notre
ère, ne semble pas avoir changé cet état de choses, dans la plaine
où la tribu des Cavares résidait, laissant à d'autres les monta-
gnes. Jamais contre eux la république marseillaise ne fit appel,
comme pour les Ligures ou les Albiciens, à son alliée la répu-
blique romaine. Celle-ci, dans ses premières incursions en Gaule,
gratifia Marseille de nouvelles dépendances comme échange de
bons procédés, et lui assura la prédominance sur les deux rives
du Rhône, jusqu'aux Cévennes et à l'Isère.
(i) D'Arbois de Jubainville, Le5 premiers habitants de l'Europe, i- II, p. 99: Le suffixe
asco en France. — Vénasque, petite commune du département de Vaucluse, a des
restes de remparts romains et un baptistère du VP siècle. Les invasions lui avaient
redonné de l'importance comme refuge fortifié. Le siège épiscopal de Carpentras y
fut quelque temps transféré, après le saccagement de cette ville parles barbares.
(2) Etienne de Bysance, EMni«/Mes, aux mots Avignon et Cavaillon ajoute : ville des
Marseillais. Cette indication était prise dans de très anciens auteurs aujourd'hui
perdus.
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE I97
Mais César, pour punir les Marseillais d'avoir pris le parti de
son rival Pompée, leur enleva tout, sauf la banlieue de leur ville
et quelques points de la côte. Il organisa en province romaine
tout le territoire jadis abandonné à Tinfluence marseillaise.
Pour ménager adroitement Tamour-propre des cités déjà
enrichies et policées au contact de la civilisation grecque, César
laissa aux villes de Cavaillon et d'Avignon une autonomie rela-
tive, sous le titre de colonies latines. C'était un degré intermé-
diaire entre les cités provinciales traitées en étrangères, et les
colonies de citoyens romains jouissant de la plénitude du droit
public et privé.
Mais pour faciliter l'assimilation du pays, il créa contre le
petit bourg cavare d'Orange une grande colonie romaine, sous
la dénomination officielle de : Colonia Jiilia Secundanorum
Arausio, qui rappelait à la fois le nom du fondateur et celui des
colons pris parmi les vétérans de de la deuxième légion (i).
III.
Orange colonie romaine.
Ce fut, dès lors, un des rendez-vous privilégiés des trafiquants
romains et des grandes compagnies financières, qui venaient
exploiter le pays neuf des Gaules à peine conquises, et dont le
séjour était moins sûr que celui du pays cavare, annexé sans
combat par une adhésion volontaire. Comme le disait déjà Cicéron,
pas un écu ne se remuait alors dans la Gaule méridionale sans
passer parles banques des citoyens romains i2).
Tandis qu'Avignon et Cavaillon végétèrent dans une auto-
nomie honorable, mais sans profit, Orange, centre régional du
(i) On a beaucoup discuté pour savoir si des vétérans de la deuxième légrion avaient
été vraiment envoyés a Orangfc, ou s'il ne fallait voir dans l'appellation officielle de
cette colonie qu'un hommage honorifique rendu à la deuxième légion. C'est en ce
ce dernier sens que concluent Mommsen. Herzog, Hist. Galliae Narb., p. 81.
.Malgré ces autorités, j'ai peine à croire qu'un honneur si platonique eût beaucoup
satisfait les légionnaires romains. Des concessions de terre ou d'autres profits fai-
saient beaucoup mieux leur affaire.
f2) CictTor, Pro Fonteio ch. 5, § 11 : «iMeferta Gallia negociatorum est plena civium
romanorum ; nummus in GallLi nullus sine civium Romanorum tabulis commovetur. •
Sur le mouvement énorme d'affaires à cette époque, voir Deloulme, Les manieurs
d'argent Je Rome, Paris. Thorin, 1890.
MÉMOIRES
bal, bien qu'ors
Titoire la fam^
irthage.
C'est dans le ^
ril est fait me
^nomination g:
Antérieureme
cernent uneirn^
)ns de l'état so
Dans les tem^
y s qui former
3ir apparten
ure ou ibèr^
istoire a co
Surveillant X
:nt pratiquée
dominant 1^
)le où vagua»^
le bourg de:::
Quand les C5r
ans avant
ion et de Ca
de la DuraiT"*-
)u veaux veni
nquôtes, et
uplades eno
L'arrivée d^
î, ne sembla
la tribu d<
es. Jamais
nme pour 1
que romai^n
itifia Mar^^
is procèdes^
Rhône, ju -
) D* Arbois de _J
> en France,
es de rempart
onné de Vimp
quelque temp^^^
Etienne de B^ ^^^
rseillais. Cette '^
dus.
n\ d'Auguste i».. *^^^;
,.. .^U':^'^ d« »<'^^" fJc^ entrepôt gênera
e
-*"--•"";■■:'" ::;::S':rru.nc. a-un h-ppo
,.i,M ----T.:
.. — — ...
„x -'-^ '^
.- 1\>
Ȕo-^
c ^-f
;>!? C'-''-'
V- "^
.. ■.">. V.'*" ** *■
'K^, -
s :f.E5 DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE IQQ
: ::usir w . 51$ Dn sait qu'il existe encore, dans une prairie, au delà du cours
er.:rsp''»tge3sriint-Martin, les substructions des Arènes, qu'au XVIII* siècle
- 7 encsinîf S' Pise avait vues hors de terre avec les jambages de leurs
- - -. raridiie QU:i eaux, et dont il a donné une restitution fantaisiste (i). De Gas-
nn et Caristic en ont retrouvé l'emplacement (2), et ici encore
.^-..^^ l,.::.angage populaire, conservateur de souvenirs abolis, n'a pas
.-— -^ «lan fc ^^ d'appeler ce quartier rural le quartier des Arènes.
~^V' D'"' ' ^^^^ noter cette coexistence, dans une ville provinciale, de
P-nc:-^ les monuments destinés aux plaisirs publics : Théâtre,
- *^-» 'y^ .;:)podrome. Arènes, — et dans des proportions à contenir plus
* ^ sept mille spectateurs au Théâtre et de vingt mille à THippo-
^^^ î^me (3). Ce seul fait suffit à prouver l'importance considérable,
•* *^"^^* ^..-'époque romaine, d'une ville qui, cependant, est à peine
"-- *^ ^r^nmée par les géographes antiques, et qui n'a joué aucun rôle
- -^. P^^^'^.cial dans l'histoire.
- -^ ^*"'" "vlais elle résumait l'activité de tout le riche pays Cavare, qui
:endait sur la rive gauche du Rhône, depuis la Durance et
'-'^ ' it-ètre même depuis les Alpines, jusqu'à l'Isère (4). Sa
. - -^ :: -♦'^/* nde prospérité lui était venue subitement, par le décret de
-zr --' ^-^ es César.
^ .. ^'~ Jn tel centre ne devait manquer d'aucun des édifices néces-
..^ .-.<- "-es au fonctionnement d'une importante colonie et aux
gences de la grande vie romaine, faite de tous les raffinements
_♦ .'' civilisations antérieures.
^ ^ '- ' .es admirables découvertes d'Algérie et de Tunisie nous ont
-:. *-élé quelle multiplicité et quelle richesse de constructions
iportaient des municipes bien moindres, et de création beau-
- . -.p plus récente que la colonie Julienne d'Orange.
- -; .es créateurs, escomptant des affluences soudaines, lui avaient
"- ' . - :é une enceinte très considérable cerclée de tours et de murs
'_ . lelés, dont quelques restes subsistent encore, sous le nom de
- " " * ^ '''' ^''^^' (vieux remparts), entre l'Arc de triomphe et le chemin
->""" * fer, et dont les substructions relevées complètement par
-•istie enferment un espace où la ville actuelle tiendrait six fois !
La Pise, Histoire Jes princes et Je la principauté d'Orange, 1741, p. 29 et pi-
espondante.
~~ - ~ Gasparin, Histoire de ta ville d'Orange, p. io5et suiv. — Caristie. op. cit., pi. I.
Ce sont les chiffres donnés par Caristie.
,_ * " Sirabon, IV, 12, donne aux Cavares tout le pays en plaine depuis la Durance
u'à risère. D'autre part, la circonscription territoriale de la cité d'Avigrnon paraît
e ôtenduc jusqu'aux Alpines et jusqu'aux limites du territoire d'Arles, confor-
leni aux divisions diocésaines antérieures à la Révolution.
igS MÉMOIRES
culte officiel de Rome et d'Auguste (i), siège des grandes
administrations de la province, entrepôt général de commerce,
cité de luxe et de plaisirs, vit son enceinte se peupler et ses
monuments s'élever avec la même rapidité que s*y faisaient des
fortunes immenses.
C'est ainsi qu'après quelques années de fondation, et dès le
commencement de notre ère, Orange était déjà ce que Strabon
appelle ncJXiv Kouapwv (2), la capitale des Cavares, c'est-à-dire la
capitale de toute la rive gauche du Rhône, comprise dans les
départements actuels de la Drôme, de Vaucluse et de la moitié
de l'arrondissement d'Arles.
Il ne faudrait pas croire que le patrimoine architectural de
cette grande ville romaine se bornât aux monuments dont on
admire encore les restes, et qui, n'ayant pas de rivaux en France,
soutiennent la comparaison avec les plus beaux du monde
entier, et même de Rome (3).
Si le Théâtre et l'Arc de triomphe furent toujours connus et
admirés, on resta longtemps sans se douter, qu'à côté même du
Théâtre antique, existaient les ruines d'un Hippodrome qui tra-
verse la ville actuejle en droite ligne dans toute sa largeur,
depuis la montagne où il s'adosse jusque vers la porte de
Langes (4).
Le langage populaire avait pourtant conservé, à la place
actuelle du Théâtre antique, le nom de Place du Cirque, et les
savants s'étonnaient de cette dénomination qui paraissait s'appli-
quer incorrectement au Théâtre (5).
Or, sur cette place s'ouvre, en réalité, à l'angle ouest du
Théâtre, une des portes principales du Cirque ou Hippodrome,
dont on a maintenant déblayé toute la partie courbe, et dont fai-
sait partie le mur romain sur arcatures de la rue du Pontillac,
longtemps pris à tort pour un fragment d'aqueduc (6).
(i) Il y avait à Orange un âamine de Rome et d'Auguste, Corpus inscriptionum lati-
narum, t. XII, n^ 5236.
(a) strabon, IV, ii.
(3) Voir dans CarisUe. op. cit., les planches XXVII, XXVIII, XLI. XLIV. donnant
les plans et élévations comparés des monuments similaires de ceux d'Orange.
(4) Caristie, op. cit., pi. I, plan de la ville actuelle d'Orange, avec l'emplacement des
monuments antiques et notamment du Cirque d'après les restes existants sur divers
points.
(5) Maffei, Antiquités de France. — Gasparin, Histoire d'Orange, p. 101.
(6) Pour l'attribution à un aqueduc on invoquait une étymologie décevante : rue
du Pontillac =: Via Poniis aquae, rue du Pont de l'eau. Ce n'est qu'au commence-
ment du XIX* siècle que M. Labbadie démontra l'impossibilité d'un aqueduc.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE I99
On sait qu'il existe encore, dans une prairie, au delà du cours
Saint-Martin, les substructions des Arènes, qu'au XVIIP siècle
La Pise avait vues hors de terre avec les jambages de leurs
arceaux, et dont il a donné une restitution fantaisiste (i). De Gas-
parin et Caristie en ont retrouvé remplacement (2), et ici encore
le langage populaire, conservateur de souvenirs abolis, n'a pas
cessé d'appeler ce quartier rural le quartier des Arènes,
Il faut noter cette coexistence, dans une ville provinciale, de
tous les monuments destinés aux plaisirs publics : Théâtre,
Hippodrome, Arènes, — et dans des proportions à contenir plus
de sept mille spectateurs au Théâtre et de vingt mille à l'Hippo-
drome (3). Ce seul fait suffit à prouver l'importance considérable,
à l'époque romaine, d'une ville qui, cependant, est à peine
nommée par les géographes antiques, et qui n'a joué aucun rôle
spécial dans l'histoire.
Mais elle résumait l'activité de tout le riche pays Cavare, qui
s'étendait sur la rive gauche du Rhône, depuis la Durance et
peut-être même depuis les Alpines, jusqu'à l'Isère (4). Sa
grande prospérité lui était venue subitement, par le décret de
Jules César.
Un tel centre ne devait manquer d'aucun des édifices néces-
saires au fonctionnement d'une importante colonie et aux
exigences de la grande vie romaine, faite de tous les raffinements
des civilisations antérieures.
Les admirables découvertes d'Algérie et de Tunisie nous ont
révélé quelle multiplicité et quelle richesse de constructions
comportaient des municipes bien moindres, et de création beau-
coup plus récente que la colonie Julienne d'Orange.
Ses créateurs, escomptant des affiuences soudaines, lui avaient
tracé une enceinte très considérable cerclée de tours et de murs
crénelés, dont quelques restes subsistent encore, sous le nom de
Barri viei (vieux remparts), entre l'Arc de triomphe et le chemin
de fer, et dont les substructions relevées complètement par
Caristie enferment un espace où la ville actuelle tiendrait six fois !
(1) La Pise, Histoire des princes et Je la principauté d'Orange, 1741, p. 29 et pl«
correspondante.
(2) Gasparin, Histoire de la ville d'Orange, p. loSet suiv. — Caristie, op, cil., pi. I.
(3) Ce sont les chiffres donnés par Caristie.
(4' Strabon. IV, 12, donne aux Cavares tout le pays en plaine depuis la Durance
jusqu'à l'Isère. D'autre part, la circonscription territoriale de la cité d*Avignon paraît
s'Otre «Henduc jusqu'aux Alpines et jusqu'aux limites du territoire d'Arles, confor-
mément aux divisions diocésaines antérieures à la Révolution.
200 MÉMOIRES
Comment était occupé ce vaste périmètre? Où étaient les
temples, le forum, le palais de la curie, les basiliques, l'es mar-
chés, les thermes, que signalent à Timgad, à Lambessa, à
Dougga et ailleurs les grandes publications récentes sur les
antiquités d'Afrique (i)?
Il ne reste que quelques souvenirs et quelques débris épars.
La Pise nous a dit ses regrets d*avoir vu démolir, de son temps,
sous la montagne du côté de Pourtoule, une grande construction
arrondie, que les princes d'Orange avaient autrefois utilisée
comme château, et qu'il appelle Bains antiques. Si son dessin
n'est pas trop infidèle, c'était plutôt une porte de ville, avec ses
deux grandes ouvertures pour l'entrée et la sortie des chars, et
de chaque côté deux autres plus petites pour les piétons (2).
Lui-même s'accuse d'avoir fait démolir, dans sa maison, un mur
antique, pour en utiliser les belles pierres et les corniches (3).
En Afrique, où les Arabes ne bâtissent guère, les restes des
cités écroulées sont demeurés intacts, sous les empiétements du
désert qui reprenait ses droits. Et maintenant, de savantes
recherches peuvent ressusciter les villes mortes débarrassées du
linceul de sable et de remblais qui les a conservées, comme les
déjections du Vésuve nous gardèrent les ruines de Pompéi.
Mais à Orange, plusieurs fois détruit et rebâti sur place, et où
Maurice de Nassau ensevelit dans ses trop fameux bastions les
derniers restes de plusieurs constructions romaines (4), il n'y a
qu' a une pioche fortunée », comme disait M. Mommsen (5), qui
puisse nous livrer, de temps à autre, quelques-uns des secrets
enfouis sous la terre ou dans l'épaisseur des vieux murs.
C'est précisément un de ces mystères que pourront éclaircir
les découvertes importantes qui viennent d'être faites, et dont il
faut donner maintenant un rapide aperçu.
(1) Il y a des comparaisons très intéressantes à établir entre les monuments
romains d'Afrique et ceux de Provence. On ne saurait trop consulter à cet effet les
grandes publications de MM. Gagnât, Bœswihvald, Ballu, Gsell, Carton, etc.
(a) La Fisc, op. cit., p. 32.
(3) /Wd., p. 29. Il reste encore dans les caves de cette maison habitée par M. Sou-
chièrc, rue Notre-Dame, les substructions du mur romain démoli par La Pise.
(4) Ibid.. p. 7.
(5) Lettre à M. Allmer, Revue èpigraphique, t. III, p 142.
DE l'académie de VAUCLUSE 201
IV.
Emplacement des découvertes.
Dans les derniers jours du mois de mai 1904, une tranchée fut
ouverte sur toute la longueur de la rue Vieille-Fusterie, à Orange,
pour la construction d'un égout.
Cette rue commence à l'extrémité de la nouvelle percée qui
fait maintenant à la ville d'Orange une fort belle entrée. Elle se
dirige vers la place du Théâtre antique, reste bien réduit de l'an-
cien forum qui, selon toute probabilité, se prolongeait jusqu'à
la sous-préfecture actuelle.
Les travaux commencés sur la place du Théâtre antique et
poursuivis dans la rue Vieille-Fusterie, n'avaient donné lieu à
aucune trouvaille, lorsque, en approchant de l'angle méridional
de la sous-préfecture, on tomba sur un amoncellement considé-
rable de débris antiques, enfouis à une profondeur moyenne
de deux mètres et demi.
Il y avait là dans un enchevêtrement inextricable de ruines, à
côté d'un angle de bâtisses en très gros blocs, des fragments de
toute espèce de marbres et de pierre sculptés : grands chapiteaux
presque entiers et seulement écornés aux angles, tronçons de
colonnes de diverses grosseurs, moulures variées, pans de frises,
de corniches, de linteaux et de piédroits délicatement ornés, enfin
des portions de statues de difi"érentes grandeurs, et une dizaine
de morceaux de plaque de marbre avec inscription. Rajustés
avec soin, ils ont donné sans discontinuité un texte officiel
des plus intéressants et des plus rares, mais malheureuse-
ment trop incomplet.
La municipalité d'Orange fut avertie aussitôt de ces trou-
vailles par M. Aymès, chef de section à la Compagnie du chemin
de fer, qui chargé de la direction des travaux, fit très louable-
ment surveiller les fouilles et mettre en lieu sûr, dans les dépen-
dances du Théâtre antique, tous les fragments intéressants. On
en transporta plusieurs charretées.
Malheureusement, les recherches ne purent être poursuivies
au delà de la largeur prévue, au milieu de la rue, pour la
construction de Tégout, et il est resté, sous les deux bords et sous
les maisons voisines, une quantité considérable d'autres débris
antiques.
nibal, 1
tcrritoi-
(îarlhui
C'est
qu'il ci^
dcnoini
AnlOi
sivomci
lions d^
Dans
pays q«
avoir a]
li^'urc 1
I hisloii
Sur\'
monl P'
— doin
siblc iH
- lo b'
Quai
gnon «^
cl do I.
nouxo.i
Oi>nv)iK
jvupîa
l.ar:
t>u 3a
oo;r.r,u
^:^;:;:^.
v»\. iV.
DE l'académie de VAUCLUSE 203
V.
Résultat des fouilles.
Parmi la grande quantité de fragments transportés au Théâtre
antique, j*ai photographié, comme types, quelques-uns de ceux
qui m'ont paru les plus intéressants, et dont la reproduction
suppléera aux descriptions toujours insuffisantes.
Voici quelques courtes observations relatives à chaque
groupe d'objets :
I. — Substructions.
En travers de la rue, et un peu en biais, avec son axe, se trou-
vaient des substructions en très gros blocs solidement scellés
sur des moellons avec du mortier très résistant. Ces grands blocs
gênaient pour le passage de Tégout, ils furent extraits et mis à
part comme documents pour des rapprochements ultérieurs. Le
plus volumineux, en calcaire roux et grossier des carrières de
Courthézon ou de Sérignan, mesure 2 m. i3 de long avec
une section de o m. 64 sur o m. 55. A côté on a trouvé d'autres
pierres de même nature, mais de proportions moindres, termi-
nées au sommet par une petite moulure en forme de doucine
renversée et qui formaient probablement le socle d'une façade
de monument.
2. — Bases de colonnes.
Les fragments de base qui ont pu être recueillis sont d'un
profil sobre- et élégant, comme la plupart de celles du Théâtre (i).
Elles se composent des moulures essentielles de la base attiquei
scotie entre deux tores inégaux et en plus d'une baguette et d'un
filet à chaque extrémité de la scotie.
3. — Fûts de colonnes.
Les fûts, généralement lisses, sont en brèches violette, noirâtre
ou rouge et en marbres unis ou veinés, blancs et colorés.
Il yen a aussi de canelés et rudentésen marbre blanc veiné.
(I) CarisUe, op. cil., pL XXXVIII,6.
202 MEMOIRES
Ce gisement occupe une longueur d'environ vingt-cinq mètres.
Il cesse un peu avant le débouché de la rue. Ce n'était pas la
première fois que des trouvailles se produisaient au même
endroit.
On m'en a cité une assez ancienne, sur laquelle il ne m'a pas
été possible de recueillir des détails suffisamment précis, mais
d'où proviendrait, probablement, le fragment du Parcellaire ou
cadastre, qui donna lieu, vers 1891 en Allemagne et en France, à
de très intéressants commentaires de MM. Mommsen, Hirschfeld
et Allmer (i).
Le savant épigraphiste M. Hirschfeld, de passage à Orange,
l'avait acheté à un marchand antiquaire, nommé Charasse, qui
demeurait précisément dans la portion de la rue Vieille-Fusterie
où les découvertes actuelles viennent d'être faites.
Après avoir gardé quelque temps, comme sujet d'étude, ce
précieux fragment de Parcellaire, M. Hirschfeld a eu la délicate
attention de l'offrira M. Héron de Villefosse, membre de l'Aca-
démie des inscriptions et conservateur des Antiques au Louvre,
pour qu'il fût donné à un musée français. 11 est maintenant dans
celui des Antiquités nationales de Saint-Germain.
J'ai vu moi-même, il y a un peu plus de trois ans, extraire du
fond de la cave de la maison Marin, située au même endroit, et
en face du mur est de la sous-préfecture, une grande quan-
tité de débris de marbre, parmi lesquels un chapiteau assez bien
conservé et d'autres fragments moulurés ou sculptés.
Après avoir eu d'abord des prétentions très élevées, le proprié-
taire les a récemment cédés, pour un prix modique. M. Roger
Valentin les a fait porter dans sa collection bien connue de
Montélimar. On aime à penser que M. Valentin suivrait le géné-
reux exemple de M. Hirschfeld, si quelques pièces de son acqui-
sition étaient indispensables pour compléter les suites qui pour-
ront être formées, après le résultat de nouvelles fouilles conduites
méthodiquement et qu'il faut espérer très prochaines.
{ï) Allmer, Revt4e èpigraphiquc, t. III, p. 142 el i5«j.
DE l'académie de vaucluse 2o3
V.
Résultat des fouilles.
Parmi la grande quantité de fragments transportés au Théâtre
antique, j'ai photographié, comme types, quelques-uns de ceux
qui m*ont paru les plus intéressants, et dont la reproduction
suppléera aux descriptions toujours insuffisantes.
Voici quelques courtes observations relatives à chaque
groupe d'objets :
I. — Substructions,
En travers de la rue, et un peu en biais, avec son axe, se trou-
vaient des substructions en très gros blocs solidement scellés
sur des moellons avec du mortier très résistant. Ces grands blocs
gênaient pour le passage de Tégout, ils furent extraits et mis à
part comme documents pour des rapprochements ultérieurs. Le
plus volumineux, en calcaire roux et grossier des carrières de
Courthézon ou de Sérignan, mesure 2 m. i3 de long avec
une section de o m. 64 sur o m. 55. A côté on a trouvé d'autres
pierres de même nature, mais de proportions moindres, termi-
nées au sommet par une petite moulure en forme de doucine
renversée et qui formaient probablement le socle d'une façade
de monument.
2. — Bases de colonties.
Les fragments de base qui ont pu être recueillis sont d'un
profil sobre et élégant, comme la plupart de celles du Théâtre (i).
Elles se composent des moulures essentielles de la base attique»
scotie entre deux tores inégaux et en plus d'une baguette et d'un
filet à chaque extrémité de la scotie.
3. — Fûts de colonnes.
Les fûts, généralement lisses, sont en brèches violette, noirâtre
ou rouge et en marbres unis ou veinés, blancs et colorés.
11 y en a aussi de canelés et rudentés en marbre blanc veiné.
(I) Caristic, op. cit., pL XXXVIII.6.
204 MÉMOIRES
L'état de fractionnement rend les mesures précises difficiles à
prendre, pour certains échantillons, à moins de les calculer sur
les courbures. Il suffira de dire que les plus grands diamètres
varient entre 44 et 45 centimètres. Le plus petit, pris sur un
tronçon finement canclé en marbre blanc, est de 23 centimètres.
La largeur des canelures, leur profondeur et leur écartement
sont variables, même sur des modules semblables. Les plus
grandes ont 63 millimètres de largeur, 02 de profondeur et
25 d'écartement.
4. — Chapiteaux.
Les deux chapiteaux de la planche I sont de grosseurs din"é-
rentes, mais du même faire et de la forme corinthienne classique.
Les feuilles d*acanthe bien nervées, finement découpéa|et refouil-
lées, dans une frisure élégante, tapissent le vase sanAonfusion.
Les caulicoles décapités de leurs volutes supportaient un tailloir,
dont il reste juste assez pour le savoir formé d'un lisLMfcemé de
petits fleurons et d'une gorge ornée de canaux divefljpnts des
deux côtés d'un motif central en saillie qui n'a laissâque son
empreinte.
Le chapiteau A de la planche II est d'un dessin plus souple
et plus savant, interprétant la forme corinthienne avec une gra-
cieuse liberté. Bien qu'il ait dû être roulé, après sa chute, au
point d'en perdre toutes les parties saillantes et d'en devenir
presque cylindrique, ce qui reste dénote une main très habile. On
ne peut dire comment finissait le chapiteau et son tailloir, il
n'existe que le bas du couronnement composé d'un rai de perles
entre deux filets, et au-dessus un rangd'oves dont on ne voit que
la naissance.
Il sera intéressant de rapprocher ce chapiteau d'un autre de
forme encore plus fantaisiste, provenant du Théâtre antique, où
des feuilles d'acanthe sortent des grifibns afirontés et pris
dans des pans de draperies. Bien que la composition soit très
difl'érente, il y a beaucoup d'affinités dans la fine allure et la
sveltesse des détails (i).
(1) Ce grand chapiteau du Théâtre ne semble pas avoir été connu en entier de
Carislic.
DE l'académie de VAUCLUSE 205
Avec le quatrième chapiteau B,pl. II, nous tombons au contraire
à une forme encore gracieuse, mais d'une exécution barbare. La
silhouette élancée est de très bon eflet, l'agencement, les détails et
la sculpture sont d'une décadence avancée. D'un premier rang
de feuilles d'acanthe mal dessinées et à peine dégrossies, sort,
en imbrication, un second rang d'autres feuilles unies, sans ner-
vures et simplement épanelées. Au centre de chaque face, un
troisième rang de feuilles très allongées, très raides et côtelées
verticalement de stries parallèles montent jusqu'au tailloir, où
elles se recourbent et reçoivent sur leur retroussis d'autres
feuilles sortant de dessous le bandeau terminal et posées en
inclinaison comme des écailles de toiture. A chaque angle deux
palmettes minces et parallèlement acouplées s'enroulent au som-
met en volutes terminales, avec une courbure assez prononcée,
pour supporter les extrémités angulaires du tailloir. Celui-ci est
formée d'une simple gorge plate, ornée au centre d'un fleuron
à six pétales ayant de chaque c6té un autre fleuron plus petit et
à quatre pétales.
Ce chapiteau, si sommairement traité et lourdement imité de
certaines compositions orientales, ne saurait être contemporain
des précédents, qui portent le cachet de la meilleure époque.
Sa présence isolée, au milieu de tant de fragments bien supé-
rieurs, suggère tout de suite la pensée de quelque restauration
très tardive.
Peut-être, dans une accalmie de règnes réparateurs ou qui
essayant de Tôtre, faisaient . mettre aux revers des monnaies
la légende Felicis temporis reparatio, s'occupa-t-on, à Orange,
de réparer en effet les ruines des vieux monuments.
Il n'ost pas à penser que la province appauvrie et pressurée ait
pu élever, dans les troubles de l'empire finissant, un édifice avec
les grandioses proportions que notre chapiteau suppose. C'est
d'ailleurs une question que de nouvelles fouilles pourront
élucider.
Quoiqu'il en soit, malgré toute sa gaucherie et même à cause
d'elle, ce chapiteau intéresse davantage que de plus parfaits,
grâce aux pensées qu'il évoque. On y sent l'effort intéressant
d'une main inhabile, que le manque de savoir réduit à dénaturer
les bons modèles dont la forme générale est seule observée.
5. — Piédroits et encadrements.
Les enroulements et rinceaux de feuillages où se jouent souvent
de petits animaux, étaient couramment employés pour la décora-
206 MÉMOIRES
tion des pilastres, piédroits d'arceaux, jambages de grandes
portes, frises, etc. On en voit de semblables en place aux arcs de
Cavaillon, de Saint-Remy et d'Orange. Le musée Calvet d'Avi-
gnon en a plusieurs échantillons provenant de Vaison et de
Nimes. Mais ils étaient le plus souvent pris dans la masse des
pierres de la construction, tandis que les nôtres, sculptés sur
d'épaisses plaques de marbre blanc, étaient employés en revête-
ments.
Le fragment de gauche (pi. III) est traité avec beaucoup plus de
finesse que l'autre. Ils appartenaient évidemment à des parties
différentes, ce qui suppose à l'édifice où ils étaient employés de
vastes proportions.
Les charmants motifs sculptés sur la face et sur l'épaisseur de
gauche d'un même prisme rectangulaire de marbre (pi. IV)
étaient sans doute encastrés comme encadrement autour de
l'ouverture extérieure de quelque baie. Ils sont d'une légèreté
et d'une souplesse qui dénotent une excellente époque.
6. — Architraves, jrises, corniches, etc.
Les trois planches suivantes, V, VI et VII, offrent des spéci-
mens d'architraves, de frises, corniches de dimensions diverses.
Plusieurs présentent la plus grande analogie et pour un ou deux
une ressemblance complète avec des décorations similaires de
l'Arc de triomphe et du Théâtre antique d'Orange, ainsi qu'on
peut le voir dans les grandes planchées de Caristie (i).
Les fragments décorés de coquilles et de mufles sont à remar-
quer, ainsi que le petit morceau de corniche à côté orné de rais
de cœur gravés avec la sûreté et la finesse d'une ciselure sur
métal et destinés sans doute à être vus de très près.
7. — Restes d'une petite fontaine.
Deux fragments de marbre d'une courbure ovale et de 35 à
40 centimètres carrés sur 3 d'épaisseur, appartenaient à une petite
vasque, dont la plus grande largeur'ne dépassait guère i mètre.
Les bords étaient renforcés d'un bourrelet. Ce sont les indices
(I) Caristie, op, cU., pi. X. XI, XII, — XXXVIII. XXXIX. Cf. G. Bourges. U àionu-
ment triomphal de Cavaillon, Mémoires de V Académie de Vaucluse, année 1897, et tirage
à part, p. II, i5, 21. Ce travail, aussi substantiel que documenté, est un des meil-
leurs qui aient été publiés sur l'art antique de notre région»
/
/
r
P L. IV
n
Pbototjrp- E. Lacour • Marseille
J
9
I
P L. VIII
Pbototyp. E. LBOOor • HarsAllle
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 2O7
d'une fontaine, à laquelle se rapporte probablement le morceau
orné de suites de coquilles cité à Tarticlc précédent. C*était un
motif de décoration usité pour des édicules destinés à des débits
d'eau (i). Un débris de caniveau, creusé dans un bloc de marbre
de 22 centimètres carrés, trouvé au même endroit, devait écouler
Teau de la fontaine. Il en est resté, paraît-il, en terre, une plus
grande longueur engagée sous le trottoir de la rue. -
8. — Restes de statues et de bas-reliefs.
En outre de la tête et de la portion d'une autre statue repro-
duites sur la planche VIII, il a été trouvé dans les fouilles
quelques grands morceaux de draperies et d'autres plus petits de
membres nus. Leur forme trop imprécise ne permet aucune
tentative sûre d'identification.
Cependant, un assez grand éclat de marbre identique à celui de
la tête pourrait avoir fait partie d'une jambe et d'un genou.
Quant à la tête, tout ce qu'on en peut dire c'est qu'elle apparte-
nait à une statue plus grande que nature et qui devait être d'un
très bel effet. Bien qu'un connaisseur ait cru y retrouver les traits
féminisés de Néron, je ne puis y voir qu'une vraie figure de
femme. La douceur de l'expression, la plénitude et la molle flexion
du bas du visage doucement arrondi, la courbure des joues, les
cheveux follets des tempes dont il reste l'extrémité d'une boucle
près de la pommette gauche et un arrachement en dessous de
l'oreille, la gracieuse torsion du cou et ses proportions allongées,
tout concourt à donner l'impression bien nette de la beauté fémi-
nine.
Si dans l'état de mutilation du sommet de la tête, l'encolure
paraît d'abord un peu forte (ce qui était en effet le cas de Néron),
cette illusion disparaît bien vite dès qu'on rétablit la coiffure par
la pensée ou mieux encore par un dessin découpé d'après
d'autres têtes antiques et appliqué sur la phototypie.
Il est intéressant de rapprocher la tête ainsi complétée d'une
autre trouvée au Théâtre antique d'Orange. Artaud (2) qui lavait
en sa possession, la donna au musée de Lyon, dont il fut le
(i) Gagnât et Bœswilwald, Timgad, Thermes.
(2) Artaud a laissé plusieurs ouvrages, notamment sur les mosaïques du musée
de Lyon. Il vint finir sa vie â Orange, où il voulait organiser un musée local sous
un portique circulaire qui aurait suivi la courbe de la route autour de TArc de
triomphe. Il fut un des signalés bienfaiteurs du Musée-Calvet d'Avignon.
208 MÉMOIRES
créateur et le premier conservateur au commencement du XIX*
siècle. Caristie Ta reproduite (i) sous le nom de tôte de Livie
qu'Artaud lui avait donné.
En donnant ces indications, je n'ai pas la moindre pensée de
tenter une attribution quelconque, mais il est très utile de
comparer le plus possible les restes d'antiquité soit avec ceux du
même pays, soit avec tous les autres que les moyens de repro-
duction, si heureusement répandus, mettent aujourd'hui à la
portée des chercheurs.
Il n'y a pas de meilleur moyen d'étudier le mouvement provin-
cial des arts dans l'antiquité, et d'arriver même à des précisions
inespérées sur l'âge d'un monument ou la provenance des types
qui ont servi de modèle aux architectes et aux décorateurs.
A ce point de vue, il est assez piquant d'indiquer que la portion
de statue assise, trouvée dans les fouilles d'Orange, ressemble
presque entièrement à un tronçon de statue pareillement assise,
trouvé dans les ruines du Théâtre antique de Dougga (Tunisie)
et pareillement privé au même endroit de la partie supérieure
qui, dans les deux cas, était peut-être rapportée (2).
Les artistes provinciaux à l'époque romaine se déplaçaient
comme de nos jours, et ils avaient à leur disposition des recueils
de modèles plus ou moins célèbres. Il ne faut pas plus s'étonner
de trouver à deux extrémités de Tempire romain des productions
artistiques similaires, que de trouver maintenant dans quelque
ville d'Amérique une réduction de l'Opéra de Paris.
Toutefois, à côté de ces rencontres de ressemblances qui pour-
raient faire croire à trop d'uniformité dans les manifestations
d'art antique, il est d'un très grand intérêt de noter avec soin,
dans chaque pays, les diflférences d'interprétation, les partis pris
et les créations dus à des influences locales très variables de
culture, de prospérité, de mœurs, de caractère ou de traditions
antérieures.
Ces influences se révèlent parfois dans les plus petites comme
dans les plus grandes choses, et aussi bien dans la manière
d'interpréter avec excès ou sobriété un simple profil de moulure,
que dans la façon de compliquer ou de simplifier l'ornementation
des plus grands édifices.
A ce point de vue, on aurait pu pousser plus loin les déductions
(1) Op. cit., pi. XL.
(2) D» Carton, Le Théâtre romain de Dougga, pi. VUl.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 209
tirées des spécimens extraits des fouilles d'Orange, en tâchant
de suivre l'exemple donné récemment dans ces Mémoires, avec
tant d'autorité et de profit par M. Gabriel Bourges, dans sa belle
restitution du monument triomphal de Cavaillon(i). Mais c'eût été
abuser prématurément de la trop bienveillante hospitalité que
l'Académie a bien voulu accordera ce travail. L'occasion pourra
se retrouver bien plus utilement, si de nouvelles fouilles augmen-
tent le nombre et l'importance des pièces de comparaison.
9. — Fragments d'inscriptions.
Deux fragments d'inscriptions différentes ont été sortis des
fouilles de la rue Vieille-Fusterie. Le premier ne se compose
malheureusement que de deux lettres entière» et des extrémités
de deux autres.
.EG
La grandeur des lettres et leur très belle forme indiquent une
inscription dédicatoire, où il était question probablement d'un
légat.
C'est tout ce qu'on peut conjecturer, en souhaitant que des
découvertes ultérieures complètent ce débris et nous révèlent la
nature de l'édifice auquel ce légat s'était intéressé.
La seconde trouvaille épigraphique se compose d'un très
curieux fragment d'une inscription des plus rares et des plus
importantes, dont on a pu recueillir et ajuster dix morceaux.
Le début et la fin manquent II n'est pas possible de conjec-
turer rétendue totale de l'inscription. Mais les quinze lignes de
notre fragment suffisent pour nous renseigner sur son but et sa
portée. C'est le procès-verbal d'une concession ou adjudication
publique de terrains domaniaux, faite à Orange il y a dix-huit
siècles, et qui dut être ajouté au Parcellaire ou cadastre de la
colonie, gardé sur marbre à perpétuité, pour servir de base aux
droits des possesseurs et aux perceptions du fisc.
En voici la reproduction :
(I) Mémoires de CÂcadémiedc Vauclust, année 1897» P* i99*
2ÎO MEMOIRES
M ANC • C • N AEVI VS ' R VSTIC VS
IN PERPET-EIVS REI FIDE
I VSSOR • C • VESIDIVS • QU A
DRATVS AD K
MERISIIIINFRONTEPXXXIV-XLXIXS
SET MERISTÏÎT-IN FRONT
P-XXXV ÎN ANNSINGXI
M ANC • C • N AEVIVS • RVSTIC VS
IN • PERPET • EIVS ' REI • FIDE
IVSSOR C VESIDIVS QVADRA
TVS AD K
MERISV-IN FRONTE P LVS -XC
ET-MERISVÎADLVDVM
Hauteur de la plaque . . . o"45
Largeur o"52
Épaisseur o"027
Hauteur des lettres o'oi?
Lettres d'assez bonne forme. Barres transversales des T. L. E. peu prononcées. K
formés d'une haste et d'un appendice semilunaire peu développé. Ponctuation
régulière.
A remarquer la disposition graphique, qui fait ressortir sur les marges, à droite et
À gauche, la désignation des parcelles, du concessionnaire et du prix, afin de faci-
liter les recherches.
Lecture et traduction :
Manc{eps) C{aius) Naevius Rusticus
in perpet(uufn) ejus rei Jidc-
Jussor C(aius) Vesidius Qua-
dratus Ad K(ardinem) ?
Meris ÎÛ in fronte p(edeS) XXXIV(denarii) LXIX S{emis)
s{emel) ? et meris iJîl infront(e)
p(edes) XXXV in ann(os) sing:{ulos) XL
Afanc{eps) C{aius) Naevius Rusticus
in perpet{uum) ejus reifide-
Jussor C(aius) Vesidius Quadra^
tus. Ad K (ardinem) 7
MerisTl in fronte p(edes) LV S[emis) (denarii) C...
et meris vl ad ludum
Adjudicataire (ou concessionnaire) Caius Naevius Rusticus
à perpétuité; de ce débiteur (ou de cet engagement) caution
Caius Vesidius Quadratus.
Le long de la rue Centrale (Nord-Sud) (?)
Parcelle IIl, en façade, pieds : trente-quatre ;
deniers : soixante-neuf et demi une fois payés (?) ;
et parcelle IV, en façade, pieds : trente-cinq ;
chaque année onze (deniers?).
DE l'académie Dé VAUCLUSE 211
Adjudicataire (ou coDcessionnaire) Caius Naevius Rusticus
à perpétuité ; de ce débiteur (ou de cet engagement) caution
Caius Vesidius Quadratus.
Le long de la rue Centrale. (?)
Parcelle V, en façade, pieds : cinquante-cinq et demi,
deniers: cent
et parcelle VI, le long du ludus.
En tête, dans la partie qui manque, devait figurer un exposé
qui nous eût renseignés sur le sens complet du texte, la nature
de l'opération et la situation précise des parcelles. Notre
fragment contient seulement la fin du premier lot, le deuxième
lot en entier et le commencement du troisième.
Chaque lot comprend deux parcelles désignées par leur numéro
d'ordre et par leur dimension en façade. La profondeur n'est pas
indiquée, contrairement à l'usage constant. On peut supposer
qu'elle était identique pour chaque parcelle, et qu'elle figurait
une fois pour toutes dans le début de l'inscription qui nous
manque. Il est probable que cette profondeur n'était pas en
disproportion trop grande avec les largeurs qui varient de 34 à
^5 pieds, soit environ de 12 a 18 mètres. De si faibles surfaces
ne pouvaient être que des terrains à bâtir ou des emplacements
commerciaux.
Après l'indication des parcelles viennent, dans chaque lot, le
prix de redevance, le nom du concessionnaire et celui de sa
caution.
D'après le contexte du deuxième lot, il semble que le prix pou-
vait consister en une somme une fois (?) payée ou en rede-
vances annuelles.
11 reste à expliquer pourquoi j'ai cru pouvoir remplir l'abré-
viation AD'K- par ad Kardinem, le lonfr du Cardo ou rue Cen-
trale du nord au sud.
Tout d'abord, il faut se demander si la formule AD-K* ter-
mine ou commence un lotissement. Le doute vient de ce que
cette formule figure sur la même ligne que la fin des lotissements ;
elle semble donc les clôturer. Mais, d'autre part, il y a entre
la fin des lotissements et la formule AD-K- un espace tellement
marqué et si constamment reproduit, qu'il semble bien que cette
mention est détachée pour faire corps avec le lotissement sui-
vant et lui servir en quelque sorte de titre initial.
2 1 2 MEMOIRES
Dans la première hypothèse, la formule AD- K* finissant un
lotissement ne saurait se remplir par Ad Kalendas (Aux
calendes) ; une pareille indication de date serait trop vague. On
pourrait proposer avec plus de vraisemblance Ad Kalendarium
(au registre public) ; car il existait dans les municipes des
registres tenus par des fonctionnaires appelés cnratores ou
quaestores kalendarii, La formule AD- K- équivaudrait ainsi à la
mention d'enregistrement qui termine aujourd'hui nos contrats.
Je ne pense pas qu'il faille voir dans notre sigle K une nota-
tion numérale. J'ai préféré lire AD- K- comme commencement
des lotissements et interpréter par AD* KARDINEM, Sur la rue
Centrale nord-sud.
En voici les raisons :
r L'inscription a de la sorte un sens plus complet. Cette
limite du Cardo donnant le confront de façade des parcelles
et pouvant servir à déterminer la profondeur, aurait désigné les
emplacements d'une façon précise.
2" Les derniers mots lisibles sur notre fragment AD-LVDVM,
le long du Ludus, qui sont incontestablement l'indication d'un
confront, permettent de voir dans AD- K- l'abréviation courante
d'une indication similaire, le long du Cardo.
3" Le fragment du Parcellaire d'Orange, vendu par Tantiquaire
Charasse et maintenant au musée de Saint-Germain, porte le
sigle K, qui a été rempli par Cardo dans le savant commen-
taire de MM. Mommsen et Hirschfeld (i).
On pourrait cependant penser à une autre interprétation, en
remplissant AD- K* par AD- KAPVT. C'eût été une formule de
style rappelant, à la fin de chaque lotissement, les conditions
générales énoncées dans l'en-tête d'une sorte du cahier des
charges : AD- KAPVT, c'est-à-dire : le tout en conformité des
clauses stipulées dans l'en-téte.
J'ofi're cette variante d'interprétation qui n'est peut-être pas
meilleure que l'autre.
De même pour l'abréviation S du commencement de la 6' ligne;
j'ai rempli par SEMEL, qui me paraissait indiquer une redevance
une fois payée, en opposition à la ligne suivante où la redevance
est marquée IN-ANN'SING-, qu'il me semble difficile de traduire
(i) Corpus inscriptionum latinarum, t. XII, n* 1'J44. — AUmer, Revue èpigraphique,
1892, p. 14a.
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 2l5
autrement que par in annos singulos : Chaque année. Je recon-
nais que cette interprétation S = Semel est assez insolite et n'a
pas de justification. En adoptant une interprétation plus autorisée
S =■ Simul, c'est-à-dire la parcelle III et ensemble la parcelle IIII,
que deviendrait la mention in singulos annos, chaque année f
Faudrait-il admettre qu'elle s'applique communément à la
redevance de la parcelle III, comme à celle de la parcelle IIII ?
Mais alors, comment concevoir que de ces deux parcelles voi-
sines et égales, puisqu'elles ne diffèrent seulement que d'un
pied en façade, la parcelle III, qui a précisément un pied de plus,
ne paiera annuellement que ii deniers, tandis que la parcelle IIII
en paiera 69 et demi?
Il est vrai qu'avant le chiffre XI qui termine notre septième
ligne ne se trouve pas -X, signe du denier.
Faut-il simplement considérer ce signe comme sous-entendu,
ou son absence est-elle voulue, et faut-il chercher de ce côté la
clef de l'énigme ? Il esta souhaiter, pour la résoudre sûrement,
qu'une interprétation plut autorisée soit donnée, ou que de
nouvelles fouilles puissent apporter à notre inscription un
complément qui contiendra des indications résolutoires.
Quoi qu'il en soit de ces interprétations qui restent conjec-
turales, et que je serais heureux de voir discuter et rectifier,
notre fragment faisait certainement partie d'un affichage perma-
nent sous les portiques du forum, à la suite de la Forma
coloniae, ou cadastre général des attributions de propriétés aux
colons d'Orange. Il devait y avoir, pour ce cadastre sur marbre,
une sorte de supplément ajouté à la rédaction primitive, à cha-
que cession nouvelle du domaine public.
Peut-être s'agissait-il, dans notre cas, d'une adjudication de
hors-ligne à la suite de la construction de quelque monument
public, théâtre, cirque, ou de quelque remaniement de quartier,
de même que la municipalité d'Orange vient de revendre, il y a
quelques mois, des terrains à bâtir après le percement de la
nouvelle entrée en ville, appelée précisément rue Centrale.
Tne particularité intéressante nous est révélée par la fin de
notre fragment qui donne pour confront à la 6* parcelle un
luJus. Ce terme générique signifie école ou lieu d'exercice, dont
la nature spéciale est ordinairement précisée, dans les textes, par
un qualificatif (i).
|i;Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités, au xx\o\ Ludus.
14 MÉMOIRES
On aurait désiré trouver à la ligne suivante de notre fragment
un adjectif qui nous fixât mieux sur ce ludtis ; mais cette ligne
est juste sur la cassure du marbre, où on ne voit que des pointes
de lettres d*ailleurs indécises et qui ne paraissent pas se rap-
porter sûrement à un qualificatif du ludus.
S*agissait-il d'une école de grammaire? On pourrait l'admettre;
mais, il faut observer que l'instruction publique chez les
Romains ne ressemblait pas à l'instruction officielle de nos
jours. Le maître d'école n'était point un fonctionnaire, mais un
entrepreneur qui, à ses risques et périls, ouvrait des classes. De
pareils établissements n'avaient peut-être pas une fixité suffi-
sante pour en graver le nom comme confront stable dans une
inscription à durée indéfinie.
Il ne serait peut-être pas trop téméraire de penser à un Itidus
gladiatorius, en rappelant l'existence à Orange de ces Arènes, dont
Gasparin et Caristie ont vu et signalé les substructions dans
le quartier suburbain qui porte encore le nom de Quartier des
Arènes (i). Non loin de là, près du cimetière actuel, ont été trou-
vées plusieurs épitaphes de gladiateurs, dont deux de mirmil-
lons furent achetées à l'antiquaire orangeois Néry, par le
Musée Calvet d'Avignon, en i885 12). Il aurait donc pu y avoir,
dans l'antiquité, à Orange, une troupe et une école de gladia-
teurs, que peut-être notre inscription rappellerait.
Puisque nous sommes dans les hypothèses, en voici encore
une pour finir :
Il y a plusieurs années, lors de la découverte de divers
fragments antiques, presque au même endroit, dans la cave de
la maison Marin, j'avais conclu à la découverte d'un monu-
ment important, mais dont rien ne pouvait encore indiquer la
nature. Notre inscription circonscrit le champ des conjectures et
peut faire penser à une basilique judiciaire ou même au siège de
la Curie, c'est-à-dire à l'Hôtel-de-ville de l'époque romaine. C'est
sur les murs de pareils monuments, généralement voisins et
parfois même mitoyens sous les portiques du forum (3),
qu'étaient gravés sur bronze ou sur marbre les actes publics,
dont la consultation permanente était utile aux habitants de
la cité.
(1) Gasparin, Histoire d'Orange, p. lao. — Caristie, Les Monuments antiques d'Orange,
note de la planche i .
(a) Catalogue ms. du Musée Calvet, n" i23, 124. — Allmer, op, cit., t. II, p. iiA. —
Corpus, t. XII, n** 5836.'5837. — Espérandicu, op. cit.. p. 166.
(3) Vitruve, V, 1.— H. Thédenat, Le Forum romain, p. 7.
DE l'académie de VAUCLUSE 21 5
Il reste à souhaiter que de nouvelles fouilles permettent de
remplacer ces suppositions par une contribution plus certaine
à la topographie de la ville antique d'Orange, dont les monu-
ments encore debout attestent la merveilleuse prospérité, et
font vivement regretter la perte de tant d'autres, qu'il serait si
intéressant de pouvoir reconstituer.
Il faut enfin grandement louer la municipalité actuelle d'Orange
du soin qu'elle a pris de ne rien laisser distraire des trouvailles
de la rue Vieille-Fusterie, et de les avoir fait déposer à part dans
l'enceinte du Théâtre antique.
F. DiGONNET.
Nouvelles archéologiques
INTÉRESSANT LE DÉPARTEMENT DE VAUCLUSE,
Enlèvement de mosaïque romaine a Vaison,
Fouilles de Venasque,
Le sol de Vaison est si riche en monuments antiques qu'il ne
se passerait pas de saison sans nouvelles découvertes, si Ton
voulait bien se donner la peine de chercher. Il serait un champ
d'exploration des plus fertiles, où la nouvelle Société française
de fouilles archéologiques pourrait avec succès développer son
activité.
La construction de la ligne du chemin de fer d'Orange au Buis,
qui va nécessiter des tranchées assez profondes dans les terrains
où s'étageait le Vaison antique, mettra très certainement au
jour des objets curieux. Nous souhaitons vivement qu'ils ne
s'égarent pas et qu'ils soient recueillis, je n'ose pas dire dans
l'Hôtel-de-ville de Vaison, caries collections qui s'y trouvaient
jadis ont été presque entièrement dilapidées, mais dans le musée
de la ville d'Avignon, chef-lieu du département. La Compagnie
du P.-L.-M. semble y être heureusement disposée. Sur interven-
tion des Ministères de l'instruction publique et des travaux
publics, elle vient en effet de donner à cet établissement une
mosaïque romaine, qui existait sur l'emplacement où elle a le
projet d'édifier la future gare des marchandises de Vaison.
Cette mosaïque, bien qu'inédite, n'est pas connue seulement
d'aujourd'hui. Elle avait été trouvée, voilà bien des années, près
d'une campagne qui est située hors de la ville moderne à une
centaine de mètres au nord-est de Saint-Quenin ; la route sortant
de Vaison pour aller à Villedieu sépare cette propriété de la
chapelle de Saint-Quenin. Elle avait même été vendue il y a
quelque temps, mais l'acquéreur qui s'était sans doute rendu
un compte insuffisant des difficultés d'extraction et s'était
leurré sur sa valeur vénale, n'avait pas donné suite au marché.
2l8 MÉMOIRES
La Compagnie du P.-L.-M. l'a sauvée de la destruction en
acquérant le champ où elle se trouvait encore et en la faisant
enlever soigneusement (mai 1904) par un spécialiste avignonais.
Ajoutons qu'elle est à peu près intacte et que sa restauration
sera des plus faciles. Klle n'était recouverte que d'une couche de
terre épaisse de 65 centimètres environ. Ses dimensions sont
d'ailleurs assez restreintes : elle mesure à peine deux mètres de
côté, le béton sur lequel elle reposait faisant encore une saillie de
20 centimètres.
Ordonnée très simplement et avec un goût parfait, elle se com-
pose de petits cubes (7 à 8 millimètres de côté) rouges, noirs,
jaunes, dont l'arrangement sur un fond blanc prend diverses
formes géométriques. Il est à remarquer que les cubes primiti-
vement d'un blanc jaunâtre ont pris une teinte grisâtre assez
accentuée, par suite de leur long séjour dans la terre.
Au centre est un cercle de 48 centimètres de rayon encadré de
noir (2 rangées de cubes) avec liseré jaune ou écoinçons rouges ;
son ornementation intérieure consiste en triangles noirs équila-
téraux (8 centimètres de côté) se rejoignant par les angles et
entourant des losanges ou hexagones blancs, ces derniers chargés
au milieu de quatre cubes noirs placés en croix. Ce grand cercle
central s'inscrit dans un carré délimité par une bordure de
5> centimètres, comprenant deux rangées de cubes noirs, trois de
blancs et un dernier de noirs. L'encadrement se compose ensuite
d'une torsade de 88 millimètres de largeur, formée de cinq ran-
gées de cubes (noirs, rouges, jaunes, blancs et noirs) ; puis d'une
seconde bordure semblable à la première ; d'une bande blanche
de 104 millimètres, chargée d'une suite de triangles noirs posés
les uns au-dessus des autres; d'une troisième bordure de 65 milli-
mètres, présentant deux rangs de cubes noirs, trois de blancs et
trois de noirs; enfin, tout à fait sur le bord, d'une dernière bande
uniquement blanche de 64 millimètres. Le tout est donc d'une
régularité remarquable.
Dans les angles ménagés par l'inscription de la circonférence
dans le carré, le mosaïste a dessiné, avec les quatre couleurs dont
il avait la disposition, des oiseaux de i52 millimètres de long,
dont deux semblent becqueter dqs cerises.
L'arrivée de ce monument au Musée Calvet complète donc
d'une façon intéressante la précieuse collection de souvenirs
antiques du vieux Vaison qui y est conser\'ée.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 2I9
A Venasque, M. le curé Sautel a entrepris, Tautomne dernier,
avec le bienveillant concours de la Société française d'archéologie,
des fouilles qui ont été couronnées de quelque succès. C'est sur
le terrain qui, immédiatement à Test, avoisine le pont de la route
de Carpentras à Murs, en face Notre-Dame de Vie et le long du
chemin conduisant à cet ancien couvent, que des tranchées ont été
creusées. M, Tabbé Sautel pensait retrouver auprès du pont les
fondations de l'ancienne chapelle de Saint-Babylas, dont la dispa-
rition remonte au XVI* siècle ; mais s'il n'a pas réussi à les
dégager, il est arrivé par contre à découvrir des restes de
constructions antiques à grand appareil, des débris de tuiles et
de marbres, une curieuse statuette de dieu lare en bronze et une
petite grenouille de même métal. Ce n'était d'ailleurs pas la pre-
mière fois que de pareils souvenirs de l'antiquité étaient exhumés
de ce sol et des environs : une autre statuette notamment avait
été trouvée presque au même endroit ; des masses de plomb
fondu dans un incendie y avaient été signalées, sans parler des
inscriptions et autres monuments, qui fournissaient la preuve que
l'emplacement de Notre-Dame de Vie avait été habité par les
Romains ou Gallo-Romains.
Diverses circonstances ont empêché la continuation des fouilles ;
celles-ci vont être reprises par le propriétaire du terrain, M. de
Cabissole. Quand elles seront achevées, je dirai ici quels auront
été leurs résultats et je donnerai des détails plus complets sur
les découvertes déjà faites par M. l'abbé Sautel. J'ai voulu tout
simplement aujourd'hui attirer l'attention sur elles et prendre
date.
L.-H. Labande.
Séances de TAcadémie.
PROCÈS -VERBAUX.
Séance du 5 mai 1904. — Présidence de M. de Vissac, président.
Présents : MM. Labande, secrétaire général ; D' Alphant, D' Arnaud de Fabre,
abbé Aurouze, V. Bonnet, Blanc, Bayol, Bourges. Duprat, Genin, D' Larché,
Limasset, Mouzin, Naquet. D' Penne, D' Réguis, capitaine Reboulet et Didiée.
Sont présentés pour faire partie de r Académie :
MM. de Beaulieu, notaire à Avignon, par MM. de Vissac, de Terris et abbé Requin ;
Antiq, notaire à Avignon, par MM. de Vissac, Labande et de Terris ;
Antoine Salles, avocat à la Cour d*appel, président de la Société littéraire,
historique et archéologique de Lyon, par MM. Faure, D' Florence et D'
Sabatier.
M. le Président transmet aux membres de l'Académie de Vaucluse l'invitation que
leur fait le Capoulié du félibrige, d'assister â la fête qui sera donnée par le consis-
toire félibréen, le a3 mai 1904 (lundi de la Pentecôte), au château de Fontsegune
(Gadagnc). à l'occasion du cinquantenaire de la fondation du félibrige. — M. le
Président ajoute que, par réciprocité, l'Académie avait invité les féllbres aux fêtes
qui auront lieu en juillet prochain, en commémoration de la naissance de Pétrarque
dont on célébrera le sixième centenaire.
M. Labande communique une demande d'échange de bulletin formulée par ta
Société des naturalistes de l'Ain. Il fait part à l'Académie des remerciements du
D' Augros, récemment admis parmi les membres. Il donne quelques renseigne-
ments sur le prochain Congrès archéologique international d'Athènes et rappelle que
les adhésions peuvent être envoyées jusqu'à fin décembre 1904. Il signale que le
Congrès de la Société française d'archéologie aura lieu au Puy et que les inscriptions
ne seront plus reçues après le 31 mai. Le programme comporte plusieurs excur-
sions, notamment à la Chaise-Dieu.
Enfin, M. Labande rend compte des fêtes scientifiques organisées à Paris par la
Société des Antiquaires de France qui célébrait son centenaire. Les réunions, tenues
au Louvre dans le Salon carré, ont été particulièrement brillantes et M. Labande
qui y représentait l'Académie de Vaucluse, apporte les remerciements que le prési-
dent de la Société adresse à notre compagnie. Il dépose sur le bureau un superbe
volume d'études et mémoires publiés à cette occasion par les Antiquaires de France.
Une heureuse digression l'amène à parler de l'exposition des primitifs et des tableaux
de l'école provençale qui y faisaient fort bonne figure, notamment la Pietà de
l'hospice de Villeneave-lez-Avignon et le Couronnement de la Vierge dû au pinceau
d'Enguerrand Charenton (i453).
M. Mouzin, au nom de M. Mordon, président honoraire de l'Académie, après avoir
rappelé la mort tragique de l'infortuné Abel Jeandet, lauréat de l'Académie de Vau-
222 MEMOIRES
cluse, assassiné alors qu'il était résident au Sénégal, fait connaître que le gouverneur
de cette colonie vient, par un décret dont il donne lecture, d'attribuer à la place
Escale-de-Podor, à Saint-Louis, le nom de place Abel-Jeandet.
L'Académie tient â honneur de s'associer à l'hommage rendu à ce héros et M. le
Président prie M. Mouzin de transmettre à f\. Mordon les remerciements de
l'Académie; mention spéciale de ce décret sera insérée au procès-verbal de la
séance.
La parole est donnée à M. Gustave Naquet, ancien président du tribunal de com-
merce d'Avignon, qui explique et résume le rapport présenté par lui à la Chambre
de commerce, en vue d'étudier les mesures propres à défendre et A développer le
commerce extérieur de la France. Il rappelle et établit la situation, avantageuse à ce
point de vue, de notre patrie avant les désastres de 1870; il analyse les conséquences
funestes de cette guerre et ses terribles contrecoups; il montre, devant la France
amputée de ses provinces, une Allemagne puissamment organisée, orgueilleuse de
sa victoire, confiante dans sa force envahissante, bouleversant les marchés et bous-
culant tous ses rivaux: il signale la poussée brutale d'autres nations, jeunes ou
vieilles, âpres au gain, dures à la lutte : États-Unis, Italie, Japon, etc.; il constate
avec tristesse que, malgré tous nos efforts et nos sacrifices, les résultats de notre
action commerciale sont dérisoires et que notre déchéance à ce point de vue tend à
s'accentuer. Il en tire la conclusion qu'il est urgent de réformer nos mœurs, nos
coutumes, nos méthodes commerciales et qu'il faut môme, si c'est nécessaire, refondre
notre outillage national.
Examinant les causes de nos insuccès, M. Naquet les voit : dans notre apathie
invétérée pour les voyages ; dans notre insuffisante connaissance des langues étran-
gères; dans le mode de recrutement de nos représentants à l'étranger, trop peu
soucieux des intérêts commerciaux; dans les divergences des lois qui régissent le
monde commercial ; dans l'application de tarifs de transport qui font obstacle à
l'activité de nos nationaux, etc. A chacun de ces maux, M. Naquet oppose un remède
et les solutions judicieuses qu'il préconise semblent de nature â aider la France
commerciale à sortir du marasme insupportable qui l'anémie.
M. le Président exprime à M. Naquet les vifs remerciements de l'Académie et fait
des voeux pour que des réformes heureuses viennent rendre à notre patrie le rang
qu'elle doit occuper dans le monde des affaires commerciales.
M. Labande donne lecture de la première partie d'un mémoire de M. Sauve sur
l'archéologie et l'histoire de la région aptésienne. Il accompagne cette lecture de
quelques explications sur la pénurie incompréhensible des répertoires archéologi-
ques dans nos contrées méridionales, indique que le département de Vaucluse est
pour ainsi dire encore inexploré et signale à la reconnaissance de l'Académie les
chercheurs qui, comme M. Sauve, veulent bien consacrer leur érudition à combler
cette lacune.
M. le Président ajoute que cette première partie de l'étude de M. Sauve est pleine
de promesses et adresse à notre collègue les remerciements de l'Académie.
Cette étude devant paraître au Bulletin n'est pas analysée dans le présent procès-
verbal.
Les membres présentés au début de la séance sont admis.
Séance du 2 juin 1904. — Présidence de M. de Vissac, président.
Étaient présents : Miss Owen, MM. de Vissac, Labande, Alphant, Joleaud, Larché,
Réguis, Fichaux, Poupart, Bourges, Genin, de Terris, abbé Aurouze, Bayol, Bonne-
caze, Chobaut, Raynolt, Legras, abbé Durand, Châtelet.
M. le Président annonce les présentations suivantes :
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 223
MM. Lestang et Blache, professeurs à l'École d'agriculture d'Avignon, présentés par
MM. Réguis, Blanc et Châtelet ;
l'abbé Benoît Roux, curé de Velleron. par MM. les abbés Trouillet et Aurouze
et M. Bonnecaze ;
Ramon Capdevilla aîné, industriel à Avignon, par MM. Dominique Capde-
villa, Chobaut et Labande.
Lecture est donnée d'une lettre de remerciements de M. Antoine Salles, élu membre
de l'Académie dans la précédente séance.
M. le Secrétaire général dit qu'il y a lieu de s'occuper du renouvellement du bail
de la salle de réunion du Bureau. Cette question est renvoyée au Bureau.
M. le Président annonce que le programme des fêtes académiques du 6' centenaire
de la naissance de Pétrarque est arrêté en principe. Il comprendra ; le samedi,
i6 juillet, une excursion à Vaucluse, avec banquet et séance des jeux floraux. Le
dimanche, réception des délégués à l'Hôtel-de-ville d'Avignon, séance solennelle de
l'Académie et distribution des récompenses aux lauréats des concours. Le soir,
banquet ofifert aux personnages officiels par l'Académie.
M. le Président ajoute que le Bureau ayant décidé de remettre aux lauréats du
concours un diplôme, il s'est adressé à un graveur de Paris, qui réclame pour la
confection et le tirage à 5oo exemplaires du projet adopté la somme de 370 fr. Le
Bureau n'a pas voulu engager nos finances sans consulter l'Académie — M. Bourges
demande que l'exécution de ce diplôme soit confié à un artiste vauclusien et propose
d'établir un concours.— M. le Président fait remarquer qu'il esta craindre que, dans
ces conditions, il ne soit pas gravé pour les fêtes.— Après un échange d'observations
entre quelques membres, il est décidé que la question sera renvoyée à l'étude du
Bureau.
M. le D' Chobaut rend compte ensuite de son excursion en Camargue au bois des
Rièges. C'est une région curieuse au point de vue botanique, où poussent quelques
essences intéressantes : lentisques, tamaris et genévriers de Phéaicie qui atteignent
dans cette station jusqu'à 4 à 5 mètres de hauteur. A signaler encore le phénomène
du mirage qu'a pu observer notre collègue en se rendant au bois. Dans cet îlot de
végétation vivent quelques espèces rares de coléoptères, dont notre collègue donne
la description.
M. Labande rappelle que l'Académie doit se rendre le dimanche 6 juin en excursion
à l'abbaye de Montmajour. Il annonce que ce monument historique, qui appartient
à la ville d'Arles, a été gracieusement mis à notre disposition par la municipalité
arlésienne et que la Société du Vieil-Arles se joindra à nous pour la visite de l'abbaye.
— Il donne en outre quelques renseignements sur la date de* la construction de la
chapelle Saint-Gabriel, que l'on verra tout d'abord. En comparant son architecture
avec celle des églises de Vaison, de Saint-Trophime d'Arles, de Saint-Honorat des
Aliscamps, il conclut que cette date ne peut pas remonter au-delà du XII* siècle et
que c'est à tort que M. Révoil l'avait datée de l'époque carolingienne, sur la foi d'un
texte (charte de Charles le Chauve) reconnu pour être un faux fabriqué par l'église
de Vienne, désirant enlever à celle d'Arles sa suprématie.
Abordant ensuite l'étude archéologique de Montmajour, il en détaille les princi-
pales parties, la chapelle de Saint-Pierre, l'édicule de Sainte-Croix, l'église dont
l'acte de consécration est de ii83 ; il signale l'intérêt que présente la crypte, dont le ,
plan très savant et le très bel appareil ne permettent pas de faire remonter la
construction au-delà du milieu du XII* siècle. Il rappelle que Montmajour a souffert
des guerres du XIV- siècle et que c'est de i368 que date la construction de la tour
gothique.
Avant de lever la séance, MM. Lestang. Blache, Ramon Capdevilla et l'abbé Roux
sont élus membres de l'Académie.
Le Stcréiaire, Le Président,
"Ce Chatblbt. Baron M. de Vimac.
224 MÉMOIRES
Excursion de i/Académie de Vaucluse a Saint-Gabriel bt a Montmajour.
Le dimanche 6 juin, un groupe de membres de l'Académie de Vaucluse, auquel
s'étaient jointes quelques personnes amies de nos vieux monuments, s'est rendu par
voitures d'abord à Saint-Gabriel, puis â Montmajour.
La petite chapelle de Saint-Gabriel sur le territoire de Tarascon et sur l'emplace-
ment de l'antique Ernaginum a vivement intéressé les excursionnistes, qui on^
admiré ses heureuses proportions et la décoration si curieuse de sa façade.
A Montmajour, M. A. Véran, président de la Société des Amis du Vieil-Arles, et
plusieurs de ses collègues attendaient les membres de l'Académie de Vaucluse pour
leur faire les honneurs de la vieille abbaye. M. Véran s'est fait leur guide autorisé
et a donné de savantes explications qui ont été fort goûtées des auditeurs. La visite
de Montmajour s'est faite dans l'ordre suivant : la chapelle de Saint-Pierre avec le
confessionnal de Saint-Trophime, la chapelle de Sainte-Croix au milieu des tom-
bes creusées dans la roche, l'abbaye elle-même avec son église inachevée et sa
crypte, son cloître mi-roman mi-gothique, sa tour gothique, sa salle capitulaire, etc.
Un déjeuner, préparé par les soins de M. Bessières, d'Arles, a été servi à midi
dans la salle capitulaire elle-même. A la fin, M. Labande, secrétaire général de
l'Académie, a remercié la Société des Amis du Vieil-Arles et spécialement son pré-
sident, de leur cordiale réception . M. Véran a répondu en ces termes :
Mesdames et Messieurs,
c La Société des Amis du Vieil-Arles, heureuse de répondre à votre amical appel,
s'est empressée de venir souhaiter la bienvenue à sa grande sœur et lui exprimer
les sentiments confraternels qu'engendrent naturellement la conformité des études
et la similitude du but qu'elles poursuivent l'une et l'autre.
« Votre champ qui embrasse toute la vieille terre de Provence est plus vaste et votre
moisson plus abondante. Les confins du vieux pays d'Arles limitent le nôtre, et
notre programme s'attache surtout à défendre contre l'oubli, l'indifférence, les
atteintes inconscientes ou la ruine, l'héritage de monuments et de souvenirs histo-
riques que nos pères nous ont légué.
« En cela, et comme vous, nous croyons faire oeuvre patriotique, car ainsi que cela
a été dit, les petites patries font la grande patrie, et étudier son pays, c'est l'aimer et
le servir.
€ Le passé, a dit Victor Hugo, est une partie de nous-mêmes, la plus essentielle
peut-être. Tout le flot qui nous porte, toute la sève qui nous vivifie nous vient du
passé. Qu'est-ce qu'un arbre sans ses racines? Qu'est-ce qu'un fleuve sans sa source?
Qu'est-ce qu'un peuple sans son passé ?
t Pour évoquer ces souvenirs du passé, quel site peut être plus heureusement choisi
que celui de Montmajour, cette colline privilégiée que la nature avait posée au
milieu des eaux dans un mystérieux isolement, qu'elle avait parée de plantes aro-
matiques et de fleurs embaumées, qui a servi de retraite aux ancêtres des temps
. préhistoriques et gardé leurs tombeaux, d'asile aux premiers chrétiens et d'assise
a une des plus puissantes abbayes du moyen âge, sanctuaire de piété et de science
visité par des foules innombrables venues en pèlerinage des pays lointains, fait et
agrandi par les libéralités du peuple, des princes et des comtes de Provence, dont
plusieurs dorment sous les dalles de son cloître.
€ Aujourd'hui, l'action du temps et celle des hommes ont profondément altéré l'an-
tique physionomie de Montmajour, dévasté les splendides constructions abbatiales,
dispersant les précieux trésors de sa bibliothèque et de ses archives. Vous venez
néanmoins, pèlerins de la science visiter et interroger ses grandes ruines, dont û
est permis de dire que les pierres elles-mêmes parleront.
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 227)
« Nous vous ''remercions de nous avoir conviés à ce pèlerinage de souvenir... et
aussi à ce banquet confraternel.
€ D'après un document de nos archives, en Tannée 1476,1e roi René avait désiré de
venir dîner à Montmajour avec la reine et de ne composer son repas champêtre que
de poissons pochés tout exprès dans les eaux de Tîle. Textuellement : « Mandé que
• voliet venir dinar à Montmagrour ambé la Reyneta et que hon fessa provision de
< barquas et de fiUats per prendre peyssons. »
f Nous remercions les organisateurs de ce banquet d'avoir bien voulu ne pas bor-
ner le menu au produit aléatoire des pêcheries de Montmajour, qui n*est plus
une île.
c Mais nous vous remercions d'autre part, Mesdames, d'avoir bien voulu aujour-
d'hui, par votre aimable présence, rappeler la visite de la Reyneta et sa gracieuse
Cour. •
L'après-midi a été consacré à des excursions aux environs de Montmajour.
notamment aux grottes préhistoriques du Castelletet de la montagne de Cordes.
Vers 5 heures, l'Académie de Vaucluse prenait congé de la Société des Amis du
Vieil-Arles et reprenait la route d'Avignon.
'«»sj®««f'=**-
Volumes et Fascicules
REÇUS PAR L'ACADÉMIE
Depuis la publication du dernier fascicule des Mémoires.
l — Envois du Minlstèra de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts.
I* Comité des travaux historiques et scientifiques. Congrès des Sociétés savantes
de 1903 tenu à Bordeaux : section des sciences morales. — a' Documents relatifs au
comté de Champagne et de Brie (1172-1361), publics par Auguste Longnon, t. II. —
3" Comptes rendus du Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départements,
tenu à Bordeaux en i9r.3 : section des sciences. — 4" Bulletin archéologique du
Comité des travaux historiques et scientifiques, 1903, i" livr.
II. — Dons des auteurs.
r M. Emile Bonnet, avocat à la Cour d'appel de Montpellier : Des Variations de
va4eur de la monnaie melgorienne. — 2' M. L. Tiersonnier : Le nombre ou le mérite :
lois constitutionnelles basées sur le mérite. — 3 iM. il. de Gérin-Ricard, membre
titulaire de l'Académie : Sur la présence de matériaux et d'objets antiques dans les
châteaux du moyen âge; — Monographies de communes, archéologie et histoire.
Fuveau. — 4* M. Adolphe Conry : Suppression des armées permanentes ; — Révision
de la constitution ; — Séparation des Églises d'avec l'État, suivi de Vox popuU, vox
Dei: — Réformes à opérer dans les principaux Ministères; — Création d'une caisse
nationale de retraite ; — Grand concours international de comptabilité : Paris, 1900.
Rapport général. — 5» M. le marquis de Monclar, membre titulaire de l'Académie:
La Maison do Pétrarque à Vaucluse. — 6" M. Alfred Picard, commissaire général de
l'Exposition universelle de 1900: Rapport général administratif et technique de cette
exposition, pièces annexes. — 7* M. E. l^ouchinot : L'Actualité archéologique au
pays d'Arles: Arles, allées couvertes, colline de Gordes. - 8* M. Vayssiôres, membre
titulaire de l'Académie : Résultats des campagnes scientifiques accomplies sur son
yacht par Albert I*', prince souverain de Monaco, fasc. XXVI. Mollusques hétéro-
podes provenant des campagnes des yachts Hirondelle et i rincesse- Alice. — 9* M. le
comte Pinchia. d>:puté au parlement, sous-secrétaire d'Etat au ministère de
l'Instruction publique d'Italie : Per Francesco Petrarca, dircours prononcé à l'ouver-
ture des fêtes du centenaire à Arezzo en 1904. — lo* M. Charles Janet, membre
correspondant de l'Académie : Observations sur les guêpes; — Anatomie du Gasler
delà Myrmica rubra; — Observations sur les fourmis; — Sur le mécanisme du vol
chez les insectes.— ii* M. Emile Perrier, président de la Société de statistique de
Marseille : La mort d'un ambassadeur russe à Marseille (1779) ; — Les Marseillaises
et le connétable de Bourbon ; — L'Hôtel et le château d'un financier aixois au XVII
siècle ; — Les Bibliophiles et les collectionneurs provençaux anciens et modernes.
Arrondissement de Marseille.— 12' M.Gabriele Fantoni : Sulla Originalità délie rime
Petrarchesche.
MEMOIRES DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE
III. — Envois des Sociétés correspondantes.
Revue de Saintonge et d'Aunis, i«j04, fasc. 3 et 4. — Société languedocienne de
géographie : Bulletin, 19^x4, 1" fasc. — Société d'études des Ilautes-Alpes : Bulletin,
1904, '2* et 3' fasc— Société littéraire, historique et archéologique de Lyon : Bulletin,
1904, i"" fasc. — Revue horticole de Marseille, 1904, avril, mai, juin. — Bulletin
historique du diocèse de Lyon, n' 27. — Société des sciences naturelles de Saône-
et-Loire : lUilletin, n** 3 à 6. — Ilistorische und antiquarischc Gesellschaft zu Basel :
Basler Zcitschrift, III Bd, 2 IL — Société d'études provençales : Annales, 1904, n*" 3et4.
— Société des Antiquaires de l:i Morinie : Bulletin historique, 1904, n" i. — Revue du
département du Tarn, t. XXI, n- i à .'^. — Société archéologique de Tarn-et-Garonne :
Bulletin, i. XXXI (190.'^). — Société Les Amis des sciences et arts de Rochechouart :
Bulleiin, n"' .' à G. — La Diana : Bulletin, t. XIII, n' 8. - Anales del Museo nacional
de Mexico. i'j04, t. I, n" 5. — Revue des langues romanes, t. VU (1904), n' 3. —
Académie de Lille : Bulletin, 19)4, n* -2. — Revue d'Auvergne, 1904, n*' 2 et 3. —
Société linnéenne de Lyon : Annales, année 1903. — Société archéologique du Midi
de la France : bulletin, n" :<i. <'2. — Société des lettres, sciences et arts de la Corréze :
Bulletin, i:<«4, i'« livr. — Société scientifique et littéraire d'Alais : Revue cévenole,
[903. n' IV. — Société d'archéologie et de statistique de la Drôme: Bulletin, i5o* livr.
— Société d'agriculture, industrie, sciences et arts du département de la Lozère :
Bulletin, 1903, 4* fasc. — Annales de Saint-Louis-des-Français, t. VIU, 4* fasc. —
Académie du Var : Bulletin, f<jo3. — Missouri botanical garden : Fifteenth annual
report (K/A*). - - Revue savoisienne, i9.')4, 2* fasc. - Société agricole, scientifique et
littéraire des Pyrénées-Orientales : Mémoires, année 1904. - Académie des belles-
lettres, histoire et antiquités de la Suéde : Manadsblad. 1898-1899, 1901-1902. —
Université d'Upsal : Results of the swedish zoological expcdion to Egypt and thc
White Nile 1901, under the di'oction of L.-A. jiigcrskiold, part. i.
ip^
t \
^ïL
mi \
'\/''''?^m
bS' ' \
*U'.\' ^^
^V\ \ \
/ , t * t :
M\ \
Éfe.
W*-'-
■iisCr
ci^'
f
B
^
iiOVÈÏ^%
LETTRES INÉDITES
DE ROVÈRE
Membre du Conseil des Anciens,
A SON FRÈRE
EX-ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL DU DÉPARTEMENT DE VAUCLUSE.
i** janvier 1796 — i5 août 1797.
(Suite.)
XXV.
Au citoyen Rovère jeune à Bonnieux,
Paris, le 8 messidor an 4 de la Republique (96 juin 1796).
J'avois déjà appris, mon cher frère, que vous aviés fait une
petite incursion dans le Gard, lorsque votre lettre du 3o prairial
m'est parvenue. Des bons et loyaux citoyens de Tarascon ont été
vous cherchera Beaucaire; ils me témoignent leur vif regret de
ne vous avoir pas rencontré.
Je suis charmé que vous ayés trouvé un moyen pour réaliser la
lettre de change, que le gouvernement vous avait transmise pour
le payement de votre place de consul.
Il me parait que vous avés enfin touché les mandats, que
j'avois comptés a Dervieux; il vaut mieux tard que jamais. Vous
aurés vCi par mes précédentes que j'ai adressé vingt-huit mille
livres de la même monnoiea Hurard /rére (i), pour l'acquisition
de la terre des Chartreux. Notre ami Mathieu, que vous avés vu a
Avignon, me marque que les soumissionnaires de cet effet en
fairont la cession. Je vous prie de surveiller cette affaire et de
leur donner un. léger bénéfice, si le cas y échoit.
Les afiaires semblent prendre ici une teinte moins noire ; cepen-
dant l'horizon est loin d'être dégagé des vapeurs sanguinolentes
(1) C'est Simon Hurard, le ci-devant frère convers (voir lettre VU, note 9). Il décéda
à Sorgues le 8 frimaire an VI.
•i3o MEMOIRES
dont il etoit chargé depuis une fameuse époque, je ne perds pas
vos interests de vue : nous serons assassinés, ou les principes de
justice, de liberté et de vrai républicanisme triompheront. Vous
serés peut-être étonné de la nouvelle que je vais vous donner : on
traite dans ce moment avec le pape, pour qu'il reconnaisse les
evêques et les prêtres constitutionnels. Je crois que c'est le seul
moyen de faire cesser dans la Republique le germe de dissen-
sions religieuses toujours influentes sur le bonheur public (2).
Je ne vous conseille rien : vous aviserés ert voire sagesse ce que
vous croirés le meilleur ; Grégoire (3), qui vous aime beaucoup,
(3) A la faveur de la loi du 3 nivôse an III (21 février i795), qui avait décrété la
liberté des cultes, quelques évêques tels que Saurine, évoque des Landes, Royer,
évoque de l'Ain, Desbois, évéque de la Somme, Primat, évoque du Nord, et Grégroire.
évoque du Loir-et-Cher, formèrent le dessein d'opérer, avec le secours du pape et le
consentement du grouvernement, la réconciliation entre les prêtres insermentés et le
clergé constitutionnel, afin d'amener en France la pacification religieuse. Sous le
nom d'évéques réunis, ils adressèrent dans ce but des encycliques et des lettres à
toutes les églises et à tous les prêtres pour les exhorter â concourir à cette œuvre
salutaire. Pendant ce temps, partout les églises se rouvraient pour l'exercice du culte.
Sur les sollicitations des évoques réunis et surtout de Grégoire, qui était véritable-
ment l'âme de cette rénovation religieuse, le Directoire ouvrit des négociations avec
le pape, en vue de faire cesser le schisme. Sous le nom de Giuseppe Evangelisti,
secrétaire de légation, l'abbé Salamon, internonce, prit une part active à ces négo-
ciations. On était au milieu de l'année 1796 : c Le Directoire, dit l'internonce dans ses
Mémoires, fit faire des ouvertures au pape par le marquis de! Campo, ambassadeur
d'Espagne. Le cardinal Pusca, secrétaire d'État et nouveau ministre du pape, m'or-
donna de m'aboucher avec del Campo et m'envoya, pour être mon second, un ecclé-
siastique italien nommé Pierrachi. Nous eûmes des conférences avec le ministre des
affaires étrangères [Charles Delacroix]. » Le Directoire faisait beaucoup de conces-
sions pour obtenir du pape qu'il sanctionnât la constitution civile du clergé. La
moitié des anciens évêques aurait été rappelée et rendue â leurs sièges, et la moitié
des évoques constitutionnels aurait été conservée. En cas de vacances, le Direc-
toire présenterait trois sujets et le pape choisirait l'un d'eux pour remplir le siège
vacant. Telle était la base de ce concordat offert par le Directoire. Le paps, de son
côté, en récompense du zèle que Grégoire avait montré pour la conclusion de lapaix^
promettait de lui concéder, ainsi qu'à Saurine, le chapeau de cardinal et reconnais-
sait aussi la légitimité des évoques constitutionnels. Malheureusement, le Directoire
exigeait des évêques et des prêtres un nouveau serment, et d'autre part refusait
d'accorder au pape les légations de Bologne et de Ferrare. Pie VI ne voulut pas
souscrire â l'obligation du serment et tint bon pour les légations. Nous aurons â
revenir à propos des lettres suivantes sur cet épisode peu connu de l'histoire reli-
gieuse du Directoire.
(3) Grégoire (Baptiste-Henri, comte), né â Veho (Meurthe), le 4 décen bre 1750. mort
â Paris le 26 mai i83i. était curé d'Embermesnil lorsqu'il fut nommé, le 27 mars 1789,
député du clergé aux États-généraux. Il prêta le serment constitutionnel et fut élu
évoque â la fois dans la Sarthe et dans le Loir-et-Cher (1790); il opta pour Blois.
Membre de la Convention nationale, il n'eut pas à se prononcer dans le procès
du roi, étant alors en mission dans le département du Mont-Blanc. Le 19 frimaire
an IV, il devint membre de l'Institut. Nommé, le 23 vendémiaire de la même année,
député au Conseil des Cinq-Cents, il siégea dans cette assemblée jusqu'en germinal
bÊ l'académie de vaucluse 23 r
me charge très souvent de le rappeler a vôtre souvenir ; il vous
estime infiniment.
Je ne peux pas venir a bout de joindre le jacobin Marchand ; je
crois qu'il craint infiniment la liste des deux mille conspirateurs
mentionnée a Tinterrogatoire de Babeuf.
Je suis fâché que vous ne vous plaisiés pas a Bonnieux ; vous
avés plusieurs maisons a votre disposition dans notre départe-
ment ; tachés de passer la vie le plus agréablement, le plus paisi-
blement que vous pourrés, en attendant que le gouvernement
aye pris l'assiette qui convient aux directeurs d'une grande Repu-
blique. Puget-Barbentane a été renvoyé de Marseille (41, Maçon
an VI. Nous avons vu dans la note précédente la part prépondérante qu'il prit sous le
Directoire à la résurrection de l'église constitutionnelle. Il sera de nouveau question
de Grégoire dans les lettres suivantes. On trouvera d'autre part des détails tri^s com-
plets sur son rôle à cette même époque dans A. Gazier, Études sur l'histoire religieuse
de la Révolution Jrançaise (Paris, 1887) et dans les Mémoires inédits de l'inler nonce à
Paris {Mgr de Salamon) pendant la Révolution, 1790-1801, par l'abbé Bridier (Paris,
1890).
(4) Puget (Hilarion-Paul-François-Bienvenu), marquis de Barbentane, né à Paris le
7 mars 1754 et y décédé le 27 mars 1828. appartenait à la faniille noble des Puget-
Barbentane, de Provence. Lorsque la Révolution éclata, il commandait le régiment
d'Aanis, qui arbora le premier la cocarde tricolore. Dés ce moment, il eut, comme il
le dit lui-même, c la fièvre révolutionnaire t, se lia avec Lafayette, pleura Mirabeau
et fréquenta assidûment le club des Jacobins. Il fut élu suppléant de Paris à la
Constituante et, le 6 octobre 179». envoyé dans le Midi comme maréchal de camp. Il
se déclara pour les Marseillais, lorsque ceux-ci allèrent désarmer à Aix le régiment
suisse d'Ernest. Traduit pour ce fait devant une cour martiale, il fut acquitté et conserva
ainsi son commandement, à la grande satisfaction des patriotes marseillais, auprès
desquels il était très en faveur. II contribua à l'organisation d'Avignon et du comté
Venaissin après la réunion de ces États à la France et fut en récompense nommé
lieulenant-géncral, le 7 septembre 1792. Il passa, en août 1793. â l'armée dts Pyré-
nées-Orientales, où il se conduisit brillamment; il n'en fut pas moins destitué comme
ci-devant noble et emprisonné sur l'ordre de Robespierre. La journée du 9 thermidor
le sauva de l'échafaud. Au i3 vendémiaire, il marcha contre les sections de Paris et
peu de temps après il fut employé dans la 8* division à Marseille, sur la sollicitation
d'une députation de patriotes marseillais qui vinrent le demander expressément à
Barras. Arrivée Marseille, pendant que Fréron y était en mission, Puget-Barbentane
fut chargé par ce représentant d'aller faire exécuter ses arrêtés dans la 9' division
militaire comprenant les départements du Gard, de la Lozère et de l'Ardèche et y
combattre le royalisne. Il y resta deux mois, puis au départ de Fréron, il reçut
l'ordre du ministre de retourner dans la 8* division à Marseille. Sur ces entrefaites.
Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, partagea la 8* division, comprise
dans cette armée, en deux subdivisions : l'une comprenant le département du
Var, dont il donna le commandement au général Mouret ; l'autre, embrassant Vau-
cluse et les Bouches-du-Rhône, qui fut donnée à. Puget-Barbentane (2 germinal
an IV|. Puget, dans son nouveau commandement, se prononça fortement en faveur
des patriotes, se fit le correspondant de Poultier, l'ennemi de Rovère, et ainsi qu'il le
dit lui-même, mit tout en œuvre # pour achever de comprimer les cunire-révolution-
naire du ci-devant haut Comtat et relever le patriotisme > . Pendant ce temps.
232 MKMOmES
d'Avignon (5) ; les juges élus parle peuple sont rétablis a Carpen-
Rovère le faisait attaquer dans le Gardien de la Constitution et autres journaux à. sa
dévotion» comme étant partisan du duc d'Orléans et parvenait à le faire inscrire à ce
titre sur les registres du Comité de sûreté générale. Le Directoire s'émut lui-même de
ces accusations et, le 5 messidor an IV, prit un arrêté par lequel Pugei-Barbentane
était relevé de ses fonctions de commandant de la 8' division militaire. Sur cet
arrêté, le ministre de la guerre lui prescrivit de se rendre immédiatement au quar-
tier-général de rarmée d'Italie, où le g néral en chef lui donnerait une autre desti-
nation. Puget-Barbentane ne quitta définitivement la 8» division que dans les pre
miers jours de thermidor.
(5) Maçon (Pierre), chef de la 57' brigade, commandait la place d'Avignon en état
de siège, depuis déjà quelques mois, lorsqu'il fut déplacé, comme Puget-Barben-
tane, par l'arrêté du Directoire du 5 messidor an IV. Peu de temps après, il fut arrêté
gUr l'ordre du général Willot, commandant à Marseille, et incarcéré au fort Saint-
Jean. Bonaparte, qui s'intéressait À Maçon, écrivit en sa faveur au Directoire exécutif
la lettre suivante datée de Vérone, le 3o nivôse an V :
f Je vous prie d'ordonner au général Willot qui détient en prison contre les lois le
chef de la 57' demi-brigade, qu'il a fait arrêter à Fréj us rous des prétextes très
frivoles, de rendre ce brave homme à sa demi-brigade. Vous réparerez une injustice
et vous accorderez la récompense la plus douce à cette demi-brigade. Buonaparte. »
Willot. ayant eu connaissance de cette lettre par les journaux, y répondit dans le
Journal de Marseille, le 26 pluviôse, dans ces termes :
f J'ai vu avec surprise, citoyen g néral, le rapport imprimé que vous faites au
Directoire des derniers succès qu'a remportés l'armée que vous commandez, terminé
par une demande qui m'inculpe d'injustice assez légèrement. Si vous-même aviez
été juste, vous auriez suspendu votre opinion sur un militaire qui peut n'avoir pas le
bonheur de vous plaire, mais qui n'en est pas moins irréprochable.
€ Le citoyen Maçon, chef de brigade à la suite de la 57' demi-brigade, avait été
destitué du commandement d'Avignon par le Directoire avant mon arrivée. Nombre
de plaintes m'ont été portées contre cet officier des départements des Basses-Alpes
et de Vaucluse où il a été employé. L'esprit de parti qui agite ces contrées m'a fait
penser qu'elles pouvaient être exagérées et je ne me suis point prévenu contre lui
avant de l'avoir observé moi-même Je l'ai employé à Marseille, où il a mis au moins
beaucoup de négligence dans ses devoirs. Il était parti cependant avec un bataillon
de sa demi-brigade pour se rendre â l'armée. En passant â Aubagne, il ne prit
aucune mesure pour arrêter des désordres et des violences, auxquelles se sont livrés
des militaires de son bataillon, qui ont menacé les jours du commandant de la place
et tenté de forcer les prisons. La municipalité de Fréjus m'adressa de nouvelles
plaintes contre lui, qui constatent que ce chef s'est porté à des excès et a fait délivrer
du pain blanc à sa troupe, quoique celui de l'étape fût recevable, ainsi qu'il a été
prouvé par procès- verbal.
c Voilà, citoyen général, les motifs qui m'ont déterminé à le punir d'après les lois,
parce qu'il m'importe peu qu'un homme se dise patriote, quand il se conduit mal et
que ce n'est pas sur des mots que je le juge. J'en avois renJu compte au ministre.
J'ai mis cet officier en liberté et l'ai fait partir pour l'armée, le i" nivôse, longtemps
avant votre demande si singulièrement placée.
» Continuez, citoyen général, d'écraser les ennemis extérieurs de la République;
je n'accueillerai jamais que le récit de vos succès et continuerai mes efiforis pour
remplir une tâche moins brillante que la vôtre, mais aussi nécessaire : celle de faire
respecter les lois constitutionnelles et de comprimer les factieux et les brigands dans
la partie de l'intérieur qui est confiée à ma surveillance.— Willot. »
Màcon était né à Chasselay (Rhône), le i3 janvier 1769; soldat au 6- régiment d'in-
fanterie le 8 novembre 1787, capitaine en 1793. il fit comme chef de bataillon les cam-
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 233
tras (6) et bientôt peut-être tous ces sales coquins de la queue de
Robespierre et de Maignet seront chassés par le gouvernement.
Je vous enverrai sous peu de temps le contingent de la
citoyenne Chaix. Je vous embrasse de tout mon cœur, et suis tout
a vous.
Signé ;J.-S. Rovère.
XXVI.
Au citoyen Rovère jeune à Bonnieux,
Paris, le 17 messidor an 4 de la Republique françoise (16 juillet i79^j-
Votre lettre d'Avignon, mon cher frère, du 5, me parvient
aujourd'huy ; vous avés reçu diverses missives de ma part, qui
vous auront appris le parti que j'avois pris pour racqui3ition de
la terre des Chartreux ; j'attends la réponse du citoyen Hurard
pour sçavoir si je dois envoier des fonds pour avancer ce
payement.
J'espère que vous serés dispensé d'en venir a des procès avec
le citoyen Marchand; a force de le chercher, je l'ai trouvé; il m'a
avoué fort ihgenùement que non seulement vous ne lui déviés
rien, mais qu'il etoit votre débiteur; qu'il viendroit aujourd'hui,
et que nous arrangerions définitivement vos affaires. Je lui propo-
serai s'il veut se désister de sa portion, et sur quel pied il vou-
droil être payé. Par le prochain courrier, je vous informerai du
pagnes des Pyrénées-Orientales, servit ensuite â l'armée d'Italie, à l'armée d'Angle-
terre cl a celle de l'Ouest. Il passa â l'armée des Alpes en Tan VIII et se signala À
Mimiebcllo et à Marengo. Rentré en France, il fut fait sous-gouverneur du palais
des Tuileries le i" vendémiaire an XI et général de brigade le 9 fructidor suivant
Nous ignorons la date de sa mort.
^6) Avant les destitutions faites par Fréron, le tribunal criminel du département de
Vaucluse étaitcotnposéde Bernardy, président ; Miffre. Félix (Joseph-Ignace), Bruny,
juges ; Jamet, accusateur public, tous républicains modérés. Fréron les remplaça
par le personnel suivant : L.-A. Raphel. président ; Joseph-Ignace Gluais, Louis
liioulcs. Denis Dugat et Joseph-Ignace Félix, juges ; Charles-Louis Chambon, accu-
sateur public provisoire ; Antoine Teste, commissaire du pouvoir exécutif ; Joseph
Dut(»ur, substitut. Dans l'épuration opérée après le départ de Fréron, Raphel resta
présideni avec Denis Dugat, Félix. Joseph-Xavier-Félix Vitalis, Jean-Joseph- Augustin
(iaud, juges; Giraudy. commissaire du Directoire exécutif, et Dejean, accusateur
public.
V,"" "•«. „. ■■"""«".r.?'''-"; xrr ■■^«°'"'»
' ^^'ff
' fu
DE l'académie de VAUCLUSE 23S
Tour (6) et Chambon (7) frappés de mandats d'arrest; le tribunal
de Carpentras rétabli a peu près comme il etoit nommé par le
peuple (8). Avec de la sagesse, de la modération, du respect pour
la constitution de gS, nous nous tirerons d'affaire; recommandés,
au nom de toutes les vertus républicaines, toute abjuration de
vengeance, de reaction ; la loi seule doit prononcer les peines et
l'opinion seule le mépris dont certains individus doivent être
couverts le reste de leur vie.
J'espère qu'avant deux ou trois mois vos désirs de placement
seront effectués, mais ne me pressés pas et ne vous impatientés
pas.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
réfugier à l'armée des Alpes, où il trouva une place d^attaché aux fournitures de cette
armée. Il reparut à Hagnols après le 9 thermidor et À la date du 17 nivôse an IV
(5 janvier 1796), fut nommé sur la proposition de Fréron, commissaire du Directoire
exécutif près les tribunaux civil et criminel du département de Vaucluse. Il fut
destitué le 31 prairial an IV et décrété d*arrestation le 8 messidor suivant, sur un
ordre du ministre de la justice à qui il avait été dénoncé comme coupable de détour-
nement de pièces commis au greffe du tribunal, et aussi < comme ennemi du gouver>
nement et de la paix publique et anarchiste dangereux». Le i3 fructidor de la même
année, il fut de nouveau dénoncé comme ayant été l'instigateur et le provocateur des
rassemblements armés qui venaient d'avoir lieu à l'Isle. Plus tard il remplit encore
quelques fonctions publiques dans le département de Vaucluse, puis se retira défini-
tivement à Bagnols, où il rouvrit son étude de notaire.
(6| Dutour (Jean-Joseph), était notaire à Laudun (Gard), au moment où éclata la
Révolution. Il en adopta les principes et fut élu par le peuple chef de bataillon de la
garde nationale, puis juge de paix de son canton et ensuite administrateur du district
du Pont-Saint-Esprit. Dénoncé après le 9 thermidor comme terroriste et ancien ami
de Marat, il fut arrêté, mais bientôt relâché par ordre du Comité de sûreté générale.
Il vint alors habiter Avignon, où grâce à la protection de Fréron, il obtint la place
de substitut du commissaire du Directoire près les tribunaux civil et criminel du
départe ..ent de Vaucluse. Teste venait d'en être nommé commissaire. Dutour
cumula pendant deux mois ces fonctions avec celles de commissaire du Directoire
près l'administration municipale du canton de Roquemaure. Or, le 21 pluviôse an IV,
sur les ordres du général Puget-Barbentane, une troupe armée commandée par un
chef de bataillon cerna Bagnols, fit des visites domiciliaires, des arrestations arbi-
traires, commit des attentats â la sûreté et à la liberté individuelles, pilla les fonds
de la caisse publique, etc. Dutour avait pris part à celte expédition. Accusé de ce
chef et dénoncé comme terroriste, il fut destitué. En frimaire an V, il était encore â
Avignon en prévention et sous la surveillance.
(7) Chambon (Charles-Louis) était, comme Teste, natif de Bagnols et y exerçait la
profession d'homme de loi. Ayant dissipé toute sa fortune, il se lança dans la Révo-
lution pour la réparer. Signale à F'réron comme un vrai patriote, ayant des talents,
il fut nommé accusateur public près le tribunal criminel du département de Vaucluse
dont ce représentant était en train de faire Tépuration, et c'est lui qui, le 9 germinal
an IV, requit en cette qualité contre les auteurs de la rébellion qui avait éclaté â
Avignon, le 6 vendémiaire précédent, contre le représentant Boursault. Il fut destitué
pour avoir pris part avec Dutour dont il était l'ami à Tcxpédition contre Bagnols du
ai pluviôse an IV.
(8) Voyez lettre précédente, note 6.
234 MÉMOIRES
résultat. A mettre quelqu'un a Sorgues je prefererois le citoyen
Roux au cy-devant curé Raphel (i), qui pourra reprendre son
culte, les prêtres constitutionnels étant au moment d'être avoués
par le pape, et le prçmier n'ayant pas le même avantage. Je crois
qu'il est prudent d'attendre le succès de la négociation du citoyen
Hurard. J'écrirai toujours a Roux de se rendre auprès de vous a
Bonnieux; j'ai écrit a Lapeyre que le temps pressait pour cet
acqueduc, et de décider enfin ses citoyennes. Voila Charlet (2),
Etienne Martin (3), Maçon (4) destitués, Teste de Bagnols (5), du
(i) Raphel (Joseph-François), né à Tlsle (ComtéVenaissin), le 25 septembre 1732.
y décédé le 27 brumaire an VIII, à Tâgre de 77 ans, appartenait avant la Révolution à
l'ordre des Carmes déchaussés, sous le nom de Père Barthélémy de Sainte-Cécile. Il
avait été mô«ne, en 1774. prieur de la maison que Tordre possédait à Arles en Pro-
vence. Il prêta le serment constitutionnel et fut nommé vicaire â Istres (Bouches-du>
Rhône), puis vint à l'Isleoù il exerça successivement le& fonctions de pro-curé et de
curé, du 29 juillet 1792 au 2 ventôse an II, date de son abdication. Il fut ensuite
employé comme secrétaire-greffier de la municipalité de sa ville natale, démissionna
le 14 prairial an III, a vu son grand âge et ses infirmités ». et vint habiter Avignon.
puis Entraigues, il prêta tous les serments et mourut sans avoir repris les fonctions
sacerdotales.
(2) Charlet (Philibert), né à Saint-Sever-en-Brionay, était capitaine de gendar-
merie à Avignon, lorsque, le 2 fructidor an II. il fut écroué à Avignon, à la prison du
Fort, sur un mandat d*arrét du Comité de salut public, en date du 29 thermidor pré-
cédent. Élargi le ai fructidor an II, sur Tordre des représentants Perrin et Goupil-
leau. il fut incarcéré en Tan III sur une accusation de complicité dans un assassinat
commis en avril 1793, sur un prisonnier enlevé de vive force de la prison du Fort. Le
mandat d'arrêt signé de Curnier (21 nivôvSe an III) visait également d'autres délits
graves et des abus d'autorité dans Texercice de ses fonctions. Dans le numéro du
21 fructidor an IV du journal VAmi des lois, rédigé par le représentant Poultier, on
lisait au sujet de ce personnage : « Un nommé Charlet qui s*est couvert de crimes
pendant le règne de la terreur, dénoncé justement comme le bourreau du Midi par
le Gardien de la Constitution et le Courrier républicain, est aujourd'hui le plus intime
confident de Rovère et son espion le plus chéri. Le ministre Cochon a beaucoup
accueilli cet homme de sang; il Ta fait employer par le bureau central qui lui a
permi '. de rester à Paris, quoique la loi en expulse les officiers destitués. •
(3) Etienne Martin, patriote d'Arles, avait été nommé commissaire de police de
cette ville par arrêté du département des Bouches-du-Rhône du 17 février 1798. Chassé
par les fédéralistes, il rentra dans Arles avec Tarmée de Carteaux en août 1793 et y
reprit ses fonctions. Il passa dans la gendarmerie en Tan III et résidait â Avignon en
floréal an IV, où il commandait la gendarmerie nationale. Il était Tamide Poultier qui
en faisait grand éloge dans VAmi des lois, et le protégé de Barras qui le recomman-
dait a Carnoi. Il n'en fut pas moins destitué et vint à Paris, où il se trouvait en ven-
démiaire an V.
U) Voyez lettre précédente, note 4.
(5) Teste (Antoine), né à Bagnols (Gard), le 27 aotit 1743, y décédé le26 juin 1807.
fut un des plus chauds patriotes du Midi. Il exerçait la profession de notaire, lorsque*
en juin i70'.il fut élu administrateur du district du Pont-Saint-Esprit. Il futmaire de
Ra^rnols de décembre i gr au i3 novembre 1792, date de sa nomination aux fonctions
Je procureur général syndic du département du Gard. Il fut ensuite membre du
Diiecioirc du môme département (6 nivôse au 2 pluviôse an II). Suspect d'avoir été
partisan des Girondins, il fut révoqué par le Comité de sûreté générale et dut se
DE l'académie de VAUCLUSE 23S
Tour (6) et Chambon (7) frappés de mandats d'arrest; le tribunal
de Carpentras rétabli a peu près comme il etoit nommé par le
peuple (8). Avec de la sagesse, de la modération, du respect pour
la constitution de gS, nous nous tirerons d'affaire ; recommandés,
au nom de toutes les vertus républicaines, toute abjuration de
vengeance, de reaction ; la loi seule doit prononcer les peines et
l'opinion seule le mépris dont certains individus doivent être
couverts le reste de leur vie.
J'espère qu'avant deux ou trois mois vos désirs de placement
seront etïectués, mais ne me pressés pas et ne vous impatientés
pas.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
réfugier àl*armée des Alpes, où il trouva une place d'attaché aux fournitures de cette
armée. Il reparut à Bagnols après le 9 thermidor et à la date du 17 nivôse an IV
(5 janvier 1796)» fut nommé sur la proposition de Fréron, commissaire du Directoire
exécutif prés les tribunaux civil et criminel du département de Vaucluse. Il fut
destitué le 21 prairial an IV et décrété d'arrestation le 8 messidor suivant, sur un
ordre du ministre de la justice à qui il avait été dénoncé comme coupable de détour-
nement de pièces commis au greffe du tribunal, et aussi t comme ennemi du gouver-
nement et de la paix publique et anarchiste dangereux ». Le i3 fructidor de la même
année, il fut de nouveau dénoncé comme ayant été l'instigateur et le provocateur des
rassemblements armés qui venaient d'avoir lieu à l'Isle. Plus tard il remplit encore
quelques fonctions publiques dans le département de Vaucluse, puis se retira défini-
tivement à Bagnols, où il rouvrit son étude de notaire.
(6) Dutour (Jean-Joseph), était notaire à Laudun (Gard), au moment où éclata la
Révolution. Il en adopta les principes et fut élu par le peuple chef de bataillon de la
garde nationale, puis juge de paix de son canton et ensuite administrateur du district
du Pont-Saini-Esprit. Dénoncé après le 9 thermidor comme terroriste et ancien ami
de Marat, il fut arrêté, mais bientôt relâché par ordre du Comité de sûreté générale.
Il vint alors habiter Avignon, où grâce à la protection de Fréron. il obtint la place
de substitut du commissaire du Directoire prés les tribunaux civil et criminel du
départe ;.ent de Vaucluse. Teste venait d'en être nommé commissaire. Dutour
cumula pendant deux mois ces fonctions avec celles de commissaire du Directoire
près l'administration municipale du canton de Roquemaure. Or, le 21 pluviôse an IV,
sur les ordres du général PugetBarbentane. une troupe armée commandée par un
chef de bataillon cerna Bagnols, fit des visites domiciliaires, des arrestations arbi-
traires, commit des attentats à la sûreté et à la liberté individuelles, pilla les fonds
de la caisse publique, etc. Dutour avait pris part à cette expédition. Accusé de ce
chef et dénoncé comme terroriste, il fut destitué. En frimaire an V, il était encore à
Avignon en prévention et sous la surveillance.
(7) Chambon (Charles-Louis) était, comme Teste, natif de Bagnols et y exerçait la
profession d'homme de loi. Ayant dissipé toute sa fortune, il se lança dans la Révo-
lution pour la réparer. Signalé à Fréron comme un vrai patriote, ayant des talents,
il fut nommé accusateur public prés le tribunal criminel du département de Vaucluse
dont ce représentant était en train de iaire l'épuration, et c'est lui qui, le 9 germinal
an IV, requit en cette qualité contre les auteurs de la rébellion qui avait éclaté â
Avignon, le 6 vendémiaire précédent, contre le représentant Boursault. Il fut destitué
pour avoir pris part avec Dutour dont il était l'ami à l'expédition contre Bagnols du
21 pluviôse an IV.
(8) Voyez lettre précédente, note 6.
236 MÉMOIRES
XXVII.
Au citoyen Rovère jeune à Bonnieux.
Paris, le 26 messidor an 4 de la République françoise (14 juillet 1796).
On ne peut rien de plus amical et de plus fraternel, mon cher
frère, que ce que vous venés de faire pour moi, et pour vôtre
petit neveu; je n'ai pas besoin de vous rennouveler mon attache-
ment et ma reconnoissance ; je suis fâché que vous ayés fait le
sacrifice momentané de vos quarante louis, infiniment plus jolis
que la pièce de douze sols de l'abbé Lapeyre (r) chés M"* d'An-
selme 2) ; je vais donner des ordres, mon cher ami, pourque cette
somme vous soit remboursée en mêmes espèces. Le chargé d'af-
faires de Grenoble nous a annoncé le payement de la Saint-Jean
comme devant être efiectué, et j'espère que vous pourrés bientôt
reprendre vos réparations du Large. Vous ne me dites pas le prix
précis du moulin de Courtheson ; je présume par la proposition
de Vaton de tripler treize mille livres, que l'évaluation doit être
de quatre fois cette somme, ce qui vaut cinquante-deux ; vous en
avés payé vingt-huit en rescriptions, je vais en payer vingt-quatre a
la trésorerie. Je ferai passer par le prochain courrier la rescription
a Hurard ; je vous prie de tenir la main a la quittance finale (3 .
(i) L'abbé de Lapeyre (Jean -Joseph), oncle de Pierre-EIzéar de Lapeyre. resta pen~
dant soixante ans curé successivement à Lacoste, à Goult et à Bonnieux dans le
comté Venaissin. Il prêta le serment constitutionnel à Tâge de 91 ans et vécut
pendant toute la durée de la Révolution retiré à i^onnieux, sa ville natale, sans y être
inquiété.
(2) Jeanne-Henriette de Chaternet, née à Avignon, fille de Paul de Chaternet et de
Marie-Béatrix-Angélique d'Anselme, avait épousé, le 19 octobre 1774, Joseph-
Hyacinthe-Philippe d'Anselme dit Saint- Victor, chevalier de Saint-Louis, co-seigneur
de Saint-Didier et de Venasque au comté Venaissin. Le chevalier d'Anselme rési-
dait  Bonnieux. Il fut porté sur la liste des émigrés du département de Vaucluse,
dressée le 4 prairial an II.
La famille d'Anselme, originaire de Florence, avait eu une de ses branches qui
avait passé dans le comté Venaissin vers 1434 et dont les membres s'étaient établis
à diverses époques à Avignon, à Joucas, à Roussillon et à Bonnieux. Denis d'Anselme
fut, en 1712, la .souche des d'Anselme de Bonnieux. (Voir sur cette famille les nobi-
liaires d'Artefeuil, La Chenaye-Desbois, Mistarlet, etc.)
(3) La totalité du prix d'achat du moulin de Courthézon devait être fut payée en
rescriptions ou en mandats fournis par Rovère aîné, mais la loi du 8 thermidor an IV
(•->6 juillet 1796) ayan-t spécifié que le dernier quart du prix des domaines nationaux
soumissionnés depuis la loi du a6 ventôse qui créait les mandats, serait payé en numé>
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 287
L'objet des biens nationaux est en discussion au Conseil des
Anciens (4) ; la question est bien ardue; il est notoire qu'il se
commet des vols et des rapines effrayantes ; on pourra revenir
sur la cession d'autres biens d'après les estimations.
Les choses paroissent prendre une assés bonne tournure; les
jacobins conspirent toujours sourdement; on les déjoue: on
force leurs protecteurs a tirer sur eux. Je recommande a tous nos
amis d'être prudents et respectueux envers les lois et fortement
attachés a la constitution de gb. L'administration municipale de
Bonnieux m'a écrit relativement aux craintes qu'on lui a inspirées
sur le changement de canton ; j'ai déjà écrit a Lapeyre, et lui ai
cité l'article de la constitution qui s'y oppose ; vous pourrés ras-
surer nos concitoyens et les assurer de tout mon zèle a les défen-
dre (5). Je vous écrirai par le prochain courrier.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
raire métallique en six paiements égaux, Rovère jeune dut verser ledit quart s'élevani
à 9.145 fr. 40 centimes, déduction faite de la somme de i.oSg francs escomptés pour la
valeur des rescriptions fournies par Rovère aîné. Ces six payements furent faits à la
caisse du receveur des domaines à Avignon, aux dates des 3 vendémiaire, 16 nivôse,
I" pluviôse et 1" prairial an V, 22 germinal et 24 thermidor an VI. L*acte de cession
faite par le citoyen Vaton, avec les frais afférents, avait coûté la somme de 760 francs.
L'achat fut avantageux, puisqu'avec quelques réparations le moulin put être
aflTermé, en germinal an VI, 3.200 francs à un certain Jean-François Fabre, meunier
de Courthézon.
Cet immeuble resta dans la famille de Rovère jusqu'au 22 mai 1816, date èl laquelle,
en exécution d'une ordonnance du tribunal de r* instance d'Avignon, rendue à la
requête des créanciers, tous les biens dépendant de la succession de Rovère aîné
durent être mis en vente. Claude-Xavier Lagarde, propriétaire rentier, et son épouse
Marie-Louise-IIenriette de Vitalis, domiciliés à Orange, s'en rendirent acquéreurs
au prix de 20.000 francs (minutes d'Eusèbe-Jean-Joseph Quinquin, notaire à
Avignon). Il est dit dans l'acte que ce moulin à farine à deux tournants, que
M"* Rovère possède indivis avec son fils Jules de Rovère, comme bien acquis de
l'Étal par son défunt mari, sous l'empire de la communauté, est vendu, quant èl la
moitié appartenant à M- de Rovère au prix de m 800 francs, et quanta l'autre
moitié que Jules de Rovère. mineur émancipé, détient comme héritier de son père et
dûment autorisé par sa mère, au prix de 9.2(X> francs. (Voyez aussi sur ce moulin la
lettre XXIII, note i.)
(4) Cette discussion après avoir donné naissance à divers projets de loi successi-
vement rejetés par le Conseil des Anciens, aboutit À la loi du 8 thermidor an IV.
Voy. note 3.
(5) Le bruit courait alors que Bonnieux allait cesser d'être chef-lieu de canton et
serait rattaché à celui d'Apt.
238 MÉMOIRES
XXVIll.
Au citoyen Rovère jeune à Bonnieux,
Paris, le 28 messidor an 4 de la Republique (16 juillef 796).
Je VOUS annonçois avant-hier, mon cher frère, que je ferai partir
aujourd'hui une rescription de vingt-quatre mille livres pour
solde entière du moulin ; je l'adresse effectivement a Hurard pour
qu'il en fasse incontinent l'échange avec le cy-devant receveur du
district d'Avignon et me fasse concéder quittance finale. On
s'occupe depuis quatre jours (et c'est déjà bien long) d'un plan
relatif aux mandats aux domaines nationaux ; je crois que la
position de ceux qui auront payé en totalité ne sera pas la plus
mauvaise (i).
Je n'ai pu voir encore M. de Roussières (2 ; il dine chés moi
ordinairement une fois par décade, je le verrai au plus tard le 2.
Deleutre est parti cette nuit (3) ; il a grande envie de vous voir.
J'attends a chaque moment des nouvelles de Grenoble pour vous
faire rembourser les quarante louis, que vous avés si généreuse-
ment prêtés au petit Minou (4), qui est bien gentil. Nous avons
dans le moment a déjeuner le citoyen Rousseau (5) et ses filles,
qui me demandent beaucoup de vos nouvelles, et me chargent de
vous dire beaucoup de choses empressées. On parle beaucoup de
la paix avec le pape; son envoyé est ici, j'ignore son nom ; on
assure qu'il est question de faire cesser le schisme .6;.
(1) Voir lettre précédente, notes 3 et 4.
(2) Roussières (Pierre-Constantin de), ancien commissaire des guerres, chevalier
de Saint-Louis, âgé de 90 ans 6 mois, né à Courthézon. y domicilié, fils de défunt
Etienne, aussi commissaire des guerres, et de Jeanne Nicolas, veuf de Marie de
Sarpillon, décéda à Avignon, le i" août 1822. (Addition et rectification à la note 3.
lettre XXII )
(3) Voir lettre XVIII, note 12.
(4) Appellation affectueuse donnée à son fils par Rovère.
(5) Personnage non identifié.
(6) A la suite des succès de Bonaparte en Italie, le pape Pie VI alarmé. lui avait
envoyé à Bologne, l'ambassadeur d'Espagne pour négocier la paix (fin juin 1796). Le
général en chef y mit pour conditions que les légations de Bologne et de Ferrare
resteraient indépendantes, que la ville d'Ancone recevrait une garnison française,
que le pape donnerait 21 millions, cent statues ou tableaux, cinq cents manuscrits,
des provisions de blé, des bestiaux, etc. Un armistice fut signé à Bologne le
31 juin 1796. aux termes duquel (article 3) le pape devait envoyer le plus tôt possible
un plénipotentiaire à Paris pour obtenir du Directoire exécutif la paix définitive.
DE l'académie de VAUCLUSE 289
Je ne reçois plus de lettres du brave Lapeyre ; éveillés un peu
son humeur si amicale parfois.
J*ai reçu une lettre très obligeante de notre ami Ainard ^y). Voila
les destitutions qui vont rondement pour notre département ; je
leur prêche la paix et- Toubli des offenses, l'attachement a la
constifution de gS et l'abandon de toute idée reactionnaire qui
nous perdroit a jamais. Je vous prie d'activer le citoyen Hurard.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XXIX.
Au citoyen Rovère jeune à Bonnieux.
Paris, le 3o messidor an 4 de la Republique (18 juillet 1796).
Je reponds a votre lettre d'Avignon du 22, mon cher frère.
Vous verres par celle d'avant hier, que j'ai déjà fait une partie de
ce que vous desiriés; j'ai envoyé une rescription de vingt-quatre
mille livres a Hurard pour solder la totalité du moulin ; je crains
que le défaut d'estimation ne nuise a nôtre opération (i). Si vous
pouvés l'échanger pour un objet liquide, vous fairés bien, quoi-
que celte acquisition me paraisse bonne.
Je ne suis pas surpris des politesses que nous avons reçues de
la famille Roussières. Ce sont d'excellents voisins; nous nous
entretenons bien souvent de nôtre futur voisinage avec Roussières
que je vois fort souvent, et qui joue un rôle intéressant quoique
non apparent.
Je vous ai toujours dit et vous repète, que vous serés le maitre
d'arranger nos affaires d'interest a vôtre plus grande satisfaction,
Mais à l'approche de Warmser, Pie VI se flattant d'une délivrance prochaine, viola
les conditions de l'armistice et les négociations furent définitivement rompues sur
son refus de révoquer les brefs rendus contre la France et la constitution civile du
clergré qu'exigeait le Directoire. Voy. lettre XXV. note a.
(7) Voir lettre IV, note 8.
(i) L'vssiimation du moulin de Courthézon fut faite le a thermidor an IV. conjoin-
tement par Pierre Manobre ou Manaubre. délégué de Rovère, et François-Joseph
Deyxtîer, expert désigné par le département. L'estime fut de 2.300 francs en
revenus et de .39.600 francs en capital.
240 MÉMOIRES
pourvu que nous ne morcelions pas les propriétés ; vous pourrés
vous arranger de la nouvelle, je ne demande rien tant que de
vous voir heureux et tranquille.
L'affaire de la poste de Sorgues est impossible. Ferrier, etapier
de la commune d'Avignon, a obtenu la place de maitre de postes
a Sorgues. Il est vend m'en faire part lorsqu'il a eu son brevet; il
a acheté des chevaux, et part pour aller s'installer ; c'est un brave
homme, fort ennemi des anarchistes ; il etoit notre collègue a
l'assemblée du cy-devant Comtat. Vous temoignerés mes regrets
au citoyen Manobre (2), et mes offres de services en toute autre
occasion.
J'écris a Mathieu une lettre insignifiante; j'ai bien compris
depuis le commencement qu'il avoit plus de bonne volonté que
de crédit.
Quant a Marchand, je crois, mon cher, qu'il faut suspendre votre
projet d'assignation ; les principes de vertu et de constitution de
95 gagnent tous les jours, et vous devés vous en convaincre par
les changements qui s'opèrent dans nôtre département, au grand
déplaisir des amis de Drouet (3) et de Babeuf (4).
(2) Pierre Manobre, dont il est parlé dans la note précédente, habitait Courthézon
en l'an IV et en était natif.
13) Voy. lettre XI, note 8.
(4) Babeuf (François-Noel), connu plus généralemeni sous le nom de Gracchus
Babeuf, était né le 24 novembre 1760 à Saint-Quentin. Tour à tour peiii clerc, puis
domestique chez M. de Bracquemont, près de Roye, dont il épousa une servante.
Marie- An ne-Victoire Langlet, en 1782, commissaire à Turin en 1785, il se jeta dans la
Révolution et au 14 juillet fut au premier ran^ des vainqueurs de la Bastille ; il fut l'ami
de Marat. En septembre 1792 il devint administrateur du département de la Somme,
puis du district de Montdidier; il fut révoque puur falsification de l'acte de vente d'un
bien national et cundan\né par contumace à \ingt ans de fer. Le 21 prairial an 11, il
fit annuler par le tribunal de cassation le jugement du tribunal de Montdidier et fut
acquitté par les juges de Laon. devant lequel le tribunal de cassation l'avait renvoyé
Il fonda à la mort de Robespierre le Journal de la liberté de la presse, bientôt rem-
placé par le Tribun du peuple. Ayant insulté dans son journal le- parti thermidorien,
un ordre d'arrestation fut lancé contre lui par le Comité oe sûreté générale le 22 ven-
démiaire an III (i3 octobre I7q4), sur une dénonciation de Tallien qui l'accusait
d'outrage à la représentation nationale. Il se cacha à Paris et ne put être arrêté que le
19 pluviôse an III. 1/amnistie de brumaire an IV le rendit à la liberté. Il reprit alors
la publication de son journal le Tribun du peuple, dans lequel il fit une propagande
communiste effrénée. Dénoncé à l'accusateur public par le ministre de la justice,
comme prévenu d'avoir provoqué à .a violation des propriétés, il fut araôié de nouveau
et écroué à la Petite-Force le 17 pluviôse an IV.
Mais le parti de Babeuf n'en restait pas moins très redoutable. Compose d'ex-
conventionnels terroristes et de jacobins violents, il constituait la majorité du club ou
société du Panthéon. La cherté des denrées, la menace de disette, l'extrême misère qui
régnait alors à Paris, tout favorisait un mouvement révolutionnaire d'autant que
4.000 jacobins venaient de s'introduire à Paris le 29 pluviôse et y renforçaient le
DE L ACADEMIE DE VAUCLUSE 24 1
Je verrai demain Grégoire, qui m'a paru vous être très attaché ;
je saurai Tetat des négociations; la dernière fois que je le Vis, il
m'exhorta beaucoup a vous dire de reprendre vos fonctions. Il a
été a Versailles donner la confirmation ; on assure que l'on négocie
fortement avec le prince de Rome. J'enverrai par le prochain
courrier une procuration a Vaton (5; et vous me fairés part de vos
vues d'arrangement pour l'échange et l'acquittement de vos
droits legitimaires (6). Vous verres par les papiers publics les
parti. Le Directoire effrayé ne parlait rien moins un instant que de quitter le Luxem-
bourg et d'aller au Palais national se mettre sous la protection du Corps législatif.
Il fit fermer le club du Panthéon (') ventôse an IV|, mais cette fermeture n'arrêta pas
le mouvement communiste, seulement la propagande par la voie de la presse fut
remplacée par une conspiration dans l'ombre, où toutes les mesures furent prises
pour soulever le peuple aux cris de : Haine aux riches ! vive la constitution de 1793 I
ta liberté ou la mort ! Déjà des rassemblements séditieux se formaient ; des placards
incendiaires étaient affichés, autour desquels le peuple chantait les chansons de
Sylvain Maréchal :
Mourant de faim, mourant de froid.
Peuple, dépouillé de tout droit.
Tout bas tu te désoles.
Ou bien :
Soyez-en sûrs, le peuple est las,
La faim l'agite et le réveille.
Il veut du pain, non des débats.
Ventre affamé n'a pas d'oreilles.
Des «émissaires avaient été envoyés dans les provinces pour révolutionner les dépar-
tements. L'armée était travaillée sourdement. Un comité in^urrecteur avait la haute
main sur la direction des conspirateurs. On dit que Barras lui-même, bien qu'il s'en
soit défendu, était de connivence avec eux. Ce qui est certain, c'est que la conspira-
tion babouviste, comme nous l'avons vu. comprenait plusieurs conventionnels, beau-
coup d'officiers subalternes et une grande partie de la légion de police. Le Directoire
effrayé dénonça la conspiration au Corps législatif, qui pour premières mesures^
promulgua les lois dès 27 et 38 germinal contre les provocations par voies d'affiches^
les attroupements et les écrits révolutionnaires. Ce même jour 28, la cavalerie char-
geait un rassemblement au Pont-au-Change. Le 21 fl »réal an IV, les principaux
conjurés étaient arrêtés. Leur procès fut porté, par suite de la complicité du repré-
sentant Drouet, devant une haute cour constituée à Vendôme. Les accusés, à
l'exception de Drouet, qui parvint à s'échapper de sa prison de l'Abbaye, furent
transférés dans celte ville le 10 fructidor (27 août 1796). Leur procès dura du 4 bru-
maire an V au 7 prairial (27 mai 1797 . Babeuf et Darthé furent condamnés à mort.
Entre temps, dans la nuit du 23 au 24 fructidor an IV (9 au 10 septembre 1796),
plusieurs centaines de jacobins, conduits par des ex-conventionnels, marchèrent sur
le palais du Directoire et tentèrent de soulever le camp de Grenelle, favorisés, dit-on.
par Barras qui, bien qu'ayant dans ses attributions la police, était à la campagne,
ainsi que son collègue Rcwbel. (Voy. iiabeufet hiarras, par Paul Robiquet, dans
la Revue de Paris. i"mars 1896.)
5) Pierre Vaton avait soumissionné le moulin de Courlhézon, le 27 floréal an IV.
(6) Par acte passé â Avignon aux minutes de Louis Faulcon, le 24 avril 178a, Rovère
aîné avait reconnu et déclaré que les droits de légitime, compétents et appartenante
son frère l'abbé, sur les biens de leurs père et mère, avaient été fixés et réglés
24^ MÉMOmE^
diverses resolutions prises sur les finances. Le petit se porte
bien.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
P. S. Je reponds a Ainard. Bien des choses a Barbusse.
XXX.
Au citoyen Rovère jeune à Ai>ignon.
Paris, le 6 thermidor an 4 de la Republique (24 juillet 1796).
Je reçois votre lettre du 28, mon cher frère, et y reponds tout
de suite pour vous dire que j'envoie par le même courrier la
procuration a Vaton, avec prière d'expédier le plus tôt possible.
Je n'ai pu vous envoyer l'argent pour la citoyenne Chaix. Voila
en divers objets environ soixante mille livres de mandats, pris
sur mes économies. Les fermiers du département de l'Isère n'ont
pas fait passer la paie de la Saint-Jean ; ce qui m'a mis dans un
retard bien fâcheux^ puisqu'on ne peut plus payer en mandats,
tout payement est suspendu par la revocation des articles 2 et 3
de la loi du i5 germinal (i). Quoi qu'il en soit, nous aviserons
dans le temps a nous oter cette épine du pied. Voila que Cor-
nailles (2i aura échappé aux mandats, comme il l'avoit fait aux
assignats : c'est un terrible homme que ce Cornailles, car il avoit
aussi échappé a une espièglerie contre-révolutionnaire, qui en
eût conduit bien d'autres a la mort.
entr'eux à la somme de la.ooo livres, monnaie de France Mais comme Rovère aîné,
alors marquis de Fonvielle, n'avait pas la somme à sa disposition, il s'était engagé
par le môme acte à en supporter à son frère l'intérêt au 4 "/. jusqu'à entière libéra-
tion.
(i) Ce fut dans la séance du 38 messidor an IV (16 juillet 1796) du Conseil des Cinq-
Cents que sur la proposition de Oauchy, les articles 2 et 3 de la loi du i5 germinal,
spécifiant le payement obligatoire en mandats des transactions entre particuliers,
furent rapportés. Les mandats n'avaient donc plus cours forcé. Chacun pouvait
désormais traiter comme il lui plairait et en monnaie de son choix, les mandats ne
devant plus être reçus en payement qu'au cours réel établi chaque jour par la
trésorerie. (Voir Moniteur de l'an IV, n** 199, ao8, 201 et 3o3.)
(al Voir sur ce personnage lettre VII, note 3.
\
bE i/aCADÉMIE [>Kf VAUCI.USK ^4^
Les héros de la Glacière (3) sont arrivés dans cette capitale
depuis deux ou trois jours. Dom Poultier(4)aaccordé sa protection
a Martin Etienne (5), et Ta refusée a Charlet (6). Je crois que ces
patriotissimes ne trouveront pas les choses aussi favorablement
disposées qu'en vendémiaire.
Je ne peux pas joindre Marchand ; nous n'y perdons rien par
le retard. Chaque jour, les amis de la constitution de gS gagnent
du terrain : vous vous en serés convaincu par les nominations
des bureaux des Conseils (7). Avec de la sagesse et de la patience,
nous rentrerons dans le sentier de la justice, dont on nous avoît
fait sortir a coups de canon.
Faites vos arrangements pour nos échanges. Roussières m'as-
sure que ce moulin vaudra au moins 4,000 livres de rente. Je
présume que le Large vous en rendra deux. Sçavés-vous que
beaucoup d'aines de bonne maison, comme disoit un grand cy-
devant baron, n'en avoient pas autant ?
(3) Les massacres de la Glacière constituent le plus sombre drame de la révolution
avignonaise. Dans la nuit du 16 au 17 octobre 1791, 61 prisonniers détenus dans les
prisons du Palais des papes, parmi lesquels i3 femmes, a prêtres et 3 enfants, furent
assommés à coups de barres de fer et précipités ensuite au fond d'une tour du palais
dite la Glacière. Ce massacre fut une représaille du meurtre du patriote Lescuyer
qui avait eu lieu la veille. (Voy. pour les détails : P. Charpenne, Les grands épisodes
de la Révolution dans Avignon elle (.omtai, t. II : Les massacres de la Glacière, avec
additions et notes parle D' Victorin Laval, Avignon, 1901.)
{4) Poultier-d'Elmotte (François-Martin), né à. Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais) le
3i décembre 1753. mort à Tournay (Belgique), le 6 février i8a6. Successivement mili-
taire, professeur, moine bénédictin, puis de nouveau officier, il fut en septembre 179a
élu membre de la Convention nationale par le département du Nord, devint membre
du conseil des Anciens et fut réélu en 1799 au conseil des Cinq-Cents par le Pas-de-
Calais. Après le 3i mai 1793, il avait été envoyé en mission dans le Midi pour orga-
niser avec Rovère le département de Vaucluse créé par la loi du 26 juin 1793. Au
conseil des Anciens il soutint énergiquement le Directoire dans son journal l'Ami de^
lois, qu'il fit paraître à partir du i" frimaire an V et dans lequel il fit une guerre
acharnée À son ancien ami Rovère, qu'il accusa d'ôtre l'agent de l'étranger, de s'être
vendu au royalisme, après avoir été à Avignon le portier de la Glacière, etc.
Rovère, de son côté, lui rendait la monnaie de ses aménités dans les journaux À sa
dévotion.
(5) Voir lettre XXVI, note 3.
(6) Voir lettre XXVI, note a.
(7) Le conseil des Cinq-Cents procéda au scrutin pour le renouvellement de son
bureau dans la séance du r' thermidor an IV. Boissy-d'Anglas fut élu président ;
Ruelle. Pastoret, Baraillon et Bornes, furent nommés secrétaires. Boissy-d'Anglas
remplaça Pelet de la Lozère et les secrétaires sortants furent Dumolard, Soulignac,
Philippe-Delleville et Leclerc, de Loir-et-Cher.
Le Conseil des Anciens avait nommé dans sa séance du i" messidor an IV :
Portails, président ; Cretet, Mathieu Dumas, Moisset et Rabaut-Pommier. Le i" ther-
midor an IV. elle nom na en remplacement Dussaulx, président ; Himbert, Durand-
Maillane, Dupont de Neraours et Desgranges, secrétaires.
244 MÉMOIRES
Je guette toujours le moment pour vous faire rendre justice (8),
j'arriverai a coup sûr; maison ne peut préciser Tepoque. Il
existe une classe d'+iommes qui aime infiniment les coquins et
déteste les gens probes, amis des Ipis et de l'humanité. Je crois
que notre ami Donis (9) lairoit bien de faire un voyage a Paris,
nous verrions de lui procurer quelque chose. Sa présence seroit
d'autant plus utile que je me suis imposé la rigoureuse privation
de n'aller chés les minisires ny au Directoire ; il faut que j'use de
moyens indirects pour être utile a mes amis.
Quelle est donc la cause du silence du citoyen Lapeyre, qui
m'aimoit tant et se fachoit de ce que je n'avois pas l'air persuadé
de ses grandes assurances? La vigne et lacqueduc? Si ces dames
s'obstinent a faire les difficiles, nous pourrions changer le cours
de l'antique fontaine couverte. J'ai écrit un ultimatum bien poli a
Lapeyre, resté sans réponse. Je vous adresse la lettre chés
Donis que j'embrasse bien tendrement, ainsi que vous.
Signé : J.-S. Rovère.
XXXL
Au citoyen Rovère jeune à Avignon.
Paris. le i6 thermidor an 4 de la Republique (3 août 1796).
J'etois bien en peine sur vôtre compte, mon cher frère, en
apprenant les nouvelles horreurs commises a Aix et a Marseille
par les exclusifs (ij, ne recevant pas de vos nouvelles depuis
(8) Il s*agissait d'obtenir la réintégration de Rovère jeune dans les consulats.
(9) Les Donis habitaient à Avignon rue Dorée n" 11, actuellement maison Béchet.
Voy. sur cette famille lettre V, note 1.
(I) Dans la séance du conseil des Cinq-Cents du 10 thermidor an IV, Siméon,
député des liouches-du-Rhône, exposa que le i*" du mois les assemblées primaires
de Marseille avaient été souillées par des actes de violence et que le sang avait coulé
à l'occasion de l'élection des ofticiers municipaux. C'est aux cris de: Vive la Monta-
gne ! Vive la constitution de 93 ! qu'une minorité factieuse composée de patriotes
exclusifs, avait essayé d'empêcher à. lo^ut prix la liberté des voles. Dans i5 sections
sur 34, les urnes furent violées et les bulletins déchirés. Trois assassinats furent
commis dans les sections de Marseille et cinq dans la seule section de Mazargues
(banlieue de Marseille).
A Aix, dans la nuit du 3 au 4 thermidor, trois citoyens furent assassinés sur la
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 245
quelques jours: Notre ami Donis m'a singulièrement soulagé, en
m*apprenant que vous etiés a Avignon, plein de courage et de
bonne santé. Je vous ai^ écrit par le gênerai Willot (2), qui est
parti hier pour se rendre a Marseille ; il doit s'arrêter un moment
a Avignon.
Voila la loi rendue sur le quatrième quart des biens natio-
naux (3). Elle a été fortement débattue a notre Conseil ; elle a
passé comme par hazard. Quoiqu'interessé, je n'en suis pas fâché ;
le brigandage étoit porté a un point trop audacieux. Je vais
promenade du cours. Le commissaire du Directoire exécutif, nommJ Bernard fut
blessé grièvement au bas-ventre, d'un coup de baïonnette; Mercurin, un des gardes
de police, fut tué d'un coup de feu, etc. Ces assassinats se liaient aux troubles du
Marseille et avaient été commis également par les exclusifs.
Le Conseil, après avoir demandé au Directoire les renseignements qu'il pouvait
avoir sur ces événements, nomma une commission pour en connaître et en faire
rapport. (Voy. pour les détails : séances du conseil des Cinq-Cents des lo, iG et 17
thermidor ; Moniteur n*' 3iG,324 et 325 des 16, 24 et 25 thermidor an IV.)
(a) Willot Victor-Amédée, comte de), né à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-
Oise) leSi août 1755, mort à Choigny, môme département, le 17 octobre 1823, officier
dans l'armée royale avant la Révolution, fut attaché en 1791, comme aide-de-carop
au général Choisy et l'accompagna dans le comté Venaissin, lorsque, en octobre de
la môme année, ce général reçut l'ordre d'occuper le pays nouvellement annexé. Le
7 novembre, les troupes françaises entrèrent dans Avignon et ce fut Willot. qui,
après avoir pris livraison du Palais des papes, où s'était retiré Jourdan dit Coupe-
têtes» avec ses gardes nationales, se signala par l'activité qu'il mit à faire poursuivre
et arrêter cet instigateur des massacres de la Glacière. Willot servit ensuite avec les
grades de colonel et de général de brigade À l'armée des Pyrénées-Orientales.
La paix faite avec l'Espagne, il passa en Vendée sous Hoche, puis reçut le
commandement de la 8* division avec résidence à Marseille. En mars 1797, le
collège électoral des Houches-du-Rhône renvo.ya siéger aux Cinq-Cents où il se
signala par son opposition au Directoire. Devenu un des chefs du parti clichicn, il
fut déporté au 18 fructidor an V avec Rovère, mais parvint à s'échapper de Cayenne
le 3 juin 1798; revint en France avec les Bourbons en 1814 ; fut nommé chevalier de
Saint-Louis le 27 novembre de la même année et fait comte le 2 mars 1816, pendant
qu'il était gouverneur de la Corse.
Le général Willot nommé au commandement de la 8' division, en remplacement
du général Puget-Barbentane, partit de Paris le 14 thermidor an IV. s'arrêta peu
de jours à Avignon, et dès son arrivée à Marseille, fit afficher une proclamation
adressée aux habitants des départements de Vaucluse, Houches-du-Rhône. Var et
Basses- Alpes placés sous son commandement. Dans cette proclamation, dont on Ut
le texte dans le n* du 6 fructidor an IV du Journal de Marseille, Willot annonce qu'il
vient pour combattre tous les partis et faire régner la justice et la paix. Les terroristes
de Marseille répondirent immédiatement à cette proclamation par un mémo:re en
date du la fructidor, dans lequel ils dénoncent le général comme vendéen, chouan
et royaliste, fauteur de contre révolution dans le midi et réclament son rappel.
(3) Dans la séance du 8 thermidor an IV (26 juillet 1796), le conseil des Cinq-Cents,
après un comité secret tenu le 6, résolut que le dernier quart des biens nationaux
soumissionnés d'après la loi du 28 ventôse serait payé en numéraire. Le texte de cette
résolution est au Moniteur, n- 3i2. an IV. Le conseil des Anciens l'adopta dans sa
séance du i3 du même mois.
prendre des arrangements pour faire face aux nouvelles obliga-
tions.
J'ai dinc hier chés ces dames et M. Vatters (4). Toute la famille
m'a chargé de vous dire mille choses obligeantes. Je les avois
perdues de vue depuis très longtemps ; le hazard nous a fait
rencontrer a diner chés un de mes collègues, et alors beaucoup
de reproches de la part de la mère a la fille de n'avoir pas été
plus reconnoissante, etc.
Les fameux exclusifs, partis d'Avignon pour bouleverser Paris,
sont venus a résipiscence. Le célèbre Martin (5 m'a apporté
ma pipe bien humblement. Charlet (6) a tout avoué ; il a
fait des révélations très utiles a la chose publique. Gardés le
plus grand secret sur cet objet; si vous entendes jaser, vous
serés instruit et garderés le silence. On nous annonce du mouve-
ment pour lafeste du dix aoust (7). Nous sommes prévenus : c'est
un grand point.
• Je vous prie de vous tenir sur vos gardes. Le projet des me-
neurs cannibales de Marseille est d'exterminer tout ce qui est
honnête et n'a pas volé et assassiné depuis le commencement de
la Révolution.
Soyés en garde contre tous ces hommes et très retenu pour
accorder amitié et protection a des hommes qui n'ont cessé de
nous accuser et de nous maudire, lorsqu'ils ont cru que nous
étions les plus faibles, et n'ont cessé de nous aduler lorsqu'ils
imaginoient que nous pouvions leur être utiles. J'ai des raisons
particulières pour vous donner ces avis. Je dois y ajouter
qu'Olivier Gerente (8) s'est emparé de la correspondance, qu'il ne
(4) Personnage non identifié.
(5) Voy. lettre XXVI, note 3.
(G) /dew, note 2.
(7) Le 8 thermidor an IV, Chenier fit voter par le conseil des Cinq-Cents que les
fûtes du 14 juillet et du lo août seraient désormais célébrées chaque année.
< Gloire immortelle, s'écria-t-il, au 9 thermidor qui a renversé la tyrannie décemvi-
virale, mais aussi gloire immortelle au 14 juillet, premier jour de la Révolution
française î Gloire immortelle au 10 août, dernier jour du despotisme, d [Moniteur.
n* 3i:^, an IV.) Le 10 thermidor, le conseil des Anciens approuva cette résolution.
La fête du 14 juillet devait Otre célébrée le 2G messidor et celle du 10 août le 23 ther-
midor.
.8) De Gêrenle, dénommé tout simplement Joseph-Fiacre, citoyen de Pernes.
district de l'Ouvéze, dans le procès-verbal de l'assemblée électorale tenue à Valence
du '2 au 14 septembre 1792 pour l'élection des députés à la Convention, s'appelait en
réalité d'Oliyier de Gérente, ainsi qu'en témoigne l'acte de son mariage, en 1781, avec
Mario-Thérè*;c de Pcyre. fille de François-Antoine, conseiller du roi, juge royal et
criminel tir la ville et vit.'U(Mio do Peaucairi-. 11 était fiK de Joseph d'Olivier de
hE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE^ 247
me montre quasi jamais, pour avoir le plaisir de faire le faiseur.
Que ceci reste entre vous et moi. Votre petit neveu commence à
marcher seul; ce qui nous amuse beaucoup. La citoyenne
Gérente et de Catherine de Salva, de Mollans en Dauphiné, et c'est à Mollans, pays
de sa mère, qu'il naquit le 3o août 1844, bien que son pure habitât Carpentras.
Avant la Révolution, il servit dans les gendarmes de la ^»-arde du roi où il était entre
sous Louis XV, en 1764 Ayant peu de goût pour l'état militaire, il l'avait quitté au
bout de quelques années et s'était retiré à Pernes, dans le comté Venaissin où il fut
élu premier consul. En 1775, sur la présentation du conseil de ville, le vice-légat le
nomma juge-viguier. 11 siégea dans lés États du Venaissin, à Carpentras, comme
premier consul de Pernes. (Voir Dictionnaire de la Drôme de Brun-Durand.)
Il embrassa dès le début les principes de la Révolution et fut élu le 14 septembre
1791, membre de la Législative, et le 5 septembre 1792. député de la Drôme à la
Convention (le troisième) par 423 suffrages sur 463 votants.
Voici le portrait qu'en fait l'auteur des Mémoires en italien et en français sur la
Révoludon française, t. II, p. 218, publiés à Rome en 1793 : « Possédant l'art de
débiter des riens avec une emphatique facilité, suppléant au défaut d'esprit par son
impudence, il sut feindre cette hypocrite popularité qui séduit la multitude et dont
se couvraient tous les factieux. Son système était celui des hommes corrompus qui
ne cherchent qu'à satisfaire leurs passions, en foulant aux pieds tout principe de
vertu. » En réalité, l'homme valut mieux que le portrait. A la Convention il siégea
toujours parmi les modérés et dans le procès du roi il vota, pour le sauver, d'abord
la détention, puis le sursis. Lié avec les Girondins, il fut un des 73 députés qui, le
6 juin J793, eurent le courage de protester contre les journées des 3i mai et 2 juin.
Il fut de ce chef décrété à son tour d'arrestation et ne dut son salut qu'au neuf ther-
midor. Rappelé à la Convention le 18 frimaire an III, avec ses autres collègues pro-
testataires, il fit voter le 2 pluviôse an III, la célébration d'une fête annuelle commé-
morative de la chute de Robespierre, par opposition à l'anniversaire du 21 janvier
qu'avaient institué les terroristes. Tous les actes d'Olivier de Gerente jusqu'à la fin
de la session furent marqués d'un esprit de réaction contre le terrorisme. Envoyé en
mission (1794) dans les départements du Gard, de l'Hérault et de la Lozère, il se trou-
vait de passage â Avignon, au moment de l'arrestation du marquis de l'Estang qui y
avait fomenté une insurrection royaliste, dans laquelle le représentant Boursauli,
alors en mission en Vaucluse, faillit périr. Olivier-Gérente contribua à ramener
l'ordre dans celte ville. Sa mission dans le Midi fut du reste humanitaire et répara-
trice de la terreur des agents de Robespierre.
Rappelé à la Convention le 10 vendémiaire an IV, il fut réélu au Conseil dcb Anciens
comme député de la Drôme, mais ne cessa de s'occuper des intérêts de celui de
Vaucluse et entretint une correspondance active avec tous les hommes politiques de
ce département, au grand déplaisir de Rovére, qui voyait ainsi son influence s'amoin-
drir. Éliminé par le sort du Conseil des Anciens en mai 1797, Olivier-Gérente vint se
fixer à Avi;:rnon et fut nommé président de l'administration centrale de Vaucluse et
conservateur des forêts du même département. Pendant toute la durée du Consulat
et de l'Empire il fut membre du conseil général. L'empereur le fit baron le 8 avril
i8i3 et, le i3 mai i8i5, Vaucluse l'élut représentant a la Chambre des Ceni-Jruirs. Le
7 juillet de la même année il fut décoré de la Légion d'h(»nncur.
La Révolution de i83o lui rouvrit la carrière administrative. 11 siégea de nouveau
au conseil général de Vaucluse et en fut élu président. Il mourut à Travaillans
(Vaucluse^ dont il était maire, à sa campagne de Saint-Jean, le 21 juin i83;, âgé de
v^ ans.
tMivicr de (îércntc lais<;a deux fils. L'ainé. Ilippoîyte. né i\ .Kvijjnon en ryS-j, décéda
à Paris en mai \Hr>>. Lntru d'abord dans l'adminisiraiion des toieis de ri'^tai, cl en
248 MÉMOIRES
Galean-Janson (9) est-elle dans nos départements, ainsi que la
citoyenne sa mère nous Ta assuré (10)?
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XXXII.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon,
Paris, le ao thermidor an 4 de la Republique (7 août 1796).
J'ai reçu votre lettre du 12, mon cher frère. J'ai vu tous les soins
et toutes les courses que vous avés faites pour finir notre affaire
i835, fut nommé administrateur du domaine privé du roi. Sauf une courte interrup-
tion en 1842, il représenta à la Chambre des députés l'arrondissement de Carpentras
de i837 â la Révolution de 1848 qui le rendit définitivement à la vie privée. Casimir,
second fils d'Olivier-Gérente, était sous-préfet de Carpentras en 1837; il mourut à
Nyons (Drôme). le 3i décembre 1847.
(9) Cornélie-Henriette-Sophie-IIortense-Louise-Gabrielle, princesse de Galéan, avait
épousé Michel-Palamède de Forbin, marquis de Janson. Elle était née le 24 mars
1763, fille de Charles-Hyacinthe-Antoine de Galéan. baron des Issards et de Cour-
tine, sire et marquis de Salerne, comte du Castellet, seigneur des Angles, et de
Marie-Françoise-Henriette Trémoletti de Montpezat, née 1029 mai 1739 et mariée
elle-même, le i" septembre i758(Ronnet et Pasteur, notaires à Avignon).
La maison de Galéan, originaire de Toscane, était venue s'établir à Avignon en
i352 et avait formé trois branches : Galéan. seigneurs de Vedènes et depuis barons
des Issards; Galéan, barons de Vedènes et depuis ducs de Gadagne ; Galéan, sei-
gneurs du Castellet, de Cadarache. marquis de Salerne. ducs de Galéan, princes
romains et du Saint-Empire, devenus aussi barons des Issards par l'extinction de la
première branche et le mariage de Charles-François de Galéan, seigneur du Castellet,
avec Lucrèce-Gabrielle de Galéan des Issards (28 mars 1668).
Charles-Hyacinthe- Antoine de Galéan précité, était né le 18 septembre 1737 du
mariage (i73i) de Charles-Hyacinthe de Galéan. marquis de Salerne et des Issards
(mort le 17 août 1754). et de Madeleine Yolande-Adélaïde-Charlotte-Félicité (décéJée
en i743),fille de Gaspard-Palamède de Forbin, seigneur de la Barben.
Le même, d'abord grand-maître de la maison du prince-électeur Palatin, fut créé
prince romain avec toute sa descendance masculine par le pape Clément XIII I1759)
et prince du Saint-Empire romain, avec tous ses descendants des deux sexes, par
diplôme de l'empereur François 1" du i5 septembre 1761. Depuis, il s gnail
prince Galaén des Issards. et c'est en vertu de ce titre transmissible que sa
fille, après son mariage avec le marquis de Forbin-Janson, signa à son tour marquise
de Forbin-Janson. princesse de Galéan.
Armes des Galéan : < a d'argent à une bande de sable remplie d'or, accompagnée
de 2 roses de gueules. Pour cimier : un tion d'or; devise : ab^ottice sœvioribiL (Diction-
naire de la noblesse de la Chenaye-Desbois.)
(10) Il résulte de la note précédente que la mère de la citoyenne Forbin-Janson
était Marie-Françoise-Henriette Trémoletti de Montpezat, fille elle-même de Jean-
Joseph-Paul-Antoine Trémoletti, duc de Montpezat-lez-Uzès en Languedoc, baron de
Montmaur en Dauphiné et de Marie-Justine-Espérance d'Agoult-Montmaur.
DE l'académie de VAUCLUSE 249
du moulin. Je presumois qu'il ssroit évalué plus haut ; voila une
partie du prix, nouvellement décrété, payée par anticipation. Il
faudra que vous me fassiés passer une note exacte de ce que nous
devons encore, pour que je me mette en règleet a Tabri de toute
déchéance, TafTaire étant très bonne et pouvant être portée au
moins a quatre mille livres de rente, avec quelques réparations,
et rassurance d'avoir son revenu malgré la grêle, le vent et la
gelée.
Vos propositions, mon cher ami, sont inadmissibles. Je ne puis
joindre Marchand, et je ne pourrai en venir a bout que lorsque
les anarchistes seront tout a fait terrassés. Je vous ai dit dans ma
précédente que j'évaluerai votre portion du Large (i) a deux mille
livres et le moulin quatre, ce qui vaut six; jugés si ma portion
yaudroit mieux. Souvenés-vous dans quel état j'ai trouvé la
succession de nos pères. Vous parlés des sacrifices que vousavés
faits : je ne les dispute pas, mais je sçais aussi que pendant mon
(1) Voici sur ce domaine quelques détails complémentaires de ceux qui ont été
donnés. Lettre I, note 4.
• Le 8 germinal an III, Jacques-Nicolas Levillain. négociant A Paris, rue de Bussy,
n' i5i, vend à Simon-Stylite Rovére, vice-consul de la République à Livourne,
demeurant à Paris, rue de Grenelle, io3, la moitié appartenant audit Levillain:
!• d'une grange avec son tènement de terre appelé le Large, etc.; 2 d'une terre de
même origine (les Dominicains d'Avignon), bordée de mûriers, avant une allée de
saules, sise au terroir d^ l'isle, etc. (Lettre I, note 4.)
« Cette moitié de terres appartient à Levillain comme propriétaire, conjointement
avec René-Joseph Marchand, de la totalité d'icclles, au moyen de la vente qui leur en
a été faite par Raymond Verninac et Fleury Gombault, suivant contrat passé devant
Ballet (?) notaire à Paris, le i5 brumaire dernier ; lesquels Verninac et Gombault s'en
étaient rendus adjudicataires au Directoire du district d'Avignon, suivant procès-
verbal du 24 ventôse de Tannée dernière, comme propriétés nationales, >
Par ce môme acte du 8 germinal an 111. il est dit que Rovère Stylite paye à Levil-
lain pour prix d'achat de sa moitié. ii.Soo livres en assignats et qu'il s'engage en
outre, à remettre chaque année, un mois après la récolte, à Levillain et à son épouse
Catherine d'Espagne, en tel endroit qu'il désignera à Avignon, la quantité d'au
moins 3oo bouteilles de vin cru, de la terre présentement vendue ou de deux ton-
neaux, valeur évaluée à cent livres par an. Cet acte fut transcrit en entier, le
27 prairial an Vil, au bureau des hypothèques d'Avignon, où on peut encore le
consulter.
Telle est l'origine exacte de la propriété qu'avait Rovère jeune de la moitié du
domaine du Large. Quant d la seconde moitié, celle appartenant à Marchand, qu'il
convoitait si ardemment, afin déposséder la totalité, disons tout de suite que, malgré
les belles assurances que lui donne son frère dans ses lettres, elle lui échappa. Par
acte en effet du i5 vendémiaire an VII (6 octobre 1798). ledit René-Joseph Marchand,
demeurant à Paris, rue .de Sèvres (?) n* 1292. vendit sa part indivise, au prix de
17.800 livres, à André-Joseph Taffin, rentier à Paris, boulevard de la Madeleine,
n* 043, avec jouissance à compter du r' floréal prochain. Cet acte de vente se trouve
également transcrit au bureau des hypothèques d'Avignon.
2So MÉMOIRES?
•
procès avec Barrct (2) et depuis la Révolution, je n'ai cessé de
disputer le ^terrain a la pointe de Tepée et que si je suis parvenu
a quelque chose, j'en ai été le principal artisan. Souvenés-vous
que dans un partage il ne faut tout vouloir.
Par la nouvelle loi, les cessions de biens nationaux ne doivent
point de droit d'enregistrement ; ainsi, nous nous arrangerons;
quand vous voudrés, aux conditions que j'ai acquiessées après
votre lettre du dit. Je n'ai pas entendu parler d'une reforme des
commissaires des guerres ; il s'agit d'une loi relative a leur orga-
(2) François de Saint-Marc, âgé de 83 ans, dernier héritier d'une famille de robe
d'Aix-en-Provence, retiré à Bonnieux, avait, par son testament mystique du 12 août
1765, constitué pour héritier universel Ripert de Baret, son parent résidant à Apt.
Dès que les Rovùre, qui se prétendaient aussi parents â un degré plus rapproché du
testateur, eurent connaissance de ce testament, ils accusèrent Barret de captation
d'héritage, enlevèrent le vieux Saint-Marc de son domicile de Bonnieux (17 mars 1770)
et le conduisirent chez un notaire d'Orgon.'où à la fois par menace et par persuasion,
ils lui extorquèrent un acte en bonne forme par lequel le sieur de Saint-Marc faisait
donation solennelle et irrévocable de tous ses biens fonds à Joseph-Stanislas-Fran-
çois-Alexis de Rovère-Fontvielle, son cousin, à la seule charge pour le donataire et sa
postérité, de porter le nom et les armes du sieur de Saint-Marc. (Note aux minutes de
Rostand, notaire à Orgon, le 21 mars 1770.) Mais, le même jour, Ripert de Baret,
l'héritier évincé, porta plainte contre l'enlèvement criminel du vieillard et la donation
que Rovère lui avait arrachée. Il s'ensuivit un procès qui fut porté successivement
devant le lieutenant-criminel ae la sénéchaussée d'Avignon — c'était pendant l'occu-
pation française — et devant le Parlement d'Aix. Ce dernier, par ses arrêts des
27 février et i5 juin 1771, déclara qu'il y avait eu enlèvement fait par violence de la
personne du sieur de Saint-Marc et captation de donation et* décréta les Rovère père
et fils, de prise de corps. Ceux-ci en appelèrent en cassation à Paris pour vices de
forme. De part et d'autre, on prit les meilleurs avocats. Le fameux Portails plaida
pour Ripert de Barret, M* Demours de Paris pour les Rovère-Fontvielle. Il y eut des
arrêts contradictoires, des ajournements, mais enfin en 1775, intervint sentence défi-
nitive du Conseil d'Étant du roi, déboutant Rovère-Fontvielle fils de toute prétention
sur la succession du sieur de Saint-Marc et le condamnant à tous frais et dépens.
« Cette succession, dit un contemporain {Histoire de la Révolution d'Avignon, Rome
1793, en italien et en français), Rovère avait cherché à l'enlever en corsaire, mais il
n'en relira d'autre fruit que d'avoir consommé sa propre fortune à la poursuite de
celle qui lui échappa et d'avoir été décrété de prise de corps avec son père et sa
mère qu'il avait entraînés dans ce forfait. -»
Ajoutons toutefois que si Rovère perdit l'argent, il garda du moins le titre et qu'il
parut désormais dans le monde, sous le nom de marquis de Fontvielle-Sainl-Marc,
donnant ainsi l'illusion d'une parenté authentique avec une famille des plus consi-
dérables et des plus considérées de Provence, qui comptait encore à cette époque, de
norhbreux magistrats au Parlement d'Aix et notamment le procureur-général baron
Ripert de Monclar-Saint-Marc.
Voir sur ce procès retentissant : i* Mémoire instructif pour le sieur de Barret de la
ville d'Apt, contre le sieur de Fontvielle de la ville de Bonnieux, sur l'instance en
cassation pendant au conseil de Sa Majesté, des arrêts du Parlement de Provence des
27 février et i5 juin 1771. {Signé : Portails, avocat.)
2" Précis pour le sieur de Fontvielle-Saint-Marc contre le sieur Ripert de Barret
par M* Demours, avocat. (Paris, i775.)
DE l'académie de VAUCLUSE 2^1
nisation(3). J'ai préparé sur cet objet une opinion; je m'infor-
merai plus exactement de ce que Ton compte faire, mais je peux
vous assurer qu'il n'y a ni loi, ni arrêté du pouvoir executif. Je
serai très charmé d'être utile au citoyen Sartelon (4), que je
connois sous les rapports les plus avantageux. Quant aux acqui-
sitions, je crois que la prudence exige d'aller pas a pas ; il faut ,
terminer le payement du moulin ; nous verrons ensuite ce qu'il y
aura a faire. Les biens de M. d'Entrechaux (5) sont grevés d'une
infinité d'hypoteques et sont une fourmilière de .procès : il faut
donner dans des afiaires nettes. Je croîs que le payement du
quatrième quart au cours faira déguerpir beaucoup d'accapa-
reurs.
Je suis charmé que les citoyens Trie, Guion et Guerin (6)
(3) Le corps des commissaires des guerres était régri par la loi du 28 nivôse an III.
Dans la séance du Conseil des Cinq-Cents du 14 thermidor an IV, Savary, député de
Maine-tt-Loire, présenta un projet de rcorganisQtion de ce corps qui fut renvoyé à
une commission spéciale. C'est à ce projet de loi que Rovôre fait allusion. Mais ce
projet dormit longtemps dans les cartons et ce ne fut que bien plus tard, le 23 fruc-
tidor an VII (9 Septembre 1799) qu'une loi réorganisa le corps sur de nouvelles bases.
(4) Sartelon (Antoine-Léger), né à Tulle (Corrèze), le i6octpbre 1770, était en l'an IV
commissaire des guerres de la 8' division, en résidence à Avignon et y était employé
comme garde-magasin des subsistances militaires. II s'y trouvait encore l'année
suivante, à répt»que des sanglantes journées de pluviôse et mérita les éloges du
général Tisson pour sa belle conduite et le courage qu'il montra. EmplO)é ensuite à
l'armée d'Italie, il fit plus tard la campagne d'Egypte, d'abord comme commissaire
des guerres, puis comme ordonnateur. Sous l'Empire, il fut employé comme commis-
saire ordonnateur de la grande armée et fit en la môme qualité les dernières campa-
gnes de Napoléon.
Député de la Corréze au Corps législatif de 1814 à 1817, il ne fut pas réélu en 1818
et fut compris dans l'organisation du corps de l'intendance avec le grade d'inten-
dant militaire. Il mourut à Châlons-sur-Marne où il était intendant de la 2* division,
le 2 noven.bie 1825.
(5) Personnage non identifié, appartenait peut-être à la famille d'Entrechauxd'Aix.
annoblie en la personne de Joseph-Gerfroy d'Entrechaux, reçu conseiller au parle-
ment de Provence le 5 janvier i-iS; ce pourrait être cet Entrechaux, ancien officier de
marine, qui déclara adhérer à la protestation faite par la noblesse de Provence, dans
son assemblée du 20 janvier 1789.
|6) Trie (Jacques), originaire de Lyon, ex-procureur de la Chartreuse de Portes, fut
nommé vicaire-général de l'évoque constitutionnel du Gard, le i" août 1791- H en fut
aussi pendant quelque temps le premier secrétaire. Un des menibres fondateurs de la
Société populaire de Nimes (i3 novembre 1791). il en devint bientôt le président. Le
i5 frimaire an II. il abdiqua ses fonctions ecclésiastiques et son titre de vicaire épisco-
pal. 11 était alors Agé de 61 ans. Entre temps, l'ex-chartreux avait fait plusieurs séjours
à Avignon, notamment en février 1791, époque à laquelle il avait été délégué avec
Corbeau, capitaine d'artillerie, par la Société des Amis de la constitution de Valence,
pour faire rapport sur les troubles d'Avignon et du comté Venaissin, On peut lire ce
rappon qui porte la date du 4 mars 1791. dans le ms. de la Bibliothèque d'Avignon,
• 2538, fol. 159. Philippe Labaume, qui s'intitule le V'éridiquc, dit de lui ilJcm, ms.
n* 29*X) , à propos de sa mission à Avignon: «Trie le petit, qui s'insinue partout
252 MÉMOIRES
soient aux bons principes ; nous en avons besoin pour maintenir
la tranquillité dans notre département.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XXXIII.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon.
Paris, le 36 thermidor an 4 de la Republique (i3 août 1796).
Je vous fairai passer, mon cher frère, une procuration pour
affermer le moulin deCourthezon. M. de Roussières me garantit
que sa valeur sera portée â quatre mille livres, qu'il se charge
d'être notre surveillant ; il nous conseille de ne l'affermer que
et prétend faire l'important à l'ombre de Corbeau son compagnon. » Pendant
le séjour des Marseillais à Avignon^ Trie fut arrêté; incarcéré et fut du nombre
des 32 prisonniers qu'ils firent conduire dans les prisons de Marseille dont ils
ne sortirent qu'à l'entrée du général Carleaux dans celte ville, le 25 août 1793.
Il retourna alors t\ Nimes, puis vint à Avignon, ou dès le mois de pluviôse
an II, nous le trouvons membre du directoire de ce district. Il sut y faire ses
affaires, si ce que nous en raconte Afrricol Moureau est vrai : a Trie, dil-il, étaij
prêtre et moine, vicaire frénéral de l'cvCque du Gard. Il vint un jour me trouver au
Département. Le nctier «Je prêtre ne vaut plus rien, me dit-il, faites en sorte de me
faire avoir du pain. — Je lui offre une place de 1.800 livres. Sur ces entrefaites.
Rovère lui propose une place d'administrateur au district. Il opte pour cette dernière
et préfère ainsi 1.200 à 1.800 livres de traitement. C'est beau de la part d'un moine,
mais attendez, le moine va reparaître. Simple commis au département, il n'eût pas
présidé aux ventes des biens nationaux, à leur dilapidation, à leur vente fraudu-
leuse faite a ses amis au-dessous de leur valeur. Il n'eût pas acquis une honnête
fortune. » Il était en effet président du district d'Avignon, lorsque le 14 floréal an II
sur un ordre du représentant Maignet, il fut arrêté et écroué aux prisons du Palais
pour malversations dans l'adjudication des biens nationaux. 11 fut élargi par un
arrêté du Comité de salut public du 29 thermidor an II et il était directeur de la poste
aux lettres à Avignon, emploi auquel il avait été nommé le 8 brumaire par le repré-
.sentant Goupilleau, successeur de Maignet, lorsque un arrêté du Directoire exécutif
du 16 nivôse an IV, en fit un des administrateurs du département de Vaucluse,
— Guion, natif de Sault, fut nommé le 9 brumaire an III membre du district de
Carpentras. Il était antérieurement procureur de la commune. 11 fut nommé admi-
nistrateur du département de Vaucluse par arrêté du Directoire exécutif du 16 nivôse
an IV. A la même époque son fils était commissaire des guerres à l'armée d'Italie.
— Guérin, originaire de Carpentras, était en vendémiaire an IV conducteur en chef
des charrois à Avignon, lorsque le même arrêté du Directoire exécutif du 16 nivôse
an IV le nomma administrateur du département de Vaucluse.
DE l'académie de VAUCLUSE 253
pour une année; je crois même qu'il seroit prudent de prendre
quelques pots de vin. Vous êtes prudent et sage, sur les lieux, et
vous fairés tout pour le mieux. Je vais passer chés le notaire
pour faire rédiger la procuration.
Je vais chercher les papiers du Révérend Père Trie (i) ; il sera
peut-être un peu difficile de trouver ses Jamentations, mais je
voudrois bien a mon tour que Ton me fit payer mes honoraires
de 91 et 92 auprès de l'Assemblée législative. Vous aviés fait des
démarches dans le temps auprès de la première commission ; j'en
avois fait nommer une seconde par décret de la Convention,
Magnon (2) en etoit membre ; quelques opérations ont été enta-
mées. Ce seroit une excellente afiaire de venir a bout de se faire
payer une dette aussi sacrée et aussi ancienne.
Je ne puis pas venir a bout de voir M. Marchand. Tant que
les exclusifs auront quelques espérances, je ne pourrai le rejoin-
dre. Alors, il pourra se départir de la moitié de son acquisition.
Je vais m'occuper de l'afiaire qui interesse M"** de Gram-
mont (3), le cy-devant recteur Pieracchi (4), appelé M. le comte.
(i) voir lettre précédente.
(2) Cette commission fonctionna sous Jean Debry, représentant du peuple, envoyé
en mission dans la Drôme, l'Ardèche et Vaucluse (an II). Jean Debry avait amené
avec lui Magnon comme secrétaire en chef.
(3) André-Joseph-Hippolyte de Gramont-Caderousse avait épousé en 1779 Marie-
Gabrielle de Sinéty. Il était fils de Marïe-Philippe-Guillaume de Gramont, qui ayant
recueilli en 1767 les biens de la maison d'Ancezune, parmi lesquels était le duché de
Caderousse. porta le premier le titre de duc de Gramont-Caderousse.
La maison de Gramont établie en Dauphiné depuis le milieu du XV* siècle, avait
été titrée marquis de Vachères par lettres-patentes de juin 1688.
Emmanuel de Gramont, duc de Caderousse. fils de André-Joseph-Hippolyte et de
Marie>Gabrielle de Sinéty, fut maréchal de camp, chevalier de Saint-Louis et de la
Légion d'honneur. Il décéda en 1841-
Les Gramont-Caderousse avaient leur hôtel à Avignon au n* 24 du Plen de Lunel.
(4) Pieracchi (Christophe), né â Pise, de famille noble, fut nommé recteur du comté
Venaissin par bref du pape du 3o mars 1787. Il se trouvait alors en France depuis
plus de 13 ans. Il y était venu en qualité d'auditeur de la nonciature auprès du
nonce apostolique Joseph Doriâ et quand celui-ci quitta la cour du roi de France
pour retourner en Italie, après avoir été promu cardinal en 1785, Pieracchi resta seul
chargé de la nonciature. 11 ne vint prendre possession de son nouveau poste à
Carpentras qu'à l'arrivée à Paris du nouveau nonce, en novembre 1787. D'impor-
tantes négociations l'ayant rappelé à Paris, il y retourna vers le milieu de janvier
1788. tout en conservant son titre de recteur du comté Venaissin. Son absence ne fut
d'ailleurs que momentanée, et le 23 septembre 1789, il revenait définitivement à
son poste. Son séjour à Paris n'avait pas été inutile pour les intérêts du Comtat.
Grâce à ses démarches, il avait pu garantir cet État de l'augmentation que les fer-
miers généraux de France voulaient établir sur le prix du sel qui se consommait
dans les États pontificaux de France, sous prétexte que les habitants de ces deux
pays fournissaient en contrebande du sel aux provinces françaises voisines. Ainsi
2D4 MÉMOIRES
est ici en qualité de ministre plénipotentiaire du pape. Dites bien
des choses au citoyen Gasquy(5^;, auquel je prends le plus vif
interest.
La citoyenne la Saulais (6; et plusieurs autres personnes de
notre connoissance vous saluent et se plaignent de votre silence,
échoua définitivement la tentative que les fermiers généraux poursuivaient avec achar-
nement depuis 1786. Quand Pieracchi quitta Paris, la capitale et la province étaient en
grande fermentation relativement à la nouvelle constitution que l'Assemblée natio-
nale voulait donner au royaume. Les esprits n'étaient pas moins agités à Avignon et
dans le Comtat où l'on réclamait aussi des réformes et tandis qu'Avignon s'arra-
chait brutalement à la domination pontificale, le Comtat rêvait d'avoir, comme en
France, ses États généraux. Pieracchi ne put empêcher que, malgré la défense du
pape, ceux-ci ne s'assemblassent sous le nom d'a> semblée représentative (24 mai
1790). Le zèle qu'il mit à maintenir la paix dans le pays, môme en faisant des
concessions qui furent blâmées à Rome, fut en pure perte. On ne tint pas davan-
tage compte du service qu'il avait rendu aux habitants en obtenant du Saint-Siège
renvoi de blé d Italie dans cette période calamiteuse. On lui fit un grief a'avoir
prohibé les attroupements, d'avoir créé une garde dont il avait été nommé généra-
lissime, d'avoir augmenté le nombre des cavaliers de maréchaussée destinés à main-
tenir l'ordre. On l'accusa d'avoir mis tout en œuvre pour contrarier le vœu du peuple,
en refusant de demander à la cour de Rome d'autoriser la tenue de l'assemblée
représentative. Il fut contraint de se justifier sur ces divers chefs d'accusation
présentés contre lui dans la séance de cette assemblée du 25 octobre 1790. ^ù il fut
du reste proposé de- supprimer le tribunal de la rccturie et d'inviter Pieracchi à.
sortir du Comtat dans les trois jours. Cette suppression fut en eHet \otée le lende-
main 26, mais par application de la DècUraiwn des droits de l'homme, le recteur
dépossédé fut autorisé à rester comme simple particulier dans le Comtat ou à s'en
retirer purement et simplement.
Dans la séance du 27 octobre, lecture fut faite des réponses écrites de Pieracchi
aux imputations calomnieuses dont il était l'objet. Elles parurent convaincantes à
l'assemblée, qui le 29 déclara unanimement qu'il n'y avait pas lieu à inculpation
contre lui. Mais la situation s'aggravant chaque jour. Pieracchi prit le parti de quitter
Carpentras et se retira provisoirement au couvent des Minimes d'Aubignan
(24 décembre 1790), sis à une petite distance de Carpentras, pour y attendre les
événeibents. Le 10 janvier 1791, à la nouvelle qu'une troupe partie d'Avignon
venait assiéger Carpentras, il se transporta dans le village de Bouchet, sur les
limites du haut Comtat. puis successivement à mesure que la révoJuticiU comtadine
devenait plus menaçante, à Montélimar et à Chambéry. C'est de cette dernière ville
que le 5 mars, il lança une protestation solennelle contre tous les actes faits ou qui
pourraient être faits dans le comté Venaissin et à Avignon, contre les droits de la
souveraineté pontificale. Il partit ensuite pour l'Italie.
Pieracchi fut le dernier recteur du comté Venaissin La rectorie de cette province
avait duré 5 16 années, de 1274 à 1790. Mais on voit par celte lettre que le rôle poli-
tique de Piera:chi ne finit pas avec elle.
(5) Gasquy (Vmcent-Marie-Xavier), homme de loi. avait été porté sur la liste des
émigrés du département de Vaucluse dressée le 4 prairial an II. Il en fut rayé par
arrêté du Comité de législation du 10 messidor an IV. grâce aux pressantes sollicita-
tions de Rovère.
(6) Le marquis de La Saulais avait fait partie de l'armée de Condé pendant l'émi-
gration et fut fait grand'croix de Saint-Louis le 20 janvier iHoi. Cette famille appar-
tenait à la noblesse de Bretagne.
DE L* ACADÉMIE DE VAUCLUSE 255
entre autres le pauvre Grimaud (y), qui attend avec impatience
votre réponse.
Mandés-moi, comme je vous Tai dit, la note précise de ce
qu'il est du pour le quatrième quart.
Adieu» mon cher frère, je vous embrasse de tout mon cœur.
SigJié : J.-S. RovÈRE.
XXXIV.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon,
Paris, le 4 fructidor an 4 de la Republique (21 août 1796).
Jecomptois vous faire passer aujourd'hui, mon cher frère, la
procuration que vous m'avés demandée : les lambineries des
gens d'affaires de Paris me forceront d'attendre le prochain cour-
rier.
J'ai vu M. Roussières, qui m a donné l'état ancien et nouveau
du moulin ; il etoit affermé cinq mille livres avant la Révolution
et quinze cent livres actuellement. M. de Modcne (i) s'etoit refusé
aux réparations les plus urgentes ; il s'agira de le reparer et de
le mettre sur le pied des moulins de Sorgues avec des bluttoirs,
(7) Personnagre non identifi'4.
(1) François-Charles de Raymond de Mormoiron. comte et marquis de Modène, né
en 1734, entra dans la diplomatie dès l'ûge de 17 ans. Attaché d'abord aux ambas-
sades de Madrid et de Venise, il devint ministre plénipotentiaire en AUemagrne en
17G2 et en Suéde au mois de mai 1768. Au moment où éclata la Révolution, il était
gentilhomme du comte de Provence, et gouverneur du palais du Luxembourg
à Paris. Il avait épousé le 3 octobre 1773, une filleule de Louis XVI, Philippine-
Louise-Christophe de Lieurray, fille de Jean-Baptiste baron de Lieurray et de
Marie-Charlotte de Mezières. Pendant Témigration, le comte et marquis de Modène
suivit le duc de Provence en Prusse et y mourut en 1799, laissant deux fils,
Taîné Gabriel qui se fit naturaliser russe, et le cadet Amédée-Hippoîyie-Joseph-
Charles-Chrysaiithê, né le 5 avril 1777 et mort au château de Verneuil en Touraine,
le 29 novembre 1860. Il était chevalier de Saint-Louis, officier de la Légion d'honneur
et ancien maréchal de camp.
Modène est une petite commune de 188 habitants, à 9 kilomètres de Carpentras.
François-Charles de Raymond de Mormoiron précité rendit hommage au pape
pour la terre de Modène. le i3 juin 1781. La famille de Raymond de Mormoiron-
Modène, quand elle ne résidait pas à Paris, habitait Carpentras. rue Dorée, dans son
hôtel qui depuis a appartenu successivement aux marquis de la Valette et Brassier
'de Jocas. (Voir J.-L. Prompsault. Histoire de Modène, Carpentras, i883.)
256 MÉMOIRES
ce qui nous assurera un rapport au moins de quatre mille
livres.
D'après votre lettre enonciative de divers objets impôrtans,
délaissés par les soubmissionaires depuis la loi du payement
au cours, j'ai parlé a Combes (2); il ma autorisé et prié de
vous écrire d'arrêter tout ce qu'il y auroit de beaux et bons
objets, que l'argent ne manqueroit pas et que nous nous
entendrions pour la partie d'interest respectif. Je sens que
vous me fairés l'objection qu'il seroit assés imprudent de
mettre sur nos têtes ces différentes soubmissions ; vous pou-
vés vous entendre avec Vaton et tel autre, ni'envoyer sans
délai la note des objets, la manière dont vous aurés traité et les
procurations dont vous aurés besoin. Je crois qu'il n'y a pas a
balancer et qu'il faut agir avec célérité.
Souvenés-vous bien de ne pas vous laisser duper pour
l'échange du moulin ; Roussières, qui s'entend aux affaires, m'a
assuré que c'etoit une excellente possession, qui ne peut être
endommagée, ni contrariée par aucun événement. Vous verres les
nouvelles par les papiers publics : nous sommes toujours a
lutter contre les coquins.
Trie ma écrit ; je lui ai repondu ) ces messieurs ne sçauroient
plus mal faire que de nommer au département un intriguant
appelé Lefebvre (3^ le dénonciateur de tous les gens honnêtes, le
(2) Personnage non identifié.
(3) Lefebvre (J.-Louis) qu*on dit originaire de Mazan. dans l'ancien comté Venais-
sin, aurait été d'abord valet de Tabbé de Sade qui lui aurait appris â lire et à écrire.
Après la mort de cet abbé, il serait passé dans les bureaux de M. d*Albertas à Aix,
dont il serait devenu l'homme d'affaires. Pendant la Révolution» il fut tour à tour
jacobin et royaliste, suivant que son intérêt ou les circonstances l'exigeaient. En
1793,11 fut désigné par le Comité de salut public pour faire une enquête dans les
départements de la Drôme, de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône sur l'état du
commerce, de l'agriculture et des arts et rechercher les moyens de les faire fleurir
dans ces départements. Parmi les idées utiles qui lui furent présentées, il fut surtout
frappé des avantages considérables qui résulteraient de la construction d'un canal
déjà anciennement projeté par l'ingénieur Antoine d'Allemand {1717) qui, dirigé
de Saint-Chamas, en Provence à Donzère. en Dauphiné et alimenté par les eaux
du Rhône et de la Durance, donnerait quarante lieues de navigation et arrose-
rait environ 3 10.000 hectares de terres. Lefebvre reprit ce projet qu'il fit sien et
l'exposa dans une brochure mtitulée : Mémoire en forme de rapport sur un canal de
navigation, adresse au mirfistre de l'intérieur par le citoyen L. Lefebvre, commissaire du
Directoire exécutif imprimé en exécution d'un arrêté de l'administration du district de
Carpentras, d'après une pétition de ta Société populaire de cette ville. Carpentras, J.-A.
Proyet, 1793, in-4* de i3 pp. Par suite des circonstances troublées de cette époque,
aucune suite ne fut donnée à ce projet, mais le mémoire donna à son auteur dans le
département dç Vaucluse une notoriété qui favorisa ses ambitions politiques. Devenu
DE L*ACADÊMIE DE VAUCLUSE 25
— '/
flagorneur de Freron et des satellites. J'en ai écrit a Trie et lui
ai indiqué la voye qu'il devoit prendre pour être payé.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XXXV.
Au citoyen Rovère Jeune à Avignon,
Paris, le 6 fructidor an 4 de la Republique {'23 août i7</»i.
J'ai reçu votre lettre du 21 thermidor, mon cher frère, datée de
patriote modéré au 9 thermidor (.ï), il fut après le i3 vendémiaire an IV, donné pour
adjoint au représentant Fréron dans sa seconde mission dans le midi.
Dclestrac, membre di l'administration du département de Vaucluse, ayant donné
sa démission, Payan de la Coste, ci-devant agent national du district d*Apt, fut
nommé à sa place (6 messidor an IV) ; mais sur son refus formel d'accepter la
charge, les administrateurs, contrairement au sentiment de Rovère, désignèrent pour
le remplacer Lefebvre (6 thermidor an IV). qualifié de propriétaire de la commune
de Mazan (Vaucluse). 11 fut installé le 3 frimaire an V. On peut lire de Lefebvre
|ms. n* 3545 de la Bibliothèque d'Avignon, p. 217) un discours qu'il prononça le
9 thermidor an V, comme administrateur du département, en commémoration de la
chute de Robespierre. Il fut depuis cette époque considéré par les patriotes exclusifs
d'Avignon comme vendu au royalisme. On lit par exemple dans un mémoire qui a
pour titre : Lès rèvubUciins avii^nonais traduits devant le tribunal criminel de la
Drame, au peuple français pour la deuxième fois (Valence, 3 messidor an V|,ce portrait
de Lefebvre : t Depuis sa dernière arrivée de Paris, il a mis le trouble dans Avignon.
Sans fortune, sans parents, sans domicile, cet intrigant ambitieux a voulu jouer un
rôle et a réuni autour de lui la brillante jeunesse ; il a relevé son espoir abattu, lui a
promis les secours de son esprit et quand il est parvenu à se faire un parti composé
dePécume de la société tels que les Carrière, les Biscornette, les Rachet, les Matafan,
les Anrès et les Blahié(&), il n'a plus gardé de mesure. Aujourd'hui Noèl Bertrand
est as.sassiné par ses sicaires, demain c'est Peyre et il propose audacieusement à
l'administration centrale où il est tombé de crimes en crimes, d'appeler dans Avignon
les bandes sanglantes de Jehu du haut Comtat. Il a échoué pour représentant du
peuple ; caméléon politique, etc. . • (Bibliothèque d'Avignon, ms. n* 3995, pièce 34.)
Lefebvre devint sous le consulat sous-préfet de Verdun. Il occupait ce poste en
l'an XII. époque où il publia un écrit sur VÊtude de l'éloquence. On croit qu'il est
mort à Paris ou dans les environs. Voir sur Lefebvre outre les sources déjà signa-
lées, l'appréciation de Raphel, président du tribunal criminel de Vaucluse en l'an IV :
Ms. de la Bibliothèque d'Avignon n* 35io.
(a) Voir l'autobiograohie de Lefebvre, dit Pot-de-fer, dans l'opuscule intitulé :
Justice contre Maignet, destructeur de Bédouin (i3 germinal an III, ms. à la bibliothè-*
que d'Avignon, n- 3644, p. 437).
{b) Fougueux royalistes avignonais.
258 MEMOIRES
Bonnieux. Je vous envoie la procuration (i) que vous désirés,
avec laquelle vous traiterés avec Ferrier. Je vous prie d'observer
dans la location que vous lui fairés, de ne pas obstruer le point
visuel, tendant de la grande route a la grande porte intérieure du
bâtiment, traversant les écuries actuelles, étant résolu a faire
rentrée dans cette direction, au lieu de celle des anciens posses-
seurs, qui Tavoient dirigée devant leur église. Vous pourrés
provisoirement lui céder les bâtiments qui lui seront néces-
saires, ainsi que les écuries, en attendant qu'il ait bâti ; et c'est
sur cette désignation que je vous prie d'observer ma direction
pour Tavenue que je veux faire.
Le citoyen Grienet (2- doit partir au premier jour; vous aurés
aussi des arrangements à faire pour un moulin a garance, dont
je crois vous avoir envoyé depuis votre arrivée les plans. Fn cas
que je me trompe, il vous les soumettra et vous arrangerés le
tout pour le mieux. Dans la maison de fermier, je crois, comme
vous me lobservés précédemment, qu'il n'y a pas de meilleur
moyen pour tirer parti de cette maison, que d y établir divers
objets de manufactures.
Je vous reitère les instances de Combes pour quelques biens
nationaux importans et productifs.
J'approuve vos reflexions sur le culte et vos observations sur
la situation politique de nos départements. J'ai bien recommandé
au gênerai Willot de frapper sur les extrêmes des deux partis qui
m'ont toujours paru également a craindre. M"' de la Saulais (3) et
sa mère me chargent de vous dire mille choses amicales. J'ai
diné chés elles avant hier. M"'*' la Grave (4) est a la campagne a
soigner sa nièce qui a accouché d'une fille. Ce pauvre chevalier
de Savornin se trouve mort, sans meubles, sans argent, sans
hardes, et devant des arrérages a la ditte demoiselle, entendons-
nous, des arrérages d'argent : c'est une singulière comédie que
ce monde. J'ai fait procéder hier a la levée des scellés du défunt
Rien de plus risible que cet inventaire ; cependant l'aveugle
Savornin doit s'estimer bien heureux d'avoir les Isles d'Hyère et
(i) La procuration dont il s'agit fut donnée par devant Gibert et Mathieu, notaires
à Paris, le 4 fructidor an IV. Par cet acte, Rovère constituait son frère procureur
général pour tous achats de biens, fermages, locations, etc.
(a) Personnage non identifié.
(3) M"* de] la'JSaulais, non identifiée.
(4) M"' de la Grave, personnage non identifié, mais qui pourrait être l'écrivain de
ce nom, romancière des plus fécondes, auteur d'un grand nombre de romans publiés
sous le Directoire et pendant le Consulat et l'Empire.
t)E l'académie de VAUCEUSE 2D9
les biens de Villeneuve : un homme adroit les eût achetés facile-
ment. Quinze jours avant sa mort, Chiappe ^5) voulait les acheter.
Vous aurês peut-être trouvé encore a Avignon le gênerai
V^illot, porteur d'une lettre pour vous : c'est un brave homme ;
son voyage nous avoit continuellement fait peine par les bruits
que les exclusifs faisoient courir de sa mort.
Vous verres par les papiers publics comme quoi divers minis-
tres extraordinaires ont été congédiés [G .
N'oubliés pas mes provisions d'epautes '7), de lentilles, de pois
chiches; Ferrier se chargera de me fair^ parvenir le tout par ses
charretes. Adieu, mon cher frère, je vous embrasse de tout mon
cœur.
Sifflé : J.-S. RovÈRE.
(5) Chiappe (Ange-Marie), né ù Sarlène (Corse) le 3o avril 17G6, décédé à Paris le
18 juillet 1826. Il était contrôleur des actes à Sarlùne, lor-que, le 5 juin 1789, il fut élu
suppléant du Tiers aux Eials-Gcnôraux pour la Corse. Successivement officier muni-
cipal, chef de bataillon de la j,^'irde nationale, membre du Directoire du département
de la Corse, il fut élu par le même département député à la Convention nationale le
17 septembre 1792 II siéjj^ca parmi les modérés et, dans le procès du roi, vota pour la
détention pendant la guerre et le bannissement à la paix Ennemi prononcé des
jacobins, il proposa, dans la séance du 20 avril 1793, de déclarer que les 22 membres
de la Gironde dénoncés par les sections de Paris n'avaient pas cessé de mériter la
confiance de la Convention.
Après le 9 thermidt)r, il fut envoyé en mission dans le Midi, où il comprima
énergiquemcnt les terroristes. A la Convention, il vota l'envoi de Duhem à l'Abbaye
comme coupable d'avoir dit que depuis la mort de Robespierre l'aristocratie et le
royalismz triomphaient. Le a3 vendémiaire an IV, il entra aux Cinq-Cents et s'éleva,
le 7 novembre 179-^, contre le décret d'arrestation des nouveaux députés impliqués
dans la révolte du i3 vendémiaire, sortit du corps législatif en mai 1797 et, après le
19 brumaire, accepta le poste de consul d'abord aux États-Unis, ensuite à Gotten-
bourg (Suède), puis à Carthagône (Espagne). Nomir.é sous-préfet dAlba (Stura) le
10 décembre 181 1, il rentra ensuite en Corse où il devint juge d'appel des tribunaux
de rîle. En 1814, il vint, à la tète d'une députation des habitants d'Ajaccio, féliciter le
roi sur son retour en France et assurer le monarque de l'entier dévouement de la
Corse. Il abandonna peu de temps après la politique et se retira à Paris.
(6) Entr'aulrcs M. s^c Kehaussen. Malgré l'intervention pressante de l'ambassadeur
Staël-Hostcin, le Dirccioiro rendit, le 18 thermidor an IV, un arrêté refusant d'accré-
diter ce perse jnna^'c un qualité do chargé d'affaires du roi de Suéde et donna l'ordrie
au mini<ître de la ^^iAxcc ^-^énérale de lui notifier les lois delà République relatives
aux étrangers [Moniteur \v 325 de l'an IV, 25 thermidor).
{7) Épautc ou épcautrc, variété de froment dont on fait en Provence des potages :
* snupn d'esfi'outo > en provençal.
200 ' MÉMOIRES
XXXVI.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon,
Paris, le 8 fructidqf an 4 de la Republique (a5 août 1796).
J'ai reçu, mon cher frère, vos lettres des 29 et 3o thermidor et
pièces incluses. Je crois que lorsque Ton est divisé d'opinions ou
d'interest, le plus court parti est de choisir un ami de chaque
côté pour terminer les dilTerens, et s'en rapporter loyalement a
leur décision. Si cette proposition vous plait, vous choisiras, je
nommerai de mon coté, et il ne sera plus question de discussion
d'interest entre nous. Les rapports que Ton vous a fait sont faux
ou exagérés ; je desirerois ]de tout mon cœur que vous eussiés
vingt et quarante mille livres de rente, j'ai assés payé de ma
personne pour vous le prouver. Lorsque j'ai fait la comparaison
de votre fortune et de la mienne, ce n'est pas a titre d'envie, mais
de justice ; je serai toujours charmé d'améliorer le sort des
cousins germains de mes enfans, puisque j'ai prié plusieurs
personnes de marier le commissaire des guerres (i) avec promesse
de lui faire un parti.
J'apprends avec un double plaisir l'arrivée du gênerai Willot a
Avignon et la votre ; les instructions que vous lui donnerés ne
pourront qu'être avantageuses a la chose publique. Empêchés
toute reaction ; les deux extrêmes doivent être contenus avec la
même sévérité et la même surveillance; nous présumons que
les terroristes emploieront tous leurs moyens pour dénoncer,
harceler et faire destituer ce brave gênerai ; il faut que ses
actions soient frappées au coin de la prudence et de la consti-
tution.
J'écris a Bonnieux au sujet de cette abominable calomnie,
l'occasion est des plus favorables, ayant a repondre a une lettre
extrêmement obligeante des administrateurs de l'hôpital.
Vous recevrés la procuration a l'adresse de Donis.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
(I) Louis-Philippe-Ëdouard Clareton.
bÈ L* ACADÉMIE DE VAUCLUSÈ 2^1
XXXVII.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon.
Paris, le 12 fructidor an 4 de la Republique (29 août 1796).
J'ai reçu, mon cher frère, vos deux lettres des 2 et 3 ; vous
avés très bien fait de ne pas aller dans une commune aussi trou-
blée que celle de Sorgues. Vous auriés fait grand bien a la chose
publique en m 'instruisant en détail des événements qui y ont
eu lieu (i).
J'avois raison de vous conseiller de ne pas venir a Paris, d'après
les dangers que les honnêtes gens y courent journellement.
Nous avons failli être assassinés la nuit dernière, les exclusifs ont
été déjoués, leur ressource a été de tirer leurs boettes pour
donner le signal du carnage, et de répandre dès drapeaux
blancs et des" cocardes de bazin (2).
Ils vouloient enlever Babeuf et compagnie qui sont partis
pour Vendôme ; égorger le Directoire, une partie des deux "
Conseils etoit leur projet. Les voilà encore déjoués, mais si nous
(!) Les derniers mois de l'an IV furent profondément troublés à Sorgues (Vaucluse).
Les royalistes poursuivaient depuis Thermidor leurs vengreances contre les patriotes.
Ceux-ci essayaient de se défendre. Les attaques à main armée étaient journalières
et le sang coulait. Le i3 floréal» un rassemblement armé, ayant à sa tête un certain
Paul Chrétien, de Bédarrides (Vaucluse), s'introduisit dans la maison de Pochy jeune
pour lui faire un mauvais parti. Ce Pochy (Jean-Baptiste), cousin de l'officier muni-
cipal qui avait été misérablement tué d'un coup de fusil, ie 19 septembre 1791, en
cherchant à s'évader par le toit de sa maison, était l'objet de la haine des royalistes.
C'était un ex-bénédlctin, d'abord curé assermenté de Sauveterre (Gard), puis cure
constitutionnel de Sorgues, élu le i3 août 1792 en remplacement de Louis Péru, qu^
après avoir prêté le serment constitutionnel, l'avait rétracté. Pochy vivait maintenant
retiré, mais sa qualité de républicain patriote le désignait aux vengeances du parti
opposé. 11 avait épousé, le 9 floréal an II, Marie-Jeanne Fournier.
Les 39 floréal et a prairial, André Benezet est trouvé mort devant la porte de sa
propre maison ; des coups de feu sont tirés sur Saillard ; Cornillon père, âgé de 80 ans,
et Désandré sont grièvement blessés, Chastel a la tète fendue, Aurès flls est assommé
dans la campagne, Martel est assassiné sur les bords du Rhône, etc.
(2) Le II, à trois heures du malin, des boîtes et des pétards furent tirés dans divers
quartiers de Paris, quantité de cocardes blanches furent jetées dans les rues. Mais
cette nouvelle tentative fut déjouée par la vigilance du ministre de la police. Le
lendemain on se saisit de cinq drapeaux de taffetas blanc portant cette inscription :
Mort aux républicains, vive le roi ! Ce qui tendrait à faire croire qu'il ne s'agissait pas
seulement de délivrer Babeuf, comme le dit Rovère. mais en réalité de renverser le
gouvernement pour substituer le roi à la République.
3
202 MÉMOIRES
ne prenons pas de mesures rigoureuses, ils finiront par nous
détruire.
Je ne doute pas que le gênerai Willot, entouré de la confiance
des bons citoyens, ne vienne a bout de vous redonner le calme ;
les coquins de Paris comptoient, et comptent encore infiniment
sur leurs compères des départements méridionaux.
Vous me parlés de vos droits legitimaires : vous afligés mon
cœur et l'attachement que je n'ai cessé d'avoir pour vous,
lorsque vous traités cette affaire comme vous pourries le faire
avec un indiffèrent. Je ne désire rien avec plus d'ardeur que de
vous voir content et heureux, car on ne peut jouir d'aucun
bonheur sans la tranquilité d'esprit; six mille livres de rente en
fonds de terre sont un apanage qui me paroit honnête; il fut un
temps ou nous eussions abonné vous et moi a moitié. Reprenés
vos sentimens de générosité et d'amitié, et soyés toujours per-
suadé que ce que j'ai et pourrai avoir sera censé vous appar-
tenir.
Je recevrai avec grand plaisir la note du cit. Gasquy (3),
je crois n'avoir pas grand choses a payer pour cette première
échéance ; n'oubliés pas les vues de Georges Combes, il y a de
bonnes choses a faire dans cette partie.
Les partages de la succession Belmont sont faits, nous avons
notre lot a cinq lieues de Lyon, le château de Belmont (4), ses
dépendances, beaucoup de forets et une maison a Grenoble, le
tout évalué au rabais cinq cent mille livres en ecus, sans le
mobilier.
Vous devriés vous occuper dans vos courses a marier le com-
missaire des guerres, nous lui ferons un parti honnête ; si vous
pouviés avancer quelque chose au curé Raphel vous me fairiés
plaisir.
Salut et amitié.
Signé ;J.-S. Rovère.
(3) Receveur de* domaines à Avignon .
(4) Le château de Belmont faisait partie du domaine de Mayout, situé dans les
communes de Belmont, et de Bizonnes (Isère). Ce 'domaine et ce château échurent
en effet en partage & M*' Rovère.
bfe L*ACADÉMIE DE VAUCLÙSÈ ♦ 263
XXXVIII.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon,
Paris, le i3 fructidor an 4 de la Republique (3o août 1796).
Le citoyen Grienet, mon cher frère, dont je vous ai precedam-
ment parlé plusieurs fois, part pour Avignon et Sorgues, où il
se propose d'établir un moulin a garance dans notre propriété
de Gentilly. Je vous prie de vous entendre avec lui, pour que cet
établissement ne gène en. rien le grand bâtiment, sans trop
empiéter sur le logement du fermier; j'ai oublié si je vous avois
envoie dans le temps, le plan qui avoit été levé a cet effet, qui
m'avoit paru bien levé. Je vois fouiller dans mes cartons pour
voir si je le trouverai.
Le citoyen Grienet est un brave et galant homme dont vous
serés très content, il se chargera des constructions du moulin,
et vous lui passerés un bail pour le temps que vous conviendrés,
en vertu de la procuration que je vous ai adressée chés Donis ;
vous fairés pour le mieux, et je m'en rapporte parfaitement a
votre amitié et a votre intelligence.
Si dans le logement du fermier vous ne trouvés pas de quoi
loger Grinet, vous pourrés lui assigner un logement dans la
partie du bâtiment que nous occupions pendant l'assemblée de
Bedarrides, a coté du père prieur que vous aviés créé maître ;
vous verres aussi de lui céder une partie du jardin du fermier,
si la chose est possible.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XXXIX.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon
Paris, le 16 fructidor an 4 de la Republique (2 septembre 1796).
J*ai reçu, mon cher frère, une lettre du citoyen Gasquy, rjcc-
veur du domaine national ; nous ne sommes pas d'accord sur les
2^4 t MÉMOIRE^
faits; il ne compte que dix mille quatre cent livres d'excédent,
tandis que d'après les deux rescriptions que j'ai envoyées, il doit
y en avoir vingt-deux mille quatre cent, qui me sont passés au
huit pour cent, conformément a la loi, somme qui fait le sixième
du quatrième quart en argent. Cependant pour ne pas courir
risque de déchéance, je vais payer neuf, ou dix mille livres
aujourd'hui, en mandats. Ce sera autant de payé par anticipation
sur le second sixième ; je vous prie d'avoir Toeil a cette aflaire.
Si vous voyés le gênerai Willot, dites-lui mille choses de ma
part ; recommandés lui d'être extrêmement sur ses gardes ; les
coquins cherchent ici a lui jouer quelques tours de leur métier.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XL.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon.
Paris, le ao fructidor an 4 de la Republique (6 septembre 1796).
Depuis votre lettre du 3 de ce mois, mon cher frère, je n'ai reçu
de vos nouvelles, permettés-moi de vous dire que ce n'est ni
amical, ni fraternel.
Je vous dirai d'abord que la sœur de ma femme, Pauline
est morte a son neuvième jour de petite vérole ; nous avons
appris cette nouvelle hier au soir ; voilà de nouveaux partages a
faire et un grand regret de n'avoir pas voulu adopter l'inocula-
tion.
En second lieu, j'ai traité avec M. de Sade pour ses biens de
la Coste et de Bonnieux; nous sommes d'accord sur le prix, l'acte
sera passé sous peu de jours (i). Ne manques de voir Gau-
(î) Dodatien* Alphonse-François, marquis de Sade, naquit à Paris le 2 juin 1740,
fils de Jean-Baptiste-François- Joseph, capitaine héréditaire du château de Vaison au
comté Venaissin, seigneur de Saumanes («View), Lacoste {idem), seigneur en partie de
Mazan {idem), et de Marie-Éléonore de Maillé, dont Jean-Baptiste-François-Joseph de
Sade, marié en I733 ; il n*eut que ce seul fils. (Voir Artefeuil, Histoire héroïque de la
noblesse de Provence.) A l'âge de sa ans le marquis de Sade épousa, le 17 mai 1763,
" l'église de Saint-Roch à Paris, Renée-Pélagie, âgée de 23 ans, fille de Cordier de
♦reuil, seigneur de Launay, président de chambre à la Cour des comptes, dont
n
DE L'ACADKMIt: DE VAUCLUSE 2C5
fridi (2) pour que rien ne soit enlevé. 11 reste des débris de meu-
bles et batteries de cuisine au château, des tonneaux dans la
cave, tout est compris dans la vente ; vigilance et secret.
Marchand doit venir décidément après demain pour arranger
vos affaires, je ferai des tentatives pour avoir le tout.
Salut et amitié.
J.-S. ROVÈRE.
les terres étaient à Échauffour en Normandie. Il entra fort jeune au service, fit la
guerre de Sept ans et quitta Tarmée en 1766, avec le grade de capitaine de cavalerie.
Fut lieutenant-général de Bresse. Déjà connu pour ses libertinages, il fut arrêté une
première fois à Paris en 1768. puis incarcéré de nouveau et condamné À mort par le
parlement de Provence en 1772 pour un crime commis dans une scène de débauche.
Ayant obtenu sa commutation de peine, il fut successivement enfermé à Vincennes,
À la Bastille et à Charenton, et ne fut rendu à la liberté que le 17 mars 1790. Le
Châtelet prononça le divorce du marquis de Sade avec sa femme le 9 juin 1790.
Celle-ci mourut k ÉchaufTour le 7 juillet 1810.
Le marquis de Sade s'était jeté dans tous les excès de la Révolution. Il professait
notamment un véritable culte pour Marat, et à propos de son assassinat par Charlotte
Corday il composa ces vers :
Du vrai républicain insigne et chère idole.
De ta perte, Marat, ton image console.
Qui chérit un grand homme adopte ses vertus ;
Les cendres de Scevota ont fait naître Brutus.
C'est à la même époque qu'il écrivit ses livres les plus licencieux. Son immoralité
notoire le fit de nouveau incarcérer, ainsi qu'en témoigne un arrêt du Comité de
sûreté générale du 22 vendémiaire an III, par lequel Sade, homme de lettres, âgé
de 60 ans, détenu aux Picpus, maison dite Coignard, par ordre de la police •, fut
mis en liberté et les scellés ainsi que les séquestres sur ses biens levés. Plus tard,
Bonaparte, premier consul, le fit enfermer comme fou à Charenton. Il y est mort le
2 novembre 1817. A l'autopsie, on constata, à la grande stupéfaction de tous les
phrénologues, que son crâne offrait les bosses de toutes les vertus !
Le marquis de Sade avait eu trois enfants issus de son mariage : Louis-Marie, né
le 27 août 1767, tenu sur les fonds baptismaux par le prince et la princesse de Conti,
assassiné par des brigands, le 7 juin 1809, près de Mercugliano en Italie. Il était alors
lieutenant au régiment d'Isembourg, régiment étranger au service de la France dans
le royaume de Naples ; Donatien-Claude-Armand, né en 1768. 11 était en 1819 chef
d'escadron et chevalier de Saint-Louis ; Madeleine-Laure, née le 17 avril 1771 et morte
en 1844 a Échauflfour. C'était la dernière descendante du marquis.
La maison de Sade était originaire d'Avignon où elle était florissante dès le
XIP siècle. A la mort de Girard de Sade, seigneur d'Eyguières et en partie de Mazan,
de Venasque et de Saint-Didier, survenue vers 1490, la descendance se partagea en
deux branches : celle des seigneurs d'Eyguières et celle des seigneurs de Saumanes.
(Voir pour biographie du marquis de Sade les nobiliaires d'Artefeuil, d'Hauterive,
La Chenaye-Desbois, et les dictionnaires biographiqves de Michaud, de Barjavel.
les journaux la Revue aptésienne du i" février i835, VIndicateur d'Avignon du 23 mai
1841.)
(2) Gaufridi (Gaspard-François-Xavier), notaire â Apt (Vaucluse) de 1757 â 1799.
2^4 t MÉMOIRES
faits; il ne compte que dix mille quatre cent livres d'excédent,
tandis que d'après les deux rescriptions que j'ai envoyées, il doit
y en avoir vingt-deux mille quatre cent, qui me sont passés au
huit pour cent, conformément a la loi, somme qui fait le sixième
du quatrième quart en argent. Cependant pour ne pas courir
risque de déchéance, je vais payer neuf, ou dix mille livres
aujourd'hui, en mandats. Ce sera autant de payé par anticipation
sur le second sixième ; je vous prie d'avoir Tœil a cette afiaire.
Si vous voyés le gênerai Willot, dites-lui mille choses de ma
part ; recommandés lui d'être extrêmement sur ses gardes ; les
coquins cherchent ici a lui jouer quelques tours de leur métier.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
XL.
Au citoyen Rovère jeune à Avignon.
Paris, le ao fructidor an 4 de la Republique (6 septembre 1796).
Depuis votre lettre du 3 de ce mois, mon cher frère, je n'ai reçu
de vos nouvelles, permettés-moi de vous dire que ce n'est ni
amical, ni fraternel.
Je vous dirai d'abord que la sœur de ma femme, Pauline
est morte a son neuvième jour de petite vérole ; nous avons
appris cette nouvelle hier au soir ; voilà de nouveaux partages a
faire et un grand regret de n'avoir pas voulu adopter l'inocula-
tion.
En second lieu, j'ai traité avec M. de Sade pour ses biens de
la Coste et de Bonnieux; nous sommes d'accord sur le prix, l'acte
sera passé sous peu de jours (i). Ne manques de voir Gau-
(I) Dodatien- Alphonse-François, marquis de Sade, naquit  Paris le 2 juin 1740,
fils de Jean-Baptiste-François- Joseph, capitaine héréditaire du château de Vaison au
comté Venaissin. seigneur de Saumanes {idem), Lacoste {idem), seigneur en partie de
Mazan {idem), et de Marie-Éléonore de Maillé, dont Jean-Baptiste-François-Joseph de
Sade, marié en 1733 ; il n'eut que ce seul fils. (Voir Artefeuil. Histoire héroïque delà
noblesse de Provence.) A l'âge de aa ans le marquis de Sade épousa, le 17 mai 1763.
en l'église de Saint-Roch à Paris, Renée-Pélagie, âgée de 23 ans, fille de Cordier de
Montreuil, seigneur de Launay, président de chambre à la Cour des comptes, dont
DE L*ACADKMIE DE VAUCLUSE 265
fridi (2) pour que rien ne soit enlevé. Il reste des débris de meu-
bles et batteries de cuisine au château, des tonneaux dans la
cave, tout est compris dans la vente ; vigilance et secret.
Marchand doit venir décidément après demain pour arranger
vos affaires, je ferai des tentatives pour avoir le tout.
Salut et amitié.
J.-S. ROVÈRE.
les terres étaient à ÉchaufiTour en Normandie. Il entra fort jeune au service, fit la
guerre de Sept ans et quitta Tarmée en 1766, avec le grade de capitaine de cavalerie.
Fut lieutenant-général de Bresse. Déjà connu pour ses libertinages, il fut arrêté une
première fois à Paris en 1768, puis incarcéré de nouveau et condamné à mort par le
parlement de Provence en 1772 pour un crime commis dans une scène de débauche.
Ayant obtenu sa commutation de peine, il fut successivement enfermé à Vincennes,
à la Bastille et à Charenton, et ne fut rendu à la liberté que le 17 mars 1790. Le
Chàtelet prononça le divorce du marquis de Sade avec sa femme le 9 juin 1790.
Celle-ci mourut à ËchaufTour le 7 juillet 1810.
Le marquis de Sade s'était jeté dans tous les excès de la Révolution. Il professait
notamment un véritable culte pour Marat, et à propos de son assassinat par Charlotte
Corday il composa ces vers :
Du vrai républicain insigne et chère idole.
De ta perte, Marat, ton image console.
Qui chérit un grand homme adopte ses vertus ;
Les cendres de Scevola ont fait naître Brutus,
C'est à la même époque qu'il écrivit ses livres les plus licencieux. Son immoralité
notoire le fit de nouveau incarcérer, ainsi qu'en témoigne un arrêt du Comité de
sûreté générale du 32 vendémiaire an III, par lequel Sade, homme de lettres, âgé
de 60 ans, détenu aux Picpus, maison dite Coignard. par ordre de la police >, fut
mis en liberté et les scellés ainsi que les séquestres sur ses biens levés. Plus tard,
Bonaparte, premier consul, le fit enfermer comme fou à Charenton. Il y est mort le
2 novembre 181 7. A l'autopsie, on constata, à la grande stupéfaction de tous les
phrénologues, que son crâne offrait les bosses de toutes les vertus !
Le marquis de Sade avait eu trois enfants issus de son mariage : Louis-Marie, né
le 27 août 1767, tenu sur les fonds baptismaux par le prince et la princesse de Conti,
assassiné par des brigands, le 7 juin 1809, près de Mercugliano en Italie. Il était alors
lieutenant au régiment d'Isembourg, régiment étranger au service de la France dans
le royaume de Naples ; Donatien-Claude-Armand, né en 1768. 11 était en 1819 chef
d'escadron et chevalier de Saint- Louis ; Madeleine-Laure. née le 17 avril 1771 et morte
en 1844 a ÉchaufTour. C'était la dernière descendante du marquis.
La maison de Sade était originaire d'Avignon où elle était florissante dès le
XII» siècle. A la mort de Girard de Sade, seigneur d'Eyguières et en partie de Mazan,
de Venasque et de Saint-Didier, survenue vers 1490, la descendance se partagea en
deux branches : celle des seigneurs d'Eyguières et celle des seigneurs de Saumanes.
(Voir pour biographie du marquis de Sade les nobiliaires d'Artefeuil, d'Hauterive,
La Chenaye-Desbois, et les dictionnaires biographiqves de Michaud. de Barjavel.
les journaux la Revue aptésienne du i"' février i835, l'Indicateur d'Avignon du 23 mal
1841.)
(2) Gaufridi (Gaspard-François-Xavier), notaire à Apt (Vaucluse) de 1767 à 1799.
266 MÉMOmES
XU. I
Au citoyen Rovère jeune à Avignon \
I
Paris, le 34 fructidor an 4 de la Republique (10 septembre 1796). 1
Malgré votre long silence, mon cher frère, je dois vous aviser !
que j'ai suivi votre conseil. J'ai acquis les biens de Sade dans les
territoires de Bonnieux et de la Coste, avec tous les meubles, \
effets, titres qui se trouvent chés Gaufridi, pour entrer en
possession au premier vendémiaire prochain (i); j'ai peut-être i
fait une mauvaise affaire, mais n'importe, il vaudra mieux avoir
des biens a portée que des maisons a Grenoble, et des objets
que Ton ne voit jamais ; j'ai pris des termes pour payer et
envoyé des procurations pour vendre deux objets dans le dépar-
tement de risère qui couvriront infiniment le prix de ces objets. I
Je vous avois prévenu par ma dernière de voir Gaufridi
père (2), pour que les pièces qu'il a en mains ne fussent pas !
distraites, ainsi que les titres et documents. Je compte sur votre
amitié. î
Vous verres s'il est plus avantageux d'affermer en bloc ou en
détail ; quelles sont les réparations, 'améliorations que Ton doit
faire dans ces terres; le château est dévasté (3); le parc pourra
(i) Le marquis de Sade possédait à cette époque dans le département de Vaucluse : |
I* La terre de Mazan, consistant en un château, grand jardin, prés et terres de |
labour, au quartier dit le Pied marin ;
3* La terre de la Coste, consistant en un château, un moulin, maison basse, et une
ferme dite TAvelan ;
3* La terre de Saumanes, comprenant un château, un moulin et plusieurs rentes.
On trouve une notice intéressante sur le château de Saumanes dans le ms. n" ia.470,
folio 214, de la bibliothèque d'Avignon.
La vente des biens de la Coste ne fut faite à Rovère que le 22 vendémiaire an V. Le
marquis de Sade acheta en remploi le domaine de Grandviliers en Eure-et-Loire et
celui de la Malmaison en Seine-et-Oise d'une valeur totale de 73.000 fr.. affermés |
4.000 fr. I
(2) L'ainé de ses fils, Elzéar Gaufridi, homme de loi â Âpt, embrassa en juin 1793 i
le parti fédéraliste, s'enrôla dans l'armée départementale, se réfugia à Toulon avec |
les débris de cette armée et fut déclaré émigré. i
(3) Sur cette dévastation du château de Lacoste, nous avons quelques détails dans
une réclamation (collection d'autographes de vauclusiens : Bibliothèque d'Avignon
du marquis de Sade adressée, le 17 octobre 1792, à Roland, ministre de la justice. Le
marquis de Sade, qui signe Sade Louis, soldat â la 8* compagnie de la section des
Piques, commissaire pour l'organisation de la cavalerie de ladite section, rue Neuve-
des-Mathurins, n* ao, expose qu'il n'a jamais quitté Paris depuis la Révolution, qu'il
DE L AGADÉMIL UE VAUCLUSE ** 267
servir d'une garenne ; vous verres le meilleur parti que Ton peut
tirer de ces biens. Gaufridi vous donnera de grands éclaircisse-
n)ents, étant chargé depuis très longtemps de leur surveillance.
J'ai pris la précaution de stipuler que les payements que je
faisois seroient employés en acquisitions de biens fonds pour
repondre des hypothèques existantes sur ceux qui m'ont été
vendus (4). Je pense qu'une opération complémentaire seroit
d'acquérir la bastide du médecin Vitalis (5). La principale richesse
fait son service en personne» qu'au moment actuel il est même employé à la ville
dans la commission organisatrice des hôpitaux, qu*il a envoyé très exactement ses
certificats de civisme et de résidence, etc. ; que, nonobstant, le 17 septembre dernier,
le peuple s'est porté en foule dans sa maison du bourg de la Coste, district d'Apt,
qu'il a ravagé cette maison, qu'il en a pillé les meubles, brisé tout ce qu'il ne pouvait
pas emporter, qu'animé enfin d'une rage suggérée par des agitateurs, il a brisé les
cloisons, enfoncé les planchera et arraché jusqu'aux portes et fenêtres ; que la garde
nationale dudit lieu n'a, dit-on, que faiblement empêché ces désordres et que l'on
reproche à son capitaine d'avoir pris pour son compte des effets de cette maison ; que
la municipalité, au contraire, avait défendu la propriété avec beaucoup plus d'activité,
qu'elle avait fait réunir dans la maison curiale tout ce qu'elle avait pu retrouver des
effets de Sade, mais que huit jours après, un ordre du département des Bouches-du-
Rhône avait fait enlever tous ces effets de la maison curiale pour être transportés A
Apt où l'on assure qu'après avoir disposé du meilleur, on ne sait pour quel usage, les
commissaires du département auraient remis le reste au district.
Sur cette réclamation, le ministre Roland écrivit aux administrateurs de Vaucluse
(21 février 1793) pour avoir des renseignements et faire justice, mais l'enquête qui
suivit ne donna pas de résultat. Il convient d'ajouter que déjà en 178a le château de
la Coste était en assez mauvais état, puisque une certaine demoiselle de Rousset qui
y séjournait, on ne sait exactement à quel titre, écrivait au marquis de Sade « que les
cuisines y étaient notamment d'une cochonnerie à faire vomir trente-six chats •. Elle
lui conseillait en même temps de remplacer son intendant Gaufridi par un certain
Ripert de Roussillon, avocat retiré, très propre à remplir cette place. (Voir Paul de
Ginisty, La marquise de ^ade. Paris 1901.)
(4) Voir note i. t
(5; La bastide du médecin Vitalis est située à Bonnicux, au quartier de Trigaud,
confrontant la forêt communale, sur la limite des terroirs de Bonnieux et de la Coste.
Sur ce point existe un sentier ou viol dit âraye de Vitatts. Cette bastide ou grange
appartient aujourd'hui a la famille Paraud.
La famille Vitalis qui existait & Bonnieux au XVUI* siècle était importante et
riche, à en juger par le manifeste de Vitalis (Joseph , bourgeois sur lequel on voit de
nombreux immeubles, notamment le domaine des Crest qui passa sur la tête de
M. Beau mont-Lacoste, la grange de Trigaud, la Gardiole, etc
Jean-Joseph Vitalis figure en 1789 sur le registre des délibérations du conseil de
la communauté comme membre de cette assemblée et y est qualifié de bourgeois.
Son frère, Jean-Vincent-Augustin-François-Xavier, époux de Marie-Anne Tournel,
dont il eut deux filles, après avoir habité Bonnieux pendant quelques années, alla
ensuite s'établir à Nimes comme médecin. Il reparut à Bonnieux en germinal an II.
Le 3 du même mois, il lui fut délivré un certificat de résidence et de civisme, et le 17,
il demanda acte de sa déclaration comme quoi il était venu de Nimes avec l'intention
de fixer son domicile à Bonnieux (registre des délibérations de la commune). Il
mourut peu de temps après,
La famille Vitalis est aujourd'hui éteinte. Voir aussi lettre VII, note 11.
268 MÉMOIRES
des biens de M. de Sade consîstoit dans la fameuse source qui
arrose la maison basse. Autant que je puis m'en rappeler, elle
commence a couler a coté de la campagne de Blanqui (6), prenant
sa source dans le Leberon (7), passant par Vitalis et Gaufridi.
Si le médecin est mécontent du remboursement en assignats,
vous pourries arranger TalTaire de manière que tout le monde
fut content. Lorsque la chose sera connue, veuilles bien annoncer
a qui voudra Tentendre que les partages de ma femme sont faits ;
qu'elle a cinq cent mille livres en immeubles, sans compter le
, nouvel héritage qu'elle vient d'avoir de sa sœur, voila pour les
affaires domestiques.
Venons aux affaires politiques. Je vous avois annoncé que les
jacobins conspiroient, qu'ils en vouloient a nos vies ; plusieurs
tentatives de leur part ont échoué ; ils viennent la nuit dernière
d'attaquer le camp de Grenelle (8) ; ils ont surpris et tué un avant-
(6) La campagne Blanqui est située sur le terroir de Bonnieux, quartier de Trigaud,
séparée du terroir de la Coste par le fossé limitrophe à ces deux communes, dit le
fossé (Xcs parties. Elle appartient aujourd'hui à M. Appy (Jean), dit le Major. .
(7) Le Luberon, dénommé quelquefois Alpes de Provence, dont Taltitude maximum
est de I.I25 mètres, mais ne dépasse pas en moyenne 750 a 800 mètres, a son origine
au village des Taillades, près de Cavaillon, à l'ouest, et se termine à l'est, sur les
bords du Largues à Voix (Basses-Alpes). Il a dans cette direction un développe-
ment de 45 kilomètres, tandis que du nord au sud il ne mesure que 4 kilomètres et
demi de largeur.
(8) Voici ce que dit Barras de cette attaque dans ses Mémoires, t. IL p. 191 : « A la
suite de toutes les actions et réactions politiques qui avaient dominé la France depuis
la Révolution, il se trouvait à Paris un grand nombre de citoyens de toute opinion
tourmentés dans leurs départements ; la plupart étaient venus pour échapper à la
persécution qui allait les atteindre chez eux, quelques-uns sans doute pour s'unir
aux entreprises nouvelles qui se déclarent et se décident dans la capitale. Parmi ces
réfugiés se trouvaient en grand nombre certains de ces patriotes exagérés qui, avant
le 9 thermidor, avaient rempli des places et qui sans se rendre compte du degré de
leur aptitude et des progrés du temps, aspiraient encore aux emplois publics,
premier moyen d'existence et de protection contre le besoin et contre leurs ennemis,
lis avaient échoué dans leurs demandes; ils étaient mécontents ; leur mécontente-
ment cherchait des sympathies ; ils en trouvèrent dans quelques hommes qui ayant
marqué dans la Convention nationale, éprouvaient l'humiliation de n'être plus
députés et qui avaient eux-mêmes le désespoir de ne pouvoir être placés par le
Directoire. A ces mécontents qui prenaient leur humeur et leur ressentiment pour du
patriotisme, se joignaient uu plutôt s'offraient deux ou trois généraux, que par de
bonnes raisons, le Directoire n'avait pas rendus au service actif.
« Pour préciser les vœux et rallier les idées, les chefs commencèrent à se réunir sur
un premier point : une constitution plus populaire que celle de l'an III, la constitu-
tion de 1793 que le peuple, disaient-ils, avait sanctionnée et qu'on ne lui avait enlevée
qu*en immolant au 4 prairial ses plus généreux défenseurs,
€ Ne doutant pas de la facilité qu'ils auraient d'opérer un changement dans ce
sens, plusieurs des plus hardis acceptèrent la mission de se transporter au camp de
Grenelle pour sonder les dispositions des troupes : elles étaient excellentes selon
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSE 269
poste ; on m'asure qu'il y a douze exclusifs de tués et une cin-
quantaine d arrêtés. Un de ces messieurs que vous avés connu,
vint, hier matin, m'avertir de me tenir sur mes gardes, que je
courois les plus grands dangers ; il avoit raison. Je vous donnerai
les détails circonstanciés par le prochain courrier.
J'ai reÇu une lettre bien aimable de notre ami Barbusse, je lui
reponds pour Ten remercier.
Nous avons pensé avec quelques-uns de nos amis que vous
fairiés bien de préparer les voies pour vous faire nommer au
Corps législatif a la prochaine nomination, je vous aiderai de
tout mon pouvoir auprès de quelques hommes, qui ont de Tin-
fluence ; prenés vos dispositions en conséquence.
Salut et amitié:
Signé : J.-S. Rovère.
P. S. Vingt exclusifs ont été sabrés par le 2i* régiment de
dragons et le 14' de chasseurs, qui a fait des prodiges de valeur
et de civisme; cent cinquante terroristes sont pris les armes a la
main ils seront jugés militairement conformément aux lois dans
les 24 heures, ayant été pris les armes a la main.
Signé : J.-S. Rovère.
leurs idées et à leur retour, ils en donnèrent l'assurance à leurs commettants. Il fut
donc résolu que les patriotes les plus fermes qui en se comptant entre eux. pou-
vaient se croire composer un nombre de douze cents, se rassembleraient au camp de
Grenelle pour fraterniser, c'est-à-dire pour défendre la liberté contre ses tyrans. On
devait marcher ensuite sur le Luxembourg, saisir les cinq directeurs sans aucune
exception, abattre les têtes des « quinquenvirs » et les promener sur des piques. On
devait proclamer un dictateur ; il devait être conduit en triomphe au Corps législatif
qui sanctionnerait son élévation émanée du peuple souverain. Les députés qu'on
appelait indignes devaient être arrêtés ; les autres formeraient une assemblée unique
et sous les ordres du dictateur, cette assemblée nommerait un gouvernement provi-
soire. On y portait Fréron, Tallien, Antonelle, Drouet, Rossignol, Real, Babeuf,
Germain, etc., et ces citoyens auraient pour président le dictateur. Une Convention
nationale serait convoquée pour établir des institutions et un pacte social vraiment
démocratique. >
Au jour dit. les fraUrniciens, guidés par les officiers généraux en uniforme, pénè-
trent dans le camp de Grenelle sans difficulté. Mais tout était éventé depuis plus de
quinze jours par la police de Cochon unie à celle de Carnot ; ils furent reçus par un
feu de mousqueterie qui fit tomber quarante à cinquante de ceux entrés les premiers.
Cent trente-trois furent pris dans ce piège et parmi eux les ex-conventionnels Cusset,
Javogues, le général Froy, l'adjudant général Lau. Les généraux du camp de Gre-
nelle, Malo, commandant le 21* dragons, le général Brune prirent part à la répres-
sion. Les cent trente-trois conjurés qui avaient été arrêtés furent traduits à la
commission militaire du Temple : 32 furent condamnés À mort, 3o à la déportation ,
26 à la détention. 46 furent acquittés.
ayo MÉMOIRES
XLII.
Paris, le i" vendémiaire an 5 de la Republique (22 septembre 1796) (r).
J'ai reçu, mon cher frère, votre lettre du 28; je suis charmé
que vous soyés content de l'acquisition de la terre de la Coste ; je
vous envoie une copie de notre acte sous seings privés. Je ne
dois pas vous cacher que j'ai donné un pot de vin fort considé-
rable dont j'ai déjà payé une partie, en recourant a mes amis et
en employant les revenus de ma femme ; nous avons donné ordre
de vendre une maison a Grenoble et des bois dans la partie qui
nous est échue en partage. Je vous reitère mes observations sur
l'acquisition de la bastide de Vitalis, pour consolider parfaitement
les eaux qui sont la principale valeur de cette acquisition. Vous
verres par l'acte que nous entrons en possession au !•' vendé-
miaire; vous avés ma procuration, c'est a vous de voir ce qui
sera plus utile. Je vous observerai que si vous affermés fixement,
il faut diviser autant que possible, n'excéder le terme de trois ans
pour la durée du bail et stipuler des reserves en œufs, poulets et
cochons.
Parlons de vos affaires; j'ai vu a différentes fois le citoyen
Marchand ; j'espère que vos vœux seront accomplis, que vous
serés a votre Large tout seul. Ils tiennent la dragée un. peu
haute, cependant nous nous rapprochons. La citoyenne se plaint
beaucoup de vous, c'est tout naturel, j'ignore si c'est au moral
ou au phisique : le prétexte est la dépense pour les vignes, le
fermier actuel que vous protégés, etc., le chien est -toujours
enragé, quand on veut le noyer. Nous trancherons toutes ces
difficultés en vous consolidarlt cette propriété. J'avois eu raison
de vous dire que je ne pouvois hâter davantage cette négocia-
tion ; il falloit voir la tournure que prendroient les jacobins ; la
dernière défaite de ces exclusifs m'a valu la visite de ce monsieur
qui paroit avoir très bien fait ses affaires.
J'aurai bien de plaisir a voir notre ami Donis (2) ici, et encore
plus de lui être utile ; la commission qu'il m'a donnée est bien
difficile a remplir; je ne perds pas espérance. Vous me fairés
(i) Cette lettre ne porte pas de suscription.
(a) Voir lettre XXX, note 9.
DE l'académie t)E VAUCLUSÊ 271
grand plaisir de me donner des détails des événements de Sor-
gues et d'engager notre sœur et son fils (3) de ne pas y aller,
comme ils m'en ont manifesté l'intention.
Le citoyen de la commune de Tournon (4), qui se présentera de
votre part sera très bien reçu ; il y a fort longtemps que je n'ai
vu le parent de celui que vous aviés emmené. Les intrigants
sont la peste de la société, il faut s'en tenir éloigné le plus
possible.
Voyés de tirer parti des foins de Bonnieux et de Sorgues ; il
faut mettre toutes les pièces en avant pour faire face a nos enga-
gements.
Je n'ai jamais voulu profiter des avantages des places que j'çii
occupées; il faut par conséquent que nous tirions tous nos
moyens de nos propres fonds.
Ne négligés pas Gaufridi d'Apt pour les meubles et les titres
de propriété ; il y a en outre les parchemins dont vous connoissés
certains, des pièces très curieuses et une concession pour le petit
moulin au dessous de celui du Pas (5) pour prendre les eaux
a Font couverte (6).
•Tous nos amis, notamment Grimaud qui est dans le salon, vous
saluent ; ce dernier se plaint de vous.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
(3) Voir lettre III, note 5.
(4) Tournon, cheMieu d'arrondissement (Ard6che), sur le Rhône; 5. 000 habitants.
(5) Immédiatement au-dessous du moulin du Pas se trouve le moulin dit des
Audibert, puis le petit moulin et le grand moulin qui appartenaient au XVIII* siècle
à M. d'Ing-uimbert de Montouge (note de M. Darriés).
(6) Le quartier de Font couverte à Bonnieux est celui où se trouve l'ancien couvent
des Récollets, en amont du chemin de Lamaret. Les eaux dont il s'agit découlent
dans un bassin sous voûte, situé dans une parcelle de terre qui appartenait à
M. Perret pré Perret), vis à vis du jardin du couvent et en dehors de l'enclos. Ces
eaux sont connues aujourd'hui sous le nom ^^eaux du Vatat. Elles coulent dans un
lavoir public, établi sur le ^chemin de Lamaret et sont employées à l'irrigation des
prairies du domaine du Pavillon qui appartenait audit Perret (Jean-Baptiste^ et est
aujourd'hui la propriété de la famille de Terris (note de M. Darriès).
272 MÉMOIRES
XLIII.
Paris, le 4 vendémiaire an 5 de la Republique (aS septembre 1796) (i).
Je vous ai adressé par le dernier courrier, mon cher frère, une
copie collationnée de l'acte de vente de M. de Sade ; outre le prix
convenu, en cet acte, il y a un pot de vin de seize mille livres
dont j'ai payé partie, et suis obligé de payer le restant pendant le
mois. Vous avés raison pour Tacte de ratification, le code hypo-
thécaire étant en activité dans cette partie de la Republique d'après
les anciennes lois, la clause est toujours sous entendue, et lors
de la stipulation chés le notaire, il a été expressément convenu
que le payement ne pourroit être fait qu'au préalable les lettres
de ratification fussent expédiées. J'ai fait passer la lettre de
Guion (2) a M. de Sade, et reponds a ce premier que vous êtes
chargé de mes intentions ; ainsi vous pourrés vous retrancher sur
moi pour les négations qui pourroient paroitre desobligeantes.
Monsieur de Rivettes (3) avoit aussi écrit pour proposer un fer-
mier, on lui avoit repondu négativement.
Si vous affermés, que ce soit en détail pour trois ans, avec des
reserves et solvabilité de la part des preneurs, avec des cautions ;
vous n'ignorés pas que nous n'avons jamais été payés de nos
fermiers.
Je vous envoie la lettre de la dame Beroud, que je reçois dans
l'instant; il n'est pas moralement possible de lui compter dans
deux jours une somme aussi importante; elle évalue l'eminée a
deux ou trois cent livres (4), tandis que les terres des environs
(i) Celte lettre n'a pas de suscription.
(2) Guion (Pascal-L*Ange), homme de loi de Bonnieux, où il soumissionna en
floréal an IV de nombreux biens nationaux.
(3) Jean-Baptiste- Marie de Rivette, fils de Jean-Baptiste et de Marie de Bernard,
né à Bonnieux en 1744, époux en premières noces de Jeanne-Pauline du Puget-
Barbentane de Bras, et en secondes noces de Madeleine de Perrache-Pierreruc, à
laquelle il survécut également. Il était sous l'ancien régime très illustre et très puis-
sant seigneur marquis de Rivette des Baux, chevalier, baron de la Garde-Paréol. Il
traversa la Révolution sans être trop inquiété. Devint plus tard chevalier de l'ordre
royal et militaire de Saint-Louis et mourut à Avignon le 25 septembre 1821. Il était
alors commandant en second de la succursale des militaires invalides établie dans
cette ville.
La maison de Rivette originaire du Dauphiné et établie dès le XV' siècle dans le
comté Venaissin, fournit une branche qui vint se fixer à Bonnieux et dont il est fait
mention fréquemment dons les archives de cette commune.
(4) Avant l'adoption du système métrique la mesure agraire à Avignon et dans le
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLUSH! ^73
des murs d'Avignon ne se vendent que deux cents livres. Je lui
repondrai aujourd'hui pour lui proposer diminution et termes.
J'espère de vous accrocher cette affaire, qui vous donnera
une superbe possession ; comptés que nous fairons tous les
sacrifices qui dépendront de nous, car ma femme s'y prête
d'aussi bonne grâce que moi.
Revenons a la bastide Vitalis : si vous pouvés avoir des termes
pour le payement, il ne faut pas regarder a deux mille livres près,
parce qu'avec de l'économie, et certainement nous la professons
sans lesineries, nous pourrons faire face a cette affaire et a
bien d'autres.
Cette acquisition sera un point d'appui pour les eaux; vous,
aurés ensuite a traiter avec un voisin le petit Gaufridi, héritier de
l'invalide espagnol (5), pour une concession d'eau ; le traître
Lapeyre m'en avoit parlé plusieurs fois. Ils avoient arrangé cette
affaire avec défunt Vitalis, ils pretendoient par ce moyen obtenir
la clef de toutes ces grandes sources qui doivent découler du
Leberon en longeant, approchant le terrein que nous parcourons
près la bastide de Gaufridi, pour la vérification des limites de
Bonnieux et de la Coste. Vous pouvés vous transporter sur les
lieux et avec les connoissances pratiques que vous avés dans la
partie hydraulique, vous jugerés des convenances. Je ne suis pas
surpris de l'envie de nos compatriotes, c'est une passion dévo-
rante dans tous les états, encore plus dans les republiques.
Quant a Lapeyre, je l'ai bien jugé dans son dernier voyage a
Paris. Voici, mon cher frère, les conseils que je crois devoir vous
donner, il faut pour parvenir a notre but (6), que vous vous
attachiés Aubery de Malaucène (7) . Nous sommes en corres-
comté Venaissin était la salmée, dont la contenance n'était pas uniforme dans tous
les pays. La salmée se divisait en 8 iminées et Téminée enao cosses.
La salmée usitée À Avignon était de 1.736 cannes valant 68 ares ao centiares.
A risle elle valait 1.800 cannes égalant 70 ares 71 cenUares.
A Apt et Bonnieux 1.600 — — 63 — 49 —
A Pertuls 1.600 — — 60 — 74 —
A Carpentras et Valréas 1.600 — — 6a — 16 —
Etc.
(5) Personnage non identifié.
(6) C'est-à-dire faire arriver Rovère cadet à ta députatlon.
(7} Joseph^Ëtienne-Augustin-Sébastien Aubéry, né à Malaucène le aô août 174a.
mort dans cette ville le 1" juillet 1834, notaire, puis juge de paix dans son pays
natal jusqu'à sa mort. C'était en l'an IV uu électeur influent. On dit qu'il a collaboré
aux Mémoires sur la Répoluiion d'AiHgnùn et du Comlai-Venaissin (en italien et en
français, a vol. in-4*, 1793). Ce qui est plus certain, c'est que presque tout ce qui
concerne Malaucène dans le Mémoire statistique de Maxime Pazzis a été rédigé sur
les matériaux fournis par lui.
^74 MÉMomËs
pondance très active, Liotard de Tisle (8), Gaufridi (9) d'Apt,
Gondarjd dePertuis (10) que j'ai négligés, que je cultiverai soi-
gneusement, et a Bonnieux Guion, qui me demande une
place ; je lui fais des reproches de n'avoir encore déterminé la
place locale qu'il pourroit désirer ; je crois même que Reboulet
peut vous être très utile par les liaisons qu'il a conservées avec
le parti opposé a Lapeyre. Je peux errer pour cette dernière
partie, mais pour Aubery, Liotard, Gondard et Palliet a
Orange (11), président delà dernière assemblée électorale, que
je travaille a faire dénicher de la liste des émigrés, je suis per-
suadé que ces hommes seront puissamment influans dans les
prochaines élections. Vous allés souvent a Avignon, vous devés
voir ceux qui auront de l'influence ; je crois que vous avés bien
fait de refuser de vous associer a l'administration départemen-
tale (12) ; ils portent un caractère de réprobation pour leur
filiation. Aménité, services, compliments : voila, mon ami, la
grande route a suivre, surtout envers les habitans de la Coste,
de Buoux et de Si vergues formant le canton de Bonnieux.
J'ai fait passer, mon cher frère, une rescription de neuf mille
livres a Gasquy pour le payement du quatriesme quart, c'est
tout ce que j'ai pu faire. Vendes du foin, vous en avés a Bon-
nieuz et a Sorgues ; rien d'aussi rare que l'argent a Paris, excepté
chés les intrigants et les voleurs; comme je les abhorre, je n'ai
d'autres ressources que nos propres fonds. D'après ce que vous
m'aviés écrit et ce que j'ai pu rappeler de mes jeunes années
quand j'etois a la Coste, j'ai forcé les ressorts pour cette acqui-
sition comme je les forcerai pour la votre. Aidés-moi de votre
côté, et tout ira bien. Martin, mon ancien aide de camp, est
ici logé chés nous, il a eu la bêtise de se marier a Manosque,
(8) Liotard père, de Tlsle (Jean-Joseph), homme de loi, notaire sous Tancien
régime, époux de Madeleine Crozet, était en Tan IV un électeur influent et à ména-
ger. U est mort à Tlsle, à l'&ge de 73 ans, le i5 octobre 18 16. Son fils, Pierre-Joseph,
né le 3 juin 1766, avait émigré en 1793 malgré l'opposition de sa famille. JeaA-
Claude^Joseph, son autre fils, habitait Avignon en Tan IV et soumissionnait aux
biens nationaux, de compte à dtmi avec son père.
(9) Voir lettre XL, note a.
(10) Gondard (Arnaud), de Pertuis, homme de loi, électeur très inàuent.
(n)Pidllet (Henri-Melchior-Jean-Baptiste), natif d'Avignon, était notaire à Orange
avant la Révolution. L'assemblée électorale de l'an IV dont il était président, l'élut
juge au tribunal civil d'Avignon.
(19) On a vu, lettre XII, note 3, quels étaient les administrateurs du département
de Vauduse. Us avaient été nommés sur la proposition de Fréron, le 16 nivôse an V.
bE l*aCadémie de VaùclUSé 27?»
sa femme plaide déjà en divorce ; il peste contre le beau
sexe.
Vous avés rendu heureux l'ancien curé de Tlsle (i3); il m'a
écrit une lettre dans laquelle il ne peut tarir sur vos augustes
qualités. Adieu, mon cher frère, en voila bien long.
Salut et amitié.
Signé : J.-S. Rovère.
Notre petit se porte bien ; il marche seul, mange comme un
garçon qui a douze dents.
Le petit Clareton (14) sera conservé dans sa place ; le cadet se
poussera s'il a de la persévérance.
(t3) Raphel dont il a été déjà question, lettre XXVI, note i.
{14I Voir lettre HI. note 5.
[A suivre,) D' Victorin Laval.
Victor LEYDET
Notice lue a l'Académie de Vaucluse a la séance
bu I" décembre 1904 PAR M. Emile AVON.
Messieurs,
L'Académie de Vaucluse éprouvait naguère une perte très
regrettable dans la personne de M. Victor Leydet, artiste peintre,
décédé à Sorgues le 20 octobre dernier. Cette mort est une perte
pour notre Académie, pour Técole de peinture avignonaise, il
est permis d'ajouter pour l'école française elle-même.
Nous n'aurions pas pris la parole dans cette circonstance dou-
loureuse, et nous aurions laissé parler de plus autorisés que
nous, si notre honorable président ne nous avait engagé à pro-
noncer quelques mots à l'occasion de cette mort prématurée.
Victor Leydet, en effet, n'avait que quarante-deux ans lorsqu'il
a été frappé dans toute la force de l'âge, dans la pleine maturité
de son talent, alors que ayant produit déjà des œuvres très remar-
quables, tout nous faisait espérer qu'il obtiendrait un jour dans
son art une place prépondérante.
Nous l'avons dit, nous sommes peu compétent pour analyser une
telle carrière, aussi courte et pourtant aussi bien rempile ; mais
comptant. Messieurs, sur votre indulgence, nous allons essayer
de vous transmettre de notre mieux les impressions qui nous
viennent à l'esprit et au cœur, en pensant à l'artiste que nous
avons eu le malheur de perdre si tôt, et en nous plaçant en face
de son œuvre.
Victor Leydet reçut d'abord les leçons de M. Bourges, l'excel-
lent professeur, et compléta ensuite son éducation artistique
dans râtelier de Gérôme, à Paris. Il dut sans doute puiser à ces
deux enseignements le respect de la forme, la correction parfaite,
l'honnêteté tant recommandée par M. Ingres, qualités qui sont la
marque distinctive du talent de Leydet. « Quoique vous fassiez,
disait Ingres à ses élèves, soyez honnêtes; si, plus tard, on
retrouve un fragment, même minime, d'un de vos tableaux, qu on
puisse dire : voilà de la peinture honnête. »
4
27& MÉMOIRES
Nous avons, certes bien autres choses à dire sur la peinture de
Leydet, mais nous nous plaisons déjà à faire ressortir le grand
mérite qu'il y a à posséder cette honnêteté impeccable demandée
à ses disciples par le maître illustre, auquel on décerna le nom
de Raphaël moderne.
Il faudrait avoir sous lés yeux les catalogues des expositions
du Salon de Paris pour suivre Tartiste depuis 1889, date de sa
première entrée au Salon, jusqu a nos joqrs. Duraat ce laps de
temps, son talent s'est complu dans la reproduction de sujets
que le Dictionnaire départemental désigne sous l'appellation de
Scènes de la vie journalière, et qui constituent de véritables
tableaux d'histoire, par le caractère tout particulier d'austère
grandeur, de simplicité et de profondeur que le peintre a su y
imprimer.
A la vérité, les œuvres de Victor Leydet s'adressent moins
peut-être à la masse du public qu'aux amateurs de peinture fine
et forte à la fois.
Remarquons d'abord la dimension de ses tableaux qui sont
conçus dans des proportions modestes, si on les compare aux
toiles immenses qui sont généralement envoyées dans les exposi-
tions.
De plus, nous ne rencontrons pas chez Leydet de ces feux d'ar-
tifice de couleurs voyantes qui éclatent et obligeraient parfois à
prendre des lunettes bleues pour les regarder. On n'y trouve pas
de ces tons chatoyants mis pour le plaisir des yeux ; mais on
y remarque une lumière douce et tranquille, des mouvements
justes, une harmonie discrète. Son oeuvre donc, par la façon dont
il traite ses sujets, va plus directement vers l'élite, qui sait se
complaire à admirer le sérieux du dessin et la vigueur de l'ex-
pression, que vers la foule.
C'est par là surtout que cet éminent artiste avait pu se placer
dans les premiers rangs. En eflet, plusieurs fois médaillé, il était
hors concours au Salon de 1900, avec le Vendredi-Saint, acheté
par l'État et envoyé au musée de la Rochelle.
Nous n'avonfe pas eu la bonne fortune de voir ce tableau, mais
nous pouvons dans notre ville contempler deux de ses œuvres :
Les femmes avant la messe. Salon de 1896, toile achetée par le
musée, et le tableau intitulé La soupe, acquis et donné par l'État.
Cette dernière toile, exposée dans une des salles de la mairie,
nous on*re une certaine hardiesse dans la composition : deux
Jîommes, pauvres hères, vus de dos, au fond du tableau, sur
bE l'académie de' vaucluse ' 279
lesquels se détachent les deux personnages principaux : une
petite fllle souffreteuse, appuyée sur Tépaule de sa mère assoupie ;
la pauvre filette a les yeux perdus dans le vague ; la fièvre impi-
toyable paraît la miner ; une longue chevelure blonde encadre
ses traits amaigris. Est-ce la facture, est-ce le ton général, ou
bien les yeux fatigués, et l'expression de crainte et d'angoisse
répandue sur toute sa personne? Quoiqu'il en soit, bien qu'il
n'y ait aucune analogie, à la vye de cette tête, le tableau de Paul
Delaroche représentant Les enfants d'Edouard, nous est revenu
en mémoire. Quant à la mère, elle a la figure résignée des gens
qui souffrent depuis longtemps : ses mains s'appuyant sur un
panier sont d'un superbe dessin, et les têtes d'hommes du fond,
bien que légèrement estompées, conservent un grand accent de
réalité et nous offrent, ainsi que tout le reste du tableau, d'excel-
lents morceaux de peinture.
On pourrait adresser les mêmes éloges au tableau : Les Jemmes
avant la messe.
Nous n'oublierons pas non plus Le gardian de Camargue, nous
traduisant si bien un côté pittoresque des mœurs de Provence ;
Le bureau de bienfaisance, compris d'une manière très intéres-
sante ; La moissonneuse au repos, et enfln Le viatique.
Cette dernière toile, que nous avons vue dans l'atelier de l'ar-
tiste, il y a deux ans, autant qu'il nous en souvienne, représente
un prêtre portant le Saint Viatique à un malade, accompagné de
son sacristain et suivi par quelques femmes pieuses. C'est une
œuvre qui se distingue entre toutes par un grand sentiment
élevé, qui en fait sans contredit une vraie peinture reHgieuse
dans toute l'acception du mot.
Nous mentionnerons aussi le Portrait de son père,, qui eut un
réel succès au Salon des artistes français en 1892, celui de notre
très distingué secrétaire général, M. Labande, que nous avons
vu à une de nos expositions avignonaises ; enfin, un nombre
considérable d'études de têtes charmantes, délicieusement peintes.
La plupart de ces toiles ont du reste figuré à notre Salon avigrion-
ais et y ont excité notre admiration ; les portraits nous ont prouvé
que Leydet, qui excellait dans le genre historique, réussissait
merveilleusement aussi quand il s'attachait à rendre la physio-
nomie humaine. Pourquoi ne pas le rapprocher de Clouét pour
son trait vif et précis, la finesse et le rendu de l'expression?
Il n'avait donc pas donné toute sa mesure, ce vaillant artiste,
qui a su nous peindre de sa main magistrale des toiles si atta-
280 MEMOIRES
chantes, et nous aimons à nous faire ici Técho de ceux qui appré-
cient son talent comme il le mérite, en disant que si la mort Tavait
épargné encore quelques années, il était appelé à remplir un
de ces vides toujours regrettables, qui ne peuvent malheureuse-
ment pas manquer de se produire avec le temps.
Nos sentiments de tristesse se trouvent nécessairement
augmentés, Messieurs, en voyant le nombre relativement res-
treint de ceux qui mettent le grand caractère du dessin au-dessus
de tout. Il nous a été donné de contempler dans Tatelier du
maître son dernier envoi au Salon : Sur le pas de la porte. C'est
une scène saisie sur le vif, très finement observée et fortement
rendue. Entre autres choses, les mains de ces deux bonnes
femmes se faisant leurs confidences, nous donnaient un vague
ressouvenir et comme une réminiscence du grand et beau dessin
de Técble florentine, alors que les figures nous rappelaient quel-
que chose comme un Holbein tombé dans notre vingtième
siècle. En regardant cette œuvre remarquable, il nous arriva de
prononcer le nom du grand portraitiste de Técole allemande, en
ajoutant dans notre phrase qu'il fallait tenir compte de la distance.
« Oh 1 oui, s'écria vivement Leydet, très surpris, tenons compte
de la distance. » L'artiste ^'était mépris sur le sens de nos paroles
et ne nous avait pas donné le temps d'achever notre pensée. C'était
seulement une sorte de rapprochement que nous faisions, en
formulant une réserve à propos de la distance du temps. Cette
simple allusion avait immédiatement effarouché ce peintre si
distingué, si consciencieux, et avait provoqué de sa part une
énergique protestation.
Ce simple trait prouve avec la dernière évidence jusqu'à quel
point Leydet joignait à un grand talent une modestie plus grande
encore. 11 était très loin de tirer vanité de ce qu'il savait, il était
convaincu qu'il pouvait lui manquer une qualité ou une autre, et
en cela c'était peut-être un tort, car on ne peut les avoir toutes ;
mais ce désir de toujours mieux faire est la piQjrre de touche de
son^vrai mérite, et nous ne pouvons encore une foisqpe déplorer
profondément la perte de cet artiste très sérieux, savant autant
que délicat, un véritable maître en un mot, qui nous faisait conce-
voir les plus belles espérances.
Nous avons rempli notre tâche, Messieurs; veuillez ne voir
dans ces quelques paroles qu'un hommage rendu, et bien mérité^
à la mémoire de Victor Leydet, que nous pouvions compter au
nombre de nos amis, et le désir de nous rendre à l'aimable invi-
tation de notre très sympathique et très honoré président.
FÊTE A PARIS
En l'honneur de Pétrarque.
Les fêtes données en Avignon et Arezzo au mois de juillet dernier, pour
célébrer le sixième centenaire de la naissance de Pétrarque, ont eu leur
épilogue à Paris, le dimanche i8 décembre 1904.
La Ligue franco-italienne avait pris occasion de la présence d*une importante
délégation des étudiants italiens pour organiser à la Sorbonne, en Thonneur
de Pétrarque, la cérémonie que son secrétaire général, M. Bouet, avait
annoncée dans son discours du 17 juillet, en la séance solennelle de l'Académie
de Vaucluse. Elle avait invité notre Société et la municipalité d'Avignon à s'y
faire représenter : MM. Coulondre, député de Vaucluse, et Laval, conseiller
municipal d'Avignon, en ont accepté la mission.
Cette fête eut lieu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, sous la prési-
dence de M. Chaumié, ministre de l'instruction publique et des beaux-arts,
assisté de M. Tornielli, ambassadeur du roi d'Italie en France, et de M. Colly,
vice-président du conseil municipal de Paris. Le président de la République et
plusieurs ministres s'y firent représenter ; y assistèrent encore de nombreux
personnages des deux nations amies.
Aussitôt après le discours de M. Chaumié, la parole fut donnée au délégué
de l'Académie de Vaucluse, M. Coulondre, Celui-ci, dans une heureuse impro-
visation fréquemment interrompue par des applaudissements, rappela les jour-
nées si réussies des 16 qI 17 juillet, où Vaucluse et Avignon célébrèrent à l'envi
le souvenir de l'illustre poète ; il sut dire combien nous avions été heureux de
coopérer ainsi au rapprochement de plus en plus intime de la France et de
l'Italie, et il marqua l'heureuse impression qu'avait produite parmi nous le
représentant du gouvernement italien, S. E. le comte Pinchia.
Nous regrettons qu'il ne nous ait pas été possible de reproduire son discours ;
mais, par contre, nous avons la satisfaction de donner ici les éloquentes paroles
que le D' Victorin Laval, ancien président de notre Académie, prononça en la
même cérémonie, en acceptant au nom de la ville d'Avignon le buste de
Pétrarque offert par la Ligue franco-italienne.
Monsieur le Ministre,
Mesdames,
Messieurs, .
La ville d'Avignon, en acceptant avec empressement l'invi-
tation de la Ligue franco-italienne et en déléguant un de ses
282 MÉMOIRES
conseillers municipaux pour la représenter à cette cérémonie,
a voulu fournir bon témoignage de la fidélité de son culte pour
la mémoire de Tillustre latin que vous fêtez aujourd'hui.
Ce culte est pour elle d'autant plus légitime que notre cité
a bien le droit de considérer Pétrarque un peu comme son
fils, puisque si Tltalie lui donna le jour, la terre avignonaise
fut sa mère nourricière, et que c'est en s'abreuvant à son
sein, que se forma et grandit son génie pour prendre ensuite
son essor vers l'immortalité.
Or, Messieurs, au mois d'août de Tan 1840, alors que
Pétrarque était venu demander à la solitude de Vaucluse, un
peu de paix pour son cœur tourmenté d'une passion inas-
souvie et que là, tout près de la source célèbre, à l'ombre
du château seigneurial des évêques de Cavaillon, dans une
petite maison, perdue au milieu d'un enclos, plein d'ombre
et de mystère, il écrivait pour l'aimée inhumaine ses plus
beaux canzoni, le 23 du mois, à la dixième heure du jour, il
recevait de son compatriote et ami Robert de Bardi, chancelier
de Notre-Dame, une invitation bien flatteuse. L'Université de
Paris le conviait en efïet à venir recevoir avec le cérémonial
antique, la couronne des poètes.
Pétrarque déclina cependant l'invitation, car, coïncidence
au moins singulière, le même jour et presque à la ^même
heure, pareille invitation venait de lui être faite de la part du
Sénat romain.
Ainsi les deux plus grandes capitales se disputaient à l'envi
l'honneur de le sacrer poète.
Pétrarque ne pouvait hésiter : Paris était bien, il est vrai,
la ville la plus lettrée du monde, les étudiants y affluaient de
tous les points de l'Europe ; mais, à ses yeux, Rome était
plus encore que Paris, la reine de l'univers. Il la regardait
comme sa patrie à lui et c'est vers elle que l'attirait son
patriotisme, fait tout entier de son admiration pour l'antiquité
romaine et de sa compassion pour les malheurs de l'Italie
désolée par la guerre civile.
Que la Ville-Lumière, Messieurs, ne garde pas rancune à
Pétrarque de lui avoir préféré Rome. S'il s'était décidé pour
Paris, il y eût été sans doute magnifiquement fêté par les
écoliers de la rue du Fouarre ; il y aurait eu en son hon-
neur force disputes académiques sur la montagne Sainte-
Geneviève, sans compter les chevauchées, les cavalcades, les
DE l'académie de VAUCLUSE 283
beuveries, les festins pantagruéliques et tout l'attirail inscrit
au programme des fêtes officielles de VAlma mater. Et aujour-
d'hui encore, en présence de ce buste, nous saluerions la
mémoire d'un grand poète et d'un grand humaniste. Ce serait
assurément une nouvelle fête de l'esprit, mais elle serait loin
d'avoir la portée et la signiflcation de celle que nous célébrons,
puisqu'il nous est donné de couronner maintenant non seule-
ment le poète et le restaurateur des lettres, mais surtout le
politique et le patriote qui a bien mérité à la fois de son pays et
de l'humanité.
Du jour, en effet, où après son couronnement au Capitole,
Pétrarque eut reçu du Sénat le titre de citoyen romain, une
nouvelle passion envahit son cœur, passion grande et féconde
qui avait pour objet la grandeur de l'Italie établie sur la
conception toute nouvelle de l'égalité des citoyens dans leurs
droits individuels et dans leurs devoirs envers la patrie.
N'est-ce pas. Messieurs, surtout à ce titre que Pétrarque a
pu être justement appelé le premier homme moderne?
Il vit l'Italie en feu et morcelée en une infmité de petits
États qui se faisaient les uns aux ^autres une guerre sans
merci ; il vit le peuple courbé sous le despotisme des nobles
le tenant dans la plus humiliante servitude, et à ce spectacle
il fut pris d'une grande pitié. Et comme dans ce peuple il
restait encore quelque chose de cette vieille âme romaine
qui avait dominé le monde, il conçut le projet de la tirer de
sa léthargie et de faire renaître en elle la virilité des âges
héroïques.
A cette résurrection de l'âme romaine, l'obstacle était dans
la puissance des grands : il leur déclara la guerre ; dans la
division des enfants d'une commune patrie, il leur prêcha à
tous l'union et la concordé; dans le morcellement de l'Italie,
il employa toute la puissance de son génie, toute l'éloquence
de son cœur, toute la fougue de son âme à faire l'union
d'abord, pour préparer ensuite Tunité. Et quand il crut avoir
sous la main l'homme prédestiné à réaliser cette unité, qu'il
fût empereur, prince ou tribun, peu lui importa, c'est à lui
qu'allèrent ses prières, ses exhortations, ses encouragements,
comme aussi ses amers reproches, ses cris de colère et ses
invectives, quand Tun ou l'autre de ceux en qui il avait mis
sa confiance, eut trompé son attente ou fut resté au-dessous de
sa tâche.
284 MÉMOIRES
Certes, il ne fut pas donné à Pétrarque de réaliser son
rêve patriotique, mais il jeta des semences qui, après cinq
siècles, ont donné la moisson attendue. Le jour vint enfin où,
d'un bout à l'autre de la péninsule, la terre italienne fut secouée
d'un long frémissement, et c'est aux accents d'une nouvelle
Marseillaise :
ScuoU, o Roma, la polvere indegna (i),
que chacun fut debout pour la Patrie et pour la Liberté.
Ah ! ce fut un spectacle inoubliable que celui du moine
Gavazzi qui, nouveau Pétrarque, s'écriait en pleine Rome :
« Romains, le jour de la délivrance est arrivé ! Voici l'heure
de la croisade sainte : aux armes ! Dieu le veut !
a Celui-là n'^st point digne d'être le descendant des maîtres
du monde qui refuserait de vaincre ou de mourir pour l'indé-
pendance de l'Italie ; celle-là n'est pas digne d'être appelée
Romaine qui retiendrait dans ses bras son fiancé ou qui verserait
des larmes sur le départ de son fils. Romains, vos aïeux ont
conquis le monde, voulez-vous être dignes d'eux? Voyez ces
frontons de pierre, ces fûts dé colonne, ces ruines, antiques
témoins de la gloire de vos aïeux : ce sont autant de tables que
la patrie vous ofl're pour recevoir les noms des vaillants et des
forts ...»
Et on se pressait en foule pour s'enrôler.
Le moine cependant continuait : « Salut, ô Capitole, vers
lequel, hier, esclaves de l'étranger, nous n'osions lever nos
yeux sans honte ; nous pouvons maintenant te regarder en face.
Salut, rochers qui vîtes passer les Césars vainqueurs du monde
et les Brutus vainqueurs des Césars ; nous réapprendrons à vos
échos le nom sacré de la liberté ! Oui ! nous le jurons !....»
Et l'unité italienne se fit.
Pétrarque en avait été le précurseur. C'est pourquoi aujour-
d'hui au laurier d'Apollon qui couronne son front, nous joi-
gnons la palme civique en l'honneur du grand citoyen et du
grand patriote.
Messieurs,
C'est avec émotion qu'au nom de la ville d'Avignon, je
reçois de vos mains le buste que vous voulez bien lui offrir.
( I ) Secoue, ô Rome, la poussière indigne.
DE L ACADÉMIE DE VAUCLUSE 285
Nous donnerons dans notre cité une place d*honneur à cette
belle œuvre du sculpteur florentin Fortini. Et ne doutez pas
que, si nos jeunes filles viennent quelquefois contempler avec
amour les traits du poète, type incomparable de Tamant
toujours fidèle et jamais lassé dans sa passion toujours sans
espoir, plus souvent encore nos jeunes concitoyens n'aient
à cœur de venir saluer la mémoire du politique humain qui,
déjà au XI V» siècle, osa revendiquer pour le peuple les droits
de citoyens et proclamer à la face de ses tyrans : « que sans
la liberté la vie n'est qu'un jeu et qu'il vaut mieux mourir libre
que de vivre esclave. »
C'est ainsi que désormais par Avignon le génie tutélaire de
Pétrarque planera sur les deux grandes sœurs latines, éprises
d'un commun idéal de fraternité des peuples dans la paix et dans
la liberté.
Des applaudissements nourris témoignèrent que ce discours produisit une
profonde impression.
La cérémonie continua par d*autres allocutions; des poésies furent récitées
devant le buste du poète et des chants célébrèrent la gloire immortelle de
Pétrarque. Ce fut en somnje un magnifique couronnement des fétçs de
juillet 1904.
Séances de l'Académie.
PROCÈS -VERBAUX.
Séance du 7 Juillet 1904.-^ Présidence de M. de Viasac. président.
Présents : MM. de Vissac, Labande. Remy Roux, Mouzin, Vayssières, abbé
Aurouze, abbé Levezou, G. de la Boulie, Edmond Capeau, Genin, Laval, Larché,
Bourges, Châtelet.
M. le Président fait en quelques mots l'éloge de M. Caucanas, ingénieur civil à
Orange, membre titulaire de l'Académie, décédé depuis quelques jours.
M. le Secrétaire général annonce que notre collègue M. Vayssières, professeur à la
Faculté des sciences de Marseille, a fait don à notre bibliothèque d'un ouvrage sur
les mollusques recueillis par le prince de Monaco dans la Méditerranée.
Sont présentés comme membres titulaires :
MM. Coulondre, député de Vaucluse, par MM. de Vissac, Laval et Labande ;
Amalbert, maire de Vaucluse, par les mêmes ;
Daniel-Ernest Lagarde, inspecteur du Crédit foncier à Avignon, par MM. de
Vissac, Lassalle et Labande ;
Madon, notaire à Avignon, par MM. de Vissac, Limasset et Bonnecaze.
M. de Vissac remercie tous les collègues qui prêtent à l'Académie leur précieux
concours pour l'organisation des prochaines fêtes du centenaire de Pétrarque et
permettent ainsi à la Société d'affirmer une fois de plus sa vitalité.
Ses remerctments s'adressent d'une façon spéciale à M. Francion, président du
Comité des fêtes populaires qui s'annoncent comme devant rehausser puissamment
l'éclat des fêtes académiques ; à M. le docteur Laval, dont l'influence auprès de ses
collègues du conseil municipal a contribué à nous valoir une subvention de la ville ;
à M. le docteur Pamard, pour le succès de ses démarches auprès de la C** P.-L.-M. ;
à MM. les docteurs Carre et Remy Roux qui ont bien voulu accepter la tâche d'or-
ganiser les banquets, dont le crayon de M. Bourges consent à illustrer les menus ; à
M. Mouzin, rapporteur des concours littéraires; enfin à M. Labande qui, avec son
dévouement habituel, assume la plus lourde part delà préparation matérielle.
GrAce À tous ces concours, ajoute le Président, grâce aussi à l'appui moral et
financier de M. le Préfet du département, de la municipalité d'Avignon et de M. le
Maire de Vaucluse, le succès des fêtes du Centenaire de Pétrarque dépassera les
espérances que nous avions conçues tout d'abord.
Avant que la séance soit levée, MM. Coulondre, Amalbert, Lagarde et Pradon sont
élus membres titulaires de l'Académie à l'unanimité des membres présents.
288 MEMOIRES
Séance du S octobre rgo4. — Présidence de M. de Vissac, président.
Présents : MM. de Vissac, Labande. Bourges. Arnaud de Fabre, Larché. G. de la
Boulie, Bonnecazc, Avon, abbé Aurouze, Alphant, Blanc, Didiée, Biret, Ed. Capeau.
ChAtelet.
Sont présentés comme membres titulaires :
MM. Marie, président du tribunal de commerce d'Avignon, par MM. le D' Laval,
de Vissac et Labande ;
Léonce Joleaud. licencié es sciences, par MM. de Vissac, Bourges et ChAtelet ;
Prosper Magre, employé des contributions indirectes, par MM. Reboulet,
Mouzin et ChAtelet ;
Lemaire. capitaine au t* génie, par MM. Lassalle, Lagarde et de Vissac.
M. le président de Vissac exprime la satisfaction réciproque que les membres de la
Compagnie ont à se retrouver après la séparation momentanée des vacances. Il
espère que chacun des membres tiendra à honneur, durant la nouvelle étape qui
commence, d'apporter son contingent littéraire ou scientiflque aux réunions men-
suelles de l'Académie et d'enrichir ainsi l'écrin de ses annales.
• Nous nous sommes séparés, ajoute-t-il. après les séances exceptionnelles des i6
et ry juillet, qui n'auront certainement pas nui au bon renom de l'Académie. De l'aveu
unanime, en effet, la partie littéraire des fêtes de Pétrarque n'a pas été la moins
réussie. Le résultat obtenu confirme l'opinion que j'émettais en vous proposant de
prendre l'initiative d'une célébration académique ; c'est que vous possédiez dans
votre sein tous les éléments propres k assurer le succès de pareilles entreprises et
que chaque fois que vous voudrez organiser une solennité de ce genre, vous
aboutirez glorieusement. >
M. de Vissac remercie tous les membres de l'Académie, qui par leurs souscriptions
volontaires ont augmenté les disponibilités indispensables à de pareilles fêtes. Si au
point de vue pécuniaire nous restons en déficit, il n'en sera pas de même au point
de vue moral et nous avons, semble-t-il, fait un grand pas vers la déclaration d'utilité
publique. Une société reconnue en fait d'une manière aussi solennelle que l'a été
l'Académie de Vaucluse. paraît avoir conquis bien des chances à. une reconnaissance
de droit. N'est-ce pas. en effet, avec nous directement qu*ont communiqué M. le
Ministre des affaires étrangères et son collègue de l'instruction publique et des
beaux-arts, le gouvernement italien, ainsi que les personnages officiels français et
étrangers accrédités auprès de notre Société? Il y a là une situation à exploiter, un
précédent à invoquer en temps utile.
C'est encore sur la requête directe du Bureau de l'Académie, requête apostillée
avec empressement par M. le Préfet et chaudement appuyée par M. Coulondre,
député de l'arrondissement, que M. le Ministre de l'instruction publique a bien voulu
récompenser le mérite de quelques-uns de nos membres : MM. Eysséric. Manivet,
Remy Roux et Châtelet. nommés officiers de l'instruction publique ou officiers
d'académie.
M. le Président fait part ensuite des remercîments adressés à la Société par diverses
corporations ou personnalités qui n'ont pu répondre À son appel. De ce nombre sont:
M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, la municipalité et le comité
d'Arezzo, le comité de Padoue. l'Académie délia Crusca de Florence, l'Académie fran-
çaise, par la plume de MM. Gaston Boissier. Mézières.Paul Bourget, marquis de
Vogué, Costa de Beauregard ; les autres sections de l'Institut par la plume de
MM. Gebhart, comte de Lasteyrie, etc.
Il signale entre autres les remerciements du représentant du gouvernement italien,
M. le comte Emilio Pinchia.
« Vous avez tous encore présente à l'esprit, dit M. de Vissac. la physionomie fine,
alerte, spirituelle et sympathique du comte Pinchia ; physionomie franche, ouverte,
sur laquelle l'étincellement de l'intelligence jaillit en un mélange de charme et de
DE L*ACADÉMIE DE VAUCLaSÈ 289
séduction. Certes, c'est bien là le type du vrai galant homme et jamais ritalie n*eût
pu nous envoyer une nature plus française, j'allais dire plus provençale. U serait
sage de nous l'attacher définitivement par les liens de l'honorariat. »
Dans le même ordre d'idées, M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Sieyas,
recteur de l'Institut de droit de Caracas. Ce savant jurisconsulte, qui publie en ce
moment, en français, une biographie du général Bolivar, se fait l'interprète d'une
demande de diplômes de membres d'honneur de l'Académie en faveur de S. E. le
général Cypriani Castro, président de la République de Venezuela, et de M. Gabriel
de Rosa y Rullo, publiciste, professeur éminent et ancien agent diplomatique de
Caracas.
Après d'intéressantes observations échangées à ce propos, l'assemblée, sur la
proposition du Bureau, nomme par acclamation membres d'honneur de l'Académie
de Vaucluse : M. le comte Pinchla, S. E. le général Castro, M . de Rosa y Rullo et
le D' Seyas. Ces nominations sont faites au titre étranger, ce qui entraînera à
l'art. 4 de nos statuts une légère modification qui est adoptée.
Enfin, M. le Président fait circuler sous les yeux des sociétaires présents À la
réunion, le diplôme provisoirement adopté, en attendant le choix d'un type définitif,
pour constater les récompenses accordées aux lauréats des concours. Il demande
qu'À l'avenir les personnes élues membres de la Société soient astreintes à un verse-
ment de 3 francs comme droit de diplôme, et que le même versement soit exigé des
membres anciens désireux d'obtenir le même diplôme. Adopté.
M. le Secrétaire général prend ensuite la parole. Il annonce que le Ministère vient
d'accorder À l'Académie une subvention de i5ofr. pour la publication des lettres de
Rovère par M. le D' Laval. Pour permettre au trésorier d'encaisser cette somme, la
Société prend la délibération suivante : « L'Académie de Vaucluse donne pouvoir à
son trésorier, M. Bonnecaze, de toucher pour elle toutes les sommes qui sont ou
seront mandatées en son nom . §
M. le Secrétaire général annonce encore que l'Académie de Montpellier doit décerner
en 19061e prix Ricard de 600 francs à l'auteur du meilleur travail sur un sujet d'his-
toire ou d'archéologie du Bas-Languedoc. La réception des manuscrits sera close te
3i décembre 1905.
Il rend compte ensuite de la visite qu'a faite la Société éduenne des lettres, sciences
et arts à notre cité les 14 et iS août dernier, et donne connaissance d'une lettre de
son président, M. de Charmasse, qui invite l'Académie à rendre à Autdn la visite de
la Société éduenne.
Il nous apprend enfin qu'il a vu dernièrement, à Rome, le comte Pinchla, qui l'a
prié de le rappeler au souvenir de l'Académie et lui a promis ' de faire son possible
pour assister à la première de nos séances générales.
M. Edmond Capeau donne lecture de ses impressions de voyage à Arezzo et noua
fait assister avec lui aux fêtes de la cité en l'honneur de Pétrarque.
Avant la fin de la séance, MM. Marie, Léonce Joleaud, Magre et Lemaire sont élus
& l'unanimité membres titulaires de l'Académie.
Séance du 3 novembre 1904, ~ Présidence de M. de Vissac, président.
Présents : MM. de Vissac. Labande, Joleaud, Léonce Joleaud, Blanc, Alphant, de
Faucher, abbé Durand, Amalbert, Didiée, Réguis, Larché, Bonnecaze, Remy Roiix,
Avon, BayoL Châtelet.
M. le Président souhaite la bienvenue À MM. Léonce Joleaud et Amalbert nouvel-
lement élus qui assistent à la séance. Il donne lecture d'une lettre de remercîments
du comte Emilio Pinchla, sous-secrétaire d'État au Ministère de l'instruction publi-
que d'Italie, élu membre d'honneur dans la précédente séance.
Sont présentés comme membres titulaires : . . «
igO MKMOlREïi
MM. Granel, pharmacien à Avignon, par MM. Pansier, Laval et Labatide \
Pleindoux, vétérinaire à Avignon» par MM. Réguis, Blache et Lestang;
D' Barrai, médecin à Avignon» par MM. Labande, Belladen et Pansier;
Emile Perrier, président de la Société de statistique de Marseille, par MM. de
Faucher» Laval et Labande.
M. le Président fait en quelques mots l'éloge funèbre de deux de nos collègues
décédés depuis la dernière séance- : M. Gleizal, qui nous apporta en maintes occa-
sions le tribut de ses lumières, et le peintre Victor Leydet enlevé dans la matu-
rité de son talent.
M. Avofi a bien voulu accepter d'exprimer son appréciation sur l'œuvre artistique
du peintre regretté comme un suprême hommage rendu par ses coliques.
La parole est donnée à M. Tabbé Durand pour la lecture de son étude Beaucaire
sous saint Louis. Après le rattachement de Beaucaire À la couronne de France, une
sénéchaussée fut établie dans cette ville. Le sénéchal Pierre Dorti s'y fit remarquer
par ses exactions et ses rapacités. Cet état de choses dura jusqu'en 1247» où l'arrivée
de nrissi dominici mit un frein aux rapines et à la brutalité des officiers royaux. Mais
ce ne fut qu'en 1364, 3lu retour de sa première croisade, que saint Louis délivra une
charte en faveur de Beaucaire. La tranquillité et la sûreté revinrent enfin dans la
ville. Toutefois, Beaucaire ne peut obtenir le rétablissement de son ancienne admi-
nistration communale avec le consulat.
M. le D' Réguis entretient ensuite l'Académie de quelques champignons de la
région : l'Armillaire couleur de miel (Piboulade). espèce consommée en abondance
dans la région ; les Russules, représentées en Provence par 3o espèces ; les Lactens
(Pignen à Marseille, Sang-du-Christ à Vaison), qui présentent la particularité de
posséder des vaisseaux lactifères, d'où s'échappe un liquide blanc ou rouge
lorsqu'on les coupe. M. le D' Réguis termine sa causerie par quelques mots sur les
Salmonidés dont il présente deux espèces.
La parole est ensuite donnée à M. Bayol pour la lecture de son étude sur les eaux
potables en Avignon. Notre collègue nous apprend que déjà les Romains avaient
exécuté de grands travaux d'adduction d'eau dans notre ville, travaux par la suite
abandonnés. Il nous fait connaître les conditions déplorables, au point de vue de
l'hygiène, des eaux où se trouvait Avignon jusqu'au milieu du XIX* siècle. M. Bayol
passe en revue les progrès accomplis dans cette branche importante de l'alimenta-
tion publique et il nous laisse entrevoir ceux qui restent encore à faire pour
qu'Avignon soit pourvue d'eau potable de bonne qualité.
Avant de lever la séance, MM. Granel, Barrai, Pleindoux et Emile Perrier sont
élus à l'unanimité membres de l'Académie de Vaucluse.
Séance du /*' décembre 1904. — Présidence de M. de Vissac, président.
Présents : MM. de Vissac. Labande^ abbé Aurouze, abbé Grimaud, Didiée, E.
Capeau, Maumet, Biret, Avon, Larchli, de la Boulie. Joleaud.de Faucher, Arnaud de
Fabre, Manivet, Poupart, Lèm4ire, Pansier, Penne. Ripert, Bayol, Chûtelet.
M. le Président fait part des remercîments de M. Emile Perrier, élu membre de
l'Académie dans la précédente séance.
M»* MarcowiU, professeur à l'École normale de Montélimar, est présentée aux
suffrages de l'Académie par MM. de Faucher, Labande et de Vissac.
La parole est donnée à M. Avon pour la lecture de sa notice biographique sur le
peintre Victor Leydet. Enlevé à l'art à 42 ans, en pleine maturité d'un talent qui
n'avait pas donné toute sa mesure, Victor Leydet s'adressait moins à la masse
qu'aux amateurs éclairés. Les sujets de son oeuvre, pris parmi les scènes de la vie
iBuniUère, les dimensions relativement restreintes de ses toiles, la lumière douce et
bE L^ACADEMIE DE VAUCLUSE 2^1
Tharmonie des lignes, tout cela s'adressait à l'élite qui sait le mérite du dessin et là
vigueur de l'expression. Leydet joignait un grand talent à une modestie plus grande
encore. Savant autant que délicat, c'était un maître qui faisait entrevoir les plus
vives espérances et si la mort l'avait épargné encore quelques années, il était destiné
à remplir quelques-uns de ces vides qui se créent avec le temps.
M. le Président remercie M Avon d'avoir bien voulu accepter de rappeler à l'Aca-
démie l'œuvre de Victor Leydet. Sa notice sera publiée au Bulletin et restera ainsi
comme un témoignage d'admiration envers notre collègue regretté.
L'ordre du jour appelle la lecture de M. Joseph Didiée sur Un héros vauciusien»
Après un exposé historique des causes qui amenèrent l'envoi d'une flotte franco-
anglaise dans la Baltique en i853, et la description de Bomarsund assiégée par les
armées alliées, notre collègue nous montre le sous-lieutenant de chasseurs Gigot
(de BoUène), à la tète de quelques hommes, s'emparant, dans la nuit du i3 au
14 août i853, de la tour du sud, clé de la place de Bomarsund, dont la capitulation
suivit de peu ce trait d'audace.
M. de Vissac félicite M. Didiée d'avoir retiré de l'oubli le fait d'armes de notre
compatriote. Il rappelle que M. le D' Loque, maire de Bollène, qui avait été invité à
cette séance, s'est excusé de ne pouvoir y assister, retenu par les travaux parlemen-
taires.
En l'absence de son fils, M. Joleaud veut bien nous donner un aperçu de l'étude
due À M. Léonce Joleaud, sur la série miocène dans le bas comté Venaissin. Après
un aperçu rapide sur la tectonique de la région affectée par des plissements antô-
oligocènes de direction ouest-est et des plissements miocènes, notre collègue nous
démontre l'existence de toute la série miocène depuis la mollasse à P. Davidl
jusques aux sables à Térebratula calathiscus. C'est toutefois avec un point de doute
qu'il rapporte à cette dernière formation les sables de la base de la colline de Bédar-
rides. Il attire notre attention sur le démantèlement de toutes les assises miocènes
supérieures au schlier, démantèlement dû au peu de stabilité des marnes à Pecten
Gentoni. Il consacre quelques instants à la question du sous-sol d'Avignon que les
sondages effectués à Monclar ont permis d'élucider. Ce n'est pas comme on le
croyait jusqu'à aujourd'hui, le pliocène sur lequel reposent les alluvionsde la plaine
avignonaise, mais le schlier. Ce ne sera donc qu'à une grande profondeur que l'on
pourra rencontrer un niveau aquifère de quelque importance.
M. Joleaud fait encore remarquer que le bassin aquifère souterrain d'Avignon est
de peu d'étendue. En effet, à Sorgues, le schlier ne forme plus le substratum de
dépôts d'alluvions de la plaine ; il est remplacé par les marnes plaisanciennes. Un
sondage effectué dernièrement dans cette ville a permis, en effet, de vérifier la
présence du pliocène. Il existe donc pour notre collègue une ride invisible à la
surface du sol, qui sépare nettement en deux bassins géologiques les plaines
d'Avignon et de Sorgues.
Le temps faisant défaut, M. Joleaud renvoie à une autre séance la fin de sa savante
conférence.
Avant de lever la séance, M*' Marcowitz est élue membre de l'Académie de Vau-
cluse.
U Stcréiaire, U Président,
C. Chatslbt. Baron M. de Vimac,
Volumes et Fascicules
REÇUS PAR L'ACADÉMIE
Depuis la publication du dernier Jascicule des Mémoires.
I.— Envois du Ministère de l'Instruction publique
et des Beaux- Arts.
I* Comité des travaux historiques et scientifiques : Bulletin historique et philolo-
gique, igoS, n** 3 et 4 ; 1904. n- \ et a. — a* Les Médailleurs français du XV siècle au
milieu du XVII* siècle, par F. Mazerolle. t. III, album — 3* Bibliographie générale
dos travaux historiques et archéologiques publiés par les Sociétés savantes de la
France (1901-1902), par MM. de Lasteyrie et Vidier. — 4* Bulletin archéologique du
Comité des travaux historiques et scientifiques, 1904, a* livr. *
II. — Dons des auteurs
I* M. Antoine Sabatier, membre titulaire de TAcadémie de Vaucluse : Le pont
Morand de Lyon et ses billets de péage. — 2* M. Casimir Châtelet, membre titu-
laire : Description d'une espèce nouvelle du genre Glandina. — 3' M. Albert
Breittmayer : Le Rhône, sa navigation depuis les ten^ps anciens jusqu'à nos jours.*—
4* M. Emile Perner, membre titulaire de l'Académie de Vaucluse : Léon de Berlue-
Pérussis ; — Les Marseillaises et le connétable de Bourbon. — 5* M Charles Cotte:
Sur les poteries de l'abri de la Font-des-Pigeons k Château neuMès-Martigues. —
6' M. Joseph Ducos, ancien président de l'Académie : La Jeunesse du saint roi Louis,
poème dramatique.
III. — Envois des Sociétés correspondantes.
Accademia di conferenze storico-giuridiche : Studi e documenti di storia e diritto,
anno XXV, fasc. i et 2. — Société d'étude des sciences naturelles de Béziers : Bulle-
tin, année 190a.— Société pour la conservation, des monuments historiques d'Al-
sace : Mémoires, a' série, t XXII, livr. 1. — Société de statistique de Marseille :
Répertoire des travaux, t. 46 (1902-1903). — Société des antiquaires de Picardie :
Bulletin, 1904. i", a' et 3* trîm. — Société languedocienne de géographie : Bulletin,
t. V. 1904. — Revue horticole de Marseille, n- 601 à 606.— Académie et université de
Lille : Bulletin, 1904. n* 3. Société pour l'étude des langues romanes : Revue,
5* série, t. VII, fasc. iv et v; t. VIII. n* i.— Société des antiquaires de la Morinie : Hulletin
historique, 1904. a* fasc. — Acadénie de Stanislas : Mémoires. 6" série, t. 1. 1903* 1904.
— Société de spéléologie : Bulletin et Mémoires, n* 36.— Bulletin historique du diocèse
de Lyon, n" a9 à 3i. — S(»ciélé des sciences naturelles de Sa ône-et- Loire : Bulletin,
1904, n** 7 à 10. — Société a'études scientifiques et archéologiques de la ville de
294 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE DE VAUCLUSE
IJraguignan :. Mémoires, t. XXIII. — Société ' française d'archéologrlc : Congre»
archéologique de France. 69* et 70* sessions, 190a et 1903. — Société des sciences,
belles-lettres et arts du Tarn : Revue. 1904. n^* 4 et 5 . - Revue de Saintonge et d'Au-
nis, 1904, 5- et 6' livr. ; 1905, i" livr. — Académie de Nîmes : Mémoires, i9o3. —
Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze : Bulletin, 1904, a» et 3* livr. — Anales
del Museo nacional de Mexico, secunda epoca, t. I, n*' 7 a 10; - Boletin, t. 1, n^' 10 à.
la et supplément. ~ Revista de la Universidad de Buenos-Aires, t. I, n** 3 à 5<
t. II, n*« 6 à lo. — Académie delphinale : Bulletin, 1903.— Société d'archéologie et de
statistique de la Drôme : Bulletin, iSret iSa' livr. — Société des Amis de l'Université
de Clermont-Perrand : Revue d'Auvergne, 1904. n**4 à 6. — Annales de Saint-Louis-
des-Français, t. IX, fasc. i et a. — La Diana : Bulletin, 1904, n«* i et a. — Académie
de Metz : Mémoires, i90i-i9oa. — Société de statistique des sciences naturelles et des
arts industriels du département de l'Isère : Mémoires, 4' série, t. VII, 1904. — Société
florimontane d'Annecy : Revue savoisienne, 1904, 3' et 4* trim. — Société d'études
provençales : Annales, 1904, n"* 5 et 6 ; 1905, n' 1.— Comité de l'art chrétien : Bulletin,
1904, n"» 49. — Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes : Mémoires,
t. XVIII. 1903. — Société archéologique du Midi de la France : Bulletin, n* 33. —
Société littéraire, historique et archéologique de Lyon : Bulletin, 1904, 3* et 4* trim.—
Société neuchateloise de géographie : Bulletin, t. XV, 1904. — Société d'études des
Haùtes-Alpes : Bulletin, 1904, n* ta. ^ Académie des sciences, d'histoire et d'anti-
qvjités de Suéde : Anlikvarisk tidsgrift for Sverige, t. XVII, fasc. 3. — Société des arts
et des sciences de Carcassonne : Mémoires, t X, 1904. — Museo nacional de Monte-
video : Geografia fisica y esférica de las provincias del Paraguay, y Misiones
Guaranies, compuesta par don Félix de Azara,... Anotaciones par Rodolfo R.
Schuller (Anales del Museo nacional : Secciôn hist6rico filosôfica, t. I). — Académie
des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse : Mémoires, t. IV. — Société
nationale des antiquaires de France : Mémoires et documents, Mettensia, t. IV.
fasc. a; mémoires, 7* série, t. III (1903). — Université de Lyon : Annales, i** série,
sciences, médecine, fasc. i3:, Louis Veunier, Contribution à l'étude des composés
diazoamidés ; — fasc. 14 : Attale Riche, Étude stratigraphique et paléontologique sur
la zone à Lioceras concavum du iVont d'or lyonnais; — fasc. i5 : Raymond Le
Vavasseur, Quelques considérations sur les groupes d'ordre fini et les groupes finis
continus. — Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers : Bulletin.
3* ^érie, t. V, a' livr. — Société d'étude des sciences naturelles de Nimes : Bulletin.
^ XXXI.— Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, 45' vol.
contenant la table.
TABLE DU TOME -XXIII
(ANNÉE 1904.)
PâgOt.
Aton (Emile). — Victor Leydet. Notice lue à l'Académie de Vaucluse à la
, séance du i" décembre 1904 • • 977
Bibliothèque de 1* Académie : Volumes et fascicules reçus. . . . 87. 936 et ^ * 99!
Bourges (Gabriel). — Discours à l'installation du nouveau Bureau Y
Dbstandau. — De l'Enseignement aux Baux avant 1789 17
DiGONNKT (F.). — Orange antique. Un nouveau monument romain. \ . . • 19)
P6te À Paris en l'honneur de Pétrarque 98f
Installation du nouveau Bureau (
Labandb (L.-H.). — Bertrand du Guesclin et les États pontiacaux de France. • ^
— Nouvelles archéologiques intéressant le département de Vaucluse :
Enlèvement de mosaïque romaine à Vaison, fouilles de Venasque. • 317
Laval (D' Victorin).— Discours prononcé à la Sorbonne à la cérémonie en
l'honneur de Pétrarque 38i
— Lettres inédites de Rovère, membre du Conseil des Anciens, à son
, frère ex-évéque constitutionnel du département de Vaucluse. i*' Jan-
vier 1796-15 août 1797 (suite), 7 399
Mantbybr (Georges de). — La Sépulture de Silvanus à Vachères. • • . « 11
Pansirr (D'). — Jean de Tournemire, étude biographique 89
Procès-verbaux des séances de l'Académie 81, 321 et 387
Râouis (D'). — Les Amanites de la Provence loS
Sauve (Fernand). —La Région aptésienne, études d'histoire et d'archéologie.
— L Le vallon de l'Aiguebrun, Buoux. le village et l'ancien Fort, Saint-
Symphorien isj
TissAC (Baron de). — Discours À l'installation du nouveau Bureau S
ANNÉE 1903
SUPPLÉMENT DES ANNÉES 1894 A I9O2 (l)
1348. Affaire Vidal. Les vols de la mai-
rie d'Avignon. Compte rendu
sténographique... — Avignon, E.
Millo, in-S*.
Cour d'assises de Vaucluse,
session d'octobre igoS.
1349. Albe (Abbé Edmond). — Autour
de Jean XXIL Les familles du
Quercy. Deuxième partie. II : Les
cardinaux Gaucelin de Jean et
Bertrand du Pouget. III : Neveu
et petit-neveu du pape. Les
Cardaillac. IV : Dernier neveu et
autres parents. [Voir n* 1190.] —
Annales de Saint- Louis-des- Fran-
çais, t. VII, 1902-1903, p. 141, 287,
441 ; — Rome, P. Luggiani» 3 bro-
chures in-8'.
Cf. MoLiNiER (Charles), dans
les Annales du Midi, 1904, p. 359.
i35o. — Contribution à l'histoire du
diocèse de Cahors. — [Notice
sur Bertrand Tissandier, évoque
d'Apt.] — Revue religieuse de
Cahors et de Roc-Amadour ; —
Cahors, F. Plantade, in -S*.
i35i . — Quelques-unes des dernières Vo-
lontés de Jean XXII. — Bulletin
de la Société des éludes littéraires,
scientifiques et artistiques du Lot,
t. XXVII, 1902, p. 2o5; — Cahors,
Delpérier, in-8'.
i352. Albe (Abbé Edmond) et Esquieu
(L.). — Une Bulle de Jean XXII
(27 juillet i33o) sur le monastère
d'Espagnac. — Bulletin de la So-
ciété des études.., du Lot, t. XXVII.
1902, p. 227.
1353. Allard (R.|. — Une Visite à Mis-
tral. — Nouvelle Revue, i" février.
1354. Allmer (Auguste . — [Epitaphe
trouvée à Saint-Marcellin, près
de Vaison.] — Revue épigraphique
du Midi de la France, t. III, n*
84 (1897), p. 447, n* 1184.
i355. — [Fragment d'une inscription
monumentale à Vaison.]-— Revue
épigraphique du midi de la France,
t. III, n* 83 (1896). p. 43i. n* 1169.
i356. — [Pierre de limite et épitaphes
trouvées à Suzette, Beau mont
et Malaucène.] — Revue épigra-
phique du midi de la France, t. III,
n« 78 (1895), p. 354, n- 1117a
II 19.
1357. Almanach du Syndicat agricole
vauclusien. — Avignon, la Coopé-
rative agricole, 1902 et 1903, 2 vol.
in-8*.
i358. Amic (Joseph). — Discipline, hié-
rarchie, charité- Liberté, égalité,
fraternité. Rapport sur le con-
cours pour le prix des anciens
élèves présenté à la distribution
des prix de l'école libre Saint-
Joseph, le 26 juillet 1903. — Avi-
gnon, F. Seguin, in -8*.
1359. Annales de l'Académie de liltéra-
rature [érigée dans le Petit Sé-
minaire d'Avignon. Voir n ' 570,
728, 901. io53 et 1191.]— bulletin
de l'Association fraternelle des
anciens élèves du Petit Séminaire
Bienheureux - Pierre - de • Luxem-
bourg d'Avignon, p. 14.
i36o. Annuaire administratif, historique
et statistique de Vaucluse, pu-
blié par L. Duhamel, ... Année
1903. — Avignon, Bernaud et C^ ,
in-8*.
i36i. Annuaire d'Avignon. Administra-
tion, commerce, industrie. i9o3.
Edition Ad. Capeau,... — Avi-
gnon, F. Seguin, in-8*.
i362. ARDOUiN-DrMA2»T. — Voyage en
France, 8* série : le Rhône, du
Léman à la mer. 2' édition. —
Nancy et Paris, Berger-Levrauli
et C", in-i6.
i363. Arnauld de Villeneuve.— Arnaldi
(i) Les publications dont le millésime n'est pas indiqué sont de Tannée 1903.
64
feIBLlOGRAPHiE VAUCLUSIEN>^E:
de Villanova libellus regiminis
de confortatione visus [publié
par le D' P. Pansier]. — Mémoi-
res de l'Académie de Vaucluse,
p. 1 ; — Paris, J.-3, Bailliére et
Jils, in-8-.
1364. Association amicale des anciens
élèves de l'école de la rue Téle-
Noire. Avignon.. . Catalogue des
livres de la bibliothèque. — 5. /.,
in-S».
Ligue française de renseigne-
ment.
i365. Atau (J.). — Quatre Bulles relati-
ves à Pierre de Foix le Vieux. —
Revue -de Gascogne, «nai.' p. ssi .
Au- ARD (A.). — Voir LXval (D' Vic-
torin), n' 1461.
i366 B*LiNC0URT (Comte E. de).— Deux
Livres de raison du XV* siècle.
Les Merles de Beauchamps. —
Mémoires de P Académie de Mmes,
t.XXVI.p. I ; - Nimes, A. Cfiasta-
1» gnUr, in-«*.
1367. BARTHOLOMiBis (V. de). — Di una
Canzone erroneamente attribuita
al trovadore Rambaldo de Va-
queiras. ~- Bolletino délia Società
filotogica romana , p. ai.
i368. Batiffol (L.). *- Une Réception de
Louis Xlll en Avignon. — Revue
hebdomadaire, 16 mai.
1369. Baudoin- BuGiïET. ^ Rapport con-
cernant la vérification des dé-
penses supportées par la ville
d* Avignon ft Toccasion des élec-
tions législatives de igo3. — Avi-
gnon, E. Milto, in-8*.
1370. BaumGarten (P. -M.). — Untersu-
chungen und Urkunden Qber die
Caméra coUegii cardinalium fOr
die Zeit von 1295- 1437.— Leipzig,
1898, in-8v
1371. Beauquier (H.). — Une Œuvre de
Jean Aicard au théâtre d'O-
range. — Revue Jorézienne, sep-
tembre.
1373 Bellet (Daniel). — Le nouveau
Pont métallique d'Avignon. —
tja Nature, I903, t. II. p. 33i.
1373. Benoît XII. -* Lettres communes,
analysée»... par F.-M. Vidal, ...
Deuxième • fascicule. [Voir n'
Ï202.] — Paris, A. Fontemoing,
ln-4V
Bibliothèque des Ecoles fran-
^ çaised d'Athènes et de Rome, 3*
série» Lettres communes des pa-
. pes d'Avignon... N' 2 bis.
1374. BBRGlKff et EirrHYMB-CHAPUlS. —
Saint Elzéarde Sabran, du tiers-
ordre (ia85-i325). — Paris, 1897,
in-8^.
1375. BE:ttNAi»o(E.9. — François Guigue.
— Avignon, Auàanel frères, in- 16.
1376. BEiïtiwi-ATTiLj (Clella). — - Il Pe-
trarca e la poesia d'amore. —
Cronache delta civiltà êlleno-la-
tina, p. 360.
1377. BiRÉ (Edmond). — La Jeunesse
d'Armand de Pontmartin. — Le
Correspondant, 10 février, p. 483.
1378. — Un Chapitre d'histoire litté-
raire. Les vrais Jeudis de Madame
Charbonneau. — Le Correspon-
dant, 35 juillet, p. 359.
1379. BiRET. — Aperçu historique sur les
serrures [avec les statuts de la
corporation des serruriers d'Avi-
gnon, ibnb.]— Mémoires de l'Aca-
démie de Vaucluse, 1903, p. 401 ; —
Avignon, F. Seguin, 1903, in-8*.
i38o. BizoT(A. . —La Vallée du Rhône.
De Lyon à Avignon. — [Vienne,
Ogeret et Martin], in-8*.
i38i. Bliemetzriedfr. — Zur Geschichte
der grossen abendlândischen
Kirchenspaltung. — Studien und
Mitt/ieilungen, 2' et 3* trimestres.
Cf. Ledos (E.-G).. dans \a Revue
des Questions historiques, 1904,
p. 269.
i38a. BoLSi (Domingo). ~ L'Amor patrio
in Francesco Petrarca et le epis-
tole ad Andréa Dandolo, doge di
VtntziR,,— Areezo, Cristelli, in-8*.
1383. BoNNBFONS (Antoine),, — Un Soldat
d'Italie et d'Egypte. Journal
d'Antoine Bonnefons [né À Avi-
gnon, mort à Carpentras]. 7 no-
vembre 1792-31 février 1801. —
Paris, J. Leroy, in-8».
Collection de textes inédits tirés
des manuscrits de l'Inguimber-
tine, publiés par Léon-G. Pélis-
sier. L
1384. Borghi (L.-C.). — Due Sonetti di F.
Petrarca studiati. — Venezia,
1897. in-8*.
i385. Bourgogne (Maurice). — Ascen-
sions d'hiver en Provence. Le
Mont Ventoux. '— Club alpin
français. Bulletin de la section de
Provence, p. 33.
Brian ES (D'). — Voir Laffont (D')
et Brianes (D'), n^ 1458.
Brisset (Fernand). — Voir PéTRAR-
QUE, n* 1490.
i386. Brousse (Paul). ^ Frédéric Mis-
tral, ses œuvres, le félibrige. —
Périgueux, imp. de la Dordogne,
in-i8.
Extrait du Bournatdu Périgord.
i387. Cabanes et L. Na&s (D**). — La
Médecine dans l'histoire : le pape
Jean XXII et ses pratiques occul-
tes. — Chronique médicale, i" juin
1903.
Gagnât. — Voir Inscription, n* 1440.
i388. Calmbt (Abbé P.). — Sommaire
des bulles de Clément VI con-
cernant le diocèse de Rodez,
d'après le sommaire de P. de
Montroy et les Regesta d'Avi-
. gnon. [Voir n" io65 et 1310.] —
Annales de Saint-Louis-des-Fran-
çais, t VII, 1903-1903, p. 493.
1389. Calmette (J.). — Benoît XIII et le
ANNÉE igoS
65
muscat de Claira. — Revue d'his-
toire et cT archéologie du Roussit^
ton, p. 229.
Capeau (Adolphe .—Voir Annuaire
d'Avignon, n* i36i.
iSgo. Carlini (Armando). — Studio su
• l'Africa » di Francesco Petrarca.
— Firenze, suce. Le Monnier, in-8'.
Biblioteca Petrarchesca. III.
1391. Carrêrb (J ). - Le Théâtre d'O-
range. — Revue hebdomadaire, 8
et 29 août.
1392. Carvalho (J.). — La première Re-
présentation à Orange. — Revue
hebdomadaire, 22 août.
1393. Catalogue de la bibliothèque pa-
roissiale de Saint-Pierre d'Avi-
gnon. — Avignon, Aubanel frères,
in-i6.
1394. Catalogue de la collection musicale
J.-B. Laurens, donnée à la ville
de Carpentras pour la bibliothè-
que d'Inguîmbert. — Carpentras,
Seguin, 1901, in-8*.
1395. Cesareo (G.-A.). — Gli Amori del
Petrarca. — Giornale Dantesco,
1900, n» 1.
1396. — La nuova Critica del Petrarca.
— Nuova Antologia, 16 mars 1897.
1397. — Le Poésie volgari del Petrarca
secondo le mdagini più recenti.
^ Nuova Antologia, ]u\n 1895.
1398. — Di un Codice Petrarchesco délia
Biblioteca Chigiana. — Roma,
1895, in.8',
1399. Chabas (R.). — Inventario de los
libros, ropas y demâs efectos de
Arnaldo de Villanueva. —Revista
de archivos, bibtiotecas y mitseos,
t. VIII, 2" partie, p. i57.
1400. [Circulaire de sœur Jeanne de Sa-
les Marcel, supérieure de la Visi-
tation d'Avignon, sur les événe-
ments accomplis les années pré-
cédentes dans le couvent. 28
décenbre I9c3.] — [Avignon, F,
Seguin], in-4*.
14CI . Clément VI. — Acla Clementis VI,
pontificisronnani, 1 342-1 352. Opéra
Ladislal Klicman. — Prague, F.
Rivnac, in-8'.
Mon u me n ta vaticana res gestas
Bohemicas illustrantia. I.
1402. CoCHiN (Henry).— Essais et noti
ces .. Un correspondant français
de Pétrarque. — Revue d'histoire
et de littérature religieuse, mai-
juin.
1403. — Le Frère de Pétrarque et le livre
du € Repos des religieux». [Voir
n**924. I075et 1210.]— Parts, Bouil"
Ion, in-i6. •
Bibliothèque littéraire de la
Renaissance, t. IV.
1404. CoMBET (J.). — Louis XI et le Saint-
Siège «1461-1483). — Parts. Ha-
chette et O* , in-8'.
1405. Conclusions : i* Pour MM.Pamard,
Julien Bonnet et Léon Bonnet,
exécuteurs testamentaires et lé-
gataires universels de M. Lajard...
Et 2' Pour MM. Digonnet, Julien
Bonnet et Helen des Isnards,
exécuteurs testamentaires d'Es-
prit ('alvet... contre la ville d'A-
vignon et autres... — Nimes, A.
Chastagnier, in -4*.
Cour d'appel de Nimes, i**
chambre...
1406. CosMo |U j. — Messer F. Petrarca
e i vasai di Ponte di Brenta^—
Nuova Rassegna, 1894, n* 4.
1407. Croce (Enrico). -^ La vera Laura
di Francesco Petrarca. — Cro-
nache delta ciiHttà elleno-latina,
anno II, p. 44 et 106.
1408. Darmangeat (Louis). — Histoire de
la royale et dévote compagnie
des Pénitents gtis d'Avignon.- —
Avignon, J. Roumanille, in-8*.
1409. DtpREZ (Eugène). — La Guerre de
Cent ans à la mort de Benott Xil.
L'intervention des cardinaux
avant le conclave et du pape
Clément VI avant son couronne-
ment (25 avril-t9 mai i342). —
Revue historique, t. 83, p. 58.
1410. Des EssAfcTs (E.). — Pour Théodore
AubaneL — Revue des poètes,
10 juin.
1411. Devoluy (P.). — Avignon. — Re-
vue hebdomadaire, i5 août.
141 2. DoizÉ floseph). — Le dernier Pape
d'Avignon [Benoît XIII] — Étu-
des, revue Jondée par les Pères de
la Compagnie de Jésus. 5 février.
1413. — Benoît XIU & Peniscola —
Etudes... par les Pères de la Com-
pagnie de Jésus, 5 mai.
1414 DoNÉVAL (R. de). — Avignon,
Orange. — Valence, J. Toursier^
in-i6.
Guides Pol.
Duhamel (L.). — Voir Annuaire,
n i36o.
1415. Duhamel (Paul). — De la Situa-
tion des aliénés dans le Comtat-
Venaissin et dans Vaucluse.
1680-I901. — Montpellier, Serre et
Roumégous, in-8'.
1416. Espérandieu (Emile). — [Autel À
Lanovaius trouvé à Cadenet et
marques de fabriques sur lam-
pes, à Camaret et Orange]. —
Revue épigraphique, t. 1 V, n* 97
(1900), p. 90 et 95, n" i334 et 1345.
1417. — (Epilaphe en l'église de Vau-
cluse.] — Revud épigraphique,
t. IV. n* 99 (1900), p. i3i, n» 1366.
1418 — [Inscriptions découvertes à Mé-
nerbes, Vaison, Apt.| — Revue
épigraphique, t. V. n* 1 10 (i9o3), p.
34. n»* 1542 a 1546.
Esquieu. — Voir Albe (Abbé Ed-
mond) et Esquieu (L.\n<» i352.
Euthyme-Ch^puis. — Voir Berguln
et Euthyme-Chapuis, n* 1374.
1419. Fauchbr (Paul de). — L'B<-slibri9
66
BIBLIOGRAPHIE VAUCLUSIENNE
du marquis de Seguins-Vassieux.
— Archives de la Société fran-
çaise des collectionneurs d'ex-
libris ; — Mdcon, Protat Jrères,
in-4*.
1420. — Joseph-Marie-Calvier, peintre
de Bollène. 1 749- 1819. — Mémoires
de V Académie de Vaucluse, p. 25i.
1421. — Mobiles et mobilisés de Vaucluse
en campagne (1870- 1 871). — Avi-
gnon, F. Seguin^ in-8'.
1422. FiNKE (H.) — Arnaldo de Vilanova
en la corte de Bonifacio VIII. —
Boletin de la real Academia de
buenas letras de Barcelona, t. I,
1901-1902, p. 24.
FoERSTER (W.). — Voir Nève (Jo-
seph), n' 1483.
1423. Foulon de Vaulx (André). — M"'
Parrocel. — L'Intermédiaire des
chercheurs et curieux, t. XLVII,
' col. 355.
1424. Fredericq (P.). — Deux Sermops
inédits de Jean de Fayt sur les
Flagellants (5 octobre 1349) et sur
le Grand Schisme (1378). — Bul-
letin de l'Académie royale de Bel-
gique, classe des lettres, n" 9-10.
1435. Gaspeponi (G.). — La Canzone air
Italia del Leopardi in relazione
con quella del Petrarca. — Savi-
gnano Rom., 1897. in-8'.
1426. Gastoué (Amédée). — Les anciens
Chants liturgiques des églises
d'Apt et du Comtat. — Grenoble,
Brotel, 1902, in-8'.
1427. Géographie pittoresque et monu-
mentale de la France... Tome V,
p. 449-480. [Département de
Vaucluse.] - Paris, E. Flamma-
rion^ in-8*.
1428. GÔLLER (Emil). - Zur Stellungdes
pàpstlichen Kamerars unter Cle-
mens VII. '" Archiv fur katholi-
sches Kirchenrecht, Bd 83. p. 387.
Cf. Ledos (E.-G.). dans la Re-
vujc des Questions historiques, 1904,
p. 270.
1429. Gonnet (Abbé E.). — Biographie
de M. l'abbé Joseph Chabert, de
Sorgues, ancien secrétaire géné-
ral de Tarchevèché d'Avignon
(1826-1903'. Edition nouvelle,
augmentée d'une notice biogra-
phique sur M. l'abbé Arsène
Odidier,de Sorgues (1822 1899). —
Avignon, Aubanel Jrcres.\n8'.
1430. — Biographie de M. l'abbé Victor
Pons ide Valréas), supérieur de
l'école libre de Saint- Joseph d'A-
vignon (i 827-1903). — Avignon,
Aubanel frères, in-8'.
1431. — Double Notice biographique sur
M. l'abbé Joseph Bezet (de Sor-
gues) et sur M. l'abbé Romuald
Lambert (de Sorgues). — Avi-
gnon, Aubanel frères, in-8*.
1432 . — Notice biographique sur M. Tabbé
Arsène Odidier, de Sorgues
(1822-1899). — Avignon, Aubanel
frères, in-8'.
1433. GossART (Ernest). — Antoine de la
Sale (i), sa vie et ses œuvres, a*
édition. — Bruxelles, H. Lamertin,
1902, in-8'
1434. Grabowski (D' Tadeusz).— Petrarca
i Du Bellay. Kartka z dziejôw
Renesansu we Francyi. [Pétrar-
que et Du Bellay. Contribution
à l'histoire de la Renaissance en
France.] — Cracovie, KozianSki,
in-8'.
1435. Grôber (G.). — Von Petrarca's
Laura. — Miscellanea di studi
critici édita in onore di Arturo
Graf, p. 53.
1436. GuÉRARD (Abbé L.). — Documents
pontificaux sur la Gascogne
d'après les archives du Vatican.
Pontificat de Jean XXII (i3i6-
1 334)... IL — Paris^ Champion,
in-8'.
Archives historiques de la Gas-
cogne.
1437. Hallays f André). — En flânant.
A travers la France. Touraine et
Berry, Saumurois. vallée du Loir,
Velay et Auvergne, Bourgogne,
Normandie, Provence et Comtat.
— Paris, Perrin et (M^ in-16.
1438. Haller. — Die Verteilung der ser-
vitia minuta und die Obligation
der Pràlaten im i3. und 14. Jahr-
hundert.— Quellen undForschun-
gen aus italienischen Archtven und
^ibliotheken, t. I (i897), p. 281.
1439. Héron de Villefosse et Labande
(L.-H.). — Les Mosaïques romai-
nes de Villelaure (Vaucluse). —
Bulletin archéologique du Comité
des travaux historiques et scienti-
fiques, p. 3; — Paris, imp. nat.,
in-8'.
1440. [Inscription romaine trouvée à Mé-
nerbes. Rapport de M. Gagnât.]
— Bulletin archéologique du Co-
mité des travaux historiques et
scientifiques, 1903, p. cxxii ; 1904.
p Li et civ
1441. Jannacconi (R.).— Saggi storici e
letterari (saggio di spiegazione
délia canzone del Petrarca air
Italia). ♦ Aquila, 1900, in-8'.
1442. Joanne (Adolphel, Avignon et
ses environs (Villeneuve, l'Isle-
sur-la-Sorgue, Fontaine de Vau-
(i) Les ouvrages concernant Antoine de la Salle, le littérateur français du
XV siècle, seront désormais signalés. Un mémoire paru à son sujet en 1904 a en
effet démontré qu'il était originaire du diocèse d'Avignon.
ANNÉE igoS
«7
cluse). Guide Jeanne. — Paris,
Hachette et O' , in-i6.
1443. Jouve (Auguste). — Révision du
périmètre et contribution 1902 du
syndicat de la Durance à Cavail-
lon. — Cavaillon, Mistral, in-8*.
1444. Jouve (Michel). — * Journal d'un
chanoine au diocèse de Cavaillon
(1664 a 1684^ Fragments du livre
de raison de Gaspar de Grasse.
— Mémoires de l'Académie de
Nimes, t. XXVI. p. 117 ; — Nimes,
Chastanier, Debroas-Duplan, 1904,
in-8*.
1445. Kirsch (Johann-Peter). — L'Ad-
ministration des finances ponti-
ficales au XIV* siècle. — - Revue
d'histoire ecclésiastique, t, I(igoo).
p. 274.
1446. — Note sur deux fonctionnaires de
la Chambre apostolique au XIV*
siècle. — Mélanges Paul Fabre,
190a. p. 390.
1447. — Die p&pstlichen Annaten in
Deutschland wàhrend des XIV.
Jahrhunderts. I. Von Johann
XXII. bis Innocenz VI. — Pa-
derborn, F. Schûning, in-8'.
Quellen und Forschungen aus
dem Gebiete der Geschichte. IX.
Klicman (Ladislas). — Voir Clé-
ment VI, n* 1401 .
1448. KoBNiG (L.).— Die papstliche Kam-
mer unter Clemens V. und
Johann XXII.- Wien, 1894, in.8*.
Labandb (L.-H.). — Voir Héron de
ViLLEFOSSE et Labande (L.-H.),
n* 1439.
1449. — L'Avignon papal d'autrefois.
Funérailles des souverains pon-
tifes et fêtes à l'occasion de l'exal-
tation de leurs successeurs. —
L'Art, 3* série, t. III. p. 464.
1450. — Den beromte Elfenbens-Kristus
i Avignon-Museet i Sydfrankrig.
— Frem, 22 mars
1451. — Catalogue des manuscrits de
la Bibliothèque de Carpentras.
T. III. 2« partie [table]. Paris,
Plon-Nourrit et (,**, in-8*.
Catalogue général des manu-
scrits des Bibliothèques publi-
ques de France. Départements,
t. XXXVI.
1452. — La dernière Fondation des pa-
pes avignonais. Le couvent des
Célestins d'Avignon. — L'Art, 3'
série, t. III. p. 586 [à suivre].
1453. — Familles juives d'Avignon. —
— L'Intermédiaire des chercheurs
et curieux, t. XLVII.col. 236.
1454. — M"« Parrocel, — L'Intermédiaire
des chercheurs et curieux, t. XL VII,
col. 354.
1455. — M. Alphonse Sagnier. président
d'honneur de l'Académie de
Vaucluse. Notice lue à la séance
de l'Académie du 29 mai 1903 et
bibliographie de ses ouvrages.
— Mémoires de FAcadémie de
Vaucluse, p. 225 ; — Avignon, F,
Seguin, in-8*.
1456. — Nouvelles archéologiques inté-
ressant le département de Vau-
cluse. II. Découvertes d'inscrip-
ptions et antiquités romaines ou
gauloises à Vaison. Ménerbes,
Cavaillon et Malemort. Les fres-
ques de Simone Memmi au por-
che de la métropole d'Avignon.
— Mémoires de r Académie de
Vaucluse, p. 160.
1457. Lacour (Léopold). — Au Théâtre
d'Orange. Le présent et l'ave-
nir. — La Revue de Paris, i-
septembre.p. 177.
1458. Laffont (D') et Brunes (D'). — A
Messieurs les médecins de Vau-
cluse. — S. /., in-4'.
1459. Lang (Alois). — Die Urkunden
ûber die Beziehungen der pâpst-
lichen Kurie Zur Prov. und Diô-
zese Salzburg... in der Avignone-
sischen Zeit. i3i6-i378. I. i3i6-
i352. — Grj:f, in-8*.
Quellen und Forschungen zur
ôsterreichischen Kirchenge -
schichte, I, i, i.
1460. Larché (D'). — Ville d'Avignon.
Bureau municipal d'hygiène.
10' année. Rapport pour l'année
1902. — Avignon, F. Bemaud et
eu, in-8*.
1461. Laval (D' Victorin). — Joseph-
Agricol Viala. sa naissance, sa
mort, sa glorification, d'après les
documents contemporains. —
Mémoires de l'Académie de Vau-
cluse, p. 41 et III ; — Avignon, F.
Seguin, in 8*.
Cf. AuLARD (A.), dans La Révo-
lution française, 14 janvier 1904.
p. 79.
1462. Lecacheux (Paul). — Bulles du
pape Urbain V concernant le
diocèse d'Avranches (i 362- 1370).
— Avranches, Durand, in-8*.
Lbdos (E.-G.). — Voir Bliemetz-
RiEOBR. n* i38i, et Gôller (Ernil).
n- 1428.
1463. Lefèvre (Edmond). — Bibliogra-
phie mistralienne. Frédéric Mis-
tral. Bibliographie sommaire de
ses œuvres... Notes et documents
sur le félibrige et la langue d'oc.
— Marseille, éd. de l'Idéio prouven-
çalo, in-8«.
1464. Legs (Les) Lajard et Rouvière au
Musée Calvet d'Avignon. Mé-
moire présenté par les exécu-
teurs testamentaires de Calvet.
dans l'appel relevé contre les
jugements du Tribunal civil d'A-
vignon, des 3 et 11 mars 1903.
dans les instances engagées par
la ville d'Avignon contre les hé-
ritiers universels de MM. Lajard
et Rouvière. — [Avignon, F, Se-
guin], in-4*.
68
BIBLIOGRAPHIE VAUCLUSIENNE
• LsopAVDi (G.). — Voir Pétrarque,
n* 149a.
1465. Lesquen (G. de) et Mollat (G.). —
Mesures fiscales exercées en Bre-
tagne par les papes d'Avignon à
l'époque du Grand Schisme d*Oc-
cident. — Annales de Bretagne,
janvier et juillet 1903 ; janvier
1904;— Paris, Picard et fils, in-8*.
1466. LuNEAU (V.). — Quelques Pièces
inédites. [Demi-gros de Jean XXII
frappé À Carpe ntras ; petites
pièces de billon de l'antipape
Clément Vn... Denier de billon
de Raymond IV, prince d'Oran-
ge.] — Bulletin de numismatique ^
t. IX, 1903, p. 25, 73, io5.
1467. Maisonneuve (G.). — Rapport sur
le concours de bonne tenue de
ferme du canton de Pertuis, en
octobre 1903. — Bulletin de la
Société d'agriculture et d'horticul-
ture de Vaucluse, p. 247.
1468. — Les Vins de Vaucluse à la foire
aux vins d'Orange. — Bulletin de
la Société d'agriculture et d'Hor-
ticulture de Vaucluse, p. 8.
1469- Mantovani (D.). — Il Castello di
Colloredo, con la descrizione di
sei quadri del secolo XV raffi-
guranti i Trionfîdel Petrarca. —
Homa, i89d, in-8'.
1470. Mariage de M"* Cvprienne Yvaren
avec le comte Pierre de Laistre,
dans l'église paroissiale de Saint-
Agricol à Avignon, le 6 janvier
1903. — [Avignon, F. Seguin], ^
in-ia.
1471. Mariéton (Paul).— J. Roumanille,
étude biographique. — Montlu-
çon, . Herbin ; Avignon, Rouma-
nille, in- 16.
1472. — I^ Théâtre antique d'Orange et
ses représentations. — Paris, éd.
de la Revue /éliàréenne,ïn'S* .
1473. Martel {E.-A.}. — La Gorge de la
Nesque (Vaucluse). -: La Nature,
1903. t. I. p. 7-
1474 Masquin-Masson ID'\ — Notice sur
l'hydrothérapie, ses effets, ses
indications, son application à
l'établissement de Saint-Didier
(Vaucluse). — Paris, Firmin-
Didot et C, in- 16.
1475. Massé (Emile).— Une Épidémie de
variole à Avignon (décembre
i902-juini9o3), thèse. Montpel-
lier. Delord-Boehm et Martial, in-^" .
1476. Maurin (Georges). Un Évoque
d'Avignon et d^ Nimes sous le
premier Empire IJ.-F. Perier.
d'après le livre de M. l'abbé
Albert Durand]. — Revue du
Midi, p. 56.
1477. M[ÉRrrAN] (J[ules]). — J-a dévote et
royale Confrérie des Pénitents
gri.s à propos d'un livre récent.
— Semaine religieuse du diocèse
d'Avignon, p. 32 1 et 334.
1478. — Discours prononcé à la distri-
bution des prix du petit sérhin^ire
d'Avignon le 21 juillet 190?, â'
l'occasion du concours annuel
pour le prix des anciens élèves.
-^ Avignon, Aubanel frères, in-8*.
Moiji^iER (Charles). — Voir Albe
(Abbé Edmond), n* 1349.
Mollat (Abbé G.). — Voir Lesquen
(G. de) et Mollat (Abbé G.),
n* 1465.
1479. — Clément VII et le suaire de
Lirey. - Le Correspondant, 25
janvier, p. 254.
1480. MoNACi E.). — Sul Carros di Ram-
baldo di Vaqueiras. — Bolletino
delta Società filologica romana,
1902, p. 17.
1481. Moulin (Franki). — Le Préhistori-:
que dans les régions du Sud-
Est de la France. L'abri du Bau
de l'Aubesier (Vaucluse). (Epoque
moustérienne.) Etude géologico-
palethnologique. — Bulletin de
l'Académie du Var; — Toulon, A.
Bordato, 1904, in-8*.
1483. — Le Préhistorique dans la région
du Sud-Est de la France. Notes et
documents. [La Baume des Pey-
rards dans l'arrondissement
d'Apt.]— bulletin de l'Académie du
Var, 1902 ; — Toulon, A. Borda to^
1902, in-8*.
Nass (D' L.). — Voir Cabanes et L.
Nass (Df). n» 1387.
1483. Nève (Joseph). — Antoine de la
Salle, sa vie et ses ouvrages... —
Paris, H. Champion; Bruxelles,
Falkfils, in-8%
Cf. Foerster {W.\ dans le Ute-
raturblatt fur germanische und
romanische Philologie, col 402 ;
Raynaud (Gaston), dans la Roma-
nia, t. XXXIII. 1904, p. 107.
1484. NicoLLET (F.-N.). — Les derniers
Membres de la famille d'Orange.
Montpellier et leurs possessions
dans le Gapençais. - Annales
des Alpes, 1902, p. ; 1903, p. 23.
— Gap, L. Jean et Peyrot, in -8'.
1485. Note sur cinq bulles adressées au
cardinal Pierre de Foix (1440-
1455). — Etudes historiques et reli-
gieuses du diocèse de Bayonne,
1902, p. 553.
i486. Notes historiques sur les mo-
nastères de la Visitation d'Avi-
gnon. [Signé : A. M.] — Semaine
religieuse du diocèse d'Avignon,
p. 43o et 454.
1487. Palais (Le) des papes A Avignon
[avec plan et projets de restaura-
tion] — La Construction mo-
derne, 22 août, p 557.
Pansier (D' P.). — Voir Arnauld
DE Villeneuve, n* i363.
1488. Pantini (R.). — 11 Commenlo al
Petrarca. — fl Marzocco, 1900,
n* 12.
Aî^NÉE ;1903
è9
PÉussiEa (Lépn-G.)- ^ Voir Bon-
N^FONS (Antoine), n* i383.
Pellegrini. (F.). — Voir Pétrar-
que, n* 1493.
1489. Petrarça (Francesco). — L'AUneo,
1894; n* 14. ^ .
1490. Pétrarque. — Canzones, Triom-
phes et poésies diverses. Traduc-
tion nouvelle avec introduction
et notes par Fernand Brisset. —
Paris^ Perrin et O^.in-iô.
1491. - Le Rime, con note...di Rigutini.
— Milano^ i8()6.
1493. — Rime, con l'interpretazione di
G. Leopardi. — Urenit, Le Mon-
nier, 1896, in-8*.
1493. — I Trionfi secondo il codice Par-
me n se 1036, edito da F. Pelle-
grini. — Cremona, 1897. in-8'.
1494. — — Seconda edizione. — Milano,
1899, in-8*.
1495. Peyrb (Roger). ~ I^s Villes d'art
célèbres. Nimes, Arles, Orange,
Saint-Remy.— Paris, H. Laurens,
in-4V
1496. PiERi (M.). - Le Pétrarquisme au
XVI* siècle : Pétrarque et Ron-
sard ou de l'influence de Pétrar-
que sur la pléiade française. -
Marseille, 1896. in-8-.
1497. PiSANi |A.). - 11 Patriottismo del
Petr^rca.— Potenza, 1899. în-8*
1498 Pogatscher(H.). — Die Herausgabe
der Rechnungsbucher der apos-
lolischen Kamnier der XIIL und
XIV. Jahrhundert. — Die Kultur,
t. II(J90i). p. 464-
1499- PORENA Manfredi). — Per l'inter-
pretazione del sonetto petrar-
cliesco « Anima bella •. — Ras-
segna critica délia letleratura
italianà, 1900, n«'9à 13.
i5oo. Posocco (C.-y.). — Per Francesco
Petrarça, nme. — Udine, i8ç^,
in-8*.
i5oi. PouGiN (Arthur). — Joseph d'Orti-
gues. — V Intermédiaire des cher-
cheurs et curieux, t. XLVII, col.
i5oa. Projet de statuts d'une association
de familles catholic^ues [avtgnon-
aises] pour l'enseignement pri-
o;iaijre, libre et gratuit. -— [Avi-
., gnon, F. Seguin\ ïn-^* .
Prost. — Voir Ranch ier (R.) et
PposT, p* iSoO.
i5o3. Provepce (La). Marseille et les Bou-
ches-du-Rhône. Var, Vaucluse»
Basses- Alpe9. Livret-guide Ulus*
tré publié par le Syndicat d'ini-
tiative de Provence... — Afar-
seille, Moulloi Jils aîné, in-i6.
i5o4. Quarta (Nino). — Per la Canzone
[petrarchesca] délie Bell' acque.
— Napoli, 1898. in-8*.
i5o5. * Studi sul testo délie Rime del
Petrarça. — Napoli, Muca, 1909,
]5a6. Ranchibr (R.) et Prost. — C&rte
agronomique <ie la commune de
Beaumes.-de-Venise [et notice
explicative], — Carpeniras, im^^
moderne, in -piano .et in-B*.
i5o7. Rapport sur les conférences ecclé-
siastiques du diocèse d'Avignon,
tenues en 190a dans les divers
dovennés — Avignon, Aubanel
frères, in-8*.
i5o8. Rastoul (Armand). ^L'Unité reli-
gieuse pendant le Grand Schisme
d'Occident (1378-1441). — Paris,
Bloud et 6'i',in-i6
Science et religion. Études
pour le temps présent.
i5o9. R[aymond] (Abbé H.). — Panégyri-
que de saint Eutrope, évêque
d'Orange. — Semaine religieuse
du diocèse d'Avignon, p. 346, 370,
38i et 417.
i5io. — Panégyrique de saint Véran,
évoque et patron de Cavaillon. —
Semaine religieuse du diocèse
d'Avignon, p. 573, 608; année
1904, p. 33 et 49.
iSil-Raynaud (Gaston*. — Un nouveau
Manuscrit du Petit Jehan de
Saintré [par Antoine de la Salle].
Romania, t. XXXI, 190a. p. 537.
— Voir Nève (Joseph), n» 1483.
i5i3. Reboui.et 'Capitaine A.). — Le
Général d'Anselme et ses Maxi-
mes militaires. — Mémoires de
l'Académie de Vaucluse, p. 359.
i5i3. [RiDON (Abbé).] — Notes biogra-
phiques sur les trente-deux reli-
gieuses de Bollène guillotinées
À Orange, du 6 au 36 juillet 1794.
— A vignon, Aubanel frères, in 8* .
i5i4. Ricard (Marius). — Rapport dressé
à la demande de la Société des
cuivres de France dans l'instance
pendante entre ladite société...
contre les S" Carpentras et Ber-
nard devant le tribunal civil
d'Avignon. — [Avignon, F. Se-
guin], in-4'.
i5i5. RiEii (A.). — Chemins de fer et
exportation. Vœu émis par le
Syndicat agricole vauclusien. —
Bulletin du Syndicat agricole vau-
clusien, I" mars ; — Avignon, F.
Seguin, in-8*.
•i5i6. RicuTiNi (G ).— Nota Petrarchesca.
— Roma letteraria, 1899, n* i.
— Voir Pétrarque, n* 1491.
i5i7. [Roux (Abbé|].— Les Bâtiments du
Petit Palais. De la Révolution à
nos jours. — Bulletin de l'Associa-
tion fraternelle des Anciens élèves
du petit séminaire Bienheureux-
Pierrt-de-huxtmbourg d'Avignon,
p. 38.
i5i8. Samaran (Ch.).— La Jurisprudence
pontificale en matière de droit de
dépouille [d'après trois bulles
Inédites d'Innocent VI, d'Ur-
bain V et de Clément VII, i358-
1390]. — Méiange* dTarcHMogic
\
70
BIBLIOCiRAPHIE VAUCLUSIENNÊ
et d'histoire, t. XXII, 1903, p. 141.
iSig. Sauve (Fernand). — > Monographie
de la ville d*Apt (Vaucluse). —
Annuaire administratif de Vau-
cluse, a* partie, p. i ;— Apt, Lànet,
in-8*.
Monographie des communes
de Vaucluse.
i5ao. — Nouvelles archéologiques inté-
ressant le département de Vau-
cluse. I. Découvertes à Apt —
Mémoires de l'Académie de Vau-
cluse, p. i55
i5ai. Sauvet (Prosper). — L'Afifaire du
président Maynier d*Oppède. Un
procès célèbre au XVr siècle,
discours prononcé à la séance
solennelle de clôture de la So-
ciété de jurisprudence d'Aix (con-
férence des avocats), le !•' avril
igoS.— Aix, tourély, in-8».
1522. Segré (Carlo). -— Ghaucer et Pe-
trarca. — Nuova Antologia, i"
janvier 1809.
i5a3. — Studi petrarcheschi. [Réédition
des n*' 814 el iSaa.] — Firen^e,
successori Le Monnier, in- 16.
f524. SiCARDi (Enrico). — Gli Amori
estravaganti e molteplici di
Francesco Petrarca e Tamore
unico per madonna Laura de
Sade. — Milano, Hoepli, 1900,
in-8*.
iSaS. SiLVius. — Le Cardinal de Brogny,
évoque de Viviers. — Revue du
Vivarais, t. XI, p. SSg.
i5a6. Société Vauclusienne des Amis des
Arts. III« exposition. 11 avril-
24 mai 1903. Catalogue. —
Avignon, J. Roche et Rullière
frères, in-8'.
iSa?. SôDERHjELM (Wcrner). — Antoine
de la Sale et la légende de
Tannhâuser. — Mémoires de la
Société néo-philologique à Hel-
singfors,i. II (1897). p. loi.
i5a8. SouzA (Robert de). — Avignon et
ses remparts. Chronique du
vandalisme. — Revue de l'art
ancien et moderne, t. XIII, p. aaS.
1539. Stiavelli (G.). — Gli Amori di
Francesco Petrarca. — L'Ori-
fiamma, 1899, n*9.
i53o. SucHiER (H.). —Recherches sur les
chansons de Guillaume d'Oran-
ge. - Romania, t. XXXII, p. 353.
i53i. Syndicat du canal de Vaucluse.
Compte administratif présenté
par M. le Directeur du Syndicat
pour Texercice 1903. — Avignon^
F, Seguin, in-4*.
i53a. Taudiëre (Henry). — Les Libertés
et les moyens de les restaurer.
Conférence faite à Avignon le
ai juin 1903. — Avignon, F. Se-
guin, in- 16.
i533. Tombeau de Gaspard de Simiane
[au Musée Calvet]. — L'Art pour
tous, i5 juin.
1534. Ubald d'Alençon (R. P.). — Ex-
traits de manuscrits touran-
geaux sur le B. de Maillé, le B.
Hélie de Bourdeille, le P. Marc
d'Aviano, Jean XXII et Saint-
Ouen-le-Brisoult. — Vannes,
Lafolye frères; Paris, in -8*.
i535. Vallbntin (Roger).— Du prétendu
Atelier carolingien de Venasque
(Vaucluse). — Bulletin de numis-
matique, t. III (1895-1896), p. 78.
i536. — Signification de la légende bili-
néaire de quelques doubles de-
niers pontificaux frappés à Avi-
gnon [au XV siècle]. — Bulletin
de numismatique, t. II (1893- 1894),
p. 45.
Valois (N.). — Voir Zanutto (D'
Luigi), n» 1542.
1537. Vidal (Abbé J.-M.). — Notice sur
les œuvres du pape Benoît XII.—
Bulletin de la Société archéologi-
que du midi de la France, 190a-
1903. p. 298.
— Voir Benoit XII. n* i373.
1538. VossLER (K.). — Stil. Rhythmus
und Reim in ihrer Wechselwir-
kung bei Petrarca und Leopardi.
— Miscellanea di studi critici édita
in onore di Arturo Graf, p. 453.
1539. WiGG (J.-C). — M"- Parrocel. —
L'Intermédiaire des chercheurs et
curieux, t. XLVII, col. 353.
1540. WuLFF (Fredrik). — Trois Sonnets
de Pétrarque. [Voir n* i345.] —
Fraen Filologiska toereningen i
Lund, t. II (1902).
1541. Zacharewicz (Ed.). — Champ de
démonstration créé à Caumont
sur le traitement des maladies de
rolivier. — Bulletin de la Société
d'agriculture et d'horticulture de
Vaucluse, p. io5.
1542. Zanutto (D. Luigi). — Il Protono-
tario Jacopino del Torso e le sue
legazioni nel tempo del Grande
Scisma (1407-1408)...— Udine, D.
del "Bianco, in-8*.
Cf. Valois (N.). dans la biblio-
thèque de l'Ecole des Chartes,
t. 64, p. 628.
1543. ZuMBiNi (B.). - Ascensione di F.
Petrarca sul Ventoux. — Nuova
Antologia, mai 1895.